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mercredi 19 juillet 2017

La Petite Russie (Malorossia) va-t-elle succéder à l'Ukraine?



Le dirigeant de la petite République de Donetsk, A. Zakharchenko, vient d'annoncer finalement ce que beaucoup savaient déjà, à savoir que l'Ukraine est un Etat en faillite, qui ne peut s'assumer - ni politiquement, ni économiquement. Ce qui a surpris, ce sont les conséquences qu'il en a tirées. Le régime de Kiev s'étant définitivement discrédité et ayant entraîné le pays dans sa chute, il est urgent de fonder constitutionnellement un nouveau pays sur ces décombres, la Petite Russie (Malorossia), pour éviter que la prolongation de la guerre civile ne détruise définitivement ce qui reste de L'Ukraine. Le processus vient d'être lancé ce 18 juillet. Dans quelle mesure est-ce réaliste et dans quelle mesure est-ce une manière de reprendre la main dans la guerre politique qui accompagne le conflit militaire, à voir.


Le 18 juillet, Zakharchenko a organisé une conférence de presse déclarant l'ouverture d'un processus constitutionnel aboutissant à la création d'un nouvel Etat sur les ruines de l'Ukraine discréditée qui, tout en étant souverain, entrera dans la communauté d'Etats avec la Biélorussie et la Russie. La Petite Russie, ou Malorossia, sera un Etat fédéral, multi-ethnique, reconnaissant les langues régionales et ayant pour langues officielles le malorussien (ukrainien) et le russe. Les régions doivent élire et envoyer des délégués pour siéger à l'assemblée constituante. Cette assemblée adoptera la nouvelle constitution qui sera soumise à référendum. Certains principes doivent faire partie de cette Constitution, comme celui de la neutralité militaire (ce qui signifie ne pas entrer dans l'OTAN ni dans aucune alliance militaire), reconnaître l'égalité des religions, développer le contrôle populaire sur la politique et l'économie (notamment dans la lutte contre la corruption). La Petite Russie revendique la continuité juridique - avant le Maïdan, et n'entend pas assumer les obligations juridiques prises par ce régime.

Certains aspects du projet laissent techniquement songeur. Comment envoyer et surtout élire des délégués régionaux? J'entends, pour qu'ils soient réellement représentatifs. Comment organiser un référendum qui permettent une reconnaissance internationale? 

C'est pourquoi ce projet semble, pour l'instant, avant tout un coup politique. Qui présente plusieurs intérêts.

Tout d'abord, il permet de reprendre stratégiquement la main alors que le nouveau duo russo-américain a été nommé. Pas tout à fait nouveau, car côté russe, V. Surkov, conseiller du Président, continue de s'en occuper. Mais côté américain, l'envoyé est une personnalité encore à tester. Ce projet a donc une dimension de "trolling" géopolitique. Par exemple, la capital à Donetsk, DNR est prête à assurer militairement la sécurité des participants au processus constituant. Sur le fond, il montre aussi une alternative idéologique avec l'interdiction des OGM, la "déoligarchisation" du pouvoir et du capital, le refus de reconnaître les dettes contractées par le régime du Maïdan ... Il y a une sorte de pot-pourri d'éléments sérieux et provocateurs. Dans tous les cas, il est un projet alternatif à celui proposé par Kiev, même s'il s'incrit avec beaucoup de difficultés dans les accords de Minsk, qui de toute manière ne fonctionnent pas.

Ensuite, il permet de soulever une véritable question: celle de la légitimité du régime ukrainien actuellement en place
  • Car il y a bien eu un coup d'Etat en février 2014, dans lequel sont impliqués et les Etats Unis et l'UE à divers niveaux. 
  • Il y a bien eu une occupation physique des lieux de pouvoir par les membres armés du Maïdan (Assemblée, procuratura, tribunaux etc). 
  • Il y a bien une rupture du fonctionnement régulier des institutions : suppression immédiate de la Cour constitutionnelle, fusion des fonctions de Président du pays par interim et de président de l'Assemblée, liquidation des partis politiques d'opposition et arrivée de "députés" militarisés et non élus dans l'Assemblée, suspension de la CEDH, inpossibilité des juges à mener à terme les procès sur les grandes affaires comme les assassinats politiques ou le massacre d'Odessa, des milices armées parasitent le fonctionnement de l'armée (voir un exemple sur le bataillon Aïdar) etc). 
  • Il y a  bien une incapacité à gérer le territoire de l'Etat par le régime en place (perte de la Crimée, guerre civile dans le Donbass). 
  • Les élections présidentielles et législatives qui furent organisées, dans une ambiance de terreur politique (voir à ce sujet les étranges prisons politiques), ne l'ont pas été sur l'intégralité du territoire, des bureaux de vote ont été arbitrairement fermés, les candidats d'opposition n'ont pu faire librement campagne, il n'y a pas eu d'accès aux médias pour tous les partis, etc. 
La légitimité de l'Etat ukrainien, et son existence même, est largement discutable sur le plan juridique. Sans oublier que cet Etat  ne vit aujourd'hui que par les aides internationales, a compté parmi ses ministres plus d'étrangers que de nationaux qui, une fois leurs missions remplies, sont partis. Voir à ce sujet, la composition très "cosmopolite" du premier Gouvernment de décembre 2014 et l'impasse de la gouvernance étrangère. Est-ce réellement le fonctionnement d'un Etat?

Dans ce cas, les territoires et les pouvoirs locaux légitimes sont en droit de refonder un nouvel Etat sur un nouveau pacte social.

Enfin, l'annonce de ce processus constitutionnel relance une vague d'espoir, même en dehors des frontières du Donbass. La population ukrainienne commence à être fatiguée du quotidien. Le régime sans visas a été obtenu, mais les salaires n'augmentent pas, les pensions non plus, à l'inverse des prix à la consommation, des taxes et impôts, sans même parler de la criminalité. Et bien que Kiev ait décidé de la censure sur internet, malgré la politique d'intimidation à l'égard des médias (voir ici l'attaque de la chaîne Inter), l'opinion des ukrainiens envers les russes et la Russie suit une tendance positive. Selon les sondages ukrainiens, en juin 43% (+3% depuis février) ont une opinion favorable et, à l'inverse, l'on observe une baisse des opinions défavorables à 37% (46% en février). Ces chiffres sont significatifs. 

Quand A. Zakharchenko affirme que l'Ukraine est dans une impasse, c'est une réalité. Ce régime n'a rien à proposer à la population, à part l'annulation des visas pour l'Europe. Il leur ouvre les portes pour partir, mais est incapable de gérer le pays dans sa totalité, dans sa diversité, dans sa complexité. Par ce projet, c'est ce qu'apporte la petite République de Donetsk. Il existe une autre voie que celle de la radicalité et de la haine. Ce territoire peut être réuni, retrouver sa position de pont entre l'Est et l'Ouest. Assumer son passé et son héritage soviétique, dans sa complexité elle-aussi.

C'est pourquoi le Département d'Etat américain s'inquiète et l'affirme. Le Kremlin ne fait pas de commentaire particulier, ils ont appris la nouvelle par la presse. LNR ne sait pas très bien comment se positionner. Le ministère russe des affaires étrangères estime que les déclarations de Zakharchenko sont assez loin des réalités politiques. Certains experts estiment que le dirigeant de DNR, à sa manière, s'est révolté contre Moscou, étant fatigué de ses hésitations. Pour comprendre l'enjeu de ces déclarations, l'important est bien de déterminer s'il s'agit d'une action isolée ou bien d'une stratégie à long terme et globale. Seule l'évolution de la situation permettra de trancher, comme ce fut le cas avec Novorossia. P. Poroshenko, pour sa part, semble avoir pris réellement peur et, quelque peu hystérique, menace de reprendre Donetsk et la Crimée dans la foulée.

La communauté internationale ne suivra évidemment pas cette sortie possible de crise, car elle a besoin d'une Ukraine faible, radicale, soumise et dépendante comme arme géopolitique contre la Russie. La population, elle, est fatiguée par toutes ces révolutions colorées et finalement sanglantes. Par cette guerre civile qui n'en finit pas. Par ces discours haineux. Par la pauvreté et l'insécurité. Aura-t-elle la force de mettre un terme à cette folie pour reconstruire son pays? Seule, c'est à en douter.




3 commentaires:

  1. Zakharchenko à voulu réveiller tous ceux qui se sont endormis sur les malheurs du Donbass après avoir foutu le chaos en Ukraine, je parle des américains et des européens.
    Les 2 républiques de Donetsk et Lougansk sont bombardées tous les jours, depuis 3 ans, avec des morts et des blessés, personne ne bouge, tout le monde s'en fout.
    S'il a foutu la trouille à ce balourd de Porochenko c'est tant mieux mais, si les ukrainiens ne sont pas capables de réagir et de se débarrasser de ce gouvernement de fantoches et de corrompus, de prendre enfin leur destin en main au lieu de le subir, ce ne sont pas les autres qui le feront à leur place.

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  2. Hé ben! à la bonne heure
    Qu'avait-ils à suivre aveuglément les peaux de bananes glissés par les cousins de Bhl. On voit où ça fini....

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  3. Brillante analyse. Je pencherai pour un effet d'annonce. Attendons la suite.

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