Pourquoi le nouveau Parc Zariadie à Moscou provoque-t-il de telles réactions?

Inauguré le 9 septembre par V. Poutine, le Parc Zariadie, futuriste et démesuré, construit à l'emplacement de l'ancien hôtel soviétique Rossiya, ouvre le coeur de Moscou aux moscovites. En soi, l'idée est excellente. Mais la démesure et la prétention de cet énième projet de Sobianine, dont le budget est le double du budget annuel de la ville de Tver, a focalisé toutes les attentions et peut être toutes les exaspérations. Pour autant, il est difficile de croire que subitement les moscovites se soient transformés en ces vandales tant espèrés dans la presse occidentale.

Le Parc Zariadie a été créé sur l'emplacement de l'hôtel soviétique Rossiya, qui a été détruit à l'époque de l'ancien maire de Moscou, Y. Loujkov, alors qu'un énième projet de méga-centre commercial prévu a tourné court grâce à la crise économique de 2009. Après plusieurs années, notamment de combats juridiques, le projet de parc a vu le jour, ouvrant le coeur de la ville, zone hautement convoitée, aux habitants. La décision, osée, était belle, l'idée bonne. Mais la réalisation laisse perplexe de par sa démesure. 14 milliards de roubles, soit environ 200 millions d'euros. Grotte de glace, reproduction miniature de la toundra, un philarmonium, un centre médias interactif, 1 million de plantes, micro-climat sous coupole en verre reproduisant la diversité des plantes de Russie, une bretelle piétonne au-dessus de la Moscova pour une vue imprenable sur Moscou .... Un projet futuriste aux portes du Kremlin. Un projet qui s'inscrit dans la politique de Sobianine de radicalement changer l'image de Moscou. Il est vrai qu'à côté de son projet de démolition de milliers d'immeubles considérés comme choquants dans le paysage actuel, dont le coût estimé est de 50 milliards d'euros, le coût de ce parc reste raisonnable ...

Il a été ouvert, comme cela se doit, le jour anniversaire de la ville de Moscou, par V. Poutine:

Ouvert au public le 11 septembre, dès le lendemain l'on apprend que des vandales auraient cassé des panneaux en verre de la coupole botanique, portant atteinte ainsi aux plantes fragiles ayant besoin d'une stabilité climatique. Au bout de 4 jours, la presse croule sous les chiffres d'un vandalisme sans précédent: 10 000 plantes, parfois des plantes très rares, piétinées, arrachées, certains affirment même que les gens les emportent chez eux. Le Parc est obligé de s'adapter, de réguler le passage, les gardes font des appels demandant aux gens de ne pas marcher sur les plantes, etc. Bref, tout l'ambiance est gâchée. 

Mission accomplie? La question se pose. Dans tout Moscou l'on trouve des espaces verts magnifiques, avec des plantes, dans les rues, dans les parcs, tous ces espaces ne sont pas vandalisés, les gens savent se tenir. Mais pas à Zaradie? Pourquoi?

BBC russe lance un reportage sur ces vandales russes qui ont tout détruit, gros plans en preuve. Et l'on retrouve ce bon peuple russe décidément inculte, frustré, haineux, jaloux, rien à voir avec les européens, bref ce peuple n'est vraiment pas civilisé.

Un article dans Ria Novosti nous explique à quel point cela est triste de voir les moscovites se comporter ainsi, alors qu'en Angleterre, lors des fêtes, les gens sont tellement civilisés, eux. Le psychologue de service en remet une couche: ce sont des gens qui sont jaloux, ne supportent pas la beauté, ne savent pas se comporter, ils sont psychologiquement malades. Ils les volent, car ils les veulent chez eux, ce sont des barbares incultes finalement. Vraiment, ces russes, infréquentables.

Au passage, la direction du Parc dément  la vague de désinformation dans la presse affirmant que les visiteurs aient volé des exemplaires de plantes. Finalement, l'explication de hordes en haillons venant prendre un morceau de beauté tombe à l'eau.

Mais personne ne se demande pourquoi? Car finalement, il y a deux solutions.

Soit réellement, les gens se sont jetés contre le Parc Zariadie parce qu'il est devenu un symbole de la démesure grandiloquente et extravagante du Maire de Moscou, qui va trop loin et commence à concentrer en sa personne le mécontentement, qui dépasse les bornes de ce qu'une société peut accepter, intégrer et digérer. Le changement radical de la ville qui se produit sous les yeux des moscovites ne fait pas l'unanimité. Le budget pourrait peut être aussi être utilisé pour renforcer la politique sociale, les salaires, et pas uniquement pour passer des contrats de construction ou de rénovation Un juste milieu serait le bien venu. Ensuite, la brutalité du changement de visage de la ville peut désorienter des gens qui ne se sentent plus chez eux. Sont-ils rétrogrades, psychologiquement malades comme certains l'affirment? Ils ont peut être envie de se sentir chez eux et non entre les pages d'une ville sortie tout droit du Meilleur des mondes. Dans ce cas, s'il s'agit d'une action non concertée, mais de l'expression d'un raz-de-bol et le maire de Moscou, au lieu de condamner la population, devrait se remettre en cause et redescendre vivre parmi les terriens. Au minimum, en pensant à sa réélection, si ce n'est par empathie.

Soit, et vue l'ampleur des dégâts, le choix d'un lieu très symbolique (sorte de cadeau fait par Sobianine au Président russe), l'action n'est peut être pas si "naturelle" et spontanée que cela. La question mérite en tout cas d'être analysée. N'oublions pas que pour prendre, toute vague de mécontentement provoquée a besoin d'un socle réel de mécontentement qui sera bien dirigé au bon endroit au bon moment.

Dans tous les cas, la politique de Moscou devrait être reconsidérée, devenir un peu plus "humaine".