Ce 19 mars, Noursoultan Nazarbaïev, à 78 ans, président du Kazakhstan depuis presque 30 ans, a démissionné. Alors qu'il n'était pas limité dans ses mandats. Que sa popularité reste indéfectible. Qu'il est encore alerte. Et que, de toute manière, les prochaines élections devaient avoir lieu en décembre 2020. Officiellement dénommé Leader de la Nation, il reste toutefois un pilier du pays. Partir tout en restant, autant pour garder le contrôle que pour servir de filet de sécurité, dans un vide politique inquiétant, est une situation particulièrement parlante pour son voisin la Russie.
Avec une grande surprise, l'on a appris que le plus ancien leader de l'espace post-soviétique, Noursoultan Nazarbaïev, encore entré en fonctions sous l'URSS, qui a à la fois très largement ouvert son pays aux Etats-Unis et à l'UE, où les organismes internationaux se sentent comme à la maison, tout en gardant de bonnes relations avec la Russie, bref un personnage politique peu commun, souvent qualifié de pierre angulaire de la stabilité régionale, a annoncé sa démission.
Officiellement, Nazarbaïev quitte ses fonctions de président du Kazakhstan, le président du Sénat, Kacim-Jomart Tokaev, le remplace et a prêté serment devant les deux chambres réunies du Parlement, devenant ainsi président par intérim. Pour autant, il est difficile d'affirmer que Nazarbaïev, en quittant la présidence, quitte le pouvoir. Il reste le "Leader de la Nation" - statut qu'il possède à vie, il conserve la présidence du Conseil de sécurité - donc maîtrise les organes de sécurité et de défense du pays, et garde la présidence du parti politique "Nour-Otan".
Sachant que, de toute manière, les prochaines élections présidentielles devaient se dérouler en décembre 2020, Nazarbaïev a mis son successeur en place et la fonction présidentielle en même temps sous tutelle, ce qui ne va pas la renforcer.
Si ces modalités de transmission du pouvoir permettent d'assurer, à court terme, une transition politique en douceur et d'éviter une énième révolution de couleur dans l'espace post-soviétique, elles sont le signe d'une faiblesse institutionnelle profonde. En effet, si le système politico-institutionnel était assez fort, il serait possible d'organiser des élections pluralistes. Mais après une si longue période d'exercice du pouvoir personnalisé, aucune figure politique ne peut objectivement émerger immédiatement ou même supporter la comparaison. Il faut du temps. Par ailleurs, le caractère pluraliste et sincère du système électoral en Occident même bat sérieusement de l'aile, les manipulations, si elles sont plus complexes, ont tout autant leur place.
La Russie, qui voit se profiler avec appréhension les élections présidentielles de 2024, va devoir trouver une sortie de "l'ère Poutine". Il serait souhaitable que cette sortie soit institutionnelle. Or, elle aussi se trouve dans la situation d'une gouvernance puissante, par un leader objectivement charismatique, auquel il va difficile de succéder. Et ce ne sont pas les flots de "leaders-managers" tout frais émoulus qui pourront porter le pays sur leurs faibles épaules. Pour autant, la Russie n'est pas le Kazakhstan et cette solution passablement asiatique est difficilement envisageable.
Poutine ne quittera pas le pouvoir de son vivant, il sera premier ministre et les Russes voteront pour celui qu'il désignera dans l'espoir qu'il revienne encore dans 6 ans.
RépondreSupprimerJe crois pas non plus, que Poutine puisse lacher le contrôle du pouvoir de son vivant. Et si jamais il faut faire quelque chose pour que la constitution soit respectée il n'a que l'embarras de choix : remake de 2008 avec Medvedev, un nouvel état avec la Biélorussie ou la creation d'un organisme qui contrôlera directement les silovikis avec la suppression du poste de président. Encore 20 ans de Poutine semble raisonable comme hypothèse.
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