S'agit-il d'un tic de langage? Mikhail Prokhorov s'estime - en sa grande modestie - pouvoir être un bon Premier ministre. Il pourrait aussi se voir en bon Président, mais la place est déjà prise.
S'agit-il d'une simple mégalomanie rendue visible par l'argent ou a-t-il eu une proposition en ce sens? Pour l'instant, rien n'est évident. Mais, ce qui est certain, est qu'il doit d'abord permettre à son parti, Pravoe Delo, de remporter une victoire aux législatives qui se préparent. Sans avoir de députés à la Douma, il est impensable d'envisager sérieusement une telle nomination. Cette "formalité", toutefois, n'a pas l'air de le perturber outre mesure, puisque Pravoe Delo doit devenir le deuxième parti du pouvoir - et non de l'opposition. Les choses sont dites, les faits doivent s'y conformer. Pourtant il est encore un peu tôt et sa position ne fait manifestement pas l'unanimité.
Lors de sa conférence de presse d'hier, il a rappelé l'infamie dont il fait l'objet: dans 13 régions de Russie, environ 400 panneaux publicitaires de son parti - à son effigie - ont été démontés. A Novossibirsk, les 180 panneaux ont été enlevés, à Barnaoul les 35, à Irkoutsk et Novokuznetsk plus de la moitié ont disparus, à Ekaterinbourg 92 des 129 etc. Ce n'est plus un accident, ce n'est plus une erreur des pouvoirs locaux, c'est un signal. Pour sa part, Mikhail Prokhorov est persuadé que sa campagne publicitaire dérange les pouvoirs locaux, ce qui expliquerait les faits et démontrerait leur stupidité et leur faiblesse.
Le dérangement causé par M. Prokhorov est toutefois difficile à évaluer, puisque sa représentativité est appréciée autour de 3% et son programme électoral reste dans le flou. La question de l'élection des gouverneurs est évidemment son fleuron, il a teinté son discours ultra libéral d'un peu de social pour faire bonne figure et tenir compte des réalités du moment. Mais hier, la plus grande surprise est venue de sa déclaration de construire une Europe allant de Lisbonne à ... Vladivostok!
Sa position est simple: comme le rouble est totalement dépendant du gaz et du pétrole, la monnaie nationale russe ne pourra jamais être forte sur les marchés mondiaux. Il faut donc l'abandonner pour l'euro et entrer dans la zone Schengen. Ce qui résoudra tous les problèmes de la Russie.
Cette déclaration permet de mieux cerner la personnalité de M. Prokhorov. Au lieu de chercher des solutions pour rendre le rouble moins dépendant de l'exploitation des ressources énergétiques, autrement dit trouver des moyens de réellement créer un tissus économique viable en Russie, en homme d'affaire pragmatique, il vaut mieux finir de vendre son pays tant qu'il y a des choses à négocier.
Comme l'ont justement soulignés des membres de Edinaya Rossiya, la Russie n'a reçu aucune proposition en ce sens et même s'il y avait une telle proposition, il n'est pas évident de devoir à tout prix accepter.
Serait-ce dans l'intérêt de l'Europe? La réponse est nette: NON. Il est déjà actuellement difficile de gérer économiquement la zone euro et de défendre la monnaie européenne pour ne pas encore se charger d'un pays où l'industrie nationale a fini son évolution avec la chute de l'Union soviétique, sans compter les problèmes ethniques.
Serait-ce dans l'intérêt de la Russie? La réponse est tout aussi nette: NON. Ni le pouvoir en place, qui n'a pas besoin d'un renforcement de l'état de droit pour pouvoir continuer son bizness, ni la Russie qui a vocation à rester - ou à redevenir - un joueur clef sur la scène internationale, ce que ne permettrait pas une entrée formelle dans l'Union européenne, n'ont intérêt à la réalisation d'un tel scénario.
Il reste que la position des libéraux russes de tous poils est marquée par le recours à des discours fumeux et décalés des réalités de la société contemporaine. Ils attendent, comme dans les pièces de théatre classique, l'arrivée du Deus ex machina qui permettra de dénouer la situation. M. Prokhorov et Pravoe delo ne peuvent refléter cette troisième voie tant attendue, ils ne sont qu'une variante de plus sur la prolongation du thème déclinant des années 90.
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