Situation dans le Donbass fin février 2015
La situation en Ukraine arrive à un tournant intéressant, celui où le double langage concernant l'avenir du pays ne peut couvrir les faits. Car il faut bien faire avancer cette réforme constitutionnelle et donc déterminer des rapports avec les parties du territoire. Ici, le choix est plutôt simple et ne peut être masqué: intégrité territoriale et fédéralisation ou découpage territoriale et unitarisme.
Il semblerait que les dirigeants de Donetsk et Lugansk soient quelque peu fatigués du cinéma organisé par Kiev quant à sa bonne volonté de préserver l'intégrité territoriale du pays et donc de chercher un compromis avec les Républiques populaires de Lugansk et Donetsk.
Afin de mettre les positions de chacun au clair, les républiques populaires ont envoyé leurs propositions pour sauvegarder l'intégrité territoriale ukrainienne, autrement dit à quelles conditions ces territoires resteraient dans le cadre étatique ukrainien.
Concrètement, ils proposent d'intégrer dans la Constitution ukrainienne un chapitre sur le statut particulier du Donbass. La constitutionnalisation de l'autonomie du Donbass serait une garantie de pérennité, puisqu'il est plus difficile de modifier la Constitution que d'abroger une loi. Ils demandent également la constitutionnalisation du statut neutre de l'Ukraine, ce qui bloquerait toute entrée dans l'OTAN. Quant au territoire lui-même, la création d'un bataillon de milice populaire est nécessaire, pour éviter de tomber pieds et poings liés au pouvoir d'une police aux ordres de Kiev, avec les résultats connus à Odessa. La langue russe doit également être protégée, car elle est à la source de la culture du monde russe auquel appartient le Donbass. Un régime économique particulier doit également être prévu. Il doit notamment permettre de rétablir la région après la guerre.
Alors que Kiev devrait bondir sur l'occasion de préserver à moindre frais l'intégralité territoriale, pour l'instant aucun réponse officielle n'a été envoyée. Seule certaines déclarations, plus ou moins négatives. Ainsi, Turchinov, à la tête du Conseil de sécurité (qui appartient au clan Yatséniuk - parti de la guerre), a déclaré:
"Sur le fondement de l'autonomie, nous ne sommes d'accord que pour le retour que Kuban dans le cadre ukrainien. Tous les autres territoires entrant dans l'Etat ukrainien et reconnus comme tels par la communauté internationale, auront les mêmes droits que les régions ukrainiennes conformément à la Constitution en vigueur".
On appréciera l'argumentation fondée sur la Constitution en vigueur quand justement il s'agit d'en adopter une nouvelle, tenant compte de la réalité politique ayant succédé au coup d'Etat du Maïdan. Mais manifestement Turchinov n'est pas au courant.
Une réaction intéressante, voire surprenante, vient de Russie, de la part du président du comité du Conseil de la Fédération pour les affaires internationales, K. I. Kosachev. Pour lui, Kiev serait en train de reproduire les mêmes erreurs avec le Donbass que celles qui ont été commises avant contre la Crimée, en niant la particularité culturelle locale et en la combattant. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, il se pourrait bien que le Donbass prennent finalement le chemin de la Crimée... C'est la première fois qu'un personnage politique russe de ce niveau s'exprime aussi directement, en plus sur le site du Conseil de la Fédération.
Cette analyse est certes pertinente. Mais elle ne constitue qu'une des branche de l'alternative. Celle - la plus réaliste - du refus de Kiev face aux propositions constitutionnelles des représentants des républiques populaires. Mais il y a une autre branche - certes plutôt hypothétique - consistant en l'acceptation par Kiev. Et là, la situation se compliquerait beaucoup pour les dirigeants du Donbass, pour la simple et bonne raison qu'ils auraient beaucoup de difficultés à expliquer à une population continuellement attaquée par l'armée ukrainienne qu'un compromis politique a été trouvé, qu'une autonomie va leur être reconnue et qu'ils pourront tous vivre heureux ensemble. C'est alors eux qui risqueraient de se trouver dans la situation inconfortable de devoir louvoyer pour ne pas appliquer les accords.
Il s'agit donc bien non seulement d'un poker menteur, mais également d'un rapport de force: combien chacun est-il prêt à risquer pour gagner la mise totale? La question pour l'instant reste ouverte.
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