La crise politique qui s'est ouverte publiquement en Ukraine suite à la démission fracassante du ministre de l'économie A. Abromavicius, d'origine lithuanienne et qui a pris la nationalité ukrainienne il y a un peu plus d'un an pour entrer au Gouvernement, semble perturber les marionnettistes occidentaux. Le Gouvernement et Yatséniuk sont au bord du gouffre et tout le poids des "partenaires" sera-t-il sufisant pour les faire tenir? Ou bien tout cela n'est-il qu'une mise en scène pour justement renforcer le contrôle sur l'Ukraine alors que les temps sont difficiles et que la population ouvre les yeux sur le nouveau régime?
Le 3 février, le ministre lithuanien de l'économie ukrainienne a annoncé sa démission lors d'une conférence de presse:
Selon ses paroles, la coupe est pleine. Il ne veut pas que lui-même et son équipe ne deviennent des paravents pour le développement de la corruption dans le pays. Parler à Davos des progrès économiques du pays, pendant que des individus, et notamment le président de la fraction parlementaire Bloc Porochenko, distribuent les actifs des entreprises publiques dans l'intérêt de certains.
A ce moment là, quatre autres ministres sont près à partir aussi: le ministre de l'agriculture, de la politique de l'information, de la santé et de l'infrastructure. Mais finalement, ils retirent leur demande de démission.
(lire ici notre analyse du nouveau gouvernement ukrainien nommé en décembre 2014)
Petit détail: pour que la démission soit acceptée, elle doit être votée à la Rada par au moins 226 députés. De ce fait, la crise politique est sortie de l'exécutif pour également toucher l'organe représentatif.
C'est la raison pour laquelle Yatséniuk est monté au créneau devant les parlementaires pour leur déclarer que s'ils votent la démission d'un seul ministre, c'est tout le Gouvernement qui part. En fait, il cherche à sauver sa peau en affirmant que le départ du Gouvernement aujourd'hui serait comme une désertion du champ de bataille.
Or, les députés de trois des quatres fractions parlementaires, à l'exception donc du propre parti de Yatséniuk, se sont prononcés lundi pour son départ.
La politique ukrainienne ressemblant plus à une grande farce qu'au reflet de véritables mouvements politiques profonds de la société, il est difficile de se prononcer sur cette crise.
Tous ces mouvements peuvent refléter la véritable crise sociale qui s'est emparée du pays après le coup d'état découlant du Maïdan. La crise est trop importante, elle explose malgré les perfusions. Un peu comme un corps peut mourir malgré tous les soins qui lui sont apportés pour le faire tenir. Bref, le régime politique ukrainien, trop corrompu et ne défendant pas les intérêts du pays est en train de mourir de mort naturelle. La technologie politique des marionettistes se fait rattraper par la réalité.
Divers éléments plaident en faveur de cette interprétation. Essentiellement la pression qui a été opérée par les pays occidentaux sur P. Poroshenko pour faire revenir A. Abromavicius à tout prix. Christine Lagarde au nom du FMI a déclaré:
«L'annonce récente de sa démission est une source d'inquiétude». (...) Si les éléments qu'il a invoqués pour justifier sa démission sont avérés, c'est un signe clair que les mesures anti-corruption promises par le gouvernement ne fonctionnent pas encore, a estimé Christine Lagarde lors d'une conférence de presse «virtuelle» diffusée sur le site du FMI. (...) S'agissant de la corruption, beaucoup de travail reste à faire. Il faut que les [réformes] soient mises en œuvre de manière rigoureuse» (...) «Les autorités ukrainiennes ne doivent pas seulement rendre des comptes à la population ukrainienne mais également à la communauté internationale»
Le porte-parole du Département d'état américain s'est également prononcé sur la question déclarant qu'il ne fallait pas donner suite à cette demande de démission, le départ d'un grand réformateur comme A. Abromavicius n'étant pas acceptable. Dans la foulée, différents ambassadeurs ont repris la position américaine, comme les représentants des pays de l'UE ou l'ambassadeur canadien.
Toutefois, un élément laisse songeur. C'est la déclaration de A. Abromavicius lui-même. Il déclare, après tout ce bruit, être d'accord pour revenir, mais à certaines conditions. La condition centrale est le départ de Yatséniuk et son remplacement par ... l'actuelle ministre des finances Natalya Jaresco ... de nationalité américaine (a également pris la nationalité ukrainienne pour entrer au Gouvernement). Rappelons, qu'elle a occupé des fonctions au Département d'état américain.
La boucle serait alors bouclée. Non, reste Poroshenko, trop ressemblant à ce qu'il est, un oligarque ukrainien. Et trop ukrainien. A suivre.
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