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lundi 28 mars 2016

Les privatisations russes: un instrument historiquement idéologique plus qu'économique

 
Le Cente Eltsine et sa statue

Pour remplir le budget, l’idée des privatisations s’est à nouveau emparée du Gouvernement russe. Sans grande originalité, le même schéma a été utilisé dans les années 90 par Eltsine et son entourage, « démocrate », « libéral » et « pro-européen ». Ce fut cette époque où la Russie a été mise sur le trottoire par ses « élites », prostituée au nom de la démocratie. Non je ne parle pas de l’Ukraine, mais bien de la Russie. De celle des année 90, celle tant aimée par l’Occident. Et regrettée. Et pour cause. Voyons plus en détail.


La privatisation n’est pas un instrument économique, ni budgétaire. C’est un instrument idéologique. Il s’agit de faire sortir de la sphère étatique les entreprises stratégiques ou économiquement intéressantes. Car, par principe, une entreprise qui ne présente aucun intérêt, soit sur le plan économique, soit sur le plan stratégique, ne pourra jamais trouver d’acquéreur sur le marché intérieur ou international.

Pour se protéger, il est certes possible de poser comme condition l’investissement intérieur. Mais qui empêchera la revente ? Et au bout de combien de temps, même si elle est conditionnée, sera-t-elle autorisée ? Car elle ne peut pas être éternellement interdite. Donc, la protection n’est que temporaire.

La privatisation, en temps de crise, est censée permettre à l’Etat de remplir le budget. Mais en vendant des entreprises intéressantes, il perd également des revenus réguliers. Et les met en vente sur un marché qui n’est pas au mieux de sa forme, ce qui limite automatiquement les gains possibles immédiats.

Donc, si l’on écarte l’incompétence, le but est ailleurs. Et dans ce cas, la privatisation est bien un instrument, en premier lieu, idéologique. Comme le déclarait d’ailleurs A. Tchubaïs, dans sa « jeunesse politique ». Les privatisations eltsiniennes ont été faites pour mettre un terme définitif au communisme. Peu importe le prix. Peu importe l’acheteur. Il fallait tuer le communisme. Et pour cela le vider de son sang. Donc tuer le tissus économique communiste fondé sur la production industrielle et l’agriculture. Sur l’économie réelle dans un mode réel. Et mettre ainsi les gens au chômage, ces gens dont les compétences sont inutiles dans une économie de services post-moderne. Tuer par là même la force vitale de résistance dans la population. 

L’économie à genoux. La population également. Le pays aussi. Tous faisant la queue devant les MacDo. La démocratie a un prix. Gaïdar, le père spirituel de ce « libéralisme », parlait de « thérapie de choc ». L’Ukraine n’a rien inventé. Rien appris non plus.

A ce sujet, je vous conseille très fortement de regarder intégralement l’excellente émission de N. Mikhalkov, qui s’interroge ici sur la période Elsine, à l’occasion de l’ouverture de l’énorme bâtiment à la gloire du « petit père de la démocratie russe ». Une réflexion qui fait froids dans le dos, sur fond de réécriture de l’histoire russe. Voici, en ce qui concerne les privatisations, quelques éléments intéressants (voir à partir de 22.50 minutes).

L’essentiel de la production industrielle a été privatisé par B. Eltsine. 261 entreprises militaires. La compagnie américaine Nick and Co Corporation, à elle seule, a pris le contrôle dans  19 d’entre elles.

Il n’a pas été difficile de les acquérir, elles étaient littéralement bradées. Il fallait s’en débarrasser, vite et à n’importe quel prix. Le plus bas possible, comme ça l’état perd et les rendements des entreprises et ne peut compenser ses pertes par une rentrée d’argent significative.

De la vente des entreprises, dont la valeur marchande était estimée à plus d’un trillion $, l’état russe a perçu 7,2 milliards $.

Par exemple :
  • ·        L’usine métallurgique de Samarsky a été vendue pour 2,2 millions $
  • ·        L’usine automobile Likhatcheva pour 4 millions $
  • ·        Uralmach, avec ses 34 000 employés, pour 3,72 millions $
  • ·   L’usine métallurgique de Tchéliabinsk avec ses 35 000 employés pour 3,73 millions $
  • ·      L’usine mécanique de Kovrovsky (qui produisait des armes pour toute la police, pour l’armée et pour les services spéciaux) a été vendue pour 2,7 millions $
  • ·      Ou encore l’usine de tracteurs de Tchéliabinsk avec ses 54 000 employés soldée à 2,2 millions $.

Les anglais, les allemands et les américains, principalement, ont obtenu des minorités de blocage dans les plus grandes entreprises stratégiques  dans les secteurs de la construction des moteurs et des avions russes (Tupolev, MIG ...). L’entreprise Siemens a ainsi pris le contrôle de l’usine produisant les équippements pour les sous-marins russes nucléaires.

Même la Cour des comptes n’a pu ne pas remarquer l’ampleur de l’atteinte à la sécurité nationale. Elle soulignait que la privatisation a permis la mise sous contrôle étranger des plus grandes entreprises russes stratégiques militaires et économique.

Si ce n’était pas – peut-être – le but attendu, ce fut en tout cas le but atteint.

L’état restait présent. Il gardait environ 14% des parts. Ce qui ne lui permettait même pas d’influer sur la politique de l’entreprise.

Alors, lorsque les grands « libéraux » du Gouvernement se remettent à parler de privatisation, forcément, l’on se pose des questions.

Une « liste » des entreprises à privatiser en 2016 doit apparaître, déclare le ministre de l’économie. Dans laquelle devrait figurer, par exemple, les plus grosses entreprises du secteur pétrolier comme Rosneft ou Bachneft. Les matières premières sont dans la ligne de mire cette fois. Mais rapidement, le porte-parole du Kremlin calme le jeu : il n’est pas question de liste définitive, tout se discute. Et le Président de renvoyer le Gouvernement à sa copie pour mieux protéger les intérêts nationaux.

Et en effet, est-ce réellement le moment ? Les points de vue sont partagés, même au Gouvernement, entre le clan, en fait, néolibéral et les libéraux. Le vice premier-ministre, Y.Trutnev, remet en cause le bien fondé de la démarche du ministère des finances à propos de la privatisation, notamment, de Alrosa. Il faut dire que Alrosa  est un groupe russe très intéressant. Il occupe la première place au monde en ce qui concerne l’extraction des diamants. En chiffre, Alrosa occupe 97% du marché intérieur russe et 27% de la production mondiale de diamants. C’est allèchant. Mais est-ce dans l’intérêt public ? Je veux dire ici dans l’intérêt du pays, cet intérêt défendu par l’état. Des doutes sont expressément formulés:

« Vendre, c’est possible. Mais vendre maintenant dans un marché en chute, pourquoi, dans quel but ? Ca ne peut pas attendre ? Nous n’avons pas les moyens d’attendre ? Ce n’est pas vrai, nous les avons. » a-t-il déclaré et appelé cette initiative « étrange ». Selon l’estimation de M. Trutnev, l’état peut en deux ans recevoir des bénéfices nets de la compagnie ce qu’il obtiendrait de la privatisation de ses actions. « Les collègues du ministère des finances envisagent toutes les possibilités pour remplir le budget, c’est pourquoi cette discussion continue. Quelle décision sera prise à la tête du pays, on verra ».

L’histoire est certes un éternellement recommencement. Surtout parce qu’on l’oublie trop vite.



2 commentaires:

  1. Réponses
    1. Un article fort intéressant paru sur LGS à propos de de ce fameux "recommencement" :
      La privatisation de la RDA : un exemple pour la Grèce ?
      http://www.legrandsoir.info/la-privatisation-de-la-rda-un-exemple-pour-la-grece.html

      Supprimer

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