Difficile de dire que ce soit une grande surprise, mais cela n'en reste pas moins une grande déception. Le CIO a évidemment refusé d'inviter les sportifs russes blanchis par le TAS de tout dopage, ne s'estimant manifestement pas lié par les décisions de justice. La politique contre le droit, quel dommage de voir à ce point discréditer le mouvement olympique, acter sa mutation en mouvement commercial.
Dès la décision du Tribunal sportif réhabilitant totalement 28 sportifs russes exclus à vie par le CIO et cassant les suspensions à vie de 11 autres (voir notre article ici), le président du CIO Thomas Bach s'est dit choqué par cette décision:
«Cette décision est décevante et on ne se serait jamais attendu à ça»En effet, comment un tribunal peut venir avec ses considérations juridiques, son droit des preuves exiger que des allégations soient, en plus, prouvées. T. Bach a donc plutôt proposé de réfléchir à une réforme du TAS. Logique:
«J'ai parlé avec le président du Conseil international en matière d'arbitrage du sport (l'Australien membre du CIO John Coates) du besoin de réformer le TAS en termes de structure pour une meilleure qualité et continuité de la jurisprudence.»Continuité de la jurisprudence ou allégeance?
Finalement, le CIO a donc décidé de s'épargner les soucis de devoir remettre en cause sa décision politique (certainement pour des raisons de "continuité" ...) et a refusé d'autoriser les 13 sportifs et les 2 entraîneurs russes réhabilités par le TAS à participer aux JO de Corée du Sud. L'explication fournie est ... totalement ubuesque pour un juriste.
Ainsi, comme le TAS n'a pas encore publié sa partie motivée, le CIO se reconnaît le droit de ne pas en tirer les conséquences juridiques:
Bien que le panel de révision des invitations ait pris note de la décision du TAS, il a aussi noté que les explications complètes ayant amené à cette décision n'avaient pas été rendues publiques
Quel est le rapport entre la publication de la décision dans son intégralité et la nécessité de l'appliquer? Rappelons que la décision est d'abord publiée dans sa résolution, l'argumentation vient plus tard pour des raisons techniques, ce qui est notamment le cas de la CEDH et personne ne demande la réforme de cette cour pour ces raisons. Le CIO n'a pas à "juger" de l'argumentation de la décision du TAS, mais à l'appliquer.
La presse a très bien compris qu'il ne s'agit pas de justice olympique, mais de vengeance. Ainsi RFI publie:
Niet ! Le Comité international olympique (CIO) a repoussé lundi sans ménagement les 15 Russes blanchis par le TAS de leur suspension à vie pour dopage: ils ne seront pas invités aux Jeux d'hiver 2018 de Pyeongchang, qui débutent vendredi.Par cette décision, le CIO met aussi un point d'honneur à garder son indépendance vis à vis du Tribunal arbitral du Sport, dont la décision jeudi dernier a suscité surprise et déception chez Thomas Bach, le président de l'instance olympique.
Pourrait-on nous expliquer d'où sort cette "indépendance" du CIO par rapport au TAS? Imaginez l'Etat condamné par un tribunal administratif à verser des compensations à un citoyen bafoué dans ses droits déclarer: "je vais garder toute mon indépendance par rapport à ce tribunal"! C'est totalement absurde. Juridiquement. Mais pas politiquement.
Finalement, le CIO veut pouvoir tranquillement mener la politique qu'il veut - ou qu'il doit - mener, sans avoir à s'embarrasser de considérations juridiques. La démarche est assez barbare, mais tout à fait en phase avec l'époque. Position revendiquée par cette Commission soi-disant indépendante (en tout cas du TAS), qui explique son rôle de cette manière:
Le panel souligne que son rôle n'est pas de prouver qu'il y eu dopage (ADRV), mais de confirmer que les sportifs peuvent être considérés comme propresComment peut-on considérer un sportif propre sans s'attacher à la preuve du dopage?
De son côté, le président du TAS, J. Coates, a répondu à T. Bach:
"Les sportifs doivent avoir confiance dans la procédure judiciaire à tous les niveaux, en particulier devant le TAS (...). Les décisions raisonnées concernant ces cas sont hautement importantes (...) nous espérons leur publication le plus vite possible"
Mais le CIO n'a pas pris le risque d'attendre, ils se sont dépêchés à confirmer le rejet des sportifs russes. Ils se sont dépêchés à confirmer leurs convictions. Puisque sans preuves, il ne reste que les convictions. Comme l'écrivait Nietzsche dans Humain, trop humain:
Des passions naissent les opinions: la paresse d'esprit les fait cristalliser en convictions
En effet, une décision de tribunal ne va pas dans mon sens, au lieu de faire appel je demande une réforme de la Justice: elle va être réformée souvent!
RépondreSupprimerLe CIO ne respectant pas les décisions du Tribunal arbitral du Sport, on aura vraiment tout vu. C'est énorme. Rongé par la politique et le fric, il n'est plus crédible, il va vraiment falloir qu'il se réforme.
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