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mercredi 13 mars 2019

Affaire Calvey - Delpal : les milieux d'affaires font pression pour l'instauration d'un droit colonial en Russie



L'interpellation, ce 15 février, du financier américain Michael Calvey et de son partenaire français Philippe Delpal, ainsi que de quatre confrères russes pour escroquerie à grande échelle, puisqu'il s'agit de l'action concertée de 6 personnes pour une somme d'environ 33 millions d'euros, défraie la chronique. Non pas sur le fait que cette escroquerie a eu lieu, mais sur l'intervention de la Russie qui ose déférer devant la justice des "hommes d'affaires" étrangers ... Comme au bon vieux temps de la colonisation. Ici encore, le tout autant incontournable, qu'insaisissable climat d'investissement est invoqué pour masquer ce qui n'est pas avouable : tous les Etats n'ont le droit de réglementer leur marché. Si l'on complète le tableau avec les déclarations faites au Parlement européen voulant bloquer Nord Stream 2 et rejetant le caractère stratégique de la relation avec la Russie, l'on comprend bien que la Russie n'est intéressante que comme marché, un marché libre et dérégulé, sur lequel les "partenaires" étrangers bénéficient d'une totale impunité. Et là, je vous assure, le "climat d'investissement" se portera à merveille. Seulement, il y a peu de chances pour que la Russie en ressorte raffermie, mais c'est une autre question ....


Ce 15 février, six personnes proches de la banque Vostok Express ont été interpellées, après que l'un des actionnaires de la banque, Cherzod Youssipov, membre du Conseil des directeurs, ait porté plainte. L'enquête a été confiée au service d'enquête du FSB et au Comité d'enquête, en charge des affaires de ce genre. Parmi les six interpellés, deux étrangers, un américain, Michael Calvey, à la tête du Fonds d'investissements Baring-Vostok, très bien implanté en Russie depuis 1994, qui est actionnaire de la banque Vostok Express, et le banquier français Philippe Delpal, partenaire du Fonds Baring-Vostok, en charge du secteur financier. C'est justement ce qui fait tant de bruit. L'on compte également Alexeï Kordytchev (ancien directeur exécutif de la banque Vostok Express), Vagan Abgarian (partenaire de Baring-Vostok), Ivan Ziouzine (directeur des investissements à Baring-Vostok) et Maxime Vladimirov (directeur général de la compagnie "Premier Bureau des agents de recouvrement "), par qui le scandale est arrivé.

Sans entrer dans tous les détails d'une affaire extrêmement complexe et qui n'est pas terminée, disons que les faits remontent à 2017. A cette date, la compagnie d'agents de recouvrement, contrôlée par Baring-Vostok (Calvey) et Russia Partners à hauteur de 52%, a emprunté à la banque Vostok-Express pour 2,5 milliards de roubles (soit environ 33 millions d'euros). Mais la compagnie ne peut rembourser sa dette. Calvey, qui est aussi actionnaire de la Banque, a convaincu les banquiers de passer un accord avec cette compagnie pour réguler la dette et a organisé la vente de ses actions à la banque, sans que le Conseil des directeurs, notamment Youssoupov, n'en soit informé. Pour compenser ensuite les pertes, 59,9% de ses actions d'une compagnie luxembourgeoise ont été transférés à la banque. Les actifs transférés ont été alors estimés à 3 milliards, ce qui couvrait la dette. Mais l'évaluation des actifs est douteuse et ils auraient été largement surévalés. Finalement, l'estimation ne dépasse pas 600 000 roubles. 

Pour le procureur, puisque Calvey avait connaissance de la dette, en organisant vente de ses actions, il a de fait détourné la somme de 2,5 milliards de roubles de la banque Vostok Express.

Calvey déclare pour sa part être innocent, que c'est un coup monté par Artyom Avestisyan, co-dirigeant de la banque en question, contre lequel il est devant un arbitrage à Londres pour 17 milliards de roubles. Quant au français, il déclare n'y être pour rien : il travaille pour le Fonds et n'est au courant de rien, d'ailleurs il n'a pas participé à la transaction douteuse. Il passait là par hasard ... En revanche, l'ancien directeur de la banque, Alexeï Kordytchev, a collaboré avec les enquêteurs et déposé contre les autres interpellés, démontant le schéma d'escroquerie.

Somme toute, c'est une affaire pénale, il faut laisser la justice faire son métier. Mais il s'agit de deux catégories de personnes spécifiques : des hommes d'affaires et des étrangers (surtout l'Américain). Les hommes d'affaires sont devenues une espèces particulièrement protégée, il paraît qu'ils sont en quelque sorte les sauveurs du pays ... En effet, s'ils ne font pas encore la pluie et le beau temps, le climat d'investissement, seule source d'oxygène national respirable, repose tout entier sur leurs larges épaules. Or, la source est globalisée, et lorsqu'elle est étrangère, bas les pattes, on ne touche pas.

Finalement, le conflit idéologique est assez simple : soit il faut respecter la loi et cela concerne tout le monde - ce qui est le cas dans n'importe quel état de droit moderne, soit les étrangers sont au-dessus de la loi et non justiciables dans le pays où ils commettent des infractions - et c'est le régime colonial qui s'applique.

Notre incontournable Koudrine, qui semble oublier occuper une fonction officielle à la tête de la Cour des comptes, Gref à la tête de la Sberbank et Titov l'ombudsman pour les hommes d'affaires nous ressortent la sérénade de la mauvaise image que la Russie donne ainsi. La preuve, les Etats-Unis pourrait ressortir la liste Magnitsky et l'Internationale des hommes d'affaires hésite à venir au Forum de Saint-Pétersbourg. Tremblez pauvres gens, vous n'imaginez pas ce qui pourrait alors arriver.

Autrement dit, en sanctionnant des hommes d'affaires pour des actes frauduleux, la Russie donnerait une mauvaise image d'elle-même ? Et quelle image donnerait-elle si elle laissait commettre des infractions sans réagir ? Combien de temps l'Etat résisterait-il ?

C'est une position intéressante, à creuser. Car elle met parfaitement en perspective les très nombreux discours sur l'importance de la mise en retrait des contrôles sur le business, des organes publics, bref de l'Etat qui dérange le business. Finalement, la seule manière pour la Russie d'avoir un excellent climat d'investissement est de "laisser le marché se réguler de lui-même" - traduction : laisser les plus forts escroquer les plus faibles, accorder aux étrangers une immunité judiciaire totale et aux Russes donner une petite tape sur la main - pas trop fort, leurs mains sont fragiles. Le climat sera alors excellent ! Je ne suis pas certaine que les consommateurs s'y retrouvent, car ils sont généralement du côté des faibles, ni qu'en fin de compte les entreprises nationales puissent survivre longtemps et que l'économie en général en ressorte grandie. 

En revanche, dans ce cas, la Russie sera devenue un très bon "marché", faute d'avoir pu rester un Etat.




2 commentaires:

  1. Businessfrance - Russie... passeports diplomatiques et "diplomates" autoproclamés selon la loi française en Russie
    vive la France ! ... en Russie https://fr.sputniknews.com/france/201811251039046005-juge-russe-business-france-russie/

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  2. Quand GHOSN est poursuivi au Japon, l'Occident trouve cela normal. Nous assistons même à un lynchage médiatique.
    Par contre, la même chose en Russie et c'est un tollé ?
    Ah oui, excuses, les Japonais sont nos amis, pas les Russes!!!

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