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mercredi 22 mai 2019

Arménie : Nikol Pachinian veut prendre le contrôle du système judiciaire



Alors que les grands discours sur l'indépendance de la justice font les slogans de toutes les oppositions des pays où les dirigeants, pour une raison ou pour une autre, ne conviennent pas au monde atlantiste, une fois au pouvoir, ces leaders n'ont d'autre volonté que de faire plier le système judiciaire à leurs impératifs. C'est exactement ce que fait le Premier ministre arménien, sorti de la rue par la force d'une révolution de couleur formatée, appelant à bloquer les tribunaux de droit commun et à adopter une énième réforme judiciaire ... après que l'ancien président Robert Kotcharian a été libéré par la justice et placé sous contrôle judiciaire. Alors qu'il est accusé d'avoir maîtrisé par la violence l'opposition en 2008, dont faisait partie ... Pachinian. Ce qui, du coup, provoque sa colère et il demande plus d'indépendance de la justice (de qui ou de quoi?). C'est ce que la presse française oublie de vous dire. Sinon, forcément, il faudrait parler non pas de justice, mais de politique, de vengeance personnelle et primaire, etc. Mais dans le Monde Libre, c'est évidemment inconcevable.


Assez discrètement, la presse française explique que le très valeureux Premier ministre arménien Nikol Pachinian a décidé, comme ça, par un beau matin de printemps, de lancer la deuxième phase de la grande révolution démocratique d'Arménie, à savoir la réforme judiciaire, afin de renforcer la confiance de la population dans la justice :
Nikol Pachinian veut frapper un grand coup avec une réforme judiciaire. C’était l’une de ses promesses pendant la révolution. Dans un direct Facebook ce lundi en début d’après-midi, le Premier ministre arménien a annoncé que tous les juges devraient être contrôlés pour vérifier leur indépendance. Ceux précédemment condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme doivent démissionner.
Or, pour cela, il ne met pas en place une commission de réflexion, ne dépose pas un projet de loi. Non, il lance ses partisans faire le siège des tribunaux de droit commun. La justification de la démarche est aussi triviale que la démarche elle-même, en tout cas pour un Premier ministre : "Après les changements démocratiques, l'ancien système judiciaire fonctionne toujours en Arménie et le niveau de confiance populaire n'a pas changé". Je ne savais pas qu'il fallait changer l'organisation de la justice à chaque présidentielle ...

La presse française tente la justification :
Ces annonces interviennent juste après la libération de Robert Kotcharian, l’ex-président arménien, ennemi personnel de Nikol Pachininian et symbole du régime des oligarques qui contrôle encore l’économie arménienne. 
Expliquons un peu plus les choses:

1 ) Robert Kotcharian est principalement accusé d'avoir réprimé dans le sang les manifestations en 2008, afin de ne pas donner le pouvoir justement à cette opposition dont faisait partie Pachinian. Le conflit n'a rien à voir avec les oligarques, qui ne dérangeaient absolument pas Pachinian déjà Premier ministre, tant que Kotcharian était incarcéré. Mais dès qu'il a été, non pas libéré comme l'écrit la presse française, mais placé sous contrôle judiciaire, Pachinian voit l'urgence d'une réforme judiciaire.

2 ) Pachinian est issu de l'opposition de rue, passage obligé par la prison, ensuite transfuge au Parlement, parfaitement pris en main par les structures internationales, le parcours classique des "opposants clés en main" livrés dans l'espace post-soviétique (voir notre texte ici). Il prend le pouvoir par la rue en 2018 et les élections parlementaires qui en découlent en décembre lui donnent une très large majorité au Parlement. Pour autant, afin de lancer la "réforme judiciaire", il envoie des activistes bloquer les tribunaux - uniquement de droit commun, puisque c'est un tribunal de droit commun qui a libéré Kotcharian sous contrôle judiciaire. Ce sont des méthodes de voyou, pas de dirigeant. Pachinian n'est plus dans la rue, mais est Premier ministre, il dispose d'une majorité parlementaire lui permettant de faire passer n'importe quelle réforme. Il n'a pas besoin de lancer les gens dans la rue, même si très peu sont sortis (environ une dizaine de personnes autour de chaque tribunal), il suffit de déposer un projet de loi. Tout ce qu'il envisage, conceptuellement, c'est cette fameuse et éternelle "justice de transition". Or, la "transition" a déjà été réalisée depuis longtemps sous contrôle des organismes internationaux. Est-ce à dire qu'ils ont échoué, selon Pachinian ?

3 ) Le problème est bien là, sur le fond. Que reste-t-il encore à réformer en Arménie ? Ce pays a été rapidement pris sous contrôle de l'OSCE, du Conseil de l'Europe, de l'UE, des différents département de l'ONU, etc. afin de réformer tout le système étatique, notamment judiciaire. Bref, il ne lui reste plus grand-chose à modifier. Or, comme nous l'avons vu, le problème ne vient pas des mécanismes juridiques d'organisation de la justice, le problème vient justement de son indépendance ... par rapport au nouveau pouvoir que représente Pachinian. Ces mécanismes sont toujours les mêmes et posent la question de la relation entre la justice, l'opposition politique et l'Etat. La justice est un élément de l'Etat, ce qui ne veut pas dire qu'elle doit être un instrument de la majorité politique. Mais son indépendance ne signifie pas non plus qu'elle soit un instrument de l'opposition. Chaque système tente de trouver, comme il peut, un équilibre entre ces contraintes irréductibles. Pour Pachinian, la situation est assez banale : tant qu'il était dans l'opposition, il voulait une justice indépendante, c'est-à-dire qui ne soutienne pas la majorité politique. Maintenant qu'il est au pouvoir, il veut des juges qui le soutiennent. D'où la nécessité qu'il avance d'un nettoyage individuel, afin de choisir non pas ceux qui seront les plus compétents, mais les plus compatibles. C'est exactement ce qu'il déclare : "le moment est venu pour une intervention chirurgicale sur le système judiciaire".

Ces déclarations semblent être moins bien passé à l'intérieur du pays, qu'à l'international, puisque ces mécanismes de mise sous dépendance des systèmes judiciaires dans l'espace post-soviétique sont orchestrés par l'OSCE avec les différentes lois dites de "lustration", qui justifient l'éviction de magistrats sur fondement politique. L'Ombudsman arménien, ancien vice-ministre de la Justice, en appelle à l'état de droit et estime inacceptable de lancer les gens dans la rue contre les institutions publiques.

Pachinian est bien la caricature de cette époque, où les slogans ont remplacé la réflexion et poussent à la radicalisation. Pour finalement ne cacher que l'intérêt personnel. Banal et trivial. Lorsqu'un système idéologique veut gouverner, il n'a pas besoin d'indépendance, il a besoin de contrôler les institutions. Et c'est exactement ce que veut faire Pachinian, passer les tribunaux sous contrôle politique ... et idéologique. 

1 commentaire:

  1. A quand la demande d'entrer dans L'UE et l'OTAN? Puis ce sera le tour de la Biélorussie, du Kazakhstan, pas dégoûtés du tout par ce qui se passe en Ukraine.

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