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lundi 26 décembre 2011

Retour sur évènement: les leçons de la manifestation du 24 décembre

Voir: http://www.gazeta.ru/politics/elections2011/2011/12/23_a_3938614.shtml et http://www.kommersant.ru/doc/1846077

Première leçon. La manifestation n'a pas de leader, et l'opposition non plus.

Deuxième leçon. La manifestation représente des mouvements très différents les uns des autres, l'opposition aussi.

Troisième leçon. La manifestation a du mal à se politiser, l'opposition a du mal à proposer.

Quatrième leçon. La manifestation n'est pas révolutionnaire, l'opposition, elle, ne sait pas.

Il y a certainement beaucoup d'autres leçons à tirer sur les deux manifestations qui ont eu lieu à Moscou - et dans d'autres villes de Russie - les 10 et 24 décembre et ont regroupé près de 100 000 personnes à chaque fois, mais nous faisons ici le choix de voir plus particulièrement ces aspects fondamentaux pour comprendre l'évolution du mouvement lui-même et les réactions du pouvoir.

La manifestation n'a pas de leader.

Parmi les manifestants, toutes les tendances possibles étaient représentées, notamment les nationalistes, les révolutionnaires "orangistes", les simplements "pas content" - qui étaient les plus nombreux. Et des politiques de tous bords ont pris la parole ... et tous se sont fait sifflés. Koudrine, quelque peu en mission. Iavlinsky, qui a du mal à convaincre, son temps est passé. Un nationaliste, qui n'a pas convaincu en voulant créer un comité de salut national. La manifestation reste donc pour l'instant orpheline. Et c'est peut être justement ce qui sauve le mouvement. Car il ne s'agit pas d'un mouvement politique déterminé. Il s'agit d'un réel mouvement populaire. Ce qui fait peur. Car il n'existe pas cet interlocuteur qu'il serait possible de persuader, contrôler ... acheter. Le mouvement se propage presque naturellement.

La manifestation représente des mouvements très différents.

La pluralité de la société a éclaté au grand jour. Si le pluralisme politique n'est pas une réalité dans la vie institutionnelle russe, elle l'est dans la Russie de tous les jours. C'est pourquoi les manifestants demandaient déjà le 10 décembre l'enregistrement de tous les partis politiques d'opposition. Mais ouvrir la porte aux partis ouvre la porte au Pouvoir. Car si pour l'instant le Kremlin peut filtrer l'accès aux médias et ne laisser passer que quelques clowns et ainsi décrédibiliser l'opposition aux yeux de la population, en institutionnalisant l'opposition dans les partis institués, le jeu politique va se corriger de lui-même. Le filtre est en train de tomber. Medvedev avait annoncé la simplification des procédures d'enregistrement pour 2013, ce qui avait provoqué la fureur des manifestants. Dès le jour de la manifestation du 24 décembre, Timakova, son porte-parole, a annoncé que la loi devrait être rapidement votée par le Parlement et dès sa signature par le Président elle pourra entrer en vigueur. Première victoire réelle du mouvement populaire.

La manifestation a du mal à se politiser.

Les revendications ne sont pas politicienne. Il ne s'agit pas de soutenir un parti en particulier. Quand Koudrine a tenté d'appuyer son idée de la création d'un nouveau parti libéral, il a été très loin de provoquer un engouement. Les gens ont des attentes beaucoup plus simples d'une part, et beaucoup plus profondes d'autre part. Faire partir Poutine. Rétablir de véritables élections - donc avec le départ de Tchourov qui incarne la faiblesse face au pouvoir. Et là aussi, une victoire: le Conseil auprès du Président pour les droits de l'homme et la société civile se fait l'échos des manifestants ... avec un retard significatif, comme s'il n'avait pas remarqué plus tôt les problèmes électoraux... Et des attentes plus profondes: les demandes sont systémiques. Les gens veulent simplement un pays dans lequel les institutions fonctionnent, indépendamment des personnalités. Tellement simple ... et le plus difficile à réaliser, tant d'intérêts sont entremêlés, même parmi les orateurs. Comme le rappelait - avec courage - ksénia Sobtchak qui, malgrè les sifflements constants, a rappelé qu'elle avait ici quelque chose à perdre, mais il fallait changer le mode de fonctionnement du pouvoir et ne pas agir contre le pouvoir.

La manifestation n'est pas révolutionnaire.

Si les observateurs remarquent en général une radicalisation du discours par rapport au 10 décembre, le plus radical fut Navalny. Son court séjour en prison (15 jours) a manifestement provoqué une vocation. Rappelons-nous la surprise qu'avait causé alors la particpation de Navalny en novembre à une manifestation nationaliste. Jusque là, à aucun moment, il n'avait laissé sous-entendre de sympathies particulières pour les mouvements ultranationalistes. La surprise avait été générale. Le 24 décembre, son entrée en scène a définitivement levé le voile sur un aspect de sa personnalité et l'a décrédibilisé: présenté par les nationalistes, appelé à diriger leur comité politique, Navalny prend la parole. Et c'est le seul a appeler à la révolution. A prendre le Kremlin et la Maison blanche (siège du Gouvernement russe), puisqu'ils sont assez nombreux pour le faire. Mais il ne fait pas recette et deux pas en arrière précise que ce n'est évidemment pas à l'ordre du jour pour l'instant, mais que cela le sera bientôt. L'année prochaine, il promet de rendre le pouvoir au peuple. Comment? Mieux vaut pour l'instant ne pas le savoir! 93 est encore trop frais dans toutes les têtes.

Bref, le mouvement se développe, notamment sous l'influence de l'incompétences des dirigeants. Poutine, dans son allocution télévisée a largement contribué à conduire les gens à la manifestation de samedi. Medvedev aussi avec ses discours auxquels plus personnes ne croient. Mais pour l'instant personne ne sait très bien quoi faire. Ni le pouvoir qui tente une nouvelle perestroïka et les programmes télévisés en deviennent écoeurant, cherchant même à "autoriser" une chaîne de télévision de la société pour libéraliser l'audiovisuel. Ce pouvoir qui tente de monter une deuxième opération Prokhorov - qui d'ailleurs ne s'est pas risqué à prendre la parole - et hésite encore avec un Koudrine qui est de toute manière trop marqué. Alors que les gens se demandent très justement pourquoi simplement ne pas libéraliser tout le système audiovisuel? Pourquoi ne pas laisser les simples citoyens choisir leurs représentants? Mais ce temps arrive. Comment il arrivera, pour l'instant c'est encore une inconnue. Car l'opposition politique non plus ne sait pas très bien comment agir. En tout cas une troisième victoire, même les partis d'opposition de la Douma, cette "opposition de poche", se sont rappelés qu'ils étaient d'opposition. Peut être le jeu du parlementarisme permettra de corriger en douceur le système.

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