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vendredi 19 décembre 2014

La Russie confiante en elle-même

Rien de personnel ...

Hier, le jour de la conférence de presse du Président russe V. Poutine, lors de laquelle il a confirmé le cours de la Nation, la confiance dans les ressources du pays pour sortir de la crise non seulement indemne, mais renforcé, l'UE, comme les Etats Unis le demandaient, a pris un nouveau bloc de sanctions économiques, orientées contre la Crimée, ce territoire qui a osé préférer la Russie. Malgré les déclarations diplomatiques plus ou moins apaisantes de part et d'autre, il est évident que la situation se cristallise autour d'un conflit de valeurs et de vision du Monde: le néolibéralisme globalisant qui veut se faire passer pour du libéralisme versus le conservatisme que l'on veut faire passer pour du fascisme. 


Il y a quelques jours, j'ai participé à une conférence à Moscou organisée par le Centre Eltsine sur le thème La Russie dans le monde, à l'occasion de laquelle la discussion entre les participants devait porter sur le choix à faire pour la Russie pour affronter dignement l'avenir. Y participaient des philosophes, des économistes, certains des auteurs de la Constitution de 1993, des acteurs sociaux importants etc. Finalement, la réponse fut on ne peut plus simple. Il faut renforcer le libéralisme. En soi pourquoi pas, mais aucune précision concernant le libéralisme politique ou économique - cela semblait être un détail. Seulement, lors de la discussion, il s'est avéré que les participant proposait en fait de développer les moyen pour fragiliser l'Etat et transférer les mécanismes de prise de décision à cette mythique société civile. J'ai également appris, texto, que la démocratie est passée de mode car le peuple peut se tromper et donc il ne faut pas suivre la volonté de la majorité mais celle de la minorité éclairée, puisque la majorité est conservatrice et donc fascisante alors que la minorité est soi-disant libérale et éclairée. La remise en cause du modèle démocratique, je trouve, peut-être naïvement, s'accompagne mal d'un masque libéral. Quant à la facilité avec laquelle ils attaquent, sans rien démontrer le conservatisme en l'assimilant au fascisme, est absurde mais utile. En effet pour P. Bénéton
"le conservatisme se développe après la Révolution française à partir d’une critique des trois grandes illusions libérales : celle de la toute-puissance de la raison individuelle, celle qui fait de la volonté individuelle la source de toute légitimité et enfin celle, « sociologique », de l’« individu propriétaire de soi-même », qui ne fait la société que parce qu’il défait la communauté."
En réaction à la remise en cause du modèle libéral tout puissant, par la montée de la pauvreté, l'aggravation des ruptures sociales et la revendication de plus de justice sociale, provoque une radicalisation de la part de ces ex-libéraux devenus néo-libéraux. La meilleure défense étant l'attaque, ils accusent le conservatisme de reprendre la terminologie des fascistes et les assimilent donc aux fascistes eux-mêmes. Donc, être conservateur revient à être extrémiste, dangereux pour le système et ainsi devant être marginalisé. C'est très utile aujourd'hui pour justifier l'état des choses et refuser de les remettre en cause.

Ce raisonnement les conduit cependant à l'absurdité la plus totale, lorsqu'ils analysent la situation en Ukraine. Ainsi, ai-je eu la chance d'entendre ce morceau d’anthologie. Comme il y a des membres d'extrême droite en Ukraine au pouvoir, et comme il n'est plus possible de le nier, il faut trouver une explication. L'Ukraine a donc fait une révolution conservatrice. Oui, vous lisez bien. Si le conservatisme est la volonté de maintenir le mode de gouvernement, la protection des valeurs traditionnelles, la continuation de l'histoire propre, cela cadre assez mal avec la politique menée en Ukraine aujourd'hui. 

Face à cette absurdité qui gangrène la pensée européenne, il est intéressant, toujours en gardant à l'esprit ce paradigme déformé du conservatisme/libéralisme, de remettre en situation d'une part le discours de V. Poutine, d'autre part la réaction de l'Union européenne.

Dans ce contexte, la conférence de presse de V. Poutine fut, heureusement, sans surprises, rappelant que le conservatisme n'est pas forcément rétrograde, loin de là  : 
  • Kudrine attend toujours d'être nommé à la tête du Gouvernement et peut attendre longtemps; 
  • l'état de droit ne se discute pas et Kadyrov ne peut faire exception à la règle;
  • la Russie ne déclare pas la guerre à l'Ukraine et ne compte pas agresser ni Pologne ni aucun autre Etat européen - qui devront ainsi trouver une autre excuse à leur politique suicidaire, toutefois chacun à la droit de se suicider s'il le souhaite; 
  • la population soutient dans sa majorité la politique intérieure et extérieure menée par le pouvoir, et comme le régime démocratique oblige l'Etat à suivre la volonté de la majorité, il n'y a aucun fondement légitime à remettre en cause le cours choisi;
  • la crise financière qui frappe de plein fouet la Russie n'est pas le prix à payer pour l'Ukraine, mais pour le choix de son indépendance, pour son insoumission;
  • le moment est idéal pour restructurer l'économie: faire rentrer les capitaux puisque l'offshore devient dangereux pour les entreprises en raison des sanctions, développer la production nationale dont le prix est attrayant en raison de la chute du cours du rouble, soutenir la production locale pour qu'ils puissent avoir accès aux grandes surfaces;
  • la Russie ne compte pas faire la chasse aux opposants, car il est normal que la politique choisie, si elle contente une majorité, ne soit pas du goût d'une partie de la population, l'unanimité n'est pas recherchée, mais il faut faire la différence avec les membres de la 5e colonne, qui eux ne cherchent pas une autre voie pour développer leur pays, mais les moyens de l'inféoder;
  • il faut soutenir le secteur bancaire, car c'est lui qui permet de garantir les revenus des particuliers et d'accorder des prêts pour développer l'économie, en ce sens, la politique de la Banque centrale est adaptée à la situation; 
  • la Russie n'est pas isolée, elle ne prend pas un virage spécial vers l'Est, elle défend ses intérêts, se tourne vers les pays qui se développent et a de nombreux partenaires; etc.
Lors de cette conférence, le Président russe a fait passer un message très simple: nous ne plierons pas, nous avons le soutien de notre peuple, nous allons dépasser les difficultés car nous en sommes capables et au maximum d'ici deux ans nous en ressortirons renforcés.

Il est clair que cette position déplaît depuis longtemps aux Etats Unis, qui voient ainsi jetée à la face du monde l'inefficacité de leur politique de sanctions. Comme ils ont mis plus de 50 ans pour le reconnaître envers Cuba, la Russie a de beaux jours devant elle. Et malgré l'absurdité de la chose, l'Union européenne continue sur cette voie sans issue, grâce à la pression de A Merkel, ambassadeur désigné des intérêts américains en Europe. Et l'on en profite pour voir l'inefficacité de l'opposition timide de la France ou de l'Italie. Les pays membres n'ont plus le droit de décider, ils n'ont que le droit de valider une politique décidée ailleurs en leur nom.

Et hier donc, l'UE continue sa guerre économique, et se concentre contre la Crimée:
"Le Conseil a adopté des sanctions supplémentaires importantes concernant les investissements et le commerce avec la Crimée et la ville de Sébastopol (...). A compter du 20 décembre, les investissements en Crimée ou à Sébastopol sont interdits. Les Européens et les entreprises établies dans l'UE ne peuvent plus acheter des biens immobiliers ou des entités en Crimée, financer des entreprises de Crimée ou fournir des services connexes"
Le but est donc de sanctionner la Crimée pour le choix qu'elle a fait. Car ce n'est pas l'expression du choix qui en réalité est en cause, mais le résultat de ce choix. Si la Crimée avait eu le bon sens européen de choisir le coup d'Etat à Kiev, le renoncement à la langue et à la culture russe, si la Crimée avait renoncé à elle-même, elle serait détruite, mais reconnue comme démocratique dans le sens moderne du terme, c'est-à-dire justement dans le sens où cette minorité clairvoyante remet la majorité dans le bon chemin qu'elle a elle-même choisie. Amen.

Comment sortir de cette opposition frontale? La question reste ouverte. Une solution militaire est absolument à éviter, les négociations diplomatiques tournent en rond puisque le compromis est impossible entre l'être et le non-être. Qui sera le premier à céder des Etats Unis ou de la Russie? Cela dépendra, en Russie, de ce que la population est prête à faire comme effort et aux Etats Unis du rapport de force entre les clans politiques. 

4 commentaires:

  1. Merci Karine pour vos articles.
    Une petite correction "morceau d'anthologie"

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  2. Moi aussi je vous dis merci, pour cet article et pour tous les autres, qui sont toujours clairs, simples, précis, et plein de clairvoyance.
    Vous posez la question de savoir qui des USA ou de la Russie cèdera le premier ?

    Vladimir Poutine a un terrible atout dans sa main, il peut du jour au lendemain, avec toutes les obligations US que la Russie possède, inonder le marché avec et racheter autant de roubles dévaluées.

    Je crois qu'il attend son heure. (à condition que le directeur de la Banque Centrale Russe accepte, car en fait c'est lui qui a la décision).

    Encore bravo pour votre site, continuez.

    Jean

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  3. Merci pour cet article dont l'éclairage tranche dans l'information globale à disposition du citoyen lambda. Depuis un an on nous explique qu'il y a un gentil OBAMA contre un méchant POUTINE avec, entre les deux, de pauvres ukrainiens qui meurent par milliers. L'ONU est inaudible, ses décisions ne sont pas respectées. Les USA sont devenus les gendarmes de la planète aidés par des pays supplétifs.

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