Les élections présidentielles en Ukraine ne cessent de nous surprendre. A chaque instant, elles déconstruisent les mécanismes classiques, étatiques, établis avec le temps et les traditions permettant la transmission pacifique du pouvoir. Maintenant, nouveauté, le candidat en tête au premier tour, ou plutôt son "équipe" adresse à Poroshenko toute une liste d'exigences (comme par exemple l'annulation de déclaration des ressources pour les activistes de la société civile ...), qu'il doit impérativement réaliser avant le deuxième tour. Sinon, quoi? Tout impératif doit être sanctionné pour avoir un sens, ici et la sanction et les conséquences restent quel que peu flou ...
Le refus de débattre étant mal passé, Zelensky a ridiculisé l'exercice et convoque Poroshenko dans le plus grand stade du pays, pour faire le show, ce qui permet aussi à son équipe de provoquer des mouvements de foule. Poroshenko hésite, mais accepte finalement, se plie à l'injonction. L'équipe de Zelensky continue donc à déstabiliser la situation en lançant, ce qui est quand même une première en matière électorale, une liste "d'exigences" que Poroshenko doit impérativement remplir avant le deuxième tour des élections. Evidemment, cela a été publié sur Facebook.
L'on pourra remarquer des attaques directes, comme l'obligation faite à Poroshenko de déclarer toutes ses compagnies off-shores, les banques dans lesquelles ces compagnies ont des comptes et les bilans de ces compagnies pour les 5 dernières années. Il est vrai que la fortune personnelle de Poroshenko a augmenté de manière proportionnellement inverse à celle du pays. L'on y retrouve également tous les institutions idéologiques de lutte contre la corruption et la criminalité économique, qui tendent à les sortir de la sphère étatique. Ainsi, il faut absolument nommer ces juges anti-corruptions, qui doivent être indépendants non pas du pouvoir, ce qui est normal, mais de l'Etat. Comme l'indépendance absolue n'existe pas, sauf dans les rêves d'adolescent, leur dépendance va ainsi être renforcée - avec les organismes internationaux, ce qui met en péril la souveraineté des Etats. Plus étrange encore, la police et l'ensemble des organes des forces de l'ordre ne doivent plus s'occuper de la criminalité économique, le culte du business est bien présent et ce n'est pas aux organes étatiques de s'en mêler. En matière énergétique aussi, l'on voit très clairement la patte américaine et certains liens avec le rapport Carnegie publié en 2018 sur la réforme du système énergétique ukrainien. Institutionnellement, le renforcement de la proportionnelle est demandé, et bientôt l'on devrait entendre parler du régime parlementaire, dans sa version mythique et ingouvernable du régime d'assemblée, avancé par les organismes internationaux dans tous les pays de l'espace post-soviétique. Sans entrer dans tous les détails de ces étranges "exigences", l'on en retiendra encore une : annuler la loi obligeant les activistes de la société civile de déclarer leurs revenus et leurs dépenses. Pourquoi ? L'obligation de transparence absolue ne doit concerner que l'Etat ? Certains mouvements de fonds sont donc à cacher.
Méthodologiquement, ces exigences n'ont aucun sens. Que Zelensky présente un programme et le défende. Si, sur le fond, l'on retrouve dans ces "exigences" l'ensemble des clichés de la bienpenseance "pro-démocratique" globaliste, l'on ne comprend pas toujours quelle en est l'origine réelle. Ce qui est demandé à Poroshenko est de réaliser en quelques jours un changement radical de système, de détruire ce qui reste de l'Etat ukrainien, de mettre hors contrôle réel le business et la société civile et de se suicider politiquement. Bref, de remettre les clés de l'Ukraine entre d'autres mains, non ukrainiennes, plus expertes. Si certains affirment que l'oligarque Kolomoïsky est derrière ce pantin, il serait assez naïf de penser que Kolomoïsky puisse agir de manière autonome, sans la protection des forces globalistes, qui n'ont rien à voir avec l'Ukraine. Mais la sortie de Merkel félicitant Poroshenko d'être passé au deuxième tour et demandant à Zelensky d'expliquer qui il représente, laisse planer des doutes. Les "garants" européens n'auraient donc pas été mis dans la confidence.
Bref, ce qui est demandé à Poroshenko est objectivement, même s'il en avait soudainement la volonté, impossible à réaliser. Donc, autre question : dans quel but le demander ? Autrement dit, que doit-il se passer si ces exigences ne sont pas remplies. Il y a de fortes chances qu'il ne se passe rien, ce n'est que de la comm, en plus d'un avertissement.
En tout cas, l'équipe de Zelenski a dévoilé, en négatif, la vision portée par leur candidat. Ce qui promet de beaux jours à l'Ukraine ...
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