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samedi 7 mars 2015

Mikhail Fridman ou le nouveau jeu des sanctions contre la Russie

Михаил Фридман

Mikhail Fridman est un des oligarques les plus riches du pays, qui n'a jamais fait de politique et qui n'est pas tombé sous le coup des sanctions que l'Occident a imposé à un certain nombre d'hommes d'affaires russes. Pourtant, la Grande Bretagne veut bloquer l'achat d'une filiale allemande de RWE dont le capital est en partie constitué par des actifs britaniques concernant différentes zones pétrolières en Mer du Nord. La Grande Bretagne exige un autre acheteur, ce qui est une première dans les milieux d'affaires. Mais il faut dire que la situation est spéciale. Voyons en quoi.


En mars 2014, le consortium énergétique allemand RWE conclu avec la compagnie LetterOne, appartenant à M. Fridman, un accord. Dans le cadre de cet accord, un contrat de 5,1 milliards de dollar est conclu pour l'achat par LetterOne de la filiale de RWE DEA, dans le capital de laquelle entre des actifs britaniques concernant dans lieux d'exploitation de pétrole en Mer du Nord.

Le Gouvernement britanique s'oppose à la vente et demande un autre acheteur. Le motif est ubuesque: comme la Russie est sujette à des sanctions économiques, et que ces sanctions sont loin d'être remises en cause, il y a des risques qu'une extension des sanctions économiques puissent toucher Alfa groupe, le groupe de M. Fridman. Ce qui risquerait de porter atteinte aux intérêts britaniques.

L'absurdité touche à son comble. M. Fridman n'est pas sous sanctions et rien n'indique qu'il ne le devienne. L'Angeterre est un des pays en tête du mouvement des sanctions économiques contre la Russie. Mais elle risque de se tirer une balle dans le pied. Toutefois, comme elle ne peut pas demander l'arrêt de cette politique américaine absurde et suicidaire pour les pays européens, elle demande l'annulation du contrat et la recherche d'un autre acheteur, qui lui conviendrait mieux.

Pour faire un geste, M. Fridman, avait proposé d'isoler les actifs britaniques dans la vente et de les protéger particulièrement: RWE les reprendrait en cas de santions. Le Gouvernement britanique continue à exiger un autre acheteur et donne 7 jours de réflexion. Cela ressemble à un ultimatum.

Il faut préciser que l'accord conclu entre RWE et M. Fridman devait être visé par 14 Gouvernements, seule la Grande Bretagne s'y est opposée. Son opposition ne pouvait pas empêcher la conclusion de l'accord. Mais ce que peut faire le Gouvernement britanique, c'est retirer sa licence d'exploitation à DEA, vidant alors le contrat de tout intérêt. M. Fridman envisage de se retouner en justice contre le Gouvernement britanique s'il porte atteinte aux accords conclus avec le consortium allemand.

L'inquiétude du Gouvernement britanique est d'autant plus fallacieuse que les Etats Unis, par la voix de V. Nulland, ont affirmé ne pas envisager d'élargir les sanctions à M. Fridman en particulier et au business russe privé en général. Ils disent ne viser que le business public ou avec la participation de l'Etat. Une telle extension serait en effet difficilement explicable pour les milieux d'affaires. En tout cas si une telle démarche est faite ouvertement. Alors que s'il ne s'agit que de l'initiative concrète d'un Etat envers un contrat précis, c'est une toute autre affaire.

Pourquoi tant de bruit? C'est un jeu qui sembe très subtile et peut être très efficace. La technique consistant à jouer l'économique contre le politique est la colonne vertébrale de la politique américaine menée contre la Russie. L'idée est assez simple: dégrader la situation économique et donc sociale pour permettre un soulèvement populaire et justifier une intervention permettant de soutenir un changement de régime, plus docile.

Pour l'instant les différentes tentatives pour monter la population, de cette manière, contre le pouvoir est un échec, elles ont provoqué l'effet inverse, une consolidation des masses autour du centre de pouvoir. Donc s'il n'est pas possible de jouer sur la masse populaire, trop conservatrice, il faut jouer sur l'élite, plus intéressée, plus volatile.

Et le pari est en effet judicieux. Nous avons souvent parlé ici de la division des élites, des clans qui se partagent le pouvoir et l'influence sur les mécanismes de prise de décision. Le mélange du business et du politique est une faiblesse du système russe de gouvernance. Car il ne sera pas toujours possible au Président russe de faire des rappels à l'ordre comme ce fut le cas avec Setchine ou Dvarkovitch (en fait pour Iakounine et les Chemins de fers russes). Donc passer le message que non seulement le bussiness lié à l'Etat est en danger, mais également le business purement privé peut créer au minimum une incertitude mauvaise pour son développement (le fameux climat d'investissement), au maximum une fragilisation ou un retrait du soutien apporté par les milieux d'affaires au pouvoir en place.

Et relancer la guerre des clans en élargissant le champs des protagonistes est une technique qui risque de faire mal. On en revient toujours à la même conclusion, tant que la Russie n'a pas stabilisé et pacifié les rapports de forces internes et les conflits de pouvoir, tant qu'un choix idéologique n'a pas été formulé, le pouvoir laisse en vue un talon d'Achille qui commence à être ouvertement exploité par l'Occident. 

3 commentaires:

  1. Comme indiqué dans le titre de l'excellent article, on assiste à la mise en œuvre d'une nouvelle phase des "sanctions" contre la Russie. Outre son action directe sur les actifs russes, elle aura pour effet de créer la division au sein de l'élite russe.
    La conclusion extrêmement pertinente : nécessité d'un choix idéologique comme condition indispensable à toute "sortie de crise" pour la Russie, rejoint les analyses du professeur V.Y. Katasonov professeur à la Chaire d'économie de l'Université MGIMO, et dont on peut trouver des traductions françaises publiées hier et avant-hier : http://www.russiesujetgeopolitique.ru/tag/katasonov/

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  2. De toute façon, le pétrole en mer du Nord a franchi un pic. Laissons le aux rosbifs pour qu'ils s'y noient.
    M.Fridman fera de meilleurs affaires en investissant en Russie ou en Chine ou ailleurs où "business is business". Son immense fortune y sera bien plus en sécurité. Quant aux simples citoyens , ils n'ont de cesse de s'étonner de la servilité du caniche britannique qui je l'espère finira par être bouté hors de L'UE à moins que celle-ci finisse par s'effondrer d'elle-même ce qui est encore mieux.

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  3. Félicitations pour votre article, Madame, il est très lucide.

    En accord avec Anonyme, je pense aussi que la fortune des grands hommes d'affaires russes sera plus à l'abri si elle est investie plutôt en Russie qu'en Occident.

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