De manière inatendue et assez surprenante, la justice suédoise vient de rendre une décision remettant en cause l'arbitrage rendu dans l'affaire Yukos contre la Russie par l'Institut d'arbitrage de la Chambre d'arbitrage de Stockholm, rendant par là même infondées les prétentions des acionnaires espagnols de Yukos contre la Russie. Les conséquences peuvent être intéressantes.
Suite à la mise en banqueroute de l'entreprise de M. Khodorkovsky Yukos par la justice russe et à la liquidation des actifs, en 2007 sept investisseurs espagnols ont saisi l'arbitrage de Stockholm pour contester cette "expropriation" par l'état russe et demander une compensation à leur perte d'"investissement".
L'arbitrage, en juillet 2012, leur a donné raison et a condamné la Russie à leur payer 2 millions $ de compensation, décision confirmée par le tribunal de première instance suédois.
La Russie a fait appel devant la Cour d'appel, qui vient d'annuler les décisions précédentes prises dans l'intérêt des actionnaires de Yukos. La Cour se fonde sur le fait que la convention conclue en 1990 entre l'Espagne et l'URSS (toujours en vigueur) ne peut être interprétée comme donnant compétence à l'arbitrage pour résoudre une question d'expropriation. Donc, l'Institut d'arbitrage de la Chambre d'arbitrage de Stockholm s'est à tort reconnu compétent pour trancher le conflit entre les investisseurs espagnols et la Russie, de même que le tribunal de première instance. Leurs décisions sont annulées et leurs avocats ont jusqu'au 15 février pour contester cette décision devant la Cour suprême suédoise, à défaut de quoi elle deviendra définitive, c'est-à-dire qu'elle ne pourra plus être contestée en justice.
Les conséquences plus généralement concernant l'affaire Yukos devant l'arbitrage sont intéressantes, car dans une autre branche de cette affaire, la Russie a été condamnée par l'arbitrage de La Haye à payer 50 milliards $ aux actionnaires de Yukos. Les avocats représentant la Russie estiment que cette dernière décision de la Cour d'appel renforce leur position pour contester l'autre décision d'arbitrage puisque celle-ci fut rendue, notamment, en s'appuyant sur la décision d'arbitrage de 2012 qui vient d'être annulée.
Les pays européens ne devraient peut être pas si vite confisquer les actifs publics russes en Europe, non seulement parce qu'une décision d'arbitrage international ne donne pas ce droit (voir nos publications à ce sujet ici et ici), ensuite parce qu'elle peut être remise en cause si la justice nationale, certainement imparfaite mais systémique, décide finalement de ne pas totalement se laisser discréditer par les mécanismes - assez troubles - de l'arbitrage international.
Une étrange atmosphère, assez toxique somme toute, entoure cette affaire Yukos et la personnalité de M. Khodorkovsky. On se souviendra de la Cour européenne des droits de l"homme qui tantôt condamne la Russie, puis déclare également que le procès Yukos en Russie n'a pas de fondement politique. On voit d'un côté une condamnation en arbitrage international de 50 milliards $, une autre annulée par la justice nationale. Il semble effectivement qu'il y ait politisation, dans le sens de l'utilisation politique d'une affaire et cela semble plutôt être le fait des actionnaires Yukos et de leurs différents comités de conseils et de communication, assez puissants et bien intégrés dans les réseaux politiques des pays européens. Pour exemple, Boris Durande, porte-parole de Khodorkovsky en France, qui s'occupait également de la communication de Fabius lorsqu'il était ministre de l'économie. Les contacts restent, l'objectivité beaucoup moins. Surtout lorsque celui-ci devient ministre des affaires étrangères, que les relations avec la Russie se détériorent, mais que Khodorkovsky est très bien accueilli en France. Une question reste: qui de la justice ou de la politique remportera la mise en définitive?
Espérons que cela soit la justice...
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