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mercredi 27 janvier 2016

Transparency International et l'impossible objectivité d'une "lutte mondialisée" contre la corruption

Заседание Совета по противодействию коррупции.
Réunion du Conseil de lutte contre la corruption auprès du Président de la Fédération de Russie

Transparency International vient de sortir son nouveau classement annuel de la corruption dans le monde. Et plusieurs aspects laissent songeurs sur l'objectivité et la faisabilité même de ce classement. De fait, forcément, c'est délicat, mais l'on en vient à se demander s'il s'agit réellement de lutte contre la corruption ou bien ... ou bien ...

La saison semble particulièrement propice aux rapports, une sorte d'inflation touche le domaine des "experts", ceux-ci évidemment indépendants, nous l'avons vu dans les rapports précédents ces derniers jours, nous l'apprécions hautement évidemment ici aussi.

Pour la relative bonne nouvelle qui va ravir tous ceux qui travaillent sur la Russie, le pays a montré ses meilleurs réulstats depuis 2012 et est passé de la 136e à la 119e place. Mais le bonheur tourne court et ressemble finalement à un petit moment de joie. Car la Russie est à la 119e place ... sur 167 et en compagnie des pays comme le Nigéria. 

C'est ce qui ressort du rapport de la très indépendante et non moins sérieuse Tansparency International. Je me réjouie modérément, mais quand même, les experts indépendants ont vu une amélioration, il y a donc de l'espoir que la situation concernant la corruption s'améliore. D'ailleurs ça se voit au quotidien lorsque vous vous adressez aux administrations diverses et variées, dans les écoles, les hôpitaux, etc. Ca c'est incontestable pour les gens qui, comme moi, vivent dans le pays.

Mais mon sourire se fige lorsque je lis que ce classement est le résultat du travail titanesque - enfin j'imagine qu'il doit être titanesque pour comprendre le fonctionnement réel et non simplement formel des institutions dans 167 pays de langues et de cultures dfférentes - bref le travail d'organisations très indépendantes comme la Banque Mondiale ou Freedom House.

Car en fait d'indépendance, Freedom House est financé par le Département d'état américain, ce qui pose de sérieuses questions quant à son objectivité dans l'approche des pays concernés. Car, au-delà de la question de la corruption, l'on voit clairement un classement politique. Juste un exemple, la Lybie, détruite et dévorée par Daesh est en avance sur la Corée du Nord. Que la Corée du Nord soit un état dictatorial, aucun doute, mais c'est un Etat avec des structures permettant un fonctionnement systémique. Que la politique menée par le régime dérange la communauté internationale, c'est à n'en pas douter. Mais de là à considérer que Daesh soit plus efficace dans sa gouvernance, c'est un pas qu'il m'est difficile à faire. Même si la Corée du Nord fait des tests de lancement de missiles. Même si Daesh a des accointances ... dérangeantes. Et encore, une question: la Corée du Nord, dont l'ouverture et la transparence sont à n'en pas douter les principales caractéristiques a-t-elle ouvert les portes aux experts de Freedom House? En regardant la liste complète des organismes participant à ce classement, il y a peu de chances que "leurs experts" aient pu aider ...

Pour continuer sur la question, cette fois-ci sous l'angle de l'objectivité. La Banque Mondiale est un des organismes permettant d'apprécier l'évolution des pays sur le terrain de la lutte contre la corruption. Mais c'est aussi un pays qui donne des recommandations "impératives" pour aider les pays à emprunter la difficile voie du libéralisme tout terrain et de la mondialisation victorieuse. Que cela provoque des catastrophes sociales, intéresse finalement assez peu l'organisation concernée, elle se place du côté de la finance. Donc, et c'est normal, sa démarche ne peut être ni désintéressée, ni objective. Il est également évident que selon la manière dont le pays exécutera ses recommandations, il montera ou descendera sur le classement de Transparency International. 

Prenons un exemple croisé: le Brésil et la Grèce. La Grèce est officiellement en crise depuis 2009 et est entrée dans les différents programmes d'aide et de conseil de la Banque Mondiale, du FMI et de l'UE. Cette fameuse ou funeste troïka. Depuis, le pays a perdu 25% de son PIB et pas de relance de l'économie à court terme avec les "recommandations" de libéralisation, de privatisation totale et de mondialisation qui lui sont données. Tout simplement, parce que cette politique se fait aussi sur le dos de la masse salariale. En 2009, le chômage était de 9,2%, en 2013 il dépasse 27% et maintenant flirte avec les 25%. Sachant qu'il touche plus de la moitié des jeunes. C'est donc bien une tendance à la paupérisation de la population qui se met en place. Or, la pauvreté est, comme chacun le sait, un facteur de développement de la corruption. Maintenant le Brésil, à propos duquel Transparency International se plaint du fait que des milliers de personnes aient perdu leur emploi, ce qui est un facteur de risque aggravant pour la corruption. Le Brésil baisse dans le classement, la Grèce monte. La Grèce a suivi les recommandations de la Banque Mondiale, même si ses résultats sont catastrophiques. Donc la Banque Mondiale estime qu'ayant suivi ses recommandations, elle ne peut que remonter dans le classement. Autement dit, la paupérisation de la société et le chômage seront appréciés différemment en fonction de la raison qui les a provoqué. 

Et comment, en effet, la Banque mondiale pourrait-elle se remettre en cause et remettre en cause sa politique? Car ne pas faire remonter la Grèce malgrè ses réultats, c'est reconnaître que la politique menée ne sert pas à lutter contre la curruption, à aider les pays en difficulté, mais à harmoniser la conception idéologique: lutter contre l'état. La privatisation de structures étatiques a priori inefficaces pour qu'elles soient remplacées par des structures privées a priori plus efficaces. Même - et surtout - lorsque cela touche les domaines traditionnels d'action de l'état, à savoir la médecine, l'enseignement, etc. C'est en fait la déconstruction des mécanismes étatiques qui est en cours. Cela s'appelle le néolibéralisme et non le libéralisme et soutient le mouvement de globalisation des économies, mouvement gêné par l'existence des états souverains.

Le problème est que les états ont réellement besoin de lutter contre la corruption. La corruption qui touche l'état. Il y a ici, comme en médecine, deux manières d'aborder le problème. Du point de vue de Transparency International et des organismes hautement "indépendants" qui établissent ce classement, il faut lutter contre la source de la corruption. Or, sans état, pas de corruption. Donc, il faut lutter contre l'état moderne. C'est-à-dire l'état tel que résultant des Lumières. Cette période doit prendre fin. Mais il peut exister un autre point de vue, celui des états encore souverains et conscients de la nécessité de mettre en place des mécanismes étatiques extrêmement techniques et pointus pour lutter efficacement contre la corruption, justement telle qu'elle se développe chez eux. Et il faut trouver le juste dosage entre différentes mesures techniques et politiques afin de garantir l'efficacité systémique de la lutte contre la corruption.

Par exemple, le 26 janvier, s'est réuni le Conseil auprès du Président russe pour la lutte contre la corruption. Il y est question de la mise en place de mécanismes précis, comme la responsabilité financière des fonctionnaires, la possibilité de saisie de leurs biens illégalement acquis etc. donc de mécanismes devant très concrètement lutter contre les différentes formes de corruption, en sachant différencier le danger social qu'elles présentent et donc adapter les mesures répressives en fonction des situations, allant de l'amende à l'incarcération.

Pour prendre un dernier exemple, sur les 9 premiers mois de 2015, plus de 8800 personnes ont été condamnées au pénal pour corruption et 11 000 ont été condamnées à des mesures disciplinaires. Maintenant, toute la place est donnée à l'interprétation. Cela signifie-t-il que la corruption augmente ou que la lutte s'intensifie? En principe, la condamnation est le signe d'une réelle volonté politique de lutter. 

Mais Transparency International ne rentre pas dans ces considérations, car ce n'est pas la lutte réelle qui intéresse cette institution, lutte qui renforce l'étaticité. Nous sommes manifestement à l'ère des faux et des mauvaises parodies. De la parodie de justice, de la parodie de lutte contre la corruption. Mais les états ont besoin d'une réelle justice et d'une réelle lutte contre la corruption, c'est vital, pour les renforcer. C'est pourquoi le processus, du point du vue des organismes internationaux, est plus important que le résultat, un processus permanent de réformes diverses et variées pour "lutter contre la corruption", pour "l'indépendance de la justice". Des éléments fondamentaux du fonctionnement normal des institutions qui sont devenus de simples slogans, instrumentalisés, politisés, vidés de tout sens et de bon sens. Car maintenir les états en situation de réformes permanentes, externalisées, c'est les affaiblir et limiter leurs capacités de développement. 

Mais jetez un oeil au rapport de Transparency International, il est très beau, avec des photos, des couleurs, des interviews. Notamment concernant donc la corruption, on notera l'interview d'un photographe qui a pris la photo d'une enfant de 9 ans au Bangladesh. Un expert incontournable sur la lutte contre la corruption. Mais l'on y trouve également des slogans magnifiques comme:
"Corruption can be beaten if we work together", José Ugaz, Chair, Transparency International
C'est beau, c'est grand, c'est généreux. Mais il faut quand même s'occuper du problème, de manière beaucoup moins sexy, que dans ce types de rapports politiques. Et il faut s'en occuper malgré ce types de rapports. 

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