La sortie du film Mathilda présentant l'histoire de Nicolas II par le trou de la lorgnette est à l'origine d'un véritable scandale en Russie. Un mauvais film de plus ou de moins ne change plus grand chose, le cinéma russe blockbusterisé à outrance nous en abreuve ces derniers temps, mais la député Poklonskaya, sur demande directe de citoyens russes, n'a pas laissé passer le recours à un acteur allemand connu dans le porno pour incarner le dernier Empereur, qui vient par ailleurs d'être canonisé. Où se trouvent les limites de la liberté artistique? Une question rhétorique que le droit n'est pas toujours en mesure de résoudre. Pour autant, cela ne donne pas non plus le droit à l'avocat du réalisateur Outchitel, K. Dobrinine, de menacer directement la député, simplement parce que l'exercice de ses obligations statutaires dérange certains milieux. Liberté artistique contre liberté des députés? Si chacun garde le silence, qui aura le droit la prochaine fois de mettre fin aux activités d'un député qui dérangerait un peu trop? Celui qui parlera le plus fort.
La presse française a parlé de la controverse autour de la sortie du film Mathilda. Mais le conflit a été présenté comme celui d'une lubie de fanatiques religieux contre de pauvres artistes, déjà comme ça persécutés "au pays de Poutine". Rappelons que le réalisateur A. Outchitel a reçu le soutien direct et public du Président russe et que le film, financé par le ministère de la culture, est directement soutenu par le ministre, que l'Eglise orthodoxe ne s'est pas opposée officiellement à son interdiction.
Alors d'où vient le problème?
Des citoyens, loin du Gouvernement, de l'Eglise officielle, des milieux artistiques, bref de simples citoyens (qui sont par ailleurs l'électorat de base du Président actuel) s'inquiètent des atteintes portées aux symboles religieux. Ils se sont adressés à leur député, Natalya Poklonskaya, l'ancienne procureur de Crimée, connue pour son enthousiasme et son intégrité. Elle s'est adressée à la Procuratura générale, s'appuyant sur des expertises, pour que le film soit vérifié au regard de l'atteinte portée aux croyants et de l'extrémisme. A ce jour, elle n'a pas reçu de réponse officielle. Elle estime, par ailleurs, que l'autorisation de sortie du film délivrée le 10 août a été donnée par le ministère de la culture en violation des règles établies, puisqu'il n'a pas été montré au préalable au Conseil civil auprès du ministère, pourtant chargé de donner un avis sur tous les sujets controversés .
Plus concrètement, alors que Nicolas II vient d'être canonisé et que cette année est celle de l'anniversaire des révolutions de février et d'octobre ayant mis fin à la monarchie de manière sanglante et tragique, que les blessures ne sont toujours pas cicatrisées dans la société, le financement et la sortie de ce film sont ressentis comme une provocation. L'acteur principal qui joue le rôle de Nicolas II est surtout connu dans le cinéma allemand pour ses scènes pornos, notamment celle d'une profondeur particulière dans laquelle il enfonce un saucisson dans les fesses. Un autre rôle central est aussi tenu par un acteur allemand, qui lui déclare à qui veut l'entendre qu'il ne mettra jamais les pieds en Russie, ce pays barbare et sans culture.
Peut-on pour autant interdire légalement le mauvais goût? Non, malheureusement. Le mauvais goût n'est pas une incitation à la haine raciale, ni une forme de terrorisme et s'il porte atteinte aux sentiments des gens, cela dépasse le cercle des croyants. Légalement, il n'y a pas de fondement pour interdire le film. L'on peut se demander sur quels fondements le minitère de la culture a décidé de le financer, justement en l'honneur de la date anniversaire des révolutions de 1917, mais ici aussi c'est une question et de bon goût et ... de culture. La question qui se pose alors est plutôt celle de la responsabilité politique du ministre qui n'en est pas à son premier exploit dans le domaine historique.
Pour autant, cela ne justifie pas la kabbale lancée par les milieux bien pensants, s'affichant comme patriotes et insistants sur ce point (comme si cela avait quelque chose à voir ici), contre la député Poklonskaya. Le présentateur politique très à la mode Soloviev s'indigne et se demande pour quoi elle est payée. Elle y répond très bien dans un article, expliquant qu'elle ne fait que son travail, justement. Puisque, au-delà du vote des lois, les députés ont également une fonction de contrôle et de surveillance, agissant dans l'intérêts de leurs électeurs.
Mais la palme d'or toute catégorie de l'imposture est détenue par l'avocat du réalisateur, K. Dobrinine, qui a envoyé un "avertissement" (acte juridique qui n'entre que dans la compétence des procureurs) à la député Poklonskaya, pour qu'elle mette fin à son activité contre le film, la menaçant dans le cas contraire d'une action pénale et de la destitutiton de son mandat. En langage courant, cela s'appelle de l'intimidation et n'a rien à voir avec les activités que l'on est en droit d'attendre d'un avocat.
Certes, la député Poklonskaya relance la Procuratura pour obtenir une réponse officielle. Celle-ci ne semble pas très à l'aise et traine dans la réponse. Même si son activité dérange le réalisateur du film, cela ne donne pas le droit à son avocat de menacer et d'intimider la jeune député, qui a déjà fait preuve de son courage dans la période trouble du rattachement de la Crimée. A moins que, justement, cet épisode dérange beaucoup les "patriotes d'opérettes", dont les discours à ce sujet sont bien connus. Rappelons que la personnalité de cet "avocat" n'est pas anodine. Il appartient idéologiquement au clan autoproclammé libéral. En février 2012, il se fait élire dans un district quelque part dans la région d'Arkhangelsk et en mars il se fait nommé sénateur, juste à la fin du mandat présidentiel Medvedev. Il occupera ce poste trois ans, le Gouverneur d'Arkhangelsk déclarant en 2015 que Dobrinine n'est pas sur la liste des candidats. Celui-ci s'était en effet prononcé contre toutes les lois renforçant le contrôle de l'Etat, qu'il s'agisse de la loi Yarovaya contre le révisionisme concernant la critique du clan des Alliés lors de la Seconde guerre mondiale (dans le contexte balte de la réhabilitation du nazisme et de la collaboration), de la loi Dmitri Iakovlev restreignant l'adoption internationale après les scandales ayant touché les enfants russes aux Etats Unis. En 2015, juste avant de partir, il fut l'un des seuls à proclammer le caractère inéluctable de la reconnaissance du mariage homosexuel en Russie, sujet controversé s'il en est dans une société conservatrice.
Derrière la vindicte lancée par cet avocat, il y a bien l'illustration de la confrontation de deux idéologies, de deux visions du monde. Mais plus concrètement, il y a intimidation d'un député remplissant ses fonctions, à savoir donnant suite aux plaintes déposées par les citoyens.
Jusqu'où peut aller la liberté artistique? Certainement pas jusqu'à la limitation des obligations statutaires d'un député. Il est regrettable qu'à ce moment aucune voix officielle ne se soit encore élevée pour remettre les choses à leur place. Et cet avocat en premier lieu. Le silence du Gouvernement est logique, celui du Parlement est plus étonnant. Accepter de tels méthodes de voyous est la porte ouverte à tous les excès, inacceptables dans un état de droit.
Les menaces de cet avocat contre la députée Poklonskaya, sont inadmissibles. Les insultes de l'acteur allemand, disant que les russes sont des barbares et n'ont aucune culture me font marrer parce que, franchement, si en Europe il y a des gens qui a plusieurs reprises se sont comportés pires que des barbares se sont bien les allemands, les russes en savent quelque chose, 26 millions de morts ça ne s'oublie pas. Je souhaite que ce film fasse un bide.
RépondreSupprimerQuelle ai ou non-raison, la censure est le mal qui ronge les religions, ont le vois avec daesh et la religion musulmane.
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