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jeudi 22 mars 2018

Billet du jour: Cachez-moi ce Sloutski que je ne saurais voir!



La vague anglo-saxonne du harcèlement sexuel est arrivée en Russie, néo-féministes du monde entier unissez-vous, le jour de gloire est arrivé! Mais comme les femmes russes sont depuis longtemps libres, considérées égales aux hommes et n'ont donc pas besoin d'être "libérées", il a bien fallu les aider à comprendre l'urgence de rejoindre la mode globale. Ici comme ailleurs, l'aide est venue de nos chers amis d'Outre-Atlantique en la personne de journalistes travaillant pour ou avec les médias anglo-saxons en Russie et ce contre le député Léonid Sloutski, celui-là même qui fait venir tant de politiciens européens en Crimée. Un scandale qui ne cesse de grandir, car la Russie ne joue pas le jeu. 

Tout a commencé lorsqu'en février, en pleine campagne électorale pour les présidentielles, une journaliste de Dojd (média d'opposition) prenant une interview de Jirinovsky (LDPR) lui raconte des tentatives de harcèlement sexuel contre les journalistes accréditées à la Douma. Jirinovsky déclare alors qu'il faut voir ce qui se passe. La mécanique est lancée. 

Rapidement, sur le site de Dojd apparaissent des accusations anonymes de journalistes contre le député Léonid Sloutski (LDPR), président de la commission de la Douma pour les affaires étrangères. C'est lui qui fait régulièrement venir des délégations étrangères de politiciens et d'hommes d'affaires en Crimée. Bref, un homme qui dérange. Et en plus un individu qui semble assez mal dégrossi, aux manières assez (trop) directes, à la façon de parler forte. 

L'image parfaite du prédateur se met en place et la mécanique se précise avec les "victimes". Ces journalistes ont - étrangement - en commun de travailler pour des médias d'opposition, voire étrangers. La première à lancer le mouvement est la Géorgienne E. Kotrikadze, pour des faits remontants à 7 ans, travaillant aujourd'hui à New York pour RTVI. Ensuite, la journaliste "nationalise" le mouvement, pour ne pas être trop caricatural, avec la productrice de la chaîne d'opposition Dojd D. Jouk pour des faits remontant à l'automne 2014. Mais rien ne se passe, la BBC vient à la rescousse et F. Roustamova s'épanche.

Le tableau est prêt: 
  • une cause incontestable : la lutte contre le harcèlement sexuel, qui peut être contre?
  • des victimes intouchables: les journalistes, surtout d'opposition ou étrangers, font peur, ils ont une capacité de nuisance particulièrement importante dans un monde hypermédiatisé;
  • un bourreau prêt-à-consommer: politicien, donc mauvais, brut de batterie, qui en plus a le mauvais goût de s'occuper assez efficacement de la Crimée.
Après le fleuve d'accusations dans la presse, les journalistes se sont adressées début mars au Comité d'éthique de la Douma. Et il y a déjà eu de la perte en cours de route: la première, celle de New York, s'est arrêtée à la justice populaire médiatique, il est vrai que devant le Comité il faut apporter des éléments de preuves en plus de ses allégations.

Donc, deux journalistes, Roustamova de la BBC et Jouk de Dojd. La première a produit quelques feuilles de papier devant être le script de l'enregistrement des "avances" faites le député L. Sloutski. Et l'on découvre avec horreur l'ampleur de l'atteinte portée: il plaisante (très) lourdement et propose à la journaliste de quitter la BBC pour devenir sa maîtresse. L'on comprend son indignation, toucher ainsi à la réputation d'un tel organe de propagande, pardon de presse, ça ne se fait pas. Comment quitter la BBC?

La seconde, Jouk de Dojd, c'est encore pire. Il a tenté de lui faire un bisou et en plus a posé comme condition de sa participation à une émission qu'il puisse l'inviter au restaurant. Là aussi, bon elle a pu repousser un type un peu lourd et bavouilleux, certes. Mais se faire inviter au resto? Non, mais vous plaisantez? Les femmes sont libres, elles peuvent payer l'addition quand même. En passant, il ne s'agissait que de sa parole.

Plus sérieusement, l'on est assez loin des scandales d'Hollywood, des viols, des coucheries en vrac pour obtenir des rôles et faire sa carrière. Ici, l'on a un comportement lourd et pouvant être désagréable, mais qui n'emporte aucune qualification pénale. Il faudrait quand même encore savoir se défendre seule et envoyer se balader les importuns. Ce qui les calme immédiatement. D'autant plus qu'à la différence de Hollywood, la carrière de ces journalistes ne dépendait en rien de ce député. 

La commission d'éthique n'a donc pas surfé sur la vague globale de la victimisation des femmes, de leur transformation en caniche effarouché, transformation tant voulue pour déstabiliser les rapports hommes-femmes dans nos sociétés déjà fragilisées. Ce refus, puisque la commission n'a pu authentifier l'enregistrement et que les faits reprochés étaient loin de constituer une infraction, à provoquer l'ire des médias d'opposition, qui en remettent une couche.

RBK, chaîne de télévision de tendance (très) libérale, a lancé l'appel à la "résistance" en déclarant retirer tous ses journalistes accrédités auprès de la Douma, puisqu'ils ne peuvent y travailler en toute sérénité. Elle a été immédiatement suivie par Dojd. Rappelons que ces chaînes ont un très grand nombre de projets communs avec des médias américains. Un détail certainement, une coïncidence. Ou bien simplement faut-il bien suivre la voix de son maître. Evidemment les très démocrates Echos de Moscou n'ont pu rester en retrait de ce combat du Bien contre le Mal. Pour sa part, le journal Kommersant a décidé de boycotter Sloutski et la Commission d'éthique de la Douma, démarche assez émotive et non professionnelle. Certainement, d'autres grandes déclarations suivront, car il faut bien forcer la Douma à réagir comme attendu, c'est-à-dire à rentrer dans le jeu et non pas à l'ignorer. Ignorer les tendances mondiales est la pire insulte qui puisse être faite à ce nouvel ordre.

Les journalistes, comme toute personne, peuvent s'adresser à la justice. Au pénal, si les faits constituent une infraction pénale. Mais une tentative de bisou, une blague - même très lourde - et une invitation au restaurant ne constituent pas encore des infractions pénales, même lorsqu'elles émanent d'un homme envers une femme. En revanche, si cela leur a réellement causé un préjudice moral et qu'elles peuvent apporter des éléments de preuves sérieux permettant d'établir et les faits et la réalisation du préjudice, elles peuvent en demander réparation au civil. Toutefois, si des allégations sont suffisantes pour le tribunal populaire médiatique, devant la "véritable" justice, la vengeance et l'opportunisme ne sont pas suffisants.









5 commentaires:

  1. Bonjour Karine. Dans le métro de Paris, nous avons droit depuis quelque temps à des messages sous différentes formes appelant à signaler tout comportement susceptible de relever du harcèlement sexuel ; étrangement le scandale de la commune de Telford au Royaume-Uni ne fait pas l'objet d'un tel battage médiatique.

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  2. Excellente présentation... bravo

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  3. Merci pour ce magnifique papier chère amie! Il est plaisant de vous lire je dois avouer! Comme votre dernier ouvrage au demeurant que je suis en train de lire avec celui de Michael Miguères Russie,L'autre voie pour l'occident! Bien à vous! J-P Charrier.

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  4. Il existe un moule occidental dans lequel la Russie est priée de rentrer, sinon...
    Sloutski ne me paraît pas avoir fait quelque chose d'irréparable et n'importe quelle femme est capable de gifler un type un peu trop collant sans en faire un drame. Que la Douma et la Justice ne rentre pas dans cette comédie est excellent, quant aux libéraux russes, je suis ravie qu'ils aient pris une telle veste aux élections parce que, décidément, ces gens sont trop nuls.

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  5. Les grands médias français ne parleront pas de l'oncle des boxeurs Klitchko qui tenait un bar à hotesses à Kiev, ni de l'ancien candidat pro-occidental à la présidentielle russe de 2012, Prokhorov, arrêté en Courchevel pour ses comportements trop cavaliers. L'un et l'autre ne sont pas dans le camp qu'il faut stigmatiser.

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