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mercredi 24 avril 2019

Gaspar Glanz, Kirill Vyshinsky ou Oleg Sagane : du compromis à la compromission des organisations professionnelles



La mise en garde à vue de Gaspar Ganz et l'interdiction qui lui a été faite de paraître à Paris les samedis jusqu'au jugement en octobre, alors qu'il est journaliste engagé, pour avoir fait un doigt d'honneur aux policiers, a provoqué une montée de bouclier de la profession. Ce qui est heureux. Pour autant,  le cas d'autres journalistes, incarcérés à nos portes, pour avoir exercé leur métier ne sont jamais évoqué dans la presse française. Même lorsque eux sont torturés - dans le sens direct du terme. Est-ce par ce que l'Ukraine post-Maïdan est a priori démocratique et que le rédacteur en chef Kirill Vyshinsky ou le documentaliste Oleg Sagane ne peuvent être des prisonniers politiques ? A laisser la terreur progresser, elle finit toujours par vous rattraper. Et la répression dont les journalistes font l'objet depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes devrait faire réfléchir la profession au bien-fondé de son parti pris idéologique. L'on ne peut s'indigner pour un homme, en laissant les autres croupir en silence, en espérant lâchement ainsi laisser passer la vague.



Il est heureux de voir la réaction de 22 rédactions s'indigner contre l'interpellation du journaliste engagé Gaspar Ganz lors de l'Acte 23 des Gilets Jaunes pour avoir fait aux policiers un doigt d'honneur. Deux jours de garde à vue et un contrôle judiciaire lui interdisant de paraître à Paris les samedis et le 1er mai pour un geste déplacé, jusqu'au jugement le 18 octobre pour outrage sur personne dépositaire de l'autorité publique, dans des circonstances discutables :
"D'après les témoignages recueillis depuis, il a eu un mouvement d'humeur à destination de policiers, ces derniers refusant de l'entendre alors qu'il voulait se plaindre d'avoir été visé par un tir de grenade"
Le communiqué est très clair :



Cela montre une véritable dérive autoritaire d'un système qui ne supporte plus l'expression. Et sur ce point, ces rédactions ont raison de réagir. Le journalisme, à l'image de l'époque, devient engagé. Qu'il s'agisse de ceux, les plus nombreux, qui soutiennent le système politique, ou de ceux qui veulent couvrir "autrement" les évènements. L'engagement est partout, les réseaux sociaux le renforcent.

Ce qui est regrettable est le silence, en raison même de cet "engagement" de ces rédactions sur les cas de violences contre journalistes à nos portes, simplement parce que l'Ukraine est la "victime" désignée par le clan atlantiste et qu'ils ne cherchent pas à aller plus loin. Rappelons le rédacteur en chef de RIA Novosti Ukraine, Kirill Vyshinsky arrêté en raison du contenu des articles publiés sur le site ne correspondant pas à la ligne du régime de la démocratie pro-européenne post-Maïdan (voir notre article ici). ou encore Oleg Sagane, 63 ans, qui réalisait des documentaires sur l'Eglise orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou a dû interrompre ses activités professionnelles après le Maïdan, aller en Russie travailler comme ouvrier dans le bâtiment pour survivre et faire vivre sa femme, âgée et malade. Deux fois interpellés et violentés à leur domicile, Sagane a finalement été incarcéré à Kherson, comme Vyshinsky et vient d'écrire une lettre à l'OSCE en raison des mauvais traitements qu'il subit, qualifiables de torture selon le droit international : placé dans la cage en métal du véhicule de transport, les 24 et 25 décembre, pour un trajet d'une heure et demie avec une température de -12°; privation de nourriture pendant deux jours successifs; mis dans une cellule de 30 m2 surpeuplée (22 à 30 personnes) avec 18 lits et un téléviseur qui marche en permanence; attaché pendant un interrogatoire de 8h avec interdiction de se lever de sa chaise;  après un an et demi d'enquête aucune preuve n'a été trouvée, seuls restent les "éléments de preuves" mis à son domicile par les policiers qui sont venus l'arrêter et procéder à la perquisition, ainsi que les dépositions pré-écrites signées par son fils, obtenues sous la menace et le tribunal reporte toujours sa détention provisoire. La liste est longue, mais cela est déjà significatif.

Il est naïf de penser que fermer les yeux sur ces pratiques, les ignorer, ne pas en écrire une ligne est sans danger. Toute compromission est dangereuse. S'il est possible de blesser et d'agresser volontairement les journalistes lors des manifestations, pour les dissuader de faire réellement leur travail, de montrer des images non censurées, s'il est possible de dégrader leur matériel de travail, s'il est possible de leur interdire de faire leur métier, et tout cela se passe aujourd'hui en France, nous ne sommes qu'à un pas de l'Ukraine, où un seul engagement est possible, pour le régime post-Maïdan. Où l'engagement est obligatoire, au risque de se faire condamner pour trahison. Ou de se faire tuer.

En France aussi, l'engagement pour la Macronie est requis. Seule la sanction diffère : l'on ne vous juge pas (encore) pour trahison, mais pour outrage. Quand l'outrage à la Macronie deviendra une trahison, il sera trop tard. Ils viendront aussi à vos portes. 

1 commentaire:

  1. La véritable autorité n'a pas besoin d'user de violence, physique ou psychologique, pour s'exercer, surtout lorsqu'on s'en prend à ceux qu'on a la responsabilité de protéger. Il faut que les agents de l'État, et l'État lui-même, aient peur pour agir ainsi et tout ce qu'ils arrivent à démontrer c'est leur incompétence.

    La crainte que vous éprouvez, « Quand l'outrage à la Macronie deviendra une trahison, il sera trop tard. Ils viendront aussi à vos portes. », est malheureusement plausible. Les Français sauront au moins qui ils ont réellement élus et ce que valent leurs belles promesses : du vent, rien que du vent pour mieux les détrousser.

    Les Gilets jaunes devraient en tirer la confirmation qu'ils ont raison et que leur démarche est salutaire, qu'elle aurait même dû se manifester plus tôt.

    On peut en vouloir à celui qui nous a roulé une première fois, mais si on lui permet de récidiver, alors c'est à soi-même qu'on doit s'en prendre.

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