Ayant conscience du rôle fondamental de l'éducation dans la formation des esprits, la Russie s'est dotée d'une législation visant à réduire l'influence extérieure des "agents étrangers" sur l'enseignement, secondaire et universitaire, autant que culturel. Si cette initiative est louable, malgré la vague de critiques dont elle a fait l'objet, ce qui peut-être justifie d'autant sa nécessité, elle est très loin de régler la question vitale pour le pays, surtout aujourd'hui dans un contexte à ce point conflictuel, de la prise en main de l'éducation par une idéologie incompatible avec les valeurs défendues et affichées en Russie. Ainsi, l'on n'oubliera pas le rôle central joué par le bureau de l'OCDE à Moscou et l'on peut sérieusement s'interroger sur cette folie des autorités moscovites incitant les élèves et les étudiants à se déplacer vers Tik Tok, l'un des réseaux les plus invasifs et destructeurs, notamment celui qui soutient Navalny. Ces positions sont totalement incompatibles les unes avec les autres : soit Tik Tok, l'OCDE et Navalny, soit la lutte contre l'influence extérieure afin de donner à la population russe un enseignement véritablement de qualité, une force intérieure, qui est la meilleure garante de la stabilité sociale.
Ce 5 avril, la loi fédérale russe sur l'activité d'éducation a été signée par le Président, après des critiques particulièrement émotives, maintenant le ministère de l'éducation prépare sa mise en oeuvre. Le but de cette loi est de bloquer l'accès à toute activité d'enseignement, quelle qu'en soit la forme, aux agents étrangers, c'est-à-dire aux personnes physiques et morales financées de l'étranger et ayant une activité politique en Russie. La principale mesure passe par le contrôle, puisque désormais un contrat devra être conclu avec les lecteurs, qui ne peuvent avoir de casiers judiciaires ou être affiliés à une structure qualifiée d'agent étranger. En soi, il n'y a rien de choquant, mais certaines personnes se plaignent qu'il sera donc nécessaire de conclure un contrat à chaque fois qu'une "star", évidemment venue de l'étranger, sera invitée à faire une conférence devant des étudiants. Finalement, la bureaucratie peut avoir du bon !
Pourtant, si cette saine volonté de reprise en main du discours nationale est non seulement souhaitable, mais urgente, le combat annoncé reste très modeste. Aucune remise en cause du rôle central et destructeur du bureau de l'OCDE à Moscou, OCDE dont la Russie n'a pu devenir membre en 2014 en raison de la Crimée, mais qui est devenu incontournable dans les réformes pédagogistes et progressistes de l'enseignement en Russie, tant scolaire qu'universitaire.
Or, il y a bien ici une contradiction : s'il s'agit d'une volonté politique réelle de lutter contre l'ingérence, et non d'un simple discours, ces structures internationales parasitaires devraient être visées en premier lieu.
Cette étrangeté de la lutte pour le discours national est parfaitement illustrée à Moscou, et n'oublions pas que Moscou donne le ton pour la Russie. Utilisant la période du confinement pour renforcer l'implantation des technologies dans le processus éducatif, réduit à peau de chagrin, la mairie de Moscou est allée beaucoup plus loin et ne s'est pas arrêtée en si bon chemin avec le retour des enfants à l'école. Dès février 2021, les parents d'élèves ont été contactés sur les tchats pour participer à une grande réunion de parents d'élèves on line. Eux, pensaient pouvoir expliquer tous les problèmes accumulés et rencontrés. Mais que nenni, des blogueurs stars leur ont expliqué à quel point les réseaux sociaux sont super, comment on peut détourner la limite d'âge pour que les enfants y soient présents plus tôt que légalement autorisés, comment on peut devenir une star de Tik Tok et y gagner sa vie ... Le choc de deux mondes ...
Aussi étrange que cela puisse paraître, ce n'est pas un hasard. La mairie de Moscou et le Département de l'enseignement a décidé d'utiliser Tik Tok, l'un des réseaux les plus primaires et agressifs, "dans un but pédagogique". Pour cela, une gigantesque campagne de pub est lancée, dans la ville, à la télévision, pour inciter les enfants à s'inscrire sur Tik Tok sous le slogan "Apprends sur Tik-Tok". Et à compter du 5 mars, le Département de l'enseignement de Moscou publie officiellement cette annonce "Les écoles de Moscou enseignent sur Tik Tok".
Et, ce qui montre que cette initiative dépasse la mairie de Moscou, un mois plus tard, de grandes universités comme l'Université d'Etat de Moscou (plus conservatrice), la très progressiste Ecole supérieure d'Economie, mais aussi la Bibliothèque nationale, etc, se joignent à ce mouvement.
Autrement dit, les enfants qui n'y sont pas encore, sont incités à s'y inscrire. Sur le plan pédagogique, c'est une aberration - si l'on veut réellement que les enfants soient éduqués. Et le mélange des genres est poussé à l'extrême : les visites "culturelles" de Moscou depuis son canapé sur Tik-Tok, le concours de la Journée des cosmonautes pour les écoliers qui passe par Tik-Tok.
Ainsi, Tik Tok est légitimé. Le même réseau, où l'on peut entendre leur blogueur-roi appeler les jeunes à ne pas devenir médecins ou enseignants, mais à venir faire de fric ici. Le même réseau, qui s'est lancé en début d'année derrière Navalny et incitait ces mêmes jeunes à faire la révolution. Tout est ramené au même niveau : des extraits de conférences universitaires, des cours de math, la recette de gâteau, la dernière technique de maquillage, les incitations à manifester, les incitations au suicide, Gagarine et le jour des cosmonautes. Plus rien n'a de sens - et c'est le but. Il ne reste qu'une parodie.
Beaucoup de voix s'élèvent contre cette tentative des pouvoirs moscovites d'engluer encore un peu plus l'école dans les réseaux sociaux. Le public visé par Tik Tok n'y est pas pour s'éduquer, mais pour voir ses blogueurs préférés déblatérer sur des vidéos courtes. Sans même parler des nombreux groupes d'incitation au suicide, qui y polluent. Peut-on réellement croire que ceux, au Département de l'enseignement de Moscou, qui lancent l'école en mode Tik Tok pensent sincèrement améliorer le niveau de formation de la population ?
La question est finalement très simple : va-t-on réellement dégrader l'éducation jusqu'à ce niveau ? C'est possible et la tentative est en cours, pas uniquement en Russie. Car une population non éduquée est beaucoup plus facilement manipulable et ce monde global ne pouvant assumer la complexité de l'homme, doit le réduire, l'écraser, le vider de sa substance.
Cette question est fondamentale pour la Russie : ce n'est pas parce que, maintenant, les manifestations en soutien à Navalny sont moins importantes, qu'il faut laisser passer ces idées "progressistes" destructrices. Il ne sert à rien de prendre des mesures pour défendre le pays d'une influence extérieure, si de ses propres mains, on réalise la même chose. Cela vide de sa force le message envoyé d'un pays se voulant souverain et prêt à se battre pour cela. Cela ramène ce combat à d'étranges gesticulations, couvrant d'un voile d'illusion le travail en profondeur et en silence qui continue.
Contrairement à ce qu'on m'enseignait en cours de philo, la morale est fondamentale lorsqu'on veut vivre en société et qu'on souhaite acquérir un degré de civilisation élevé. Les enfants sont par définition stupides, ignorants et des cibles faciles pour tous les marchands de désordre sociaux. Affubler les enfants d'un smartphone avec l'accès complet à l'Internet est risqué. En cas de manquement des parents dans leur devoir de surveillance, il est bon de légiférer pour protéger les plus fragiles.
RépondreSupprimerSur la couverture de l'Economist 2021, nous trouvons le logo Tik Tok et ce n'est pas pour rien.
RépondreSupprimerBonne chance! Une sorte de guerre mondiale est en cours. J'apprends avec cet article qu'elle touche la Russie et souhaite sincèrement qu'elle résiste à cet assaut non conventionnel.
RépondreSupprimerSi j'ai une idée, je suis votre homme.
Merci pour cet intéressant article !
RépondreSupprimerEspérons que les valeurs de l'ORTHODOXIE sauront être un rempart contre la destruction de la jeunesse...
A la Grâce de Dieu !
Oui, Marie, mais il nous faudrait un métropolite Onuphre, quoique ce soit déjà bien qu'il existe en Ukraine...
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