Depuis la vague de vérifications des financements des ONG russes, la communauté internationale et la communauté des activistes russes est en plein émoi. On ne reviendra pas sur l'agence américaine FARA qui soumet à un enregistrement spécifique les ONG travaillant sur le territoire américain exerçant une activité "politique" financée par l'étranger et qualifiées d'agent étranger. C'est connu. Dans le rapport semestriel pour 2012, on y trouve, par exemple, le bureau du tourisme des Bahamas dont le but est la promotion du tourisme par la participation à des expositions, des conférences ou séminaires (Voir http://www.fara.gov/reports/SAR_JUNE_2012.pdf p. 24). Comment qualifier leur activité de politique?
En fait, le problème vient de là, la qualification d'une activité de politique. Prenons le cas du soutien de l'Etat français à la Palestine par l'intermédiaire d'ONG y travaillant. Le NGO-Monitor, organisme de sureillance des ONG (projet, selon le site, visant à dénoncer le tournant anti-américain de la France de la Ve République et la remise en cause des liens très particuliers noués avec Israel), dans un rapport initialement publié en anglais, condamne l'activité de l'Etat français en Palestine. Sous couvert de financement d'ONG travaillant dans le domaine des droits de l'homme ou de l'humanitaire, comme le Secours catholique ou Médecins du Monde, la France est accusée de former les esprits contre Israel et sa politique dans la région. (Voir http://www.objectif-info.com/index.php?id=746)
Donc l'ingérance d'un Etat étranger dans les affaires politiques d'un autre pays est condamnable et condamnée, peu importe que cela passe par une ingérence directe ou par l'instrumentalisation des ONG. Mais comme le premier moyen d'action est dépassé, le second est devenu le fer de lance de la géopolitique. Il ne s'agit même pas d'une critique, mais d'un fait. Chacun défend ses intérêts et à l'époque ou les intérêts de tout Etat dépassent largement le cadre de ses frontières, il serait naïf de croire qu'il ne cherche pas à créer un contexte politique favorable dans les pays où ses intérêts sont en jeu.
Donc la Russie défend ses intérêts. Les Etats Unis également, c'est de bonne guerre. Il est regrettable que dans cette histoire ce soient les droits de l'homme qui soient pris en otage, qu'ils aient été instrumentalisés pour finalement petit à petit se discréditer. Mais c'est un autre débat. Et les réactions sont irrationnelles.
Juste un exemple. Résidant en Russie depuis 10 ans, j'ai été contactée sur Facebook par un jeune homme (dont je ne divulguerai pas le nom), qui travaille dans l'association Memorial. Voici l'échange traduit en français:
Lui: Je voudrais vous poser une question, êtes vous française?
Moi: Oui, pourquoi?
Lui: Il y a une idée intéressante. Hier, la procuratura a dit au comptable de l'association Memorial de la région des Komis que s'ils touchaient encore une fois un financement de l'étranger, ils devraient s'enregistrer comme agent étranger. Voici l'idée. Et si l'on touche une somme de 10 euros, on sera quand même obligé?
Moi: Et pourquoi ne pas vous enregistrer, c'est difficile?
Lui: Premièrement, oui, c'est difficile. Deuxièmement, c'est comme devoir porter l'étoile de David dans l'Allemagne nazie. Troisièmement, nous n'avons pas d'activité politique.
La question est donc idéologique. Le refus, quelle que soit la procédure (qui n'interdit pas l'activité), est un refus de principe. Et quand la procuratura veut simplement prévenir, et ne pas tout de suite aller au bout de la procédure comme avec l'association Golos, le but est de ridiculiser l'institution. La somme envisagée est volontairement minime. Soit la procuratura ne réagit pas et elle sera montrée du doigt comme inefficace. Soit elle réagit et elle sera montrée du doigt comme un organe répressif digne des nazis. C'est l'impasse. Et la mauvaise foi. Juste une question de défenses des intérêts nationaux croisés.
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