Un référendum proposant le rattachement de la Crimée à la Russie ou une
plus grande autonomie vis-à-vis de Kiev doit être organisé ce dimanche.
D’un côté les Occidentaux et le nouveau pouvoir ukrainien jugent le scrutin
« illégal », de l’autre la Russie, qui ne reconnaît pas les nouvelles
autorités de Kiev, considère qu’il s’agit d’une question de « souveraineté
nationale ».
Le blocage est donc complet.
Les Européens ont-ils fait leur la peur obsessionnelle américaine (Brzezinski)
de voir émerger en Eurasie une puissance concurrente et la conviction que, si
l’Ukraine parvenait à sortir de l’orbite russe, le modèle impérial moscovite
serait détruit à jamais ?
En 1990, les Occidentaux n’avaient-ils pas promis à Mikhaël Gorbatchev de
ne pas étendre leur alliance militaire aux anciens pays du pacte de Varsovie
après la réunification allemande.
Dès le début des années 1990, la relation entre l’UE et la Russie a été
polluée par la question de l’élargissement de l’OTAN.
Celle-ci suscite le développement des tensions internationales autour d’un
triangle complexe UE-Russie-OTAN :
En 2004, les élargissements de l’UE et l’adhésion à l’OTAN impliquaient des
pays de l’Europe centrale et orientale ayant eu des relations difficiles avec
l’URSS et dans le cas de la Pologne, avec l’Empire russe.
Le second élargissement en 2007 à la Roumanie et la Bulgarie, a amené sur
les rives de la mer Noire l’UE mais également l’OTAN, qui pénètre ainsi
directement dans une zone d’intérêt stratégique russe.
Par la suite, après l’élargissement de l’Otan et de l’UE, les pays baltes
et la Pologne joueront un rôle de premier plan dans le support européen aux
révolutions colorées en Géorgie et en Ukraine, qui vont constituer un autre
point de friction avec la Russie.
Enfin en 2009, l’UE lance le partenariat oriental, sur initiative de la
Pologne et de la Suède dont le but est de resserrer les liens avec six pays de
la CEI (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Ukraine).
Moscou a interprété cette initiative comme une entrée en force, peu
amicale, sur ses territoires d’influence traditionnelle cachant, sous le jargon
diplomatique de rigueur, une tentative de réduire l’influence russe dans la
CEI.
Il existe un volet plus particulier du partenariat oriental, celui qui
concerne la sécurité des six pays visés et plus particulièrement la
résolution des « conflits
gelés » où la méfiance réciproque
domine.
Il s’agit du Transnistrie et de la Gagaouzie en Moldavie, du
Nagorno-Karabakh en Azerbaïdjan, de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie en
Géorgie.
Concernant ces zones d’instabilité aux portes de l’Europe élargie, Moscou
craint que l’UE envisage de réduire l’influence russe dans ces régions (étant
donné que l’UE considère que Moscou entretient ces « abcès » de
fixation à son encontre) et que l’UE part du principe selon lequel la Russie
sabote tout plan qui n’assure pas le maintien de son influence régionale.
Dans cette matière de conflits gelés, l’UE est aussi divisée par la
question de savoir si le référendum sur l’indépendance du Kosovo représente un
précédent ou non.
La position des Européens n’est d’ailleurs pas exempte de contradictions
puisqu’ils proclament en même temps leur attachement aux principes d’Helsinki.
S’aventure-t-on vers un scénario similaire en Crimée qui donnerait naissance
à une nouvelle zone grise entre la Russie et le reste de l’Europe.
Et pourtant dès 1999, Vladimir Poutine évoquait déjà à côté d’une zone de
libre échange, l’importance pour la Russie de construire un système qui
offrirait des garanties de sécurité à l’ensemble du continent européen.
Pour les USA, il s’agissait de tentatives pour découpler Washington et
Bruxelles en affaiblissant l’OTAN, sous prétexte de créer une nouvelle
architecture de sécurité paneuropéenne.
Quant à l’UE, loin de saisir l’opportunité de sortir de l’orbite US, elle
insiste sur la place prépondérante de l’OTAN dans la sécurité européenne et
envoie le signal à Moscou (qui considère cette alliance comme un moyen de
conserver l’emprise américaine sur l’Europe) qu’elle a raison de discuter
directement avec Washington « au lieu de perdre son temps » à
discuter de sécurité européenne à Bruxelles ; ceci affaiblit de facto la capacité de négociations multilatérales
de l’UE …
Que déduire de tout ce qui précède ?
Que l’Ukraine, bien d’avantage encore que la Géorgie, est la ligne rouge à
ne pas franchir.
La crise ukrainienne touche aujourd’hui le pré carré vital russe : la
base navale à Sébastopol, la résorption de la vacance du pouvoir, les garanties
aux populations russophones, la préservation du transit du gaz, la conservation
du tissu industriel et minier de l’Est.
La Russie recherche la stabilité des frontières, des régimes et des Etats
qui l’environnent. Un bouleversement géopolitique majeur à ses portes, dans sa
zone vitale, se ferait à son détriment.
C’est pourquoi la Russie apparait d’avantage mue par la défense de ses enjeux
essentiels que par un projet
d’expansion. Nous sommes donc loin des ambitions impériales que la presse
européenne prête à la Russie.
Les événements de Crimée ne sont pas sans rappeler la « Guerre
éclair » de la Géorgie en 2008. Là aussi, des milliers de russophones
disposaient de passeports russes sauf que la Russie avait déployé ses soldats
en réaction à l’intervention géorgienne.
Cette fois-ci, Moscou agit préventivement !
Les Européens ne regardent-ils pas trop souvent Vladimir Poutine sans
l’écouter ? Sommes-nous sourds aux déclarations officielles russes
pourtant identifiables : en termes de frontières, il y a une ligne rouge à
ne pas franchir autour de la Russie.
Pour mémoire, en décembre 1991, lors du référendum sur l’indépendance en
Ukraine, seulement 54 % des électeurs de Crimée se sont prononcés en faveur de
l’indépendance, le plus faible pourcentage dans l’ensemble du pays.
Articles de référence :
La Voix de la Russie : http://french.ruvr.ru/radio_broadcast/217362642/268946913/
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