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lundi 16 novembre 2020

Russie : le combat pour le passage à l'enseignement à distance ou qui a besoin d'une population peu éduquée ?



De la qualité de l'enseignement et de sa systématicité vont dépendre le niveau d'éducation moyen de la population d'un pays. De cela, dépendra également le degré de civilisation du pays et donc sa puissance, pays qui sera alors capable, ou non, de développer les arts, les sciences, la philosophie ... C'est exactement ce que certaines forces globalistes tentent, avec un acharnement renforcé, de détruire, notamment en Russie, grâce à la crise du coronavirus. La loi sur l'enseignement a déjà été modifiée pour normaliser l'enseignement à distance, à l'Université et à l'école, sans précision particulière des circonstances dans lesquelles il est possible d'y recourir. Un projet de loi vient encore d'être déposé par 4 sénateurs visant à donner aux ministères correspondants le pouvoir de réglementer le sujet. Tout cela se passe dans une ambiance sociale tendue, avec un mécontentement social grandissant et un rejet par les parents de l'enseignement à distance, qui provoque une baisse de la qualité de l'enseignement et une désocialisation de l'enfant.


L'enseignement à distance ne plaît ni aux enfants, ni aux parents, ni aux enseignants, qui veulent travailler et progresser, il permet en revanche aux fainéants de maintenir une illusion leur permettant d'obtenir d'un côté des diplômes dévalués et d'un autre des salaires, qui ne seront certainement pas maintenus dans la durée et qui commencent d'ailleurs à sérieusement chuter, en tout cas dans certaines universités. 

Or, l'enseignement, qu'il s'agisse de l'école ou du supérieur, n'est pas qu'un moyen de transmission des connaissances. Il est aussi un système de socialisation de l'enfant, enfin coupé de ses parents, qui doit se développer. Un système de socialisation de l'étudiant, qui sort de chez lui pour être en contact avec les milieux professionnels, dont il aura besoin pour faire sa carrière, à moins de penser naïvement pouvoir devenir diplomate ou avoir une chance d'entrer dans un grand cabinet d'avocats, par exemple, en restant sur son divan dans son village  ... 

En plus de la socialisation, l'enseignement ne se réduit pas à un mécanisme de transmission des connaissances, sinon il suffirait à chacun de lire un manuel (je vous assure, les livres existent encore) dans chaque matière pour obtenir ces connaissances. Or, en toute matière, au-delà des faits, il existe l'interprétation, l'analyse, les liens de cause à effets et la subjectivité, tout autant de l'enseignant que des apprenants. Seul un contact physique permet de réaliser l'enseignement dans toute sa complexité. 

Enfin, pour en rester à l'essentiel, l'enseignement est un apprentissage de l'effort : se lever tôt, s'habiller, aller à l'école, puis à l'Université ou au travail, faire un effort d'apprentissage et d'attention. Avec l'enseignement à distance, un relâchement dangereux est perceptible à tous les niveaux, tant du côté des enseignants, que des apprenants. Nombreux sont les élèves ou les étudiants ne mettent pas la caméra et faisant autre chose, de "plus intéressant", pendant que l'enseignant parle. Nombreux sont les enseignants allégeant les cours, car il difficile en l'absence d'énergie dégagée par une salle, d'entrer dans des réflexion approfondies, sans voir la réactivités des étudiants.

Sans même parler des domaines, dans lesquels cet enseignement à distance est tout bonnement impossible. C'est d'ailleurs pour cela que les écoles de musique en Russie sont fermées. Tout simplement fermées. Sine die. En attendant que les virus aient disparu, manifestement ... Le pouvoir soviétique a créé en 1918 le système des écoles de musique, gratuit, commençant avec les petits jusqu'au concours d'entrée au conservatoire, sur tout le territoire, un système particulièrement efficace qui a montré ses résultats vu le niveau de développement de la musique dans l'ensemble du pays. Cela fait quelques années que ce système est sous attaque : il ne correspond pas au modèle global. Malgré les réformes le déstabilisant, notamment en faussant le recrutement des enfants en fonction de leur niveau, il résiste. Maintenant, les écoles sont fermées. Or, il est impossible de faire du chant lyrique ou du piano par Skype. Le contact physique est obligatoire. Le Conservatoire de Moscou reste, lui, ouvert, mais uniquement pour les cours individuels. Or, sans les écoles de musique, qui forment les futurs candidats au concours d'entrée, ce système perd sa systématicité et est voué à une mort lente et certaine. C'est l'héritage soviétique d'une culture musicale et artistique de masse qui est remis en cause, pour en faire un hobby pour privilégiés. Avec toutes les conséquences de dégradation du niveau moyen d'éducation de la population.

En Russie, le combat sort des couloirs avec le coronavirus. D'aucuns rappellent que l'enseignement à distance est une fausse solution, notamment dans la situation sanitaire actuelle. Par exemple, le virologue, professeur à l'Université d'Etat de Moscou, Alexeï Agranovsky, déclare :

"Les enfants doivent aller à l'école de la 1ere à la 11e classe (il y a 11 classes en Russie). Il y a un risque, mais il faut faire avec; les enfants ne peuvent pas ne pas apprendre pendant des années. (...) A court terme, ces mesures peuvent donner un petit effet sur la diffusion d'un virus, mais à long terme elles portent atteinte et aux enfants et à la société."

Même le vice-ministre de l'éducation nationale, M. Glouchko, déclare que ce format détruit le processus d'enseignement et provoque une baisse significative de la qualité de l'enseignement.

Au-delà des virus, qui ont toujours fait partie de notre vie, certains "experts" estiment que la solution peut techniquement être trouvée dans l'enseignement à distance. Et puisque l'école est objectivement incapable d'assumer un enseignement de qualité dans ces circonstances, c'est aux parents de le faire. Je cite Viktor Panine, qui cyniquement déclare : 

"A mon avis, c'est le moment quand la société, à savoir plus particulièrement les adultes, enfin les parents, doivent soutenir l'Etat. (...) Pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, l'importance des pertes de la qualité de l'enseignement dépend maintenant non pas tant de l'école, mais des parents."

Autrement dit, puisque l'école ne peut pas remplir sa fonction, l'enseignement étant à distance, la responsabilité est simplement reportée sur les parents, qui doivent surveiller le processus d'apprentissage, forcer l'enfant à se concentrer, à apprendre, etc. Puisque, évidemment, les parents ne travaillent pas ... Bref, même cet "expert" reconnaît l'impasse de l'enseignement à distance : dans ce cas, le problème n'est pas technique, il est fondamental et conduit à revenir à un système d'éducation familiale, qui va donc dépendre des capacités intellectuelles et du niveau culturel de la famille, des capacités financières aussi à payer des répétiteurs, etc. C'est une baisse générale du niveau d'éducation de la population qui est attendu. Et, il semblerait, par certains, voulue. Peut-être est-ce pour cela que cet "expert" déclare que l'enseignement à distance, s'il est formellement secondaire aujourd'hui est objectivement dominent et devra de toute manière exister au moins jusqu'à la fin de l'année scolaire. Il faut préciser que cet individu dirige une "association de défense des droits des consommateurs du service de l'enseignement". Rien que la formulation de sa fonction laisse entendre quelle conception il défend, et de l'Etat, et de l'enseignement, cet Etat "fournisseur" de services, où les élèves autant que les parents sont des "consommateurs" de services. En tout cas une leçon au passage est à tirer : il ne peut pas y avoir d'enseignement de qualité, lorsque l'Etat est affaibli.

Le 1er septembre 2020 est entrée en vigueur la première normalisation de l'enseignement à distance en Russie, qui permet de recourir à ces technologies en parallèle d'un enseignement réel. Le principe du recours exclusif à l'enseignement à distance est posé (art. 16 point 3 loi de la loi fédérale sur l'enseignement de 2012 dans la rédaction de la réforme de 2020), puisque justement la liste des professions, qui ne peuvent être concernée, est dressée. Donc, l'autorisation est le principe, quand l'interdiction est l'exception. Alors que dans les déclarations publiques, il est indiqué que l'enseignement à distance ne peut remplacer l'enseignement réel et n'est possible que dans le cadre de régimes spéciaux, au niveau local ou fédéral, la loi reste très discrète sur ces limitations.

C'est ainsi que quatre sénateurs viennent de déposer encore une proposition de loi visant à instituer l'enseignement à distance, au même titre que l'enseignement réel, sans aucune précision dans le texte de loi, sinon de donner aux ministères les compétences pour l'organisation de cette forme d'enseignement, dont le recours n'est dans le texte de la proposition de loi conditionné par aucune circonstance spécifique dans le texte de loi. Pourtant, la lettre explicative vise discrètement au début du texte "les circonstance actuelles".

A la Douma, l'on voit bien percer le même fanatisme numérique chez certains, notamment chez le vice-président du comité de l'enseignement et de la recherche, Oleg Smoline, qui regrette qu'en Russie il n'y ait aucune université numérique, "elles ont été étouffées car soi-disant l'enseignement n'y serait pas de bonne qualité". Bref, le Covid permettrait de réaliser le fantasme que certains n'arrivent pas à imposer depuis bien longtemps, bien avant l'arrivée de ce virus, pour eux, salvateur.

De son côté, le syndicat des enseignants n'est pas favorable à la "distanciation de l'enseignement", non seulement pour des raisons techniques et financières, mais également en raison de l'inquiétude grandissante des parents. Les parents, en effet, ont peur de voir s'imposer l'enseignement à distance de nombreuses manifestations ont lieu dans le pays, sans quasiment aucune couverture médiatique, les participants soulignant que s'il existe un "risque" sanitaire, les effets négatifs de l'enseignement à distance sur leurs enfants, eux, sont réels et immédiats.

Espérons que le bon sens l'emportera. Aujourd'hui, c'est la dernière garantie contre le fanatisme et la destruction, qu'il a toujours engendrée.


 

2 commentaires:

  1. En France aussi singulièrement à l'Université des attaques frontales contre l'enseignement et la recherche.
    Qui a entendu parler de l'opération "écrans noirs" initiée par les professeurs et maîtres de conférences des 4 premières sections du Conseil National des Universités?
    Car c'est toute la recherche, le fonctionnement public de la recherche et de l'enseignement qui sont visés.
    Depuis plusieurs jours plus un seul cours n'est dispensé sur les écrans en provenance des professeurs de nombreuses Universités (de Droit en particulier)qui ne voient plus leurs étudiants depuis des semaines, qui ne peuvent plus faire venir des chercheurs pour des colloques, au moins une université celle d'Auvergne à Clermont Ferrand est en grève ...
    https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/121120/operation-ecrans-noirs-dans-toutes-les-universites
    L'attaque est vraiment générale et très forte.

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  2. Mais c'est ce qu'il se passe en Russie ? Je croyais que c'était un des derniers pays à resister à la contamination par le virus de la connerie.

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