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vendredi 30 décembre 2011

L'intelligensia dissidente veut faire son retour comme au bon vieux temps

Voir sur le thème: http://www.grani.ru/Politics/Russia/m.194547.html

Qui sont ces gens dans la rue? Qui sont ces gens qui prétendent les représenter? Deux groupes totalement différents, qui ont du mal à trouver un langage commun. Qui ont du mal à se recouper tant certaines des personnalités qui prétendent à la représentation de la volonté populaire contestataire sont caricaturales.

Suite aux élections du 4 décembre, un mouvement a été fondé "La table ronde du 12 décembre" (jour anniversaire de la Constitution russe), un comité directeur mis en place et une déclaration adoptée. Rien de nouveau dans cette déclaration, elle reprend la résolution adoptée "à l'unanimité" par les manifestants du 10 décembre, en tout cas résolution qui a été rédigée en avance et qui leur a été attribuée, dans la plus pure tradition soviétique. Remise en cause des élections législatives, nouvelles élections, départ de Tchourov (actuel président de la Commission centrale électorale), enregistrement des partis politiques etc.

Et bien évidemment, le comité directeur du mouvement est composé des grandes figures de l'opposition: l'ancien Premier ministre M. Kassianov, le politologue G. Satarov et l'égérie de la dissidence L. Alekseeva.

Revenons sur ces personnalités.

M. Kassianov, ancien Premier ministre lors du premier mandat présidentiel de V. Poutine, entré en conflit pour des raisons qui divergent selon les points de vues, est rejeté par le "système" poutinien de gouvernance. Il entre ainsi dans l'opposition. Sa côte de popularité est à ce point faible, 1% selon les appréciations les plus favorables, que sa posture politique est surprenante. S'il est très populaire à l'étranger, à l'intérieur il ne représente pratiquement que lui-même.

G. Satarov est le président de la Fondation INDEM et ancien conseiller du Président B. Eltsine. Cette fondation a été créé en 1997 pour soutenir l'activité du Centre de recherches politiques INDEM, ONG qui travaille dans le domaine de la "pratique politique" depuis 1990. La direction regroupe les figures clefs des années 90 et presque tous les anciens conseillers de Eltsine. Son activité est largement imbriquée avec des structures américaines, notamment en ce qui concerne le grand projet en matière de réforme de la justice en Russie, où l'on retrouve la Fondation Ford, l'Institut de justice Vera (New York), Roper Starch Worldwide Inc. et d'autres stuctures.

L. Alekseeva, née en 1927, a commencé son activité pour la défense des droits de l'homme déjà sous la période soviétique, est l'une des fondatrice en 1976 du groupe helsinky de Moscou, et continue son activité aujourd'hui malgrè son grand âge. Emigrée à l'époque aux Etats Unis où elle a fait un remarquable travail d'historienne sur l'URSS, elle fait également partie auprès de l'OSCE dans les années 80 de la délégation officielle américaine. Une telle personnalité est certes un symbole du combat pour la liberté, un symbole qu'il n'est possible que de respecter et saluer, mais est-il réellement possible d'en attendre l'impulsion d'une nouvelle politique et moderne et russe?

Le mouvement "La table ronde du 12 décembre", en général, regroupe de nombreuses personnalités largement médiatisées, mais l'on cherche notamment les juristes et autres spécialistes. Comment envisager la mise en place d'un programme constructif visant au changement institutionnel dans ce contexte? N'est-il pas temps pour l'opposition de modifier son mode de fonctionnement et de se différencier du mode de fonctionnement du pouvoir? Changer de figures, favoriser la circulation des élites, ouvrir les portes! Pour augmenter sa représentativité sociale. Pour faire ce qui est demandé au pouvoir.

Encore une remarque, qui explique aussi la facilité avec laquelle le pouvoir - pourtant contesté - peut se maintenir en place. Poutine a demandé une plateforme commune pour mener les "négociations". L'indépendant Koudrine, après avoir "par hasard" rencontré Poutine à Saint Pétersbourg la veille des manifestations du 24 décembre, propose de se poser en intermédiaire pour mener ces "négociations". Réactions de nos néorévolutionnaires: il faut créer cette plateforme pour discuter de leurs revendications avec le Chef!

Mais d'où vient cette douce obéissance infantile? Que leur est-il besoin de discuter de leur revendications? Qu'ils créent leur mouvement, qu'ils aillent au bout de la logique de conflit pour obtenir des élections propres, qu'ils montent de vrais partis politiques et qu'ils se confrontent aux électeurs. Que la logique deviennent enfin politique et que l'on sorte des manigances administratives.

Mais il est certainement plus facile de faire de jolies tables rondes entre soi, quand tout le monde se comprend et parle la même langue et représente les mêmes intérêts.

Mais lesquels au fait?

jeudi 29 décembre 2011

L'administration présidentielle s'organise pour une victoire de Poutine au premier tour

Voir: http://www.gazeta.ru/politics/elections2011/2011/12/28_a_3950513.shtml et http://www.gazeta.ru/politics/elections2011/2011/12/27_a_3943974.shtml

De nombreux changements sont intervenus dans l'Administration présidentielle, où se regroupent les hommes de Poutine. Ainsi, Sergueï Ivanov a pris la direction de l'institution, quittant le Gouvernement juste un peu avant son maître et lui préparant la place. Pour renforcer le passage de pouvoir, enlevant le dernier levier politique de Medvedev, V. Surkov, cerveau de la politique intérieure russe depuis 11 ans, quitte son poste de vice-président de l'Administration présidentielle pour s'occuper de la modernisation au Gouvernement. A sa place apparaît V. Volodine, fidèle des méthodes poutiniennes de gouvernance.

Que cela implique-t-il?

On peut déjà prévoir quelques effets, notamment le durcissement de la ligne politique face aux contestations, le bloquage de l'opposition qui s'en suit et tout investir dans une victoire exemplaire de Poutine aux élections présidentielles. Mais le tout, en ayant conscience de l'instabilité de la situation politique intérieure en raison de l'augmentation de l'activisme social.

Ce changement de ligne politique s'explique par la personnalité des deux hommes, Surkov et Volodine, mis en rapport à la personnalité des deux Présidents, Medvedev et Poutine.

Le "couple" Medvedev/Surkov rendait obligatoirement la politique de Medvedev pas forcément - sur le fond - plus libérale que celle de Poutine, mais dans la forme l'intervention de Surkov permettait de mettre en place un langage de pouvoir qui prenait les formes libérales et démocratiques, en réponse aux demandes de l'Occident.

Le couple "Volodine/Poutine" indique tout de suite que le Poutine qui arrive n'est plus celui qui est parti. Celui-ci a besoin de renforcer sa position, si nécessaire artificiellement. Il n'est plus le leader national incontesté, sans alternative, qui sauve le pays de la menace terroriste, du séparatisme rampant et de l'ombre menaçante des révolutions en couleurs. Il n'est qu'un candidat qui est resté, qui ne veut pas partir et qui veut le pouvoir - pour lui - à n'importe quel prix. Peut-être n'aura-t-il pas besoin de faire exploser à nouveau quelques immeubles, mais il est prêt à prendre le risque d'une explosion sociale.

Et c'est cet homme que V. Volodine se prépare à faire passer en force au premier tour des présidentielles.

Le scénario est absurde et contreproductif. Faire passer V. Poutine au premier tour implique le recours intensif aux ressources administratives. Ce qui va immanquablement impliquer un déficit de légitimité et de son pouvoir personnel, et du pouvoir en général. Alors qu'une victoire au second tour, qui correspond plus ou moins à la réalité de sa force politique actuelle (environ 45% des gens sont prêts à voter V. Poutine), permettrait de faire passer V. Poutine sans trop recourir aux ressources administratives. Et ainsi de pouvoir opposer aux revendications de l'opposition des élections légitimes ... donc non critiquables.

Les deux buts - réussir au premier tour et ne pas provoquer de réactions de masses - sont incompatibles. Cette position est partagée par la grande majorité des analystes politiques.

Mais ici la question n'est plus celle d'une analyse. Il s'agit de réaliser la volonté royale.

Volodine est devenu le Grand Chancelier de ce pouvoir moribond.

mercredi 28 décembre 2011

Poutine n'est pas prêt à rénover le système

Путин покритиковал оппозицию и заявил, что власть не намерена отменять результаты выборов в Думу


Poutine reste sourd aux revendications populaires. En prenant la parole devant le Comité fédéral du front populaire, le Premier ministre a annoncé que le pouvoir n'est pas prêt à remettre en cause les résultats des élections parlementaires, qui ne peuvent être contestées que devant la justice.

Afin de convaincre les gens de la justesse de sa position, V. Poutine avance un argument surprenant, la Douma a déjà commencé à fonctionner. "Les élections à la Douma sont finies. Toutes les fractions parlementaires ont commencés leur travail, le président de la Douma est élu. Aucune discussion quant à la remise en cause des élections n'est possible."

Il a ensuite continué à critiquer l'opposition pour l'absence d'un programme unique et son entêtement à vouloir dévaloriser les élections. Attitude qu'il qualifie de trotskiste, quand l'action justifie l'action, sans but réel derrière.

Selon V. Poutine le problème de l'opposition réside dans le fait qu'il y a beaucoup de programmes différents, que les buts ne sont pas clairement posés, que les moyens de réaliser ces buts ne sont pas clairs et qu'il n'existe pas de personnes pouvant concrètement faire quelque chose.

Dans cette situation, il émerge toujours la volonté de délégitimiser le pouvoir public. Ces gens ont toujours existés, et selon le Premier ministre, ils ont le droit d'exister et il faut même les respecter...

Il promet également de tout faire pour que les élections présidentielles soient transparentes, propres, il parle d'internet, de la nécessité d'écouter l'opinion des gens, etc.

Selon le politicien I. Iachine, V. Poutine n'a pas pris conscience de l'ampleur du mouvement de contestation en Russie. "Indépendemment de sa volonté, de nouvelles élections parlementaires auront lieu. Si ce n'est pas maintenant, ce sera bientôt. Je suis presque certain que cette Douma ne pourra fonctionner jusqu'à son terme. Simplement parce qu'elle n'est pas légitime et que les gens ne considèrent pas ces députés comme leurs représentants."

En ce qui concerne les élections présidentielles, I. Iachine estime qu'elles ne peuvent être justes puisqu'elles sont faussées dès le départ en raison de l'absence de candidats d'opposition. Pour y remédier, il faut modifier la législation sur les élections et permettre à tous les vrais candidats d'y participer. De petites "réformettes" comme des caméras vidéos de surveillances dans les bureaux de vote ou des urnes transparentes ne rendront pas ces élections légitimes. Et l'opposition trouvera toute seule son candidat.

Les deux camps ont en quelque sorte raison, c'est pourquoi aussi leur position se raidie. V. Poutine est dans le vrai quand il dit que l'opposition n'a pas réellement de programme pour la Russie: l'annulation d'élections, le retour des élections des gouverneurs et autres déclarations sont importantes aujourd'hui pour relégitimiser le système politique, mais c'est un programme de crise qui ne construit pas dans le long terme. Sans celui-ci, l'opposition n'arrivera pas à regrouper les masses autour d'elle le jour des élections. Et l'opposition a raison quand elle affirme que Poutine n'a pas consience de l'ampleur du mouvement. Il est également vrai que jouer au Hockey est plus de saison que de manifester... L'exigence de réformes systémiques est justifiée pour réoxygéner le système et redonner le choix au gens. Pour que l'opinion populaire s'exprime dans les urnes et pas dans la rue. Et l'ouverture de l'espace médiatique permettra l'émergence d'un leader d'opposition, le tri se faisant alors naturellement. Mais y a-t-il un réel intérêt à cela?

mardi 27 décembre 2011

Les "révolutionnaires" VIP ou les manifestations "po-russky"

Beaucoup d'encre a été utilisée pour décrire - à juste titre - l'ampleur du mouvement populaire qui embrase la Russie pour y installer durablement des élections propres, condition indispensable à tout système démocratique. Si le but est louable, la manière est plus que critiquable.

Tout d'abord sur Facebook, Olga Romanova, journaliste propulsée sur le devant de la scène médiatique ces derniers mois (dont le mari buisnessman est en attente de révision de son procès) a ouvert un compte pour récolter des fonds afin d'organiser comme il se doit la manifestation du 24 décembre à Moscou (voir ici). Environ 3 millions de roubles ont ainsi été collectés. garantissant "l'indépendance" de l'évènement. Il s'agissait du montage de la scène, des vidéos transmissions, des portails de détection des métaux, etc. Les presque 100 000 personnes ont donc pu voir sur écrans géants la retransmission des discours des orateurs et ne pas en perdre une miette.

Mais pendant ce temps, alors que la foule s'écoulait par les rues attenantes, par les passages souterrains de sortie du métro, passait dans le calme les contrôles de sécurité pour assister à l'évènement, une autre entrée, officiellement appelée VIP par les organisateurs, donnait aux orateurs et au gratin moscovite la possibilité de ne pas perdre de temps, d'énergie, de ce temps, de cette énergie qui leur sont tellement chers, et entraient tranquilement pas une entrée spéciale.

Pendant que la foule piétinait dans le froid et avait pu apporter avec soi des thermos de thé et de café pour lutter contre le climat pas vraiment clément d'un moscou de décembre, des espaces spéciaux, sorte de loges, chauffés, avec buffet pour se restaurer, boissons diverses, ont été mis en place pour ces personnes au-dessus du commun (voir ici). Et afin qu'il ne puisse y avoir de confusion pour cette élite, ses membres ont alors reçu une invitation spéciale, VIP, leur indiquant où se trouvait "leur" entrée et leur promettant tout le confort dû à leur rang.

Car si l'élite moscovite est bien évidemment prête à soutenir un mouvement populaire, il faut lui donner les garanties qu'elle n'est pas ce bon peuple, qu'elle n'a pas besoin de vivre comme ce bon peuple!

Comment peut-on encore s'étonner qu'aucun leader ne puisse être accepté par le peuple?

A quoi servait-il de transformer un mouvement de réaction populaire en une espèce de show bon marché pour VIP sur le côté de la route? Pour des gens qui se soucient de la vie de leur concitoyens comme de leur première layette?

La réponse est simple. Parce que même ici la troisième voie n'a pas eu son mot à dire. L'alternative reste toujours la même: soit une politique apathique menée par le couple Poutine/Medvedev, soit le grand retour des pseudolibéraux des années 90 qui n'ont déjà pu gouverner la Russie. Soit les voleurs-tecnocrates, soit le buisness sans foi ni loi au pouvoir.

D'où cette faute de goût.

D'où la solitude des gens face au pouvoir.

lundi 26 décembre 2011

Retour sur évènement: les leçons de la manifestation du 24 décembre

Voir: http://www.gazeta.ru/politics/elections2011/2011/12/23_a_3938614.shtml et http://www.kommersant.ru/doc/1846077

Première leçon. La manifestation n'a pas de leader, et l'opposition non plus.

Deuxième leçon. La manifestation représente des mouvements très différents les uns des autres, l'opposition aussi.

Troisième leçon. La manifestation a du mal à se politiser, l'opposition a du mal à proposer.

Quatrième leçon. La manifestation n'est pas révolutionnaire, l'opposition, elle, ne sait pas.

Il y a certainement beaucoup d'autres leçons à tirer sur les deux manifestations qui ont eu lieu à Moscou - et dans d'autres villes de Russie - les 10 et 24 décembre et ont regroupé près de 100 000 personnes à chaque fois, mais nous faisons ici le choix de voir plus particulièrement ces aspects fondamentaux pour comprendre l'évolution du mouvement lui-même et les réactions du pouvoir.

La manifestation n'a pas de leader.

Parmi les manifestants, toutes les tendances possibles étaient représentées, notamment les nationalistes, les révolutionnaires "orangistes", les simplements "pas content" - qui étaient les plus nombreux. Et des politiques de tous bords ont pris la parole ... et tous se sont fait sifflés. Koudrine, quelque peu en mission. Iavlinsky, qui a du mal à convaincre, son temps est passé. Un nationaliste, qui n'a pas convaincu en voulant créer un comité de salut national. La manifestation reste donc pour l'instant orpheline. Et c'est peut être justement ce qui sauve le mouvement. Car il ne s'agit pas d'un mouvement politique déterminé. Il s'agit d'un réel mouvement populaire. Ce qui fait peur. Car il n'existe pas cet interlocuteur qu'il serait possible de persuader, contrôler ... acheter. Le mouvement se propage presque naturellement.

La manifestation représente des mouvements très différents.

La pluralité de la société a éclaté au grand jour. Si le pluralisme politique n'est pas une réalité dans la vie institutionnelle russe, elle l'est dans la Russie de tous les jours. C'est pourquoi les manifestants demandaient déjà le 10 décembre l'enregistrement de tous les partis politiques d'opposition. Mais ouvrir la porte aux partis ouvre la porte au Pouvoir. Car si pour l'instant le Kremlin peut filtrer l'accès aux médias et ne laisser passer que quelques clowns et ainsi décrédibiliser l'opposition aux yeux de la population, en institutionnalisant l'opposition dans les partis institués, le jeu politique va se corriger de lui-même. Le filtre est en train de tomber. Medvedev avait annoncé la simplification des procédures d'enregistrement pour 2013, ce qui avait provoqué la fureur des manifestants. Dès le jour de la manifestation du 24 décembre, Timakova, son porte-parole, a annoncé que la loi devrait être rapidement votée par le Parlement et dès sa signature par le Président elle pourra entrer en vigueur. Première victoire réelle du mouvement populaire.

La manifestation a du mal à se politiser.

Les revendications ne sont pas politicienne. Il ne s'agit pas de soutenir un parti en particulier. Quand Koudrine a tenté d'appuyer son idée de la création d'un nouveau parti libéral, il a été très loin de provoquer un engouement. Les gens ont des attentes beaucoup plus simples d'une part, et beaucoup plus profondes d'autre part. Faire partir Poutine. Rétablir de véritables élections - donc avec le départ de Tchourov qui incarne la faiblesse face au pouvoir. Et là aussi, une victoire: le Conseil auprès du Président pour les droits de l'homme et la société civile se fait l'échos des manifestants ... avec un retard significatif, comme s'il n'avait pas remarqué plus tôt les problèmes électoraux... Et des attentes plus profondes: les demandes sont systémiques. Les gens veulent simplement un pays dans lequel les institutions fonctionnent, indépendamment des personnalités. Tellement simple ... et le plus difficile à réaliser, tant d'intérêts sont entremêlés, même parmi les orateurs. Comme le rappelait - avec courage - ksénia Sobtchak qui, malgrè les sifflements constants, a rappelé qu'elle avait ici quelque chose à perdre, mais il fallait changer le mode de fonctionnement du pouvoir et ne pas agir contre le pouvoir.

La manifestation n'est pas révolutionnaire.

Si les observateurs remarquent en général une radicalisation du discours par rapport au 10 décembre, le plus radical fut Navalny. Son court séjour en prison (15 jours) a manifestement provoqué une vocation. Rappelons-nous la surprise qu'avait causé alors la particpation de Navalny en novembre à une manifestation nationaliste. Jusque là, à aucun moment, il n'avait laissé sous-entendre de sympathies particulières pour les mouvements ultranationalistes. La surprise avait été générale. Le 24 décembre, son entrée en scène a définitivement levé le voile sur un aspect de sa personnalité et l'a décrédibilisé: présenté par les nationalistes, appelé à diriger leur comité politique, Navalny prend la parole. Et c'est le seul a appeler à la révolution. A prendre le Kremlin et la Maison blanche (siège du Gouvernement russe), puisqu'ils sont assez nombreux pour le faire. Mais il ne fait pas recette et deux pas en arrière précise que ce n'est évidemment pas à l'ordre du jour pour l'instant, mais que cela le sera bientôt. L'année prochaine, il promet de rendre le pouvoir au peuple. Comment? Mieux vaut pour l'instant ne pas le savoir! 93 est encore trop frais dans toutes les têtes.

Bref, le mouvement se développe, notamment sous l'influence de l'incompétences des dirigeants. Poutine, dans son allocution télévisée a largement contribué à conduire les gens à la manifestation de samedi. Medvedev aussi avec ses discours auxquels plus personnes ne croient. Mais pour l'instant personne ne sait très bien quoi faire. Ni le pouvoir qui tente une nouvelle perestroïka et les programmes télévisés en deviennent écoeurant, cherchant même à "autoriser" une chaîne de télévision de la société pour libéraliser l'audiovisuel. Ce pouvoir qui tente de monter une deuxième opération Prokhorov - qui d'ailleurs ne s'est pas risqué à prendre la parole - et hésite encore avec un Koudrine qui est de toute manière trop marqué. Alors que les gens se demandent très justement pourquoi simplement ne pas libéraliser tout le système audiovisuel? Pourquoi ne pas laisser les simples citoyens choisir leurs représentants? Mais ce temps arrive. Comment il arrivera, pour l'instant c'est encore une inconnue. Car l'opposition politique non plus ne sait pas très bien comment agir. En tout cas une troisième victoire, même les partis d'opposition de la Douma, cette "opposition de poche", se sont rappelés qu'ils étaient d'opposition. Peut être le jeu du parlementarisme permettra de corriger en douceur le système.