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vendredi 6 décembre 2013

Billet de retour ... et d'humeur: religion, constitution et Etat

L'Eglise et l'Etat, deux piliers de la société? C'était en d'autres temps. Pour le pire ou pour le meilleur, à chacun de choisir sa voie. Mais le fait que la religion ait créé nos civilisations, nos cultures, même juridiques, cela reste incontestable. Pour autant faut-il l'inscrire dans la Constitution? La réponse est plus délicate.

La député Spravedlivaya Rossiya E. Mizulina, fortement conservatrice, a proposé de modifier la Constitution pour y inscrire la religion orthodoxe comme fondement de la culture nationale russe. Si la Russie est un Etat multi-confessionnel, qui met sur un pied d'égalité les différentes religions présentes sur son territoire, sa culture est profondément européenne et s'est effectivement construite principalement autour de la religion orthodoxe, comme la culture française s'est construite autour de la religion catholique. Affirmer cette évidence ne constitue pas pour autant un appel à rejet les autres religions, ne constitue pas donc une déclaration extrémiste.

Cette proposition a toutefois provoqué la colère d'une partie de la société civile qui demande que la proposition de Mizulina soit vérifiée au regard de l'extrémisme, demande lancée par Elena Lukianova (dont le père était un des membres dirigeants du PC à l'époque soviétique et un des putschistes contre Eltsine; elle-même est restée au PC encore quelques années après la chute de l'Union soviétique et défend maintenant une conception très libérale de la gouvernance; elle prend une part très active dans la défense de Khodorkovsky).

Est-il extrémiste de dire que la culture russe repose sur le fondement de la religion orthodoxe? En toute honnêteté intellectuelle, c'est absurde. Faut-il pour autant l'inscrire dans la Constitution? Cela semble également absurde. La Constitution est un document qui doit contenir essentiellement des principes normatifs et non des déclarations, même si elle pose le cadre du vouloir vivre ensemble, les valeurs communes à une société donnée. Et c'est cet aspect qui complique le débat.

Nous sommes manifestement dans un combat des extrêmes, mais qui est très loin de l'extrémisme.

La haine de la religion héritée de la période soviétique est très forte en Russie et très souvent présente dans les milieux de la société civile politisée, qui veulent défendre une vision plus "moderne" de la gouvernance, avec pourtant des réflexes soviétiques surprenants et une intolérance égale sinon plus grande que celle qu'ils reprochent aux structures de pouvoir.

De l'autre côté, inscrire la religion orthodoxe comme fondement de la culture nationale russe va à l'encontre de mouvement actuel de mondialisation, de multiculturalisme et, en quelque sorte "d’acculturation". Revendiquer un encrage culturel propre est une insulte au politiquement correct, c'est en cela que la démarche de Mizulina est extrémiste en réalité. 

De l'égalité de tous les hommes du simple fait qu'ils soient des hommes, nous sommes tombés dans la négation des particularismes, notamment culturels, donc religieux. Etrangement, de cette manière, nous portons atteinte à l'égalité des hommes. Car nous ne les reconnaissons plus égaux dans leur différence, mais voulons les modeler à notre goût.

Ce combat idéologique autour de cette proposition de modification de la Constitution est donc particulièrement intéressante sur le plan idéologique et sur le choix de gouvernance qui doit être fait par la Russie. En affirmant son droit à la souveraineté, la Russie va-t-elle aller jusqu'à la remise en cause "officielle" du culte du cosmopolitisme?