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vendredi 14 juin 2013

Prokhorov ne sera pas candidat aux élections du maire de Moscou

Voir: http://vz.ru/politics/2013/6/13/636992.html

Après ses nombreuses déclarations, selon lesquelles il sera candidat aux élections de Moscou, Prokhorov s'est désisté hier soir, lors d'une conférence de presse.
 
Le ton de l'ex-candidat potentiel était passablement aigri. Il a déclaré, en substance, ne pas vouloir participer à la procédure de prolongation du mandat du fonctionnaire actuellement en charge de Moscou. Il n'a évidemment pas voulu employer le terme d'élections, afin de déligitimer la procédure, qui le donnait perdant dans tous les cas de figure. La logique est simple: comme il ne peut pas gagner, il ne s'agit pas de véritables élections, mais d'une farce servant à légitimer S. Sobianine.
 
En effet, S. Sobianine est donné gagnant, peut être même au premier tour. Mais pas en raison de trucages, simplement car, dans l'ensemble, la population soutient sa politique. Par ailleurs, des candidats sérieux se présentent, notamment au nom du Parti communiste, ce qui ne laissait aucune chance à Prokhorov.
 
Un autre élément est à prendre en compte, l'interdiction pour les candidats d'avoir des comptes ouverts et des actifs à l'étranger, ce qui constitue l'essentiel de la fortune de M. Prokhorov. C'est pourquoi certains journaux ont pu titrer: Prokhorov choisit son bisness.
 
L'un dans l'autre, les avis sont partagés. Pour les représentants des partis parlementaires, Pokhorov s'est décrédibilisé comme politicien. Soit sa méconnaissance de la réalité politique l'a fait reculer face à la procédure contraignate du filtre local, des signatures, des actifs, etc. Soit toute cette opération n'est qu'une opération de communication et son parti n'est qu'une coquille vide.
 
Pour d'autres analystes, il a suivi les conseils des bureaux de technologie politique, qui ont pu lui recommander de ne pas participer aux élections de Moscou, puisqu'il ne pourrait que baisser les résultats qu'il y avait fait lors des présidentielles et laisserait derrière lui une forte impression d'échec qui lui porterait préjudice lors des parlementaires. Mais à quoi servent ces résultats obtenus lors des présidentielles, que représentent-ils? En fait, rien. Ils ne peuvent être capitalisés. D'autant plus que la logique d'une élection présidentielle est totalement différente de celle de l'élection d'un maire, même de celui de la capitale. Il semblerait que Prokhorov ait simplement peur de perdre. Symboliquement il a cette image du bisnesman accompli, de celui qui réussit. L'image pourrait être touchée. Financièrement, pour participer aux élections à la Douma, il devra de toute manière rapatrier ses capitaux en Russie, le fera-t-il vraiment? Sans aucun doutes si la victoire lui est garantie. Mais comment une victoire peut-elle être garantie en politique? M. Prokhorov devrait apprendre les règles du jeu politique. 

jeudi 13 juin 2013

Projet de loi interdisant l'adoption par des couples homosexuels

Voir: http://www.ria.ru/society/20130613/943060856.html

Suite à l'adoption, notamment par la France, de la loi autorisant le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels, la Douma discute d'un projet de loi restreignant le domaine de l'adoption internationale.
 
Actuellement, 16 Etats reconnaissent le mariage homosexuel et d'ici la fin de l'année encore trois pays pourraient le lagaliser. Pourtant, à l'intérieur de ces pays, la législation n'est pas uniforme. Seuls certains reconnaissent également le droit à l'adoption.
 
Or, au moment de la décision d'adoption, c'est la législation du pays dont l'enfant dépend qui joue. La Russie ne reconnait que le mariage entre un homme et une femme, donc toute autre union, au regard du droit russe, ne peut être considérée comme un mariage. Or, le mariage ouvre la porte à l'adoption.
 
La Douma est donc en train de discuter un texte qui va fixer cette logique. L'adoption par les ressortissants des Etats avec lesquels la Russie a conclu un accord et qui reconnaissent le mariage entre personnes du même sexe est possible, lorsqu'il ne s'agit pas d'une adoption monoparentale et lorsque le couple marié est composé de deux personnes de sexe différent.
 
Reste en suspend la question de la "ré-adoption" dans les pays où le mariage homosexuel est reconnu. Mais à ce niveau, c'est la législation du pays de la famille ayant adopté qui joue. La législation russe n'intervient pas. La Russie peut just essayer de négocier un accord avec les représentants de ces Etats.

mercredi 12 juin 2013

Bonne fête nationale!


Aujourd’hui, la Russie célèbre sa fête nationale, le Jour de la Russie.

 

Pour célébrer ce jour, à notre façon, rappelons nous un magnifique poême de Nikolaï Ogarev (1813-1879), Déchirement :

 

J’ai beaucoup pensé ... J’ai compris

Que l’oeuvre divine est paisible et claire,

Qu’en la vie chaque instant est admirable,

Qu’en la vie chaque instant est grand ;

Mais l’âme en son tourment involontaire

Chuchote et proteste à mi-voix !

Et l’esprit en vain concilie

Un nombre infini de contradictions ...

Lourde est la vie de tous les jours

Lourd le souci mesquin et desséchant ;

L’âme ne sait quels voeux former,

Pourtant elle déborde de désirs,

Et ce n’est pas, malgré tous ses efforts,

La raison qui l’appaisera !

Tranquille est l’esprit, mais le coeur, lui, souffre,

En nous le feu, le sang bouillonnent,

Et les pleurs coulent malgrè nous ...

Spleen accablant ! ..

Que plein de flamme au ciel tu veuilles fuir,

Qu’aux joies du monde aille ta soif,

Toujours l’oiseau cruel de Promethée

Fouille ton coeur d’un bec avide.

 

 

mardi 11 juin 2013

Le philosophe Alain au service de Markine sur le rôle de la société civile en Russie

Voir: http://www.kasparov.ru/material.php?id=51B5BB80A2E0D

Hier, lors d'une conférence de presse, le porte parole du Comité d'enquête, V. Markine, s'est exprimé sur le rôle destructeur pour l'ordre juridique des défenseurs des droits de l'homme en Russie. Ses propos n'ont pas manqué de provoquer une nouvelle vague médiatique. Pourtant ...

L'actualité des textes de certains auteurs nous démontre, s'il en est encore besoin, à quel point les problèmes et les interrogations se répètent, quels que soient les décors. Transférons nous dans le décors de la Russie d'aujourd'hui.
 
Une grande part de la population se moque éperduement des revendications de la société civile, elle est la société et a d'autres problèmes plus urgent à régler et d'autres plaisirs à combler tant qu'il est possible de le faire.
Une minorité est active, sectorisée, elle compose la société civile, qui selon les questions traitées, oublient le système dans son ensemble pour se concentrer sur la résolution de son problème en particulier. C'est tout à fait normal, c'est son rôle.
 
Jusqu'à il y a encore peu, cela ne posait pas de difficultés particulières, les modes de gouvernance modernes ayant permis de trouver un équilibre par la notion de contre pouvoir. La société civile, par l'influence qu'elle exerce, sans pouvoir être toutefois clairement identifiée, en est devenue un.
 
Mais la balance s'écroule quand de contre pouvoir, elle veut devenir pouvoir. Comme l'écrivait  le philosophe Alain, pacifiste et grand défenseur de la démocratie au début du 20e siècle, dans son ouvrage Propos sur le pouvoir:
 
"Vouloir que la société soit le Dieu, c'est une idée de sauvage. La société n'est qu'un moyen. Mais il est vrai aussi qu'elle se donne comme une fin, dès qu'on le lui permet. C'est tyrannie."
 
Evaluons maintenant, à l'aune de ce paradigme, les propos de V. Markine, qui souligne l'ambiguïté du rôle des défenseurs des droits de l'homme, monopolisant en Russie l'espace de la société civile (médiatisée). Selon lui, les défenseurs des droits de l'homme ont, paradoxalement, un effet destructeur sur l'ordre juridique, qu'ils sont prêts à déstabiliser pour assurer la primauté de leur cause. En ce sens, ils oublient que dans le concept d'état de droit, "droit " est accolé à "état". Cette sortie médiatique a fait hurler, justement, les représentants de la société civile.
 
Markine a soulevé toute l'ambiguïté du jeu politique, présente dans n'importe quel système. A savoir que l'équilibre d'un système institutionnel, l'Etat en l'ocurrence, repose sur la confrontation équilibrée de deux forces contraires qui ensemble gouvernent: la force de la Loi (qui appartient à l'Etat, et rappelons-le, selon Bourdieu a le monopole de la violence légitime) et la force de l'opinion (qui appartient à la société civile en tentant de construire l'opinion de la société). C'est exactement ce que le philosophe Alain présente comme problème politique impénétrable:
 
"Les problèmes politiques sont presques impénétrables. La force gouverne. L'opinion gouverne. Auguste Comte a compris ces deux axiomes; il les tient devant son regard. Il n'est pas de constitution au monde qui limite la force gouvernante par quelque autre force."
 
D'où l'impasse lorsque la confrontation est ouverte, car le Droit a atteint ses limites. L'impasse qui s'achemine vers le rêve révolutionnaire. Car le but de la révolution est alors de faire passer la minorité au pouvoir. C'est pourquoi Markine, restant dans une rhétorique classique, explique ce qu'il considère comme des dérives de la société civile par la volonté de préparer un mouvement révolutionnaire. Car en fait, il reste dans une logique institutionnelle, étatiste.
 
Or, on peut se poser la question autrement. La logique n'a-t-elle pas changer? N'y a-t-il pas, en réalité, la constitution d'une logique de gouvernance qui prétend faire l'impasse sur l'Etat sans pour autant relever ni de l'anarchie, ni du nihilisme? Et la préparation se fait en trois temps: 1- démontrer l'inefficacité de l'Etat en tant que tel à régler les problèmes de société (déligitimation); 2- développer des organismes "privés" qui prennent de facto en charge certaines activités sociales traditionnelles de l'Etat (transfert de légitimité); 3- la révolution a eu lieu, sans modification de texte, par un renversement des rôles (transfert de pouvoir réel). Si tel est le cas, le problème est beaucoup plus profond que ne semble l'apprécier M. Markine. 

lundi 10 juin 2013

Khodorkovsky, le Conseil des droits de l'homme et le groupe de E. Novikova- T. Morshchakova: la manipulation des experts pour une manipulation de la législation



L’affaire Khodorkovsky n’en finie pas de montrer ses ramifications. Maintenant, suite au rapport du Conseil des droits de l’homme de M. Fedotov, rapport dirigé par T. Morshchakova, toute une série de perquisitions (chez S. Guriev, E. Novikova ...) et d’interrogatoires de témoins a été organisée par le Comité d’enquête et provoquant une vague médiatique sans précédent. La question qui se pose est celle du financement des experts, tout autant que la question de leur indépendance, car un groupe monté par E. Novikova visant à la dépénalisation du droit des affaires, et composé presque des mêmes experts que ceux du Conseil des droits de l’homme, a mené une activité débridée dans le domaine, sur des fonds un peu spéciaux et avec la participation des avocats de Khodorkovsky et Lebedev. Autrement dit, y a-t-il eu tentative de modifier la législation pénale russe dans l’intérêt très particulier des figurants vedettes de l’affaire Yukos ?


En effet, le Conseil des droits de l’homme de la Fédération de Russie de M. Fedotov a développé une forme intermédiaire et juridiquement insaisissable d’expertise. Il s’agit d’une expertise faite par des « experts indépendants » d’affaires judiciaires ayant une raisonnance sociale particulière, dont le jugement est entré en force de chose jugée.

Donc il ne s’agit pas d’une expertise judiciaire, l’acte intervenant après la phase judiciaire. Cette procédure ad hoc entrerait plutôt dans le développement débridé du contrôle que doit, désormais, exercer la société civile sur les structures étatiques qui sont ainsi montrées en perte de légitimité.

Le but affiché, et annoncé, est justement de porter à la connaissance de tous, mais surtout du Président, une critique « constructive » du fonctionnement du judiciaire, puisque c’est bien cette branche de pouvoir qui se trouve sous un feu nourrie. Cette opération est donc censée renforcer la légitimité du judiciaire en en renforçant la transparence, mais en réalité, nous sommes très loin de ce schéma idyllique, puisqu’elle contribue essentiellements à la déligitimation de l’ensemble du système étatique.


Revenons brièvement sur les faits pour ensuite les analyser au regard de la révolution politique que nous sommes en train de vivre, du changement radicale de mode gouvernance, qui nous fait passer du Gouvernement de la majorité à celui du Gouvernement de la minorité, mais d’une minorité très organisée.

L’expertise du Conseil des droits de l’homme

Suite au jugement définitif de condamnation rendu le 28 décembre 2010 à l’encontre de M. Khodorkovsky et de P. Lebedev dans la deuxième affaire Yukos, le Conseil des droits de l’homme, sous l’égide du conseiller du Président de la Fédération de Russie, M. Fedotov et sous l’impulsion de T. Morshchakova, juge constitutionnelle et vice-présidente de la Cour constitutionnnelle à la retraite, a lancé l’idée, acceptée par le Président Medvedev, de conduire un monitoring de cette affaire, même si ce monitoring avait commencé avant que le jugement ne soit définitif.

Le groupe d’experts qui va faire le travail est composé de 9 personnes, 6 russes et 3 étrangères, mais dans un premier temps, la société civile n’a pu connaître les noms de ces personnes (voir http://lenta.ru/news/2011/02/15/expertise/). Finalement, après que le document ait été remis au Président puis enfin rendu public, il a été connu que le groupe d’experts était dirigé par T. Morshchakova et composé de A. Tedeev (un subordonné de M. Fedotov à la Chaire UNESCO à l’Ecole supérieure d’économie que dirige Fedetov lui-même), Sergei Guriev (qui dirigeait l’Ecole russe d’économie et était intervenu, comme T. Morshchakova d’ailleurs, lors des « Leçons Khodorkovsky » organisées et financées autour du personnage dont elles portent le nom), M. Subbotine, O. Oleynik, A. Naoumov (directeur à l’époque du Centre des disciplines pénales à l’Académie de la Procuratura), A. Prochliakov (directeur du Centre de procédure pénale à l’Académie juridique d’Etat d’Oural et proche de l’avocat de Khodorkovsky, Vadim Klyuvgant). Pour les experts étrangers, il s’agit de Jeffrey Kahn (maître de conférences à l’Université méthodiste du Sud, USA), de Otto Luchterhandt (professeur à l’Université de Hambourg, Allemagne) et Ferdinand Feldbrugge (professeur émérite à l’Université de Leiden, Pays Bas). Selon T. Morshchakova, le choix des experts étrangers s’est fait, notamment, en raison de leur maîtrise du russe. Ce qui, au moins, n’est pas le cas de J. Kahn qui, d’après notre expérience, lors de ses séjours en Russie, reconnaît lui-même ne pas suffisamment maîtriser le russe pour tenir une discussion scientifique dans cette langue.


Le rapport (voir le texte ici http://www.president-sovet.ru/structure/group_6/materials/doklad_o_rezultatakh_ekspertizy_po_delu_khodorkovskogo_i_lebedeva_t.php)  indique également que l’analyse doit être strictement juridique et doit se fonder sur les éléments du dossier. Pourtant, comme l’ont reconnu les experts étrangers, en dehors du texte (volumineux) de la décision de justice, ils ont eu (et n’ont eu que) le lien vers le site Khodorkovsky, qui, évidemment, ne présente qu’un aspect de la question. Autrement dit, la possibilité d’une analyse tout autant détaillée des arguments de l’accusation n’a pas été donnée.


Toujours selon les dire de T. Morshchakova (voir http://www.novayagazeta.ru/politics/58532.html), ce rapport est un document scientifique, qui n’a aucune influence sur le déroulement de la justice, la décision étant définitive. Toutefois ... Dans un premier temps, lorsque M. Fedotov a présenté ce rapport au Président au nom du Conseil qu’il préside, il a été demandé que le jugement soit révisé et que, d’autre part, la responsabilité pénale des bisnessman en matière économique soit annulée (ce qui est important pour voir ensuite les liens de ce rapport avec des mécanismes plus généraux) (voir ici http://ria.ru/justice/20111227/527778402.html). Ensuite, ce texte n’est pas aussi strictement doctrinal qu’il n’y parait. Lorsque la doctrine analyse les décisions de justice, ce qui est une démarche courante et normale, elle ne cherche pas à remettre en cause ni l’existence matérielle des faits, ni leur qualification juridique, ce qu’a tenté de faire de rapport. Enfin, si ce rapport n’est pas utilisé dans les juridictions en Russie, il est cité au niveau international contre la Russie, par exemple dans une résolution du Parlement européen (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2012:380E:FULL:FR:PDF). Et l’on peut se demander ce qui pourrait empêcher la défense de l’évoquer devant l’affaire en cours en arbitrage à UNCITRAL (voir ici http://italaw.com/documents/YULvRussianFederation-InterimAward-30Nov2009.pdf) ?

Autrement dit, la Russie se trouve dans la situation totalement absurde où un organe créé par l’Etat, financé par l’Etat, le Conseil des droits de l’homme, adopte un rapport qui sera utilisé contre cet Etat.


Mais comment établir le lien entre les persuisitions qui ont lieu dans le cadre de l’Institut dirigé par Mme Novikova et ce rapport ?

Le groupe de E. Novikova


Avec l’arrivée de D. Medvedev à la présidence, commence à se développer un mouvement très fort et tout autant concentré autour de la libéralisation du droit pénal, qui vise à la dépénalisation de la criminalité économique. Ce mouvement, largement porté par T. Morshchakova, trouve un soutien évident chez les avocats de M. Khodorkovsky, surtout en la personne de V. Klyuvgant. Sur le plan des idées, et en partie des personnes, il est difficile de ne pas faire le lien avec le rapport du Conseil des droits de l’homme ... Sous l’égide de Mme E. Novikova (docteur en sciences juridiques venue du Kazakhstan à Moscou, ayant entre temps travaillé pour la Banque mondiale) des tables rondes et des publications structurent petit à petit et le groupe (faisant le tri des personnalités compatibles) et la problématique (car en partant de la suprématie du droit et des problèmes de justice – aux éditions Statut en 2009 -, ils en arrivent en fait à la question clée, celle de la Conception de la modernisation de la législaiton pénale en matière économique – Fond Liberalnaya Missia 2010). Et vous retrouvez ici des noms connus dans le rapport du Conseil des droits de l’homme : A. Naoumov, M. Soubbotine, T. Morshchakova, J.Kahn. Dans ce groupe, faisait également partie l’avocat de Khodorkovsky, V. Klyuvgant.


Cette trop grande proximité a attiré l’attention des enquêteurs et de la Procuratura et du Comité d’enquête. Ainsi, en qualité de témoins, sans qu’aucun acte d’accusation n’ait été formulé puisque l’enquête est simplement en cours, des perquisitions ont eu lieu au domicile de M. Soubbotine en septembre 2012, dans les locaux de l’Ecole russe d’économie de S. Guriev et dans les bureaux de Tedeev en avril 2013. La chaire UNESCO dirigée par Fedotov a également été visitée, puisque son subordonné, l’expert « indépendant » Tedeev, faisait partie du monitoring. En février 2013, les enquêteurs ont convoqué M. Soubbotine et O. Oleynik, mais finalement le Comité d’enquête a lui-même annulé la convocation.


Finalement, l’affaire s’est concentrée sur E. Novikova et les transferts de financement. Selon les enquêteurs, en avril 2005 une partie des actifs illégalement acquis par Khodorkovsky et Lebedev ont été tranférés, pour être blanchis, par la compagnie Stichting Administratiekantoor YUKOS International UK B. V. dont le siège est aux Pays Bas à Amsterdam. Depuis 2005, le processus de blanchiement par l’intermédiaire de différentes entreprises internationales et l’enquête est encore en cours. Notamment, par l’intermédiaire de Anton Drel, résidant à Londres, une partie des fonds a été envoyé pour financer l’activité des différentes structures et le paiement de différents services rendus notamment par des Fondations, organisations commerciales et personnes physiques, dirigés par E. Novikova. Il s’agissait, en ce qui concerne l’affaire Khodorkovsky, d’obtenir des conclusions de spécialistes qui soient favorables, de faire pression pour obtenir une modification de la législation pénale allant dans le sens d’une décriminalisation ou d’un allègement des articles du Code pénal pour lesquels Khodorkovsky et Lebedev ont été condamnés et d’obtenir un allègement de la procédure pénale. Sur ces fonds, E. Novikova a été rémunérée, tout comme T. Morshchakova ou S.Guriev et d’autres participants aux travaux allant dans le sens indiqué (conférences, tables rondes, Leçons Khodorkovsky ...). Ainsi, des perquisitions ont pu être accordées concernant Guriev et Novikova. Car, pour le Comité d’enquête, le monitoring, fait au nom du Conseil des droits de l’homme, entre en réalité dans le cadre de cette opération plus générale. (voir la décision de justice rendue par une des cours de Moscou le 23 avril 2013 autorisant la saisie des données personnelles concernant Guriev et la perquisition chez E. Novikova au Kazakhstan – où elle avait fui).

Et, non ce n’est pas de la conspirologie...


Pour les personnes qui auraient des doutes, se diraient que tout ceci a des relants désagréables de conspiration, une autre petite histoire, qui se déroule également à la même période, c’est-à-dire à lors du deuxième procès Yukos. Le projet date du 1er septembre 2009 et les documents, non publiés, sont en notre possession. Le Centre pour la démocratie et le développement de l’Université de l’état du Massachussets (Boston) annonce la mise en place d’un concours pour les meilleurs travaux de recherches (essentiellement des mémoires d’étudiants, voire des projets de thèses) sur le thème des « particularités de la pratique judiciaire russe actuelle par l’exemple de l’affaire pénale M. Khodorkovsky et P. Lebedev ». Les gagnants, qui peuvent être des étudiants, des doctorants, mais étrangement également des enseignants ou des praticiens, ont le droit à une bourse d’étude (1er prix : 50 000 dollars ; 2e prix : 40 000 dollars ; 3e prix : 30 000 dollars) pour étudier dans les meilleures écoles de droit des Etats Unis, notamment à Harward, Colombia, New York et Massachussets, au choix du vainqueur. Leurs travaux peuvent être publiés. Parallèlement, les participants sont incités à suivre les débats du procès en cours, ce qui constituera un plus lors de l’appréciation des résultats par le jury. Dans le jury, on retouve, en plus des avocats de l’affaires, plusieurs noms déjà cités ici dans le cadre et de l’activité de Novikova et du rapport du Conseil des droits de l’homme.

Que penser de tout cela ?


Les implications institutionnelles

Toute cette affaire ne pourrait être que désolante, si elle n’était le symbole de la révolution de gouvernance qui est en train de se produire, non seulement en Russie, mais en général dans les pays du nord de l’émisphère.

Que s’est-il en fait passé ? Il s’est passé la mise en orbite politique d’un symbole qui doit être utilisé pour changer la législation dans l’intérêt très limité d’une minorité. Cela aurait pu être considéré comme du lobbyisme si le cercle des personnes, dont l’intérêt est ainsi défendu, était indéterminé. Or, ici, il est très largement connu. Et peu importe que cela serve ou non à d’autres, ce n’est qu’un effet collatoral. Nous sommes entré dans un autre mode de gouvernance, celui de minorités organisées.


Jusqu’à présent, on ne trouvait trace de ce contrôle de la société civile dans les théories ni du pouvoir, ni de l’Etat. Et pour la bonne raison que cela ne servait à rien. La société, dans son ensemble, contrôlait le pouvoir par le mécanisme des élections, par les referendums, par les manifestations, etc. Et pour cela, il n’était pas nécessaire de déifier la société civile, la société elle-même était agissante. Mais ces mécanismes ne permettent que de rester dans un mode classique de gouvernance, celui de la majorité.

Or, maintenant, il est urgent, dans notre société mondialisée, de renverser l’ordre des choses. La minorité, qui veut faire passer sa conception du vivre ensemble, ses valeurs, ne peut le faire avec les mécanismes traditionnels, car elle ne peut atteindre au consensus. Il est donc nécessaire de survaloriser cette « société civile » politisée et instrumentalisée, elle-même minoritaire dans la société, dans le but de déligitimer par son surcroît d’activité non seulement le régime en place, mais les mécanismes institutionnels classiques étatiques, tout en proposant des mécanismes parallèles, déviants. Le tout ne pouvant que s’auto-légitimer, ce qui explique la radicalité du discours. Il faudra suivre cette évolution qui risque de renvoyer à la pré-histoire la plupart des manuels de droit constitutionnel.