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mardi 11 juin 2013

Le philosophe Alain au service de Markine sur le rôle de la société civile en Russie

Voir: http://www.kasparov.ru/material.php?id=51B5BB80A2E0D

Hier, lors d'une conférence de presse, le porte parole du Comité d'enquête, V. Markine, s'est exprimé sur le rôle destructeur pour l'ordre juridique des défenseurs des droits de l'homme en Russie. Ses propos n'ont pas manqué de provoquer une nouvelle vague médiatique. Pourtant ...

L'actualité des textes de certains auteurs nous démontre, s'il en est encore besoin, à quel point les problèmes et les interrogations se répètent, quels que soient les décors. Transférons nous dans le décors de la Russie d'aujourd'hui.
 
Une grande part de la population se moque éperduement des revendications de la société civile, elle est la société et a d'autres problèmes plus urgent à régler et d'autres plaisirs à combler tant qu'il est possible de le faire.
Une minorité est active, sectorisée, elle compose la société civile, qui selon les questions traitées, oublient le système dans son ensemble pour se concentrer sur la résolution de son problème en particulier. C'est tout à fait normal, c'est son rôle.
 
Jusqu'à il y a encore peu, cela ne posait pas de difficultés particulières, les modes de gouvernance modernes ayant permis de trouver un équilibre par la notion de contre pouvoir. La société civile, par l'influence qu'elle exerce, sans pouvoir être toutefois clairement identifiée, en est devenue un.
 
Mais la balance s'écroule quand de contre pouvoir, elle veut devenir pouvoir. Comme l'écrivait  le philosophe Alain, pacifiste et grand défenseur de la démocratie au début du 20e siècle, dans son ouvrage Propos sur le pouvoir:
 
"Vouloir que la société soit le Dieu, c'est une idée de sauvage. La société n'est qu'un moyen. Mais il est vrai aussi qu'elle se donne comme une fin, dès qu'on le lui permet. C'est tyrannie."
 
Evaluons maintenant, à l'aune de ce paradigme, les propos de V. Markine, qui souligne l'ambiguïté du rôle des défenseurs des droits de l'homme, monopolisant en Russie l'espace de la société civile (médiatisée). Selon lui, les défenseurs des droits de l'homme ont, paradoxalement, un effet destructeur sur l'ordre juridique, qu'ils sont prêts à déstabiliser pour assurer la primauté de leur cause. En ce sens, ils oublient que dans le concept d'état de droit, "droit " est accolé à "état". Cette sortie médiatique a fait hurler, justement, les représentants de la société civile.
 
Markine a soulevé toute l'ambiguïté du jeu politique, présente dans n'importe quel système. A savoir que l'équilibre d'un système institutionnel, l'Etat en l'ocurrence, repose sur la confrontation équilibrée de deux forces contraires qui ensemble gouvernent: la force de la Loi (qui appartient à l'Etat, et rappelons-le, selon Bourdieu a le monopole de la violence légitime) et la force de l'opinion (qui appartient à la société civile en tentant de construire l'opinion de la société). C'est exactement ce que le philosophe Alain présente comme problème politique impénétrable:
 
"Les problèmes politiques sont presques impénétrables. La force gouverne. L'opinion gouverne. Auguste Comte a compris ces deux axiomes; il les tient devant son regard. Il n'est pas de constitution au monde qui limite la force gouvernante par quelque autre force."
 
D'où l'impasse lorsque la confrontation est ouverte, car le Droit a atteint ses limites. L'impasse qui s'achemine vers le rêve révolutionnaire. Car le but de la révolution est alors de faire passer la minorité au pouvoir. C'est pourquoi Markine, restant dans une rhétorique classique, explique ce qu'il considère comme des dérives de la société civile par la volonté de préparer un mouvement révolutionnaire. Car en fait, il reste dans une logique institutionnelle, étatiste.
 
Or, on peut se poser la question autrement. La logique n'a-t-elle pas changer? N'y a-t-il pas, en réalité, la constitution d'une logique de gouvernance qui prétend faire l'impasse sur l'Etat sans pour autant relever ni de l'anarchie, ni du nihilisme? Et la préparation se fait en trois temps: 1- démontrer l'inefficacité de l'Etat en tant que tel à régler les problèmes de société (déligitimation); 2- développer des organismes "privés" qui prennent de facto en charge certaines activités sociales traditionnelles de l'Etat (transfert de légitimité); 3- la révolution a eu lieu, sans modification de texte, par un renversement des rôles (transfert de pouvoir réel). Si tel est le cas, le problème est beaucoup plus profond que ne semble l'apprécier M. Markine. 

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