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mardi 16 décembre 2014

Kudrine v. Glaziev: choc néolibéral ou interventionnisme pour sortir de la crise financière

Работа фондовой биржи. Архивное фото

Le cours du rouble s'est largement détérioré ces derniers temps. Mais depuis ce week-end, la guerre financière, qui semblait encore contrôlable la semaine dernière, est entrée dans sa phase décisive. Déjà les médias parlent d'un "Lundi noir", même si la situation s'est encore dégradée aujourd'hui malgré l'intervention de la Banque centrale. Celle-ci a soutenu le rouble à hauteur de près de 7 milliards de dollars depuis le 1er décembre, a augmenté les taux d'intérêt à 17%, ce qui n'empêche pas le rouble de chuter. Si Kudrine et la directrice de la Banque centrale continuent à préconiser l'autorégulation du marché pour limiter la spéculation monétaire, Glaziev et Deliaguine demandent une intervention rapide et profonde des structures étatiques pour soutenir l'économie nationale. Car ce qui est en jeu, c'est la mise en place d'une nouvelle infrastructure de l'économie et la Russie doit être prête pour ne pas disparaître.


Alors que depuis le début de l'année, le dollar tournait entre 33 et 37 roubles et l'euro entre 47 et 48 roubles, lundi le cours du rouble a atteint des records. A la fermeture de la bourse de Moscou, le dollar a atteint 62,89 roubles, soit 4,71 roubles de plus qu'à la fermeture de la bourse vendredi soir. Quant à l'euro, il se négociait à 77,86 roubles, soit 5,58 roubles de plus.

La Banque centrale qui venait d'augmenter légèrement le taux à 10,5%, dans la nuit a décidé de passer directement à 17%. Ce qui a eu un effet de court terme de renforcement du rouble à l'ouverture des marchés, mais n'a pas pu empêcher la chute vertigineuse de la monnaie dès la fin de matinée. Au maximum, aujourd'hui, le dollar se négociait à 74 roubles et l'euro à 91 roubles, pour ensuite à nouveau légèrement baisser.

Malgré l'annonce d'une non intervention de la Banque centrale afin de mettre un terme à la spéculation qui fait chuter artificiellement le cours du rouble et coûte très cher à la Russie, qui doit largement intervenir sur les marchés, la Banque centrale a repris ses interventions massives, mais sans les annoncer à l'avance ni prévenir du montant en cause. Ainsi, alors qu'elle n'était plus intervenue depuis le 10 novembre, en décembre le rythme s'est à nouveau accéléré et la Banque centrale a soutenu le rouble à hauteur de:
  • 1er décembre: 700 millions de dollars
  • 3 décembre: 1,9 milliards de dollars
  • 5 décembre: 1,926 milliards de dollars
  • 8 décembre: 400 millions de dollars
  • 9 décembre: 348 millions de dollars
  • 10 décembre: 206 millions de dollars
  • 12 décembre: 2,383 milliards de dollars
  • 15 décembre: 500 millions de dollars
Toutefois cette politique commence à être ouvertement critiquée, tant dans les milieux d'experts, que dans les milieux politiques. Des députés de la Douma demandent à convoquer D. Medvedev, la directrice de la Banque centrale et la directrice de la Cour des comptes pour qu'ils expliquent leur politique. Toutefois Narychkine, le président de la Douma, n'a pas mis au vote aujourd'hui la motion et a demandé la tenue d'une cession extraordinaire pour examiner la question. Les députés de l'opposition estiment qu'il est suicidaire de continuer cette politique qui conduit le pays dans une spirale de stagflation. Certains envisagent sérieusement d'engager la responsabilité du Gouvernement.

Les experts, comme Déliaguine ou Glaziev (qui est également le Conseiller du Président russe en matière économique), s'expriment encore plus vertement. Ils qualifient la politique menée par la directrice de la Banque centrale soit d'incompétence patente, soit d'être volontairement orientée vers la spéculation et donc de sciemment nuire au pays. Car, en augmentant les taux d'intérêt, elle va provoquer un ralentissement de l'économie par un recours plus difficile au crédit. Or, pour autonomiser l'économie russe, il est important que la Banque centrale puisse proposer des crédits aussi attractifs que les crédits proposés par les banques occidentales. 

D'une manière générale, Glaziev estime que nous nous trouvons à un tournent conduisant à une nouvelle structuration de l'économie qui implique le développement des nouvelles technologies. Cette nouvelle structure économique sera fondée autour de secteurs comme la médecine ou la science, qui seront demandeurs de nouvelles technologies. Et ici l'enseignement sera un facteur fondamental du développement national. Or, l'Etat doit mettre en place la nouvelle infrastructure de l'économie, en attendant que le business comprenne l'intérêt qu'il y a à investir et prenne le relais. 

Deux dangers sont ici présents. D'une part, un danger intérieur, représenté par l'idéologie néolibérale de Kudrine, largement reprise par la Banque centrale, qui poussera à poursuivre cette politique de désengagement de l'Etat et d'autorégulation du marché, quitte à conduire à la catastrophe. Heureusement, la Russie est aujourd'hui dans une situation financière assez forte grâce au fond de stabilisation. D'autre part, un danger extérieur, géopolitique. Les Etats Unis sont dans une situation vacillante, leurs finances sont tenues artificiellement et ils ont besoin d'une guerre pour garantir leur hégémonie et empêcher que le centre de gravité économico-financier ne bascule définitivement en Asie.

Pour cela, ces experts proposent de cesser l'augmentation des taux d'intérêt, de relancer le crédit intérieur par l'intermédiaire de la Banque centrale, de faciliter le développement du petit et moyen business et de redonner à l'Etat les moyens d'intervenir pour stabiliser la situation. Dans le cas contraire, un choc violent attendrait la Russie en début d'année 2015 qui risquerait de déboucher sur une crise politico-sociale profonde d'ici à l'automne 2015.

La position des opposants à la politique actuelle menée par la Banque centrale est particulièrement pessimiste. Pour leur part, les tenants de la politique menée par la Banque centrale estiment qu'il n'y a pas d'autres moyens de réagir vu la conjoncture. Mais ceci doit s'accompagner d'une "renationalisation" de l'économie, qui doit être plus indépendante, surtout du pétrole. Le cours actuellement faible du rouble doit être utilisé pour relancer la production nationale, qui devient plus attractive à l'export. Parallèlement, une enquête est en cours pour agir contre les banques qui spéculent sur le cours du rouble et contribuent ainsi à provoquer, en plus de la baisse continue du prix du baril de pétrole, une chute du rouble.

Autrement dit, la politique largement critiquée de la Banque centrale est loin d'être simpliste. Pour pouvoir l'apprécier, il faudrait être économiste, donc je m'en abstiendrai. Les points de vue sont tellement divergents que je ne me permet que de les présenter. A vous de vous faire votre opinion.




2 commentaires:

  1. Au mois d'Août vous terminiez un article absolument remarquable et qui m'a personnellement durablement marquée sur les luttes de clans en Russie par cette phrase:" Le combat pour l'Ukraine, c'est aussi le combat pour la forme de gouvernance en Russie."
    On a l'impression que nous y sommes, en plein.
    J'ai écouté tout à l'heure Lavrov sur une chaîne de la TNT (France 24), suggérant en substance que la volonté effective des occidentaux était un changement de "gouvernance" en Russie et que tout semblait aller dans ce sens.
    Il l'a dit sans s'appesantir, je ne me souviens plus de l'expression exacte, en réponse à une question de son interlocuteur, mais cela marquait sa lucidité sur l'enjeu vital de actuel.
    Lorsque vous dites plus haut"... ce qui est en jeu, c'est la mise en place d'une nouvelle infrastructure de l'économie et la Russie doit être prête pour ne pas disparaître.", j'ai l'impression que c'est ce même rapport de forces, cette même conjoncture qui se manifestent.
    Pour ma part ce n'est pas sans m'inquiéter fortement, indépendamment même de la question proprement monétaire à laquelle je ne comprends jamais grand chose.
    Ma question: comment réagissent à ce sujet des forces à l'oeuvre tant réellement que de façon occulte, les gens "normaux", les universitaires et mères de familles comme vous, les retraitées comme moi, les russes qui aiment leur pays et ne veulent plus le voir revenir aux temps eltsiniens ?
    Amitiés
    Dominique

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  2. Tout d'abord merci à vous pour votre travail qui fait partie, pour nous occidentaux, des sources fiables que nous pouvons consulter.

    Dans le sens de votre article j'ai trouvé ce lien sur le site d'Olivier Berruyer (les-crises.fr) où Evgeny Fedorov affirme qu'en fait la Banque Centrale agit en tant qu'élément de la "5ème colonne", ce qui dans sa description paraît très cohérent : https://www.youtube.com/watch?v=n6kw7u4t6Gs
    Cela signifie que la guerre est déclarée contre la Russie. Y compris par une attaque de l'intérieur via la BC.
    Je trouve ce fait particulièrement inquiétant et j'espère que le discours du Président Vladimir Poutine prévu pour demain jeudi amènera un éclaircissement sur les positions adoptées par l'Etat Russe.
    Bien à vous

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