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mardi 21 juillet 2015

Ukraine: la stratégie américaine dans une impasse

Пётр Порошенко и Михаил Саакашвили

L'afflux et le reflux des étrangers dans les structures de gouvernance ukrainienne est un symptôme intéressant de l'impasse stratégique dans laquelle se trouvent les Etats Unis. A très court terme la nationalisme a permis de déraciner l'Ukraine, à moyen terme les exigences du business exigent une internationale néolibérale qui s'accomode mal des frontières et des particularismes, mais à long terme la rupture avec la Russie, afin de provoquer soit son isolement, soit sa chute oblige à nuancer l'internationalisation des nouvelles élites. Alors que faire, entre les deux mon coeur balance et balance encore et risque de tomber.


La gouvernance américaine de l'Ukraine laisse peu de place au doute, même pour le plus sceptique d'entre nous. L'idée grandiose de la participation des ministres et vice-ministres étrangers est un projet financé par le Fonds de Soros en Ukraine appelé Vosrajdenie (Renaissance). Comme l'a expliqué à une conférence de presse le vice-président de l'administration présidentielle ukrainienne, D. Chimkive, le recrutement de ministres étrangers n'a strictement rien coûté au budget ukrainien, puisque c'est le Fonds de Soros qui a payé aux deux compagnies de recrutement WE Partners et Pederson Partners la somme de 82 200 $.

En résultat de quoi, différents spécialistes étrangers furent recrutés et sont entrés dans le nouveau Gouvernement ukrainien, dont la composition a été confirmée par vote de la Rada début décembre 2014. Ainsi, comme nous l'avons écrit ici :

  • aux finances une ministre américaine d'origine ukrainienne et qui y vit depuis 20 ans N. Iaresco et un vice-ministre allemand A. Borovik; 
  • un ministre du développement économique lithuanien A. Abromavicius et son vice-ministre est un estonien Y. Merilo; 
  • un ministre géorgien de la santé (qui avait occupé ce poste dans son pays, où il avait déstructuré le système de santé public) A. Kvitachvili; 
  • un vice-ministre de l'intérieur géorgien E. Zguladze; 
  • et encore un géorgien pour le système des patentes d'état, D. Ebanoïdze.


Ensuite, la gouvernance internationale s'est développée et a touché les régions. Ainsi, à Odessa est arrivé M. Saakachvili, qui après une recontre avec l'ambassadeur américain J. Payett, a rassuré les habitants de la ville et du pays, son salaire sera payé par les Etats Unis, qui vont également l'aider à constituer son équipe. Pour continuer sur la lancée de l'internationalisation des compétences, M. Gaïdar, fille de l'homme des privatisations des années 90 qui ont privé l'Etat russe d'une grande partie de ses richesses et permis le lancement des nouveaux oligarques, est pressentie pour être vice-gouverneur d'Odessa.

D'une manière plus indirecte, les Etats Unis mettent leurs "gens " en place, des individus de nationalité ukrainienne qui travaillaient pour des organismes internationaux avant le coup d'état et maintenant se diffusent dans les structures. C'est notamment  le cas de Oksana Syroyid, député, qui a notamment préparé la sortie de l'Ukraine de la CEDH alors qu'elle dirigeait, avant le cup d'état, pour l'OSCE en Ukraine, les programmes des droits de l'homme et de l'état de droit. Ironie du sort? Non, cela montre simplement que tous ces programmes de démocratisation ne sont que des excuses pour s'introduire dans un système juridique et politique, le phagocyter et ensuite l'orienter de l'intérieur dans une direction qui n'est en rien guidée par l'intérêt de la défense des droits de l'homme, et même du droit en général, sans parler de l'homme.

Toujours est-il que cette vague de nominations n'est pas particulièrement bien prise. En Géorgie, il est considéré scandaleux qu'un Président d'un pays souverain devienne Gouverneur de la région d'un autre pays, qu'il renonce à sa nationalité. D'une manière générale, les nationalistes ukrainiens n'ont pas compris pourquoi il fallait aller chercher des ministres à l'étranger, alors qu'on ne cesse de leur vanter la grandeur de la toute nouvelle nation ukrainienne qui avait jusque là été tant dénigrée par la Russie. Cette grande nation n'aurait donc pas de grands hommes capables de mener à bien les réformes attendues? Mais là, où ça se crispe sérieusement, c'est avec la nomination de Maria Gaïdar. Certes, elle est néolibérale, a été formée comme il faut, elle est dans l'opposition, mais elle est russe. Très russe. Trop russe. Et les pro-Euromaïdan descendent dans la rue pour manifester contre cette insulte à leur nationalisme si beau, si propre, si anti-russe. On leur a tellement expliqué que l'ennemi est là, tout près, derrière la frontière. Et maintenant, des gouvernants viennent de chez cet ennemi. chez eux. Cet ennemi, qui est ethnique et non politique, alors peu importe la couleur politique de M. Gaïdar, elle est russe, elle est l'ennemi du nouvel homo ukraïnus.

Par ailleurs, en plus des interrogations populaires, somme toute plutôt logique, la greffe ne prend pas très bien. car l'espace post-soviétique a une mentalité politique particulière, un mode de fonctionnement spécifique. Et manifestement, tous les spécialistes ne s'y font pas. Cela a commencé avec le scandal autour du départ du vice-ministre allemand de l'économie, A. Borovik. Habitué à travailler dans des strutures d'envergure internationale, il n'a pas particulièrement apprécié l'attitude du Premier Ministre Yatséniuk. Lorsqu'il lui explique qu'il va falloir rendre des comptes aux européens en ce qui concerne l'utilisation des fonds attribués pour l'organisation de différentes conférences, Yatséniuk lui a littéralement hurlé au visage et en public.

Après Borovik, d'autres scandales éclatent. Le géorgien Ebanoïdze n'a finalement pas eu le département des patentes. Et comme pour Borovik, le Gouvernement annonce que, en fait, le poste n' a pas été encore attribué, donc pas réellement de départ, et surtout pas de salaires. C'est un compportement que l'on ne retrouve pas dans les pays développés. L'Ukraine n'est non seulement plus un pays européen, mais elle n'est même plus un pays développé. D'autres sont sur le départ, à l'exception manifeste de la dame de fer ukraïno-américaine qui tient les finances du pays. Et pour cause, les américains doivent contrôler l'état des finances réels.

Alors que la première phase s'appuyait sur le nationalisme extrême, celui-ci a rempli sa fonction et ne sert plus à rien. D'ailleurs, c'est l'ambassadeur américain qui va se rendre en Transcarpatie, là où Secteur droit est entré en conflit avec le pouvoir, dans l'ouest de l'Ukraine, pour régler la question. Pour sauver les apparences, peut être Poroshenko pourrait l'accompagner, même s'il reste peu d'apparences à sauver.

En tout état de cause, le nationalisme est passé de mode. Ce qui pose un premier problème, car la population, elle, a été déracinée, à tel point que l'on peut trouver des touristes ukrainiens déclarer en France qu'ils ont bien fait de tuer tous ces gens à Odessa. Pour rappel, il s'agissait d'habitants de la ville non armées, gazés, finis d'une balle dans la tête, brûlés dans l'incendie de la maison des syndicats et tabassés lorsqu'ils s'échappaient par les fenêtres. Comment expliquer que maintenant, le nationalisme soit fini, il faille se calmer? Cette foule, qui a été conduite à couvrir ou commettre des atrocités au nom d'une idéologie, même fausse, même instrumentalisée, ne reviendra jamais dessus. Car elle ne voudra pas assumer ses actes. Et aucun consultant étranger ou local ne pourra changer les choses. Ils resteront fidèles à ce qui les détruit par peur.

Le deuxième problème qui se pose sérieusement aux stratèges américains est la conciliation des intérêts à moyen et à long terme. Car ils sont totalement incompatibles.

D'un côté, il faut bien réunir les néolibéraux, les affaires continuent. Par ailleurs, avec l'échec des manifestations "libérales" à Moscou, il reste toute une série de personnes formées, qu'il faut utiliser, "rentabiliser', pour qu'elles ne perdent pas la main. L'Ukraine, en ce sens, est un bon laboratoire expérimental. Mais cela oblige à atténuer la haine contre la Russie et donc son isolement. Car il s'agit d'une arme à double tranchant: il est alors nécessaire de recruter ces russes qui ne servent plus à rien en Russie, car ils sont totalement discrédités, et les implanter dans des pays "ennemis". Or, il sont russes ...

Dans cette logique, les frontières dérangent et une grande internationale néolibérale serait la bien venue. Ce qui saute aux yeux, en y regardant de plus près, c'est que dans cette logique, les stratèges américains recréent en quelque sorte l'espace post-soviétique. Car ces spécialites "mondialisés" viennent en fait des pays de l'ancien bloc de l'Est, avec toutes ses spécifités. Eux seuls peuvent supporter et comprendre Yatséniuk, ses hurlements. Ce qui est également surprenant, c'est que, de cette manière, ils imposent le russe comme langue commune. Enfin, il semble se reconstruire cette impression d'origine commune: peu importe la nationalité, on appartient à la même culture. Et les passeports changent plus facilement. Et l'Allemand, le seul véritable européen de l'ouest a craqué le premier et est parti en claquant la porte. A long terme, c'est une stratégie qui peut être gagnante pour la Russie,, si elle sait apporter un modèle alternatif structuré et si elle arrive à protéger sa souveraineté.

L'autre alternative, radicalement opposée, est l'isolement de la Russie. La Russie qui à terme doit, de toute manière, voir l'émergence presque "naturelle" du modèle néolibérale, puisque ce pays est le dernier îlot de résistance, sorte d'étrange village gaulois. Il ne peut que tomber. Une équipe est en place, avec Koudrine, Gref, Kuzminov et autres acteurs de la libéralisation du pays qui y travillent depuis des années. Si cela marche, si le pays bascule, ils risquent de passer dans l'opposition car ils sont trop associés au pouvoir actuel, mais peu importe. De cette manière, il y aura une opposition "modérée" et qui peut toujours revenir au pouvoir si jamais il y a échec de la premier version. Bref, c'est un scénario tentant. Pourtant, il ne résiste pas aux faits. Car les sanctions devant provoquer la rage de la population attachée à ses huîtres soutient la politique présidentielle. De plus, l'opposition libérale s'est totalement discréditée après la Crimée et a obtenu un rejet massif de la population qui ne veut soutenir, par ailleurs, le régime sanglant de Poroshenko. Enfin, la Russie a surmonté l'attaque monétaire et le rouble n'a pas craqué, l'économie est relancée et le chômage baisse. Ces données font pâlir l'envie les pays de la zone euro.

En fin de compte, la stratégie américaine à l'égard de la Russie est dans une impasse. Car ils se trouvent dans l'obligation de choisir entre la propagation idéologique avec le risque de remettre à terme entre les mains de la Russie un espace post-soviétique reconsolidé et une politique d'isolement renforçant la Russie de l'intérieur qui conduira à une confrontation dont personne ne veut. En plus, reste le facteur nationaliste qui se plante comme une épine dans le joli tableau polissé de l'Ukraine européenne.



1 commentaire:

  1. Damned, dans ce billard octogonal, l'Europe pourrait au moins défendre ses intérêts mais la pression Américaine est encore la plus forte, indubitablement grâce a l'euro-dollard, mais pour combien de temps encore?

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