En cette période de Noel, chacun est sous l'influence de la magie de Noel. Mais il semblerait que certains n'en sortent pas - ou plus - de toute l'année, qu'ils s'y réfugient, qu'ils cherchent le magique faute de ne pouvoir assumer le réel. C'est déjà terrible, humainement, lorsque cet effondrement intérieur touche un individu, cela devient une question de sécurité nationale lorsqu'il s'agit du PDG de la Sberbank, H. Gref, qui est la plus grande banque publique du pays, et du gourou néolibéral A. Koudrine, à la tête de la Cour des comptes. Séminaires sur le bonheur, invitation de gourous pseudo-hindouistes, distribution d'ouvrages américains mormons, tout cela sur fond de grands shows primitifs sur le développement personnel allant jusqu'à un demi-million de roubles la place, une évolution inquiétante ... et dangereuse. L'impasse néolibérale, appuyée sur un management tout-puissant et primitif s'enfonce, comme l'on dit en Russie, dans son zastoï (impasse).
Nous avions déjà parlé du zastoï des néolibéraux avec la réforme de la pension de retraite, où ils démontrent leur incapacité à penser l'avenir et les réformes autrement qu'en aliénant mécaniquement l'individu (voir notre texte ici). Nous avions souligné l'impasse du management en politique, qui a fortement perturbé les élections de gouverneurs, dont plusieurs candidats issus de ces nouveaux milieux des "managers efficaces" (puisque jeunes et sans aucune culture politique) ont fermement été rejetés par la population, malgré des pressions qui rappellent des heures peu glorieuses (voir notre texte ici). Le tout "théorisé" en vue de chercher à justifier une manipulation contre la volonté populaire, ici appelée populisme (voir notre texte ici).
Il semblerait que la boucle soit bouclée, avec le business. Mais comme le business n'est jamais très loin du pouvoir, ces récidives ne restent pas dans la sphère privée. Il y a certes les shows sur le mode des années 90 avec les hypnotiseurs remplissant les stades. Maintenant, ce sont les coachs en management qui remplissent les stades, à des places coutant entre 30 000 et 500 000 roubles (le salaire moyen à Moscou est de 81 000 roubles). Voilà pour vous donner une idée:
Le gratin du business y était et même des membres du ministère de l'Economie. Ca se passe de commentaire. Heureusement, il y a eu ici aussi une saine réaction dans les réseaux sociaux, venant du "monde réel", des gens qui regardaient de loin cette absurdité et, avec beaucoup d'humour, ont montré que le roi est nu, vu la banalité des conseils donnés pour "penser positif". Cela donne l'ambiance de fond, mais le coeur du problème est ailleurs. Prenons deux exemples : Gref à la tête de la Sberbank et Koudrine en charge de la Cour des comptes. L'on notera que ces deux personnes ont eu le même "parcours initiatique", sont passées entre les mains de A. Sobtchak à Saint-Pétersbourg pour le conditionnement idéologique politique.
H. Gref, ancien ministre du développement économique et du commerce est actuellement à la tête de la Sberbank, qui est la principale banque du pays et dont le capital est majoritairement détenu par l'Etat. Dans le même temps, il est entré dans le conseil international de la banque américain JP Morgan Chase, y remplaçant Tchubaïs (autre figure de proue du néolibéralisme russe) en 2013. Ce Conseil a été créé dans les années 60 et est un organe de soft power, qui dépasse largement le domaine bancaire. Entré dans le "club des grands", il déclare ainsi lors du Forum économique russe de 2016, que "la Russie est un pays de perdants". Ce qui n'a finalement eu aucun impact sur sa carrière ... dans une banque publique.
Ces dernières années, l'évolution de Gref soulève beaucoup de questions, la dégradation s'amplifiant parallèlement avec la radicalisation du discours en Russie sur le tout numérique et "la révolution technologique". La question n'est pas de savoir quelle est l'importance du numérique et des technologiques, elles ont toujours été utiles, mais il semblerait que leur développement réel est proportionnellement inverse au culte qui se développe.
Ainsi, au dernier Forum économique de Saint-Pétersbourg, pour parler du tout numérique ... il fait venir à grands frais un gourou de luxe, vu le prix de sa montre, déclarant tranquillement:
"La société humaine, la religion, l'Etat, tout cela va s'effondrer et c'est très bien!"
Ce qui va certainement largement contribuer à la réflexion sur l'évolution de l'économie russe. D'un autre côté, sans Russie, plus de problèmes ...
Ce même individu a fait quelques séminaires devant les employés de la Sberbank, auxquels Gref distribue des ouvrages primitifs de développement personnel écrits par le mormon Stephen Covey. Gref, qui se prononce régulièrement sur la réforme de l'éducation nationale, est pour la suppression des écoles de mathématiques, qui ne servent à rien. Pour un banquier, l'on appréciera. Remplacer donc l'enseignement par les théories managériales et du développement personnel ... c'est une voie dangereuse. Dont l'on voit déjà les résultats, avec les problèmes récurrents de fonctionnement de cette banque, les fuites d'informations confidentielles suite à des erreurs humaines. Les employés se plaignent ouvertement dans les réseaux sociaux du matériel vieillissant (pour le héraut de la révolution technologique, c'est assez paradoxal ...), des salaires insuffisants, de l'incompétence totale des cadres, etc. L'on rappellera le crash de la banque russe Uralsib, dont le dirigeant aussi s'est mis aux méthodes parallèles et magiques. Seulement, vu le poids de la Sberbank, son crash pourrait entraîner avec lui l'économie du pays. Finalement, cela ne serait pas pour déplaire à Morgan Chase ...
Parallèlement, l'autre gourou néolibéral, Koudrine, lance une réflexion sur le bonheur. Si cela ressemble à une fuite en avant, et c'en est une, ce n'est pas celle que l'on croit. Il ne nie pas la réalité, il en tient compte, mais ne sait pas comment dépasser la crise, donc il propose de la nier. L'on apprend ainsi que l'argent ne fait pas le bonheur, et comme la hausse des salaires ne fait pas partie de son paradigme idéologique, il faut faire accepter aux gens les difficultés financières. Ils doivent chercher leur bonheur. Ailleurs. Ainsi, le grand forum de la société civile (qu'il continue à diriger bien qu'occupant un poste officiel ...) s'est focalisé sur la recherche du bonheur avec des sections, très sérieuses, sur "l'imprévisibilité comme nouvelle norme et source de bonheur", "les compétences pour la construction de liens proches comme voie directe vers le bonheur", "la prise en main de son bonheur personnel comme nouvelle compétence de base", etc.
Grand bien lui en fasse finalement, nous ne pouvons que lui souhaiter de le trouver son bonheur. Mais pas aux frais du pays. Le problème est que cet individu est influent sur la détermination de la politique économique du pays, qu'il se prononce souvent, tout comme Gref, sur la réforme de l'enseignement et de la recherche de manière plus que destructrice. Il est de sa compétence d'apprécier l'efficacité des politiques publiques et la formation du budget de l'Etat. Or, il veut introduire le critère du bonheur dans l'appréciation. Si j'ai bien compris, Koudrine propose donc l'annulation de la réforme de l'âge de la retraite ... Imaginons aussi la potentielle grille d'analyse quant aux ministres, gouverneurs, etc ... Combien ce gouverneur vous a-t-il apporté de bonheur? Non, j'arrête, ça glisse vers le porno ...
Ces individus, incapables d'avoir la moindre prise sur le réel, sont en totale fuite en avant, fuite facilitée par le véritable culte des nouvelles technologies. Ils proposent finalement un suicide collectif. La numérisation totale de l'Etat, c'est sa virtualisation - en période de guerre de l'information. La virtualisation de l'enseignement et sa transformation en manuel de développement personnel, c'est la destruction de la société. La réduction de l'homme à un individu réagissant mécaniquement à tout stimulus extérieur - sur le modèle pavlovien. La fin des énergies fossiles, pour le solaire - dans le grand Nord, il fait nuit la moitié de l'année. La fin des voitures pour des voitures électriques sans pilotes - avec les dimensions de la Russie?
Seule l'absurdité totale de leurs propositions est rassurante. Ce qui n'ôte rien à leur capacité de nuisance. En attendant, proposons-leur de regarder cet excellent dessin animé soviétique, Comment le petit âne a cherché le bonheur. Cela leur donnera certainement matière à réflexion, en tout cas beaucoup plus que les manuels de Stephen Covey.
Et bien, nous devrions unir nos forces ma chère Karine...
RépondreSupprimerPour que la terre tourne rond à nouveau, il faudrait virer ce genre d'individus partout où ils sévissent. Ce sont des métastases de la tumeur néolibérale mondialiste.
RépondreSupprimerje dirais où ils dévissent :)
SupprimerIls ont décrété que le bonheur est universel et obligatoire. Donc plus d'états d'âme, le sourire partout et tout le temps, des blablas où il faut plaire à tout le monde, sans jamais prendre position, bref le conformisme et le consensus absolus. J'habite dans une grande ville, Genève en l'occurence, et m'apercois que partout, dans les administrations, les entreprises, si vous ne jouez pas le jeu, malheur à vous. Ces comportements ne visent qu'à vous parquer dans l'enclos de la démocratie consumériste rentable. A la fois producteur et consommateur sans idées, sans personnalité, sans esprit critique, la bête à fourrager dont on tire le lait avant d'en consommer la viande. Triste époque.
RépondreSupprimerKudrin n'a aucune influence à part dans les milieux ultra minoritaires. Pour Greg c'est plus sérieux car en effet il tient Sberbank. Mais il n'a concrètement aucun pouvoir de nuisance concernant une éventuelle banqueroute comme vous dites. De toute manière Poutine ne laisserait jamais Sberbank couler, c'est une évidence. La situation ici est en sursis, les pions se mettent en place dans loptil'opde l'après Poutine et là sera le vrai problème. Je ne crois pas à une prise de pouvoir des "liberaux", personne n'en veut. Et ce ne sont pas les bobos moscovites qui feront l'élection... La politique de Poutine devrait continuer, le problème est que son successeur risque de ne pas avoir la carrure nécessaire pour louvoyer entre les provocations américains et européennes... C'est pourquoi certains ici prônent une autre optique : Mettre les points sur les "I" avec ces provocateurs, sans tarder. Avec les poings. Cela permettra de regalvaniser les Russes, actuellement un peu ramollis, autour de leur Chef. Chef qui ne quittera pas la barre en temps de crise. Les Greffes, Kudrin et autres clowns pourront alors rejoindre Khodorkovski en Suisse....
RépondreSupprimerJ'espère, pour la Russie, que ces individus malfaisants, irresponsables, sont en très petit nombre et n'ont pas trop d'influence.
RépondreSupprimerJe vous souhaite à tous de bonnes fêtes de Noël.
Hum hum, Koudrine, si je ne me trompe, n'est plus à la tête de la cour des comptes. Ne s'est il pas retiré? pour retrouver "sa liberté de parole"...
RépondreSupprimerNon, il y est toujours
SupprimerJe crois aussi que Poutine devrait cartonner et utiliser de nouveau la méthode Philippe le Bel avec les Templiers . Mais adaptée à nos mœurs modernes un peu plus policées . On ne vas donc pas brûler vif ces salopards , on n'est pas des raclures de Daesh , mais simplement les arrêter à leur descente d'avion ,comme avec Khodovkorski , et les expédier aux States ,avec juste une valise , s'ils en veulent ... Ou en camp de rééducation s'ils ne veulent pas dégager . Sinon , oui , en effet , ce qui nous inquiète tous , c'est la succession de Vladimirovitch . La prépare-t-il ?
RépondreSupprimer