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lundi 20 avril 2020

Coronavirus : le contrôle numérique du déplacement des véhicules à Moscou met en péril la sécurité nationale



Dans sa dernière décision, le maire de Moscou continue à pousser le contrôle numérique total sur tous les déplacements de la population à Moscou. Chaque Moscovite qui veut se déplacer autrement qu'à pied doit d'abord entrer ses données personnelles et son numéro de carte de transport dans une base centralisée, sans que l'état d'urgence n'ait toujours été déclaré, sans intervention du Parlement. Ce qui est en soi un problème. Mais en obligeant, en plus, l'enregistrement nominatif des véhicules de tous les services d'Etat, notamment des services de sécurité, des services de renseignements, les magistrats, les ministères, dans une seule base de données permettant le suivi de leurs déplacements, il met en péril la sécurité nationale : n'importe qui peut alors avoir accès aux déplacements des membres de tous les organes de l'Etat russe. C'est un magnifique cadeau fait aux services de renseignements étrangers. Rarement dans la contestation, profession oblige, c'est la première fois que les représentants des organes de sécurité étatique expriment leur mécontentement.  Diplomatiquement, mais fermement. Comment expliquer l'attitude de Sobianine : du fanatisme, de l'incompétence ou encore autre chose ? Il ne reste que "l'intelligentsia" pour afficher pleinement sa joie face à la chute de l'Etat et au regain de "liberté". Décidément, il devient de plus en plus difficile de ne pas penser à la fin des années 80.


Une différence fondamentale se distingue entre les systèmes français et russe de contrôle des sorties. En France, vous avez un papier, que vous imprimez et remplissez. Il s'agit d'un mécanisme de soumission volontaire. L'Etat ne constitue pas de base de données permettant le traçage automatique de vos déplacements. A Moscou, Sobianine a mis en place un traçage numérique des déplacements de la population, obligeant la population à s'y soumettre sous la menace d'amendes délivrées automatiquement.

En fin de semaine dernière, Sobianine a annoncé le renforcement du contrôle automatisé des déplacements des Moscovites au minimum jusqu'au 1er. Ainsi, toute personne qui veut se déplacer dans la ville autrement qu'à pied, à cheval ou en calèche (qui vont devenir des secteurs d'innovation, c'est à n'en pas douter) doit sur le site de la mairie de Moscou, dans une base de données centralisée, enregistrer nominativement ses cartes de transports (pour le bus, métro, etc) et les plaques d'immatriculation de son ou ses véhicules

Ainsi, à partir du 22 avril, les cartes de transport non enregistrées au nom du propriétaire ne seront pas actives dans les transports urbains et, avec l'aide des caméras de surveillance qui couvrent la ville, les propriétaires des véhicules non enregistrés se verront verbalisés automatiquement. 

Sans même revenir sur l'aspect totalitaire du fantasme du contrôle total et de la légalité douteuse de ces mesures extrêmes en absence de déclaration de l'état d'urgence (que serait-il alors possible de faire de plus?), deux problèmes se posent : un juridique renvoyant à la hiérarchie des normes, un autre encore plus grave de sécurité d'Etat.

La question de la légalité du système de sanctions autoroutières automatisées mis en place par Sobianine pose de nombreux problèmes dans la pratique, au minimum parce que ce n'est pas forcément le propriétaire du véhicule qui est au volant et que la caméra ne va pas faire l'enquête de police préalable avant de verbaliser. Des députés de Moscou ont donc déposé un recours en justice, sans grand espoir, car le tribunal de Moscou a déjà rejeté deux fois l'examen d'un recours semblable, contestant la légalité de la modification du 1er avril du Code des infractions administratives de Moscou permettant de sanctionner une violation du régime d'alerte révélée par caméra de surveillance et par géolocalisation. D'une manière plus générale, la question juridique est de savoir si ces amendements autonomes sont conformes au Code fédéral sur les infractions administratives, qui lui n'a pas été modifié par le législateur. Car, en tout cas formellement, personne n'a encore aboli la hiérarchie des normes et Moscou n'est pas une Principauté indépendante de l'Etat russe. Malgré l'impression que l'on pourrait en avoir ces derniers temps ...

Le plus grand danger causé par la décision de Sobianine relève, cette fois, de la sécurité nationale. Comme à l'heure de l'Etat-numérique, le contrôle doit être automatisé, c'est-à-dire réalisé par des caméras de surveillance qui couvrent la ville, l'intervention humaine est réduite à son minimum afin de permettre, justement, l'automaticité et la systématicité du contrôle, tous les véhicules qui circulent doivent être enregistrés, sinon, le système ne pouvant automatiquement faire le tri entre ceux qui ont besoin d'une autorisation et ceux qui n'en ont pas besoin, il ne pourrait fonctionner automatiquement. Concrètement, le propriétaire d'un véhicule non enregistré va recevoir automatiquement une amende, qu'il ait ou non besoin d'une autorisation pour circuler. Or, certaines catégories de personnes sont autorisées à circuler sans avoir à faire de demande de laissez-passer : ce sont, notamment, les services d'Etat, à savoir, les magistrats, le FSB, le Comité fédéral d'enquête, le ministère de l'Intérieur, le ministère des Affaires étrangères, etc. Se trouvant géographiquement à Moscou, tous les services d'Etat, notamment le renseignement, sont alors contraints par la dernière décision de Sobianine d'enregistrer leurs véhicules dans une base de données unique, afin de pouvoir circuler. Alors que les services d'Etat sont en général très discrets, n'ont pas pour habitude de contester ou discuter des décisions politiques, ils viennent d'exprimer, ce qui une première, leur mécontentement. Cette mesure est effectivement sans précédent, comme le souligne le vice-président du comité de la Douma pour l'organisation étatique et la législation, Viatcheslav Lyssakov.

Tous les véhicules des forces de sécurité, des organes d'Etat sont inscrits dans une même base de données, leur trajet peut être suivi. C'est une information d'une importance incroyable. Et disponible. Car toute base de données peut être fracturée, il suffit de le vouloir. Et le nombre d'organismes étrangers qui voudront obtenir ces informations est loin d'être négligeable. Pourquoi mettre à ce point en danger la sécurité nationale ? Sobianine est-il à ce point fanatique, incompétent ou l'explication est-elle à trouver ailleurs ? 

Les seuls qui soient absolument ravis de toutes ces mesures, et ce n'est pas une plaisanterie, c'est l'opposition radicale. Ainsi, le pseudo-poète Bykov d'étaler sa joie de voir l'Etat reculer, amoindrir son poids sur la tête des gens et de voir apparaître la liberté. A une période de contrôle total, de négation des libertés les plus élémentaires, de négations des valeurs traditionnelles qui sont celles de la Russie, de mise en danger de la sécurité nationale. L'"intelligentsia", elle, face à ce désastre qu'il faudra bien réparer, est au bord de l'orgasme.

C'est dans ces cas-là que le comportement de certaines élites, politiques, culturelles, rappelle la fin des années 80. Je vous propose à ce sujet de relire l'interview du directeur du FSB, Alexandre Bortnikov, que nous avions traduit en janvier 2018 concernant, notamment, la chute de l'Union soviétique. La première partie ici, la seconde partie ici.

6 commentaires:

  1. Que dit et que fait Poutine? Votre article est très inquiétant.




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  2. Bonjour, le président Poutine reste le chef des armées, il me semble. Non ?
    Bien à vous

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  3. En France, vous avez un papier, que vous imprimez et remplissez. Il s'agit d'un mécanisme de soumission volontaire.
    Ce n'est pas tout à fait vraie dans le sens ou la volonté se substitue à la menace de la sanction.

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  4. Cette histoire de virus est incroyablement complexe. Elle peut cacher un défaut des états, un pic pétrolier, ou meme une guerre commerciale sans merci contre les pays producteurs de pétrole, ou contre la Chine.
    Contre les pays producteurs de pétrole, on interdit tous les déplacements, et on limite au maximum la consommation de carburant, de manière a stopper la consommation de pétrole, faire chuter les cours et de couper les revenus de la Russie par exemple.
    Contre la Chine: en interdisant l'achat de la plupart des produits et objets importes de chine. On n’en parle pas, mais la situation chinoise doit etre tres difficile, meme si elle n’est pas confinée.
    Dans ce jeu potentiellement mortel, y compris pour ceux qui le mettent en place (mais n’’est ce pas le principe de la guerre) les pays qui eclatent ont perdu. Il y a plusieurs facons de perdre, et l’une d’entre elle est de perdre la cohesion nationale, et de se revolter contre le confinement.
    La Russie a choisi de s'enterrer également, stratégie pour l'instant payante. Le rouble tient, alors que le pétrole est au troisième sous sol. Restons calmes, et soutenons la dans ce combat a mort. Si elle survit, elle en sortira plus forte que jamais.

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    1. J'ai fait cette analyse aussi. L'idée macroéconomique c'est numérique contre industries fossiles. C'est stupide car les conséquences sont vraiment multiples et imprévisibles; Donc ils ne maîtrisent rien, cela vient d'un cerveau dérangé.

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    2. Complément :

      https://lesakerfrancophone.fr/lhydroxychloroquine-et-la-guerre-hybride-contre-lamerique-de-trump

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