"Hollywoodisation" du show électoral en Russie : la voie zeleno-macronienne ?

Entre loterie faisant gagner des appartements et de l'argent aux électeurs postmodernes, qui ont fait le "bon" choix, comme l'a déjà tristement illustré l'élection présidentielle américaine, du vote électronique et les rings de cette nuit de show, où des candidats s'affrontent dans des "battles", le mauvais goût semble faire des ravages sur les ruines de la politique. C'est le processus sacré de l'homme devenant citoyen par le vote qui est mis à terre, sous les spots et les fanfares, risquant d'entraîner avec lui sous les rires gras la légitimité des institutions qui en sortent. La politique, qui était déjà un spectacle, devient une foire ludique, n'a plus aucun sens. Mais que peut-il rester de l'Etat et du citoyen à l'heure de la globalisation, sinon une apparence ? Un nouveau monde, un nouveau parti, "Les gens nouveaux" arrivent pour vous y conduire.

Les électeurs ayant choisi le vote électronique ont reçu un code pour participer à la grande loterie électorale, qui mettait en jeu 100 voitures, 21 appartements et des chèques de 100 000 roubles, 25 000 roubles et 10 000 roubles. Il y a donc bien une incitation du pouvoir à détourner les électeurs des moyens traditionnels de vote vers cette méthode, qui a rendu on ne peut plus sale les élections américaines. Et pour que les dubitatifs fassent le "bon" choix, les médias ont annoncé pendant les trois journées de vote qu'il y avait déjà des gagnants ...

Autant en cas de doute, il est possible de recompter les bulletins de vote, autant ici, vous avez intérêt à avoir une confiance absolu dans les algorithmes - et surtout dans ceux qui les créent. Ce qui ouvre grand la porte à la contestation de la légitimité des résultats. De plus en plus de pays y pensent cependant, il est vrai que les élites politiques se distanciant de plus en plus de la majorité du peuple, elles ont des difficultés grandissantes à se maintenir au pouvoir, tout en gardant les apparences démocratiques. Alors, la question de la légitimité devient secondaire, quand on risque de perdre le pouvoir. La tragédie politique qui s'est jouée aux Etats-Unis depuis l'élection de Trump l'illustre parfaitement. La Russie aurait-elle à ce point besoin d'affaiblir la légitimité de ses institutions ?

Une autre question se pose quant à l'anonymat - si les codes de la loterie sont envoyés sur des numéros de téléphone, si votre vote est lié à votre téléphone, quelles sont les chances que le vote reste anonyme ?

Mais le spectacle est allé encore plus loin dans le show américain avec la "Nuit des élections". Un article publié dans Vesti est particulièrement significatif du virage zeleno-macronien, qui veut être imprimé à la Russie par certaines forces globalistes. Le phénomène de destruction du politique étant global, autant garder les recettes qui ont déjà fonctionné ailleurs. Je cite :

"C'est un format maintenant à la mode de politainment - un mélange de politique et de l'industrie du divertissement. Les participants à la course pré-électorale comparent leurs connaissances de la législation et participent à des battles."

Quand la forme doit remplacer le fond, ça donne ça, un "ring électoral" :

 

 Pourtant, le fond, c'est-à-dire la transformation du pays n'est pas absente du processus :

"L'un des thèmes de ces discussions - de qui la Russie actuelle a-t-elle besoin : des politiciens d'expérience, de ceux qui ne sont pas à la Douma ou bien de nouveaux visages ?"

Il faut bien un tel décor pour légitimiter un parti qui est dans la droite ligne des "Macron-Zelensky", du divertissement, il ne faut surtout pas de réflexion. Ainsi, apparaît dans le paysage post-politique russe, un nouveau parti "Les gens nouveaux" (ceux du nouveau monde), qui reprend exactement la même démarche que l'on connaît en France, celle qui a été mise en place en Ukraine - "on n'a aucune expérience et c'est notre force; on est absolument indépendant, puisque l'on est absolument incompétent". Déclaration surréaliste de leur leader, qui aurait dû l'appeler le parti du bonheur :

"Notre parti, c'est le parti de l'optimisme historique et les gens le sentent. Nous ne nous promenons pas en faisant la tête, nous ne portons pas de désespoir, nous ne crions pas "tout est perdu". Et cela provoque une forte adhésion."

Quand les gens sont désespérés, ils peuvent croire en n'importe quoi. Ils veulent que ça change, ils ne savent pas comment, ils n'arrivent plus à réfléchir et ne veulent même plus. Ils sont prêts à jeter le bébé avec l'eau du bain. Le parti "Les gens nouveaux" leur est servi sur un plateau, après avoir bénéficié pendant la campagne d'une surmédiatisation dans les chaînes fédérales. La gestion globale du Covid aura permis de faire entrer ce parti à la Douma, espérons que la sagesse populaire ne lui donnera pas le pouvoir. Sinon, la Russie se sera perdue sans même qu'une révolution n'ait eu besoin d'être organisée pour cela. Elle se sera fondue dans le nouveau monde.