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mercredi 20 janvier 2016

Kadyrov et les limites du contrat social

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Un nuage de scandales semble entourer la personnalité non conventionnelle du dirigeant de la Tchétchénie, R. Kadyrov. Il faut dire que son franc parler brûle les oreilles policées de la bien pensance, lui qui préfère le verbe haut, les paroles colorées qui frappent. Or, nous avons à tel point peur des mots et de leur signification que nous avons peur d'appeler un chat un chat, un balayeur un balayeur, un chacal un chacal. 

Autrement dit, dire que l'opposition non systémique russe joue non seulement contre le système - ce qui justifie son appellation - mais contre la Russie elle-même est de l'extrémisme. Dire que la Russie est autoritaire et qu'heureusement elle s'écroulera après le départ de V. Poutine, c'est de la liberté d'expression.


Il y a quelques jours de cela, lors d'une conférence de presse à domicile, devant les journalistes réunis à Grozny, R. Kadyrov dans son style inimitable, le sourire en coin et l'air bourru, répète pour la énième fois que l'opposition non systémique est composée d'ennemis du peuple, de traîtres et qu'il faut traiter avec toute la rigueur de la loi ces individus qui n'ont rien de sacré. Pour lui, ces gens jouent sur la crise que connait le pays pour tenter de le faire vasciller, ces gens inconnus du grand public utilisent une réthorique anti-Poutine pour se mettre en avant et se faire connaître. Donc, au lieu de chercher tous ensemble une solution pour sortir le pays de la crise, ils font tout pour le faire plonger avec l'aide et sur une musique jouée par les services secrets étrangers.

Là-dessus la presse libérale s'emballe, comment nous serions des ennemis du peuple? Nous qui aimons tant la Russie, qui vibrons pour elle? Nous, mais comment, c'est inadmissible, vous voyez bien que toute opposition est impossible en Russie, donc vous voyez bien que ce pays est totalitaire, son peuple stupide ne comprend rien, donc vous voyez bien que nous avons raisons. Disent-ils. En toute liberté. Dans des grandes revues, sur des sites internet, avec l'aide de médias qui ne sont pas fermés. Signe évident de dictature. Bref, ces gens prennent des risques énormes, il faut bien s'en rendre compte, tant d'héroïsme laisse sans voix.

Sauf que devant cette montée au créneau, R. Kadyrov décide de garder la parole et de "s'expliquer" dans un article publié à Izvestia.  Pour être certain que chacun comprenne sa position, il affirme qu'il a toujours pensé et pensera toujours, qu'il l'a souvent dit et le maintient, cette opposition non systémique est un ensemble de "chacals" et de personnes qui ne brillent pas par leur intelligence. Rappelant qu'il s'agit de ces individus qui vivent à l'étranger sur le dos de la critique stérile de leur pays. Il ne s'agit en aucun cas de l'opposition systémique qui cherche des solutions, participe au dialogue politique et au débat public. A l'inverse de cette opposition, "les chacals" ne peuvent faire partie du contrat social, puisqu'ils veulent le détruire.

Et c'est cette affirmation qui choque le plus justement ces radicaux de l'opposition, qui ne représentent principalement qu'eux mêmes, mais bénéficient d'une médiatisation sans commune mesure avec leur poids réel. Car c'est assez rare pour être souligné, un homme politique ose affirmer au pays du compromis à tout prix que ces individus ne sont pas dans l'opposition politique, dans le sens où ils ne font pas de politique, ils font de la provocation en attendant qu'une chose, non pas la chute du régime honni, mais celle du pays détesté auquel ils ont honte d'appartenir.

Ils sont une minorité, et pourtant se comportent, avec l'appui de grands médias comme la chaîne nationale RBK, la radio Les échos de Moscou et de nombreux journaux comme Gazeta.ru comme l'élite donnant le bon ton. En toute tranquillité, ils diffusent leur poison sous couvert de lutte contre la dictature poutinienne, sans rien risquer, en toute liberté. Et si une voix s'élève contre eux, alors c'est de la censure.

Ce sentiment de disproportion est magnifiquement exprimé dans un article d'E. Kholmogorov. L'auteur demande combien de fois par jour ses lecteurs se sentent dans la peau d'un streack haché. Face au broyeur libéral qui ne peut accepter une position différente de la sienne qui soit reconnue comme acceptable. Il parle à ce sujet de "terreur libérale" en donnant des exemples intéressants, dont voici certains.

Il s'agit notamment de ces auteurs qui publiquement sur la radio Les échos de Moscou ou dans des publications discutent de la possibilité d'une révolution, de la création d'un Comité de Salut public qui pourrait être présidé par Khodorkovsky ou Koudrine, des moyens de débarrasser le système politique post-poutinien des risques de dictature. Pour cela ils proposent des répressions massives (comme moyen libéral il y a mieux mais passons) visant à écarter par tout moyen du pouvoir toute personne de plus de 35 ans - notamment pour lutter contre la gérontocratie. Donc, mis à part le côté hautement démocratique de la proposition, il est intéressant de noter qu'au-delà de 35 ans vous êtes vieux et perdus pour la cause. Et maintenant regardez l'âge de ces grands "combattants " de la démocratie. On notera ainsi l'article de D. Dragunsky qui, alors qu'il est né en 1950 donc juste après les dinosaures, reprend ces propos en s'en amusant car pour lui, il faut bien se démarquer, de toute manière il n'y aura pas de Russie après Poutine, il n'y aura pas de Russie après la Russie, le problème sera réglé. La Russie est russe, elle ne peut être européenne. Elle n'existera plus alors. Est-ce de la sénélité, vu son grand âge au regard des critères libéraux qu'il défend, mais pas pour lui? Ou cela relève-t-il déjà du réflexe conditionné? Qui sait ...

Je ne m'étend pas d'avantage sur les propositions faites pour détruire le pays, l'opposition non systémique ne manque pas d'imagination pour rendre la Russie enfin "européenne", dans leur vision de la culture européenne. Reconnaissant que le problème est plus profond que Poutine lui-même, car il bénéficie d'un réel soutien populaire massif. J'attend le moment où ils proposeront des massacres généralisés sur le territoire, une sorte de nettoyage ethnique pour nettoyer politiquement et culturellement le pays. Ca ne devrait plus tarder, c'est tout ce qui reste.

Pour autant, ils ne risquent rien. Et quand R. Kadyrov critique ces positions qu'il juge destructrices pour la Russie, le très libéral Conseil des droits de l'homme auprès du Président de la Fédération de Russie saisit la Procuratura pour vérifier qu'il n'y ait pas de l'extrémisme dans tout cela. 

Maintenant, imaginez un peu que les "conservateurs" osent parler des moyens de nettoyer physiquement le paysage dit "libéral"? Ils n'auraient le temps de finir leur phrase qu'ils se retrouveraient en tête à tête avec les forces de l'ordre. Car ils ne sont a priori pas libéraux, donc dangereux.

A chacun sa démocratie, à chacun sa liberté. Mais ici comme ailleurs, les hommes ne sont pas égaux.


4 commentaires:

  1. Ces gens se conduisent exactement comme nos bobos en France, comme notre classe politico-médiatique française, avec la même exécration du pays dans lequel ils vivent, le même mépris, et naturellement, ils bénéficient du soutien inconditionnel de leurs homologues occidentaux: ils ont les mêmes buts, les mêmes maîtres, les mêmes ennemis: les peuples qu'ils parasitent et vilipendent. Mais ils se font quand même passer pour des martyrs, cela fait partie de leur technologie: la liberté d'expression? Pour eux, exclusivement! Ils sont en train d'achever la destruction complète de l'Europe, je souhaite de tout coeur qu'ils ne parviennent pas à leurs fins en Russie.

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  2. Poutine fait avancer sa cause un pas après l’autre, et il sait attendre et laisser les événements prendre leur propre dynamique. Il est aussi très conscient qu’il lui faut littéralement se battre avec une main attachée derrière le dos et l’autre occupée à se défendre en même temps contre les ennemis externes et internes (ces derniers étant beaucoup plus dangereux).

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  3. Une manière comme une autre de mettre en perspective le forum de Gaïdar et de refroidir les ardeur des chevaliers blancs qui y ont fanfaronné. Mais à qui s'adresse le message de Kadyrov ? Aux "chacals" pour les effrayer, à la cinquième colonne pour les mettre en rage, aux patriotes pour les rassurer?..... ou encore à Vladimir Vladimirovitch? Monsieur Kadyrov est Président de la Tchétchénie, et quelle que soit l'image qu'il se donne ou qu'on aime lui donner, les sorties d'un Président ne doivent rien au hasard.

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  4. "... ici comme ailleurs, les hommes ne sont pas égaux."

    Tout est dit. Cette égalité a t'elle seulement déjà existé quelque part ?

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L'article vous intéresse, vous avez des remarques, exprimez-vous! dans le respect de la liberté de chacun bien sûr.