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jeudi 13 février 2020

Le vote par internet et les errements de la démocratie



Le vote est au fondement du système démocratique, car il est le moyen technique qui permet de matérialiser les décisions individuelles qui vont donner corps à l'expression de la volonté nationale. Techniquement, il peut se réaliser de différentes manières (à main levée, à bulletin secret, à distance, etc), l'essentiel est que la manière dont il est mis en oeuvre permette de respecter, et la sincérité du choix, et son indépendance. Or, sous couvert du culte de la "révolution technologique" et d'une société "en pleine évolution", la question du vote électronique par internet, pour nos sociétés smartphonisées, est régulièrement montré comme le summum de la (post)démocratie. Chemin qui serait inéluctable. Mais est-il souhaitable ? Cette question du vote électronique, puis par internet se pose dans de nombreux pays occidentaux, notamment en 2019 au Québec. Il a été intégré dans plusieurs cantons en Suisse, a été tenté ponctuellement aux dernières législatives en Russie sans grand succès (ni enthousiasme de la population). La question se pose avec sérieux en Belgique.


La Belgique envisage de passer au vote par internet et une "étude faisabilité" doit être préparée:
La question posée est la suivante: est-il possible de faire voter les citoyens par internet aux élections locales, provinciales, régionales, fédérales et européennes? Et cela est-il également possible pour les Belges à l'étranger? 
Pour cela, une "société" sera désignée en avril, comme si la question n'était que technique. Le modèle étudié est celui de l'Estonie, pays mis en avant à l'Est pour construire une société numérique. Il est intéressant de noter que le choix numérique avait été fait à l'époque pour raser les institutions soviétiques et qu'il est maintenant en train de s'intégrer à l'Ouest - pour raser les institutions démocratiques ? En tout cas, la question se pose de l'opportunité de se diriger vers le "modèle" estonien de "démocratie" ...

Car la question du vote par internet n'est pas que technique, elle implique également un autre rapport à l'Etat, plus fonctionnel, totalement en adéquation avec la vision manageriale, qui sous-tend aujourd'hui le néolibéralisme. Un article synthétique sur le sujet publié en Belgique  met parfaitement les points sur les i. 

En effet, plusieurs questions se posent. Tout d'abord, formellement, personne ne sait qui votera concrètement sous le nom ou l'identifiant enregistré. Ensuite, personne ne sait dans quelles conditions la volonté sera exprimée, sous pression ou librement. Enfin, n'oublions pas les problèmes de coupure d'internet, de coupure d'électricité, de la virtualité du vote qui pose de sérieuses difficultés de recomptage. Sans même oublier les possibilités de manipulation des chiffres dans le comptage, comme le référendum électronique l'a montré en France avec la question de la privatisation des ADP.

Mais au-delà de ces aspects déjà trés sérieux, qui remettent en cause "l'efficacité" du vote par internet (pour reprendre les critères-clés du management) à garantir la sincérité et l'indépendance du scrutin, la distanciation rompt le lien physique avec l'Etat d'une part, et avec la nation, d'autre part. Ces rapports sont désacralisés, rendus techniques, l'on perd le lien d'appartenance à une même nation qui décide de son avenir. Tout est individualisé, fragmentarisé, déshumanisé.

En ce sens, le vote électronique par internet présente, certes, un intérêt majeur à l'heure où l'élite néolibérale a de plus en plus de difficultés à passer l'épreuve du vote classique, mais il nous fait sortir de la logique démocratique. Le vote par internet, c'est la post-démocratie. Donc ce n'est plus la démocratie.


4 commentaires:

  1. "Le vote par internet, c'est la post-démocratie. Donc ce n'est plus la démocratie." C'est exact. Dit autrement: le vote par internet c'est la dictature souverainement achevée, à l'état pratique, des "démocraties" (qui n'est plus qu'un mot vidé de son sens politique originel) néolibérales, et des forces économiques et sociales dominantes de la globalisation, qui se sont emparées sans relâche des Etats-nations, pour en faire un dispositif totalitaire parfaitement clos et sans dehors.

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  2. Le vote n'est qu'un moyen, parmi d'autres, même en démocratie, pour donner légitimité à ceux qui exercent le pouvoir. Le vote universel ne suffit en rien pour faire une démocratie. Il faut notamment d'abord que le système de scrutin soit légitime pour l'ensemble du corps électoral, il faut des contre-pouvoirs multiples, etc.. En fait la démocratie c'est le débat libre pour tous. Et les institutions de la démocratie doivent assurer l'accès de tous aux débat, fournir l'éducation indispensable pour participer au débat, assurer la transparence des débats et la liberté d'y participer....
    Le problème avec le vote par internet, outre les considérations de sécurité et techniques, c'est que l'élection est désacralisée, désocialisée. Le vote se fait dans le cadre étroit de l'individu face à son écran déconnecté de l'espace social réel. Le vote est ainsi dépolitisé.

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    1. Merci pour votre commentaire. Je voudrais juste préciser un aspect : la démocratie, ce n'est pas que le débat, c'est la possibilité pour la majorité de décider. Or, aujourd'hui, justement, l'on n'en finit pas de débattre, mais la décision n'appartient pas à la majorité. Le débat permanent est devenu un moyen pour nos élites politiques de détourner l'attention, de préserver l'illusion, pour garder entre leurs mains la décision.

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  3. Bien vu chère Karine.
    La démocratie n'est plus qu'un mot, vide de sens...

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