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jeudi 27 février 2020

Russie : La députée de Crimée Poklonskaya s'inquiète d'une folklorisation de la Douma



A l'approche des élections législatives de 2021, de nouveaux visages, des plus inattendus, arrivent dans le paysage politique russe. Le problème est qu'ils ne connaissent rien à la politique, ne s'y sont jamais intéressés, mais sont célèbres dans leur domaine - la chanson et le show-business. La Macronie nous a apporté son lot d'incompétents, tant à l'Assemblée nationale qu'au Gouvernement,  avec les résultats que l'on connaît. Souhaitons à la Russie un autre avenir.


Les élections parlementaires arrivent et il faut bien mettre un peu de vie dans la Douma. Afin de compenser le déficit politique, semble-t-il. Manifestement, le mode de "l'amateurisme est une force" que nous connaissons en France risque de faire son arrivée en Russie.

Nous avons déjà parlé ici (voir notre texte) de la vague récente de création de nouveaux partis politiques, comme avec Prilépine, mais au moins s'occupe-t-il de politique depuis longtemps. Maintenant, nous avons droit à l'arrivée de Shnurov (chanteur de rock du groupe Leningrad) dans le parti de l'Ombudsman des hommes d'affaires Boris Titov. Relookage express : le costume pour faire "de droite" et les lunettes pour faire intellectuel, et c'est parti, un nouvel homme politique est né.
Shnunov - Avant

Shnurov - Après
Shnurov qui aurait téléphoné à Titov en lui disant fais-moi une place, ils auraient discuté show-biz et économie et Titov "espère qu'ils pourront constituer une équipe". De toute manière, il n'a pas le choix, on ne lui a pas demandé son avis. Shnurov de déclarer qu'il sera utile au parti "au minimum parce qu'il y remettra de la couleur et du parler-vrai". Tout un programme en effet, surtout de la part d'une personne dont le texte des chansons contient une proportion non négligeable de mat (langage ordurier des prisonniers, devenu à la mode). Une véritable alternative pour relancer l'économie, un programme pour les PMI et PME, question centrale quand même de ce parti ? Non, on reste sur la comm, la mise en scène.


Il y a des chances d'ailleurs pour que ce soit lui qui dirige la liste du parti pour les prochaines législatives. Le costume trois-pièces doit compenser, dans monde de l'apparence, l'absence de fond. Ce qui est d'ailleurs amusant pour quelqu'un qui dénonce le recours aux villages Potemkine. Et qui in fine y participe, alors qu'il prétend vouloir les combattre. En tout cas, Titov vient de se prendre une claque. Surtout que, avec tous ses défauts, il représente l'économie réelle. Quel intérêt puisque le culte du numérique est le seul moyen, paraît-il, de relancer l'économie (après l'avoir détruite)?

Autre exemple désolant, l'arrivée de la chanteuse de variétés Valeria, qui fonde le mouvement "Les fortes femmes", mouvement qui doit se transformer en parti politique ... et qui a été annoncé par son mari. Elle doit surfer sur la vague globaliste des violences faites aux femmes.


Evidemment, elle n'a jamais fait de politique, mais comme elle est une femme, ce doit manifestement être suffisant - puisqu'elle veut défendre les femmes. L'on attend de pouvoir élire des enfants pour défendre les droits des enfants, des caniches pour les droits des animaux, etc. Et ainsi mettre fin à l'institution parlementaire. Peut-être que rien d'autre ne l'intéresse et, certainement, elle ne sait pas qu'un député doit s'occuper de projets de loi qui touchent des questions beaucoup plus vastes ... passons. Je n'oserais demander si elle aussi a fini par lire la Constitution ... Le sujet des violences familiales est à la mode, l'on ne doutera pas du soutien qu'elle obtiendra dans certains milieux. Et plus elle sera vindicative, plus elle aura de soutien. Elle a d'ailleurs déjà celui de la députée Oksana Pushkina, qui est l'un des auteurs du projet de loi déposé sur les violences familiales, dont la radicalité (allant jusqu'à combattre la famille comme institution) a provoqué un rejet massif de la part de la société, et fut enterré. Il faut un visage neuf et décolleté pour porter un des piliers du monde global, qui a du mal à s'implanter en Russie.

Sur sa page dans le réseau social VKontakte, la députée de Crimée, Natalia Poklonskaya, ancienne procureure de la république de Crimée de 2014 à 2016, lors du rattachement de la Crimée à la Russie, a publié un texte plein de bon sens et haut en couleur, dans lequel elle dénonce avec finesse et humour l'intérêt soudain de toutes ces stars pour la députation et le risque de transformer la Douma en club à la mode :



"Shnurov, Valeria  ... Qui sera le suivant? Nous attendons le parti de Nastia Ivleeva (videoblogueur) ? Nous allons assister à l'opposition des groupes parlementaires Eljay (rap/démoniaque) et Feduk (chanteur hip hop) ? Nous allons admirer la coalition d'opposition de Alena Vodonaeva (participante à un jeu de téléréalité, blogueuse) ? Nous allons voir le clip électoral de Olga Bouzova (youtubeuse) ? Quels projets de loi vont nous proposer Kirkorov et Baskov (chanteurs de variétés, font ensemble en ce moment la pub pour la nourriture pour chat) ? Nikita Djigurda (artiste) aura-t-il besoin d'un micro ? Comment va s'appeler le groupe parlementaire des rappeurs Face, Pharaon et Oksymirone ?
Si cela continue ainsi, alors l'émission de Noël "Goluboy ogonek" sera tournée à la Douma. Bien sûr, c'est aux gens de choisir et de voter, mais il n'est pas nécessaire de complètement transformer la politique en show. L'on peut rire un instant de ce "débarquement de stars", mais après il faut vivre avec.
PS: Pour que nos stars ne pensent pas à mal, je vous le dis : l'on vous aime, mais occupez-vous de vos affaires - sans politique. Vous êtes merveilleux!"

Poklonskyaya a raison, c'est aux gens de choisir. Personne ne les force de voter pour des guignols, chacun est responsable de son choix. Mais le système de gouvernance est lui responsable de la qualité du choix offert aux électeurs. Ce qui n'est pas moins important pour le fonctionnement normal des institutions.

Espérons que cette voix de la raison sera entendue.

2 commentaires:

  1. Peut-être que les russes regrettent de ne pas avoir mis un comique à la tête de leur pays, comme les ukrainiens l'ont fait, donc ils espèrent se rattraper aux législatives. En effet, ça risque d'être folklorique.

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  2. Carine,
    Vous écriviez dans votre article concernant la multiplication des partis politiques : "Un danger pour la stabilité du pays apparaît quand le système des partis politiques ne permet plus la représentation dans les organes de pouvoir de la pluralité des points de vue". Mais pensez-vous que ces saltimbanques qui débarquent des poubelles de l'histoire (où ils auraient évidemment mieux fait de rester) aient un point de vue? Le point commun de ce kaléidoscope consiste sans doute en ce que tous, sous des angles différents, contestent, détestent et veulent remplacer le pouvoir en place en Russie. Et puis, ça s'arrête là, leurs commanditaires ne leur en demandant pas plus. Pour l'instant. Ce phénomène fait partie de l'installation du décor d'une hypothétique "révolution orange" à venir. On ne peut reprocher aux autorités le fait que l'opposition soit incapable de produire une pensée politiquement structurante. Il me semble que, pour l'instant en tous cas, l'électeur russe possède encore suffisamment de conscience de son histoire et peut encore compter sur l'éducation nécessaire pour distinguer le vide insondable et pernicieux que véhiculent ces "précieux et précieuses ridicules". Tant qu'il restera des parlementaires de la trempe de Natalia Vladimirovna, la Russie conservera de solides piliers à la Douma.
    Merci d'avoir choisi de nous parler d'elle. (Ceci étant, je préférais l'époque où, en uniforme, elle ne jouait pas aux vamps sur sa page VK...)
    Serge

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