A la guerre comme à la guerre : quand l'Ukraine provoque la Russie pour la discréditer

Après que le ministère russe de la Défense a menacé l'Ukraine de tirs de haute précision sur les centres de commandement, notamment à Kiev, l'armée ukrainienne a systématiquement touché le territoire russe hier toute la journée et le vaisseau-amiral Moskva de la flotte russe en Mer Noire a mystérieusement pris feu et coulé. A force de gestes de "bonne volonté", le conflit peut se déplacer sur le territoire russe. Dans tous les cas, l'Ukraine vise à décrédibiliser la Russie, qui ne cesse d'affirmer que la phase de "démilitarisation" de "l'opération spéciale militaire" est quasiment réalisée. Le discours laisse transparaître une volonté politique, qui ne correspond plus à la situation.

Le 13 avril, le ministère russe de la Défense réagit aux différents tirs de l'armée ukrainienne et à l'activité des groupes de sabotage, qui ont touché les régions russes frontalières, en menaçant l'Ukraine d'une réponse forte et précise :

"Si de tels incidents se poursuivent, les forces armées russes frapperont les centres de commandement, y compris à Kiev, ce que l'armée russe s'est jusqu'à présent abstenue de faire."

Dans la nuit du 13 au 14 avril, le ministère russe de la Défense a annoncé que le vaisseau-amiral de la flotte russe en Mer Noire, le "Moskva", est en feu et que des munitions explosent. Alors que les Ukrainiens revendiquent un tir de missile, la Russie ne donne aucune explication sur l'origine du feu. Toute la journée des informations contradictoires circulent, venant même de la Maison Blanche, Kirby affirmant que le Moskva n'est pas coulé, qu'il va être réparé. L'équipage en tout cas est évacué et dans la soirée l'on apprend qu'il a coulé "suite à une tempête", alors qu'il était remorqué. Nous cherchons les avis de tempêtes ... Manifestement, le célèbre "mégot de Notre-Dame" a encore frappé.

Dans la journée du 14 avril, les régions russes frontalières de Briansk et de Belgorod ont été sérieusement attaquées par l'armée ukrainienne.

La région de Belgorod a été attaquée deux fois dans la même journée, ce qui est une nouveauté. Tout d'abord, le village de Spodariouchino a été visé, mais sans faire de victimes, ni avoir touché l'infrastructure. Mais les habitants des villages frontaliers de Spodariouchino et Bezimenovo ont été temporairement déplacés et mis en sécurité, ils sont protégés par des volontaires cosaques. Plus tard, dans la soirée, le Gouverneur annonce que le village de Jouravlevka a également été touché, après une seconde attaque et cette fois-ci des habitations sont touchées. Un habitant a été blessé. 

La situation dans la région de Briansk est plus sérieuse - et confuse. Tout d'abord, le FSB a parlé de l'attaque du poste-frontière de "Novye Iourkovitchi", au moment où s'y trouvaient 30 civils voulant entrer en Russie. Deux voitures appartenant à ces personnes quittant l'Ukraine ont été touchées, dans la soirée l'on a appris qu'il y avait aussi plusieurs blessés. 

Ensuite, la petite ville de Klimovo a été attaquée par des hélicoptères militaires ukrainiens, équipés d'armes lourdes, comme le déclare le Comité d'enquête de la Fédération de Russie :

"Se déplaçant à basse altitude, agissant délibérément, ils ont effectué au moins six frappes aériennes sur des bâtiments résidentiels dans le village de Klimovo, district de Klimovsky, région de Briansk"

Suite à cela, 7 personnes ont été blessées et sont hospitalisées, deux dans un état grave. Les dégâts matériels sont importants, si l'on en croit les déclarations du Gouverneur :

"Un coup a été porté ... Neuf obus ont volé. Ils savaient où ils tiraient et ils savaient qu'ils tiraient sur un secteur résidentiel, sur des immeubles résidentiels. Deux maisons ont complètement brûlé et environ 100 maisons ont subi des dommages plus ou moins graves" 

Quel est l'intérêt de l'Ukraine dans ces attaques ? Il est tout d'abord évident, qu'elle ne peut avoir la prétention d'entrer sérieusement sur le territoire russe (sauf à ce que les armées de l'OTAN entrent dans le jeu). De plus, ces cibles sont des cibles civiles, volontairement civiles, il ne s'agit pas de cibles militaires stratégiques. 

Il y a au moins deux buts évidents à cela. A chaque fois, que les autorités russes profèrent des menaces sur le mode "si vous continuez, on va se fâcher", l'armée ukrainienne est lancée pour montrer qu'ils n'en tiennent pas compte, qu'ils peuvent le faire et que, in fine, ils ne risquent rien de particulier. Le premier but est donc de décrédibiliser le discours de la Russie et souligner qu'elle n'a pas tant l'initiative que cela. Il s'agit également de remettre en cause le discours politique russe sur les buts quasiment atteints de "l'opération spéciale militaire". Il n'y a plus d'armes ? On tire. L'armée ukrainienne est défaite ? Elle attaque. Le second but est de montrer aux populations russes frontalières qu'elles ne sont pas si en sécurité que cela, que cette "opération spéciale" est une guerre et que l'Ukraine, elle, est lancée par les Atlantistes jusqu'au bout, que les "gestes de bonne volonté" permettent de mieux toucher le territoire russe et donc les populations russes. Bref, que la guerre ne se déroule pas sur les écrans, mais dans les rues et les champs et que les concessions politiques ont des conséquences directes pour leur vie quotidienne.

Il va être intéressant de voir quelle sera la réponse de la Russie, réponse qui n'a toujours pas eu lieu. Car les menaces, qui ne sont pas mises en application discréditent ceux qui les profèrent. L'on avait également entendu parlé des "cibles" de livraison d'armes à l'Ukraine, or les armes sont livrées. Il serait bon pour la Russie de faire moins de communication, ou en tout cas de l'adapter un peu plus à la réalité politique et justement de redéfinir son positionnement politique.