Réforme de l'ONU : une tentative d'institutionnaliser le Monde global

Sans surprise, le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, soutient la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU proposée par la France et la Grande-Bretagne. Le but affiché simple et revendiqué est d'effacer le monde bipolaire de l'après-guerre pour soi-disant mieux correspondre à la nouvelle réalité du moment. Et, ce qui en revanche n'est pas dit - d'institutionnaliser le Monde global en effaçant la Russie.

Les pays atlantistes ont besoin de modifier le fonctionnement du Conseil de sécurité, afin de mettre un terme à la capacité de la Russie de bloquer leurs initiatives. Cela passe par deux mécanismes : tout d'abord, la remise en cause du droit de veto ; puis l'élargissement de la composition du Conseil.

Ces deux éléments vont de pair, puisque sans l'argument de l'élargissement, il ne serait pas possible de cacher la véritable finalité de la manoeuvre. Il ne serait pas possible d'avancer l'idée soi-disant bienfaitrice et à première vue juste d'une nécessité d'adapter le Conseil de sécurité aux nouvelles réalités, qui ne sont plus celles de l'après-guerre.

Ainsi, Guterres a déclaré le 16 septembre :

"La composition du Conseil de sécurité n'est pas adaptée au monde moderne. Elle reflète le monde de 1945, ce qui crée non seulement un problème de légitimité, mais aussi un problème d'efficacité. Les États membres doivent sérieusement envisager de réformer le Conseil de sécurité."

Qui peut dire le contraire ? Le monde a changé. Mais non pas parce que de nouvelles puissances, c'est-à-dire des pays et souverains et forts politiquement, sont apparues, mais parce qu'elles ont disparu. Il y a certes de nouvelles organisations régionales économiques, comme les BRICS, mais qui ne constituent pas un pôle politique alternatif et ne remettent pas fondamentalement en cause le Monde global. Rappelons simplement que les BRICS refusent d'investir en Russie pour ne pas aller à l'encontre des sanctions américaines ou encore que Modi vient de déclarer pour la énième fois soutenir les efforts de Trump pour la Pax Americana en Ukraine.

Dans ce contexte, l'élargissement du Conseil de sécurité, non seulement ne permettra pas plus de pluralisme politique, puisque celui-ci est objectivement absent dans notre monde, mais il conduira à une dilution de la force de la Russie, qui sera alors en réalité confrontée à la faiblesse politique de ses "partenaires" économiques. 

Guterres en arrive alors au but réel de l'opération :

Il a souligné, qu'il examinerait les propositions de la France et de la Grande-Bretagne visant à limiter le droit de veto dans les cas où des violations massives des droits de l'homme se produisent.

Qui viole massivement les droits de l'homme, selon les dogmes du Monde global ? Ceux, qui justement utilisent le droit de veto pour bloquer certaines décisions atlantistes au Conseil de sécurité, à savoir la Chine et surtout la Russie, qui est devenue l'incarnation même du mal absolu pour la pouvoir globaliste. Puisque la guerre, qui se déroule aujourd'hui, est conduite par les Globalistes contre la Russie.

Et c'est bien contre elle principalement qu'est dirigée cette tentative. Car qui déciderait de la limitation du droit de veto, sinon ceux-là mêmes, qui veulent conforter leur pouvoir et écarter ainsi toute possibilité de le limiter ?

Le droit de veto est le dernier instrument dans ce Monde global, qui protège encore la souveraineté des Etats, quand ils sont en mesure de l'assumer. S'il ne permet pas de faire passer une proposition, il peut empêcher celles portant atteinte à leur souveraineté de voir le jour.

En temps de confrontation exacerbée, comme c'est le cas aujourd'hui, il est normal que le Conseil de sécurité soit bloqué. Les intérêts des uns (les globalistes) sont diamétralement opposés à ceux des autres (la Russie et parfois la Chine). Aucun compromis n'est donc possible sur toute une série de sujets. Pour débloquer la situation, il ne suffit pas de limiter le droit de veto, il faut s'attaquer aux sources mêmes du problème et revenir à un monde plus équilibré, plus respectueux des intérêts nationaux. Ce que justement veut effacer cette tentative de réforme. 

L'agencement de l'ordre international est toujours le résultat de la fin d'un conflit (militaire ou idéologique) et est posé par les vainqueurs. Le conflit est toujours en cours et il n'y a pas de vainqueur à ce jour. Le rapport de forces politique n'est pas stabilisé. Il ne peut actuellement y avoir aucune réforme viable. Elle viendra sans aucun doute, mais à la fin de ce conflit.