L'après Poutine devient l'interrogation majeure en politique intérieure russe et chacun y va de son idée de réforme de la Constitution, qui risque d'être un peu lourde pour les épaules du prochain Président. Certes, d'ici 2024, il y a encore du temps. Mais il passe vite et un vent tournant, insistant et insidieux passe sur les institutions publiques. En Russie comme dans l'espace post-soviétique, le système des partis politiques est très faible, mais ici le pouvoir présidentiel est réel, alors que la plupart des autres pays de la zone, sous la dictée des organismes internationaux et des experts étrangers, ont mis en place des systèmes parlementaires. Cela ne veut pas pour autant dire que personne ne tente d'utiliser cette période d'hésitation pour transformer l'Etat russe, gonflant le culte de la personnalité pour pouvoir finalement affirmer que sans ce Chef d'Etat concret, la présidence ne pourra gouverner, il faut donc passer les manettes au Parlement. Une dangereuse tentation, notamment soutenue par l'incontournable Koudrine, aujourd'hui à la tête de la Cour des comptes, qui a la constance, quel que soit le poste qu'il occupe, de systématiquement traduire en russe les recommandations atlantistes.
Périodiquement, Koudrine revient sur le devant la scène médiatique. Aujourd'hui, nous avons droit à un réveil post-réveillon. Le discours change peu avec les années, son intérêt pour l'Etat russe est toujours aussi douteux, mais le génie de l'individu est savoir habiller des idées qui ne sont pas les siennes et au bout de 20 ans de toujours les vendre comme le résultat d'une grande réflexion personnelle, autant que novatrice. Nous avons régulièrement publié sur lui, voir par exemple ici sur certains délires néolibéraux ou encore ici au sujet de son soutien à la réforme des retraites en Russie, issue de l'OCDE.
Il revient à la charge avec différentes déclarations grandiloquentes. La journée étant riche en matière de paroles, nous nous arrêterons sur la proposition d'augmentation des pouvoirs du Parlement. Sans autres arguments que "ce serait bien".
Cette position est celle qui a été diffusée dans tout l'espace post-soviétique lors du "coming out démocratique" de ces pays, grande fête permettant à l'Occident d'imposer sa marque à l'Est, tout en ne laissant pas la possibilité de mettre en place des institutions fortes dans la zone. Qui a besoin de nouveaux Etats souverains (à part les populations de ces pays)?
L'idée avancée est belle : le Parlement, ce sont les députés, c'est-à-dire les représentants du peuple, donc ce sont eux qui doivent gouverner. Certes. Sauf.
Les députés appartiennent à des partis politiques, qui ont des lignes et des programmes. Et le mandat d'un député ne peut être, en général, terminé avant terme par volonté populaire, puisque c'est un mandat représentatif et non pas impératif. A part les périodes révolutionnaires, qui ont besoin de changer l'élite politique pour mettre en place leur nouvelle idéologie, cette pratique du mandat représentatif permet une certaine continuité dans la vie politique. Ce qui est un rythme normal pour qu'Etat puisse fonctionner.
Les électeurs connaissent les partis, leur positionnement sur les questions de société et élisent en fonction les députés. Si le résultat de la politique menée ne plaît pas, ils changent de majorité aux élections suivantes.
Seulement, pour que ça fonctionne, il faut que les partis soient un minimum homogènes et incarnent le champ politique réel de la société; que les partis soient construits autour d'une vision de la société et non pas autour d'une personne ou de manière artificielle pour occuper le terrain.
Aujourd'hui, les partis politiques sont en crise un peu partout, car ils sont traversés par des courants internes très divergents, qui rendent illisible leur positionnement, et ils n'incarnent pas le véritable paradigme, qui est celui de l'étatisme / globalisme. Ceci est la situation existante notamment en France. En Russie, la situation est un peu différente. En raison de leur faible durée d'existence, les partis se sont construits autour de quelques personnalités et n'en sont pas encore sortis, sans compter les partis artificiels. Bref, le paysage politique russe n'est pas encore stabilisé.
Dans ce contexte, la proposition de Koudrine est au mieux un signe d'incompétence, au pire volontairement déstabilisante pour les institutions. Car vouloir renforcer le Parlement, quand les partis politiques sont faibles, c'est affaiblir le système de gouvernance, in fine l'Etat.
Le contexte politique russe spécifique est ici particulièrement bien utilisé, renversé en fait. Vladimir Poutine est sur le départ et la succession va être difficile, d'autant plus que personne ne peut estimer le seuil de résistance des institutions étatiques russes aujourd'hui. Il ne peut en être autrement après tant d'années au pouvoir et un soutien qui reste réel dans la population. Poutine est devenu l'image de la Russie "réincarnée" après la chute de l'Union soviétique. Sur cette base, beaucoup construisent un culte de la personnalité, s'y mettant à l'ombre. Mais le clonage n'étant pas encore à l'ordre du jour, la création d'un hologramme présidentiel - pour ne pas dire poutinien - non plus (malgré la fureur numérique qui s'est emparée du pays à la nausée), il va bien falloir passer à autre chose et si possible sans briser l'Etat.
Dans la prolongation de cela, il semblerait logique de vouloir renforcer le Parlement. Or, c'est un leurre. Le Parlement est aujourd'hui tenu par le Parti présidentiel Russie Unie et il faudra déjà voir s'il survivra longtemps à ce dernier mandat présidentiel. Les partis d'opposition sont creux et certains sur la fin, pour la même raison, comme le LDPR de Jirinovky qui n'est pas non plus éternel (ce qui explique peut-être qu'il soit favorable à cette idée).
Bref, miser sur un réveil soudain de l'institution parlementaire accompagné d'une génération spontanée de partis politiques viables (je ne parle même pas de la situation des institutions dans les régions), est absurde. Mais c'est aussi le signe que, pour ceux qui sont de bonne foi, ces personnes ne peuvent concevoir politiquement la Russie sans Poutine. Le culte de la personnalité leur cache le pays. Qu'une période flottante suive, c'est indéniable, mais la vie politique russe n'est pas vide, si on lui donne de l'oxygène.
Simplement, il n'est pas certain que nos chers néolibéraux gardent leur place dorée si l'on est obligé, comme ce doit être le cas ensuite, de revenir à la vox populi, assez sceptique, pour rester polie, envers ce groupe de pression. Car un changement de chef entraîne un changement d'équipe. Il semblerait que ce soit bien là les motivations de notre cher Koudrine, c'est bien ce qu'il veut empêcher. Car si sous cette présidence les néolibéraux se sont petit à petit implantés aux postes-clés du Gouvernement et de l'Administration présidentielle, ils sont cadrés par le Président. Avec le départ de Poutine, ils entrevoient la possibilité de rester, mais sans les entraves. Or, ils ne pourront jamais faire élire "leur" président faute de majorité populaire. En revanche, des députés, c'est plus facile à manipuler.
Heureusement certaines voix se lèvent pour affirmer que le Parlement n'a pas besoin de pouvoirs supplémentaires, il a besoin de bien faire son travail. Espérons qu'elles seront écoutées.
Il ne faut pas oublier que le but des "atlantistes" est de faire ce qu'ils ont échoué lors de la révolution.... découper la Russie afin de créer des Etats faibles mais riches en ressources à piller. La découpe avait déjà été prévue en aidant les russes blancs sur le front est.
RépondreSupprimerPensez-vous que ce que l'on appelle les "structures de force" laisseront un régime parlementaire s'installer en Russie? Ce sont elles qui dirigent le pays aujourd'hui, avec VVP à leur tête. Celui-ci fera le nécessaire pour qu'une autre tête le remplace et assure ainsi la continuité nécessaire. En aucun cas les libéraux ne sont des outsiders.
RépondreSupprimerDe plus en plus de Francais surtout les jeunes sentent que la Russie est notre rempart contre l' oligarchie mondialiste anti chrétienne si la Russie tombe la France tombera aussi
RépondreSupprimerAlors prions pour notre " grand mere" Russie !
Perso, je doute que la "France chrétienne" reste encore debout.
SupprimerBonjour.
RépondreSupprimerQue pensez vous d'une tsarine à la suite de VVP? Comme Zakharova ou Poklonskaia? Jeune elle pourrait tenir le pays vingt ans de plus.
Re bonjour.
RépondreSupprimerJe viens de trouver cette vidéo que je ne connaissais pas (en vérifiant l'orthographe des noms de ces jeunes femmes) , il me semble qu'un front de la jeunesse identitaire européenne est possible en voyant cet petite assemblée?
https://www.youtube.com/watch?v=8GMbWiXlMFA
V Poutine vient de répondre à M. Koudrine: "Je suis convaincu que notre pays avec son vaste territoire, sa structure nationale et territoriale complexe et une variété de traditions culturelles et historiques, ne peut pas se développer normalement et, je dirais plus, exister simplement de manière stable sous la forme d'une république parlementaire. La Russie doit rester une république présidentielle forte". C'est clair, net et précis.(Sputnik 15/01/20)
RépondreSupprimerIl semblerait que Poutine se mette lui aussi à l'heure du "en même temps", car il propose des réformes constitutionnelles qui vont dans le sens de la république parlementaire. En détail demain.
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