Voir: http://izvestia.ru/news/528113
La question de la légitimité du pouvoir - et les risques que posent cette question pour l'existence de l'Etat en tant que tel - est au centre des interrogations, tant du côté de la majorité, que de l'opposition, et chacun tente de lui apporter sa réponse.
Dans un excellent article paru dans Novaya gazeta, V. Igrunov (voir l'article ici http://www.novayagazeta.ru/columns/53154.html) souligne le danger de l'incitation par l'opposition à mettre en place des structures parallèles: une "assemblée nationale" qui représenterait toute la Russie mais initiée par Drugaya Rossiya, l'idée pour la société d'élire ses propres juges et de ne reconnaître la validité que de leurs décisions, etc. La conclusion est évidente: le simple fait d'envisager l'existence de tels mécanismes parallèles, qui courcircuitent les macanismes étatiques, démontre l'échec de l'Etat actuel à absorber par le droit "étatique" les processus sociaux. En cela réside la démonstration du manque de légitimité du pouvoir, qui risque de déborder sur la question de la légitimité de l'Etat russe.
Si pour sa part, l'auteur propose de revenir aux canons du parlementarisme, pour faire de la Douma non pas un simulacre de Parlement mais l'instance d'une réelle représentation populaire, d'autres idées émergent également. Ainsi, I. Chuvalov, premier vice-premier ministre, propose pour sa part d'intégrer plus en avant le "gouvernement ouvert" dans les mécanismes de pouvoir afin de faire passer le message à la société. Le caractère absurde et contreproductif de cette proposition est indéniable.
Tout d'abord, d'un point de vue institutionnel, la proposition revient simplement à "institutionnaliser" un mécanisme de contournement des institutions, dans la même veine que les propositions de l'opposition. C'est ainsi une manière, certes différente dans la forme mais identique dans le fond, de reconnaître l'incapacité du système institutionnel actuel à remplir sa mission. Or, là aussi, le problème est faussé, puisqu'il ne s'agit pas d'un problème au niveau des institutions, mais des gens qui les composent. Le problème n'est pas juridique, mais politique. Donc reconnaître une institution de fait, qui n'a aucun existence juridique, gérée de la même manière que les institutions officielles - c'est-à-dire dans la même logique politique - n'apportera aucune valeur ajoutée de légitimité. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Ensuite, la démarche proposée est comme toujours unilatérale. Il s'agit, à travers une composition plurielle du "gouvernement ouvert" comprenant les opposants "durs", de faire passer le message explicatif de l'activité du Gouvernement vers la société, ce qui doit avoir pour effet magique un consentement immédiat. Dans l'idée de I. Chuvalov, les opposants ne sont pas d'accord avec le pouvoir, simplement parce qu'ils ne comprennent pas. C'est une manière délicate de les considérer comme des imbéciles ou comme des enfants que les parents doivent éduquer. Et dans cette démarche, évidemment, il n'est pas question de les consulter et d'entendre leur point de vue. Il ne s'agit donc pas d'un dialogue, mais d'un discours.
Enfin, sur le fond, le pouvoir ne comprend toujours pas qu'il est absolument normal qu'une opposition existe. Et qu'elle existe non pas parce qu'elle ne comprend pas ce que fait la majorité, mais simplement parce qu'elle n'est pas d'accord et qu'elle a une autre vision des choses. Leurs points de vue sont donc irréductibles, ce qui rend inefficace la proposition de I. Chuvalov.
Bref, pour retrouver cette légitimité perdue, sans laquelle aucun pouvoir ne peut gouverner efficacement et longtemps, il n'est pas nécessaire de créer et d'imaginer des mécanismes et des institutions parallèles, mais de rendre leur sens premier à celles qui existent. Formellement - juridiquement - sur le plan consitutionnel, le système actuel est viable, il doit être réalisé sur le plan politique.