Voir:
http://izvestia.ru/news/546792
Que l'opposition soit un élément fondamental pour le fonctionnement normal de tout système politique, le pouvoir russe en a conscience. Mais quelle opposition et comment l'insérer dans les mécanismes de pouvoir, la question est plus délicate.
En principe, les systèmes modernes fonctionnent sur deux principes, l'un exprimé, l'autre moins.
Le premier, évident, est celui des élections. Par le mécanisme des élections, les majorités changent en douceur, la majorité politique, sachant qu'elle n'est que momentanément au pouvoir, a tout intérêt à respecter et à soutenir les droits de l'opposition, puisque à terme elle y sera aussi.
Le second est plus discret. Car si l'alternance au pouvoir est nécessaire pour le fonctionnement du système, celle-ci ne peut être radicale. Autrement dit, les partis d'opposition doivent avoir une vision qui, certes diffère sur certaines questions de la vision de la majorité, mais cette vision des choses ne peut être radicalement différente, aucun système politique ne peut se permettre de faire le grand écart à chaque élection. Il existe donc un champ des questions et des réponses politiques acceptées à l'intérieur duquel l'alternance s'opère. Les autres visions politiques sont, en général, marginalisées par les acteurs du système eux-mêmes, qu'ils soient d'opposition ou de la majorité à ce moment-là, leur survie politique en dépend. Finalement, l'alternance qui se met en place permet un changement de figures, un changement d'appellation de partis politiques, mais les grandes envolées politiques sont à exclure, d'autant plus que, par exemple la France, est prise dans des réseaux d'obligations et de liens internationaux qui vont influencer tant sur la formulation des problèmes (et donc leur reconnaissance en tant que tel) que sur les réponses possibles, réalistes et politiquement acceptables à apporter.
La situation de la Russie est quelle que peu différente.
L'opposition tout d'abord est très divisée. Il y a l'opposition parlementaire, composée par le parti LDPR de Jirinovsky, le parti Spravedlivaya Rossiya de Mironov et le parti communiste de Ziuganov. Ils ont la réputation d'être une "opposition de poche". Si Spravedlivaya Rossya est entré en opposition dure après les grandes manifestations, elle prend un virage à 180° et entre à nouveau dans le rang, ce qui se manifesta par la volonté d'exclure les Gudkov de leurs rangs, pour leur activisme débordant et leur appartenance à cet étrange Comité de coordination de l'opposition. Et là entre en jeu, l'autre opposition, radicale, à laquelle il manque un électorat mais qui bénéficie d'un soutien médiatique, dans la presse dite "libérale", sans rapport avec sa représentativité.
Dans ce contexte, les élections jouent mal leur rôle de transmission du pouvoir. Objectivement, en raison de la faiblesse de l'opposition radicale. Même si dans n'importe quel pays une opposition radicale a peu de chance de parvenir au pouvoir. Subjectivement, en raison du manque de confiance dans les partis actuellement acteurs du jeu politique.
Donc pour palier ce défaut, l'Administration présidentielle propose de mettre en place une "réserve des personnalités de l'opposition" pour leur proposer des postes importants en région. A ce jour, un accord a été trouvé avec le LDPR et Spravedlivaya Rossiya. Le parti communiste est plus sceptique. Pour lui, les personnes ainsi mises en place ne pourront garantir leur indépedance du pouvoir.
Et cet argument est de poids. Si les élections ne permettent pas de diversifier la représentation politique des dirigeants, leur "nomination" ne va pas renforcer le poids des partis politiques de l'opposition parlementaire et cela risque même de provoquer des conflits avec le pouvoir, ce que celui-ci veut justement éviter par la mise en place de ce mécanisme.