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Chronique politico-constitutionnelle sur la Russie

Chronique politico-constitutionnelle sur la Fédération de Russie
Karine Bechet-Golovko
Revue Est europa 2011


            « Des quatre portes de la gare, deux sont fermées. La foule, avec patience, s’écoule par ce qu’il reste de l’embrasure. Matin-soir, cela n’a pas d’importance. Le jour éternel des portes fermées et des embouteillages provoqués. L’impression d’un jardin fou : comme si certains savants, possédant le monopole de la compréhension du monde, infatigablement, sarclaient tout ce qui est vivant. Tout ce qu’ils touchent se transforme en cendre, en cadavres, perd tout son sens. (...) Une des versions possibles de l’apparition des embouteillages. L’incroyable activité de la société dans les années quatre-vingt dix a forcé la recherche de nouveaux moyens de domptage. Maintenant, l’ampleur du trafic ne fait pas qu’engloutir le temps, mais également l’énergie sociale de nos concitoyens. »[1].
Les pouvoirs russes continuent à développer une sorte de schizophrénie juridico-sociale. D’un côté se trouvent les effets d’annonce de profondes réformes, une formulation des problèmes qui est plutôt correcte. Sur le site officiel de la présidence, il est possible de trouver, par exemple, certaines allocutions de Dimitri Medvedev, au nombre desquelles il reconnaît que la démocratie russe n’est pas aboutie, qu’elle a besoin d’être améliorée, mais que tout est sur la bonne voie. Quelques temps plus tard, il déclare que la Russie est dans une phase de stagnation politico-démocratique, voire de régression, due au monopole exercé par le parti dominant Edinaya Rossiya[2]. Toutefois, les « réformes » entamées n’ont aucun caractère systémique et elles tardent à produire des effets. De fait, la population se lasse d’attendre des jours meilleurs et la société civile tend à s’organiser et à reprendre la main, de manière informelle sur internet et de manière instituée par les associations et les mouvements protestataires, mettant le phénomène juridique au cœur de la rénovation démocratique russe. L’échec partiel des réformes est dû autant à l’importance des compromis marquant les luttes d’intérêt des différents groupes politico-économiques qui ne permettent pas de réaliser de véritables changements en profondeur, qu’à la faiblesse de la structure étatique fédérale, la quasi faillite de l’Etat en tant que tel, qui connaît de grandes difficultés à se faire obéir tant par les fonctionnaires fédéraux, que par les organes locaux du pouvoir.
Afin de pouvoir mieux mettre en exergue ce phénomène, le choix a été fait dans cette chronique de ne pas présenter les évolutions en fonction d’une classification des actes en cause (législation, jurisprudence ...), mais d’une manière thématique, à savoir les modifications institutionnelles (1), les grands chantiers de réforme (2), la scène électorale (3), le pouvoir et la société civile (4) et les grandes affaires (5).

1. Les modifications institutionnelles
            Le visage des institutions russes n’a pas profondément changé depuis les années 2000, où un coup fatal a été porté à l’indépendance des gouverneurs locaux et modifié en substance la logique fédérale russe[3]. Depuis que ce mouvement de renforcement du centre a été lancé, la pratique des nominations et des révocations a permis de renforcer la position du parti dominant dans la très grande majorité des Sujets de la Fédération, posant de sérieuses questions de démocratie locale (1.1). Sur le plan fédéral, les corps exécutif et législatif ont légèrement été retouchés par des mesures ponctuelles législatives, mais sans que cela ne touche la logique même de ces institutions (1.2). Toutefois, des mécanismes de contrôle de l’exécutif ont été mis en place (1.3) et si leur fonctionnement est aujourd’hui encore largement formel ils pourront peut être servir quand la situation partisane se sera normalisée. Il reste alors à envisager la question de la modernisation du pouvoir judiciaire, tant sur le plan institutionnel, que par l’octroi de moyens juridiques procéduraux modernes, question qui, hélas, tarde à être correctement réglée (1.4). Sur tous ces différents aspects se dessine à travers tant la pratique législative que politique une volonté presque maladive de tout contrôler et ce mouvement de panique est en pleine accélération en attendant les échéances électorales de 2012.

1.1 La nomination et la révocation des dirigeants des Sujets
La loi fédérale du 5 avril 2009[4] a quelque peu modifié le régime d’entrée en fonction des dirigeants des Sujets de la Fédération. Selon cette loi, dans le cas où l’organe législatif du Sujet, deux fois de suite, ne prend pas la décision d’entrée en fonction de la candidature du dirigeant du Sujet proposée par le Président de la Fédération, celui-ci est en droit de dissoudre l’organe législatif du Sujet. La décision de dissolution prendra la forme d’un oukase du Président de la Fédération de Russie et doit suivre la procédure de consultation prévue par la loi. La décision ne peut être prise plus tôt que 30 jours après la date à laquelle, pour la deuxième fois, l’Assemblée locale ne peut prendre la décision. De nouvelles élections législatives sont alors prévues.
Le Président de la Fédération de Russie présente la candidature du dirigeant du Sujet à partir de la liste de candidatures proposées par le parti politique qui a eu le plus de voix aux élections législatives dans le Sujet concerné. Les personnes ayant un casier judiciaire ou sous le coup d’une inculpation pénale, les personnes déclarées incapables par le tribunal ou encore les personnes n’ayant pu passer la procédure d’accréditation « secret défense » ne peuvent être inscrites sur la liste. Le parti politique doit présenter au moins trois candidatures, et si le parti n’exerce pas totalement son droit (par exemple s’il présente moins de candidatures) ou s’il y renonce, le Président présente lui-même la candidature, qui peut être issue de la liste de réserve de cadres dirigeants. La liste présentée au Président est examinée. Si aucune candidature ne lui convient, une nouvelle liste doit être établie. Si cette nouvelle liste ne lui convient pas non plus, une consultation doit être organisée avec l’assemblée du Sujet et le parti politique concerné, à la suite de quoi une troisième liste de nouvelles candidatures est présentée.
Le Président de la Fédération présente la candidature au poste de dirigeant du Sujet à l’Assemblée de ce Sujet, qui examine la proposition dans un délai de 14 jours. La décision de l’organe législatif est considérée comme adoptée si la candidature est acceptée à la majorité simple des voix des députés inscrits. Si l’organe législatif n’a pas pris la décision ou s’il a voté contre la candidature proposée, une consultation est organisée avec les députés et le parti politique qui a proposé la candidature au Président. En tenant compte des résultats de la consultation, la Président peut représenter la candidature et/ou nommer un dirigeant par intérim du Sujet, pour la période allant jusqu’à l’entrée en fonction du nouveau dirigeant du Sujet. Si cette candidature est à nouveau refusée ou si elle ne peut être votée, le Président mène une consultation avec l’Assemblée locale et le parti politique concerné. En fonction des résultats de la consultation, le Président peut décider de dissoudre l’organe législatif du Sujet et/ou de nommer un dirigeant par intérim si cela n’a pas été fait.
Le dirigeant par intérim a des pouvoirs restreints. Il ne peut dissoudre l’Assemblée locale et ne peut initier une révision de la Constitution locale. D’autres restrictions peuvent être prévues par la législation du Sujet.
Cette loi a renforcé non seulement le pouvoir du Président de la Fédération de Russie, qui n’est plus obligé d’attendre trois votes de refus pour pouvoir utiliser l’arme de la dissolution, et implique beaucoup plus le parti politique majoritaire (c’est-à-dire Edinaya Rossiïa) dans le processus de nomination du nouveau gouverneur.


            Sur le plan de la pratique politique, depuis l’arrivée en fonction de Dimitri Medvedev, à peu près un tiers des gouverneurs ont été changé. Mais la question de la révocation des dirigeants des Sujets de la Fédération, quelle que soit leur appellation, a revêtu une particulière actualité avec la mise à l’écart d’un pionnier de la Russie postsoviétique et un des artisans du parti Edinaya Rossiya, le maire de Moscou Yuri Lujkov. Un conflit particulièrement violent s’est déclenché en septembre 2010 entre le maire de Moscou et les autorités fédérales. A plusieurs reprises – et singulièrement vertement – Yuri Lujkov a critiqué dans les médias les choix politiques de l’équipe en place ainsi que l’évolution partisane du paysage politique. Ce n’est pas la première fois que l’hypothèse d’un départ de Lujkov est annoncée, mais après plus de dix huit ans à la tête de la capitale, il semblait indéboulonnable. Toutefois, le conflit est devenu intenable quand, après son retour de « vacances forcées» le 27 septembre, il déclare que de toute manière il refuse de partir de son poste, pensant avoir le soutien du parti Edinaya Rossiya. Pour démettre par anticipation un dirigeant d’un Sujet de la Fédération de ses fonctions, le Président a deux solutions, soit il agit sur la demande de l’intéressé – même si personne n’est dupe – soit il déclare que celui-ci a perdu sa confiance et le démet. La rigidité de la position de Lujkov a mis le Président Medvedev dans l’obligation de relever le défi, sous peine de perdre le peu d’envergure politique qu’il possède. Le 28 septembre, il adopte donc l’oukase N° 1183 destituant de ses fonctions le maire de Moscou. Le texte est particulièrement lapidaire, « destituer Yuri Lujkov de ses fonctions de maire de Moscou pour raison de perte de confiance du Président de la Fédération de Russie », sans justification, sans argumentation. Le Parti suit le Chef et la position officielle donnée à la presse est significative : « La décision du Président ne se discute pas. Elle s’exécute »[5]. Cette action de force est analysée en Russie comme le signe d’un renforcement des combats politiques avant les élections présidentielles de 2012, pour lesquelles un contrôle total et absolu de la ville de Moscou est fondamental. Or, Yuri Lyjkov, fort de sa position locale – et des affaires plus que florissantes de sa femme (Elena Baturina est à la tête de la plus grosse entreprise de construction et pas seulement à Moscou) – s’est cru suffisamment fort pour remporter le bras de fer.
            Habituellement, les dirigeants des Sujets qui sont visés par ces mesures essaient de ne pas entrer en conflit. Par exemple, le 9 septembre 2010 le gouverneur de l’Oblast de Novosibirsk, V. Tolokonsky, a été démis de ses fonctions par oukase du président « suite à sa propre demande »[6]. Pour avoir donné sa démission, sa loyauté a été récompensée puisqu’il a immédiatement été nommé auprès du représentant du Président de la Fédération dans l’arrondissement fédéral de Sibérie. Il faut toutefois noter que ses relations avec le parti Edinaya Rossiya s’étaient dégradées ces derniers temps, à tel point qu’il n’a pas été inclu sur la liste électorale pour les élections législatives locales du 10 octobre 2010. Prenant en compte le fait que son mandat devait prendre fin à l’été 2012, il semble que l’hypothèse de préparation d’un socle d’hommes de confiance dans les régions en vue de la « surveillance » du bon déroulement des élections présidentielles à venir se confirme.
En février 2009, peu après sa prise de fonction, le nouveau Président met fin aux fonctions des quatre gouverneurs de l’Oblast de Orlovsk, de Pskov et de Voronej et de la région autonome de Nenets. Sa décision s’appuie sur le manque d’effectivité de leurs politiques locales et des résultats négatifs obtenus suite à l’évaluation fédérale des politiques publiques menées dans ces régions dans les domaines économiques et sociaux. Toutefois, les analystes russes restent circonspects face à ces explications. Selon certains, il s’agirait surtout d’une manière de mettre la main sur les ressources locales. En effet, l’économie locale est souvent concentrée autour de la famille du dirigeant du Sujet concerné. La destitution de ces personnes est alors la meilleure manière de les écarter et de reprendre la main. « La raison véritable n’est pas la corruption, mais quand leur chemin croise celui des intérêts fédéraux et gêne la croissance de leur business »[7]. Cependant, selon V. Surkov, chef adjoint de l’Administration présidentielle, il ne s’agit pas d’une perte de confiance globale du chef de l’Etat face à l’ensemble de la corporation des gouverneurs, mais de la sanction d’une politique locale inefficace menée par certains d’entre eux.[8]
            Il reste encore à préciser que, d’une manière générale, le départ des gouverneurs de leurs fonctions ne les met pas dans une situation précaire : soit ils sont intégrés à de nouvelles fonctions, comme cela a été montré, soit ils sont mis à l’abri du besoin par les législations locales qui leur garantissent de très larges ressources financières, véritables parachutes dorés. Ainsi, lorsque l’ancien gouverneur de l’Oblast de Rostov, V. Tchub, a cessé ses fonctions en mai 2010, il reçoit une pension de 9,2 millions de roubles par an. Et ce type de mesures est loin d’être exceptionnel, un régime légale analogue existe dans plus de la moitié des Sujets de la Fédération de Russie. Il faut encore ajouter à cela les avantages sociaux comme la couverture santé ou l’octroi de vastes demeures « de campagne », des véhicules, mais aussi parfois des dispositions assez surprenantes (dans les Oblast de Tchéliabinsk ou de Leningrad par exemple) telles une protection rapprochée à vie et une protection du domicile pour les anciens gouverneurs, cela évidemment aux frais du budget local.[9]
            Enfin, le Président russe s’est prononcé il y a peu sur l’évolution de l’institution des gouverneurs. Il a ainsi exprimé le vœu qu’un chef de région ne puisse exercer plus de trois mandats consécutifs, même si les faits démentent pour l’instant encore cette pieuse déclaration. En tout cas, le Président se garde ainsi le pouvoir de ne pas renouveler le mandat d’une personne qui pourrait montrer trop d’indépendance par rapport au Centre. Par ailleurs, il  a rappelé que la popularité du gouverneur dans ses terres est également un facteur essentiel pour sa reconduction.[10] En ce sens, le gouverneur G. Boos de la région de Kaliningrad n’a pas été reconduit cette année dans ses fonctions[11]. En place depuis septembre 2005, la région a pourtant bénéficié d’un bon rythme de développement économique. Mais en 2009, de nombreuses manifestations sociales demandant la destitution de G. Boos ont eu lieu à Kaliningrad et la popularité du gouverneur est tombée. Le pic de mécontentement est atteint en janvier 2010 où entre 7 et 15 milles personnes sont sorties dans la rue contre les choix politiques faits. Ceci a servi de fondement à sa non reconduction en fonction, décision définitivement prise le 16 août 2010. Toutefois, on rappellera, que la destitution du Gouvernement fédéral était en même temps demandée par la population ...

            1.2 Les retouches apportées aux corps exécutif et législatif
            L’exécutif a subi peu de modifications ces dernières années. Il est à noter la loi constitutionnelle fédérale du 30 décembre 2008 N°6-FKZ[12] sur la modification du délai du mandat présidentiel et de la Douma fédérale. Avant l’entrée en vigueur de cette loi, et les députés et le Président étaient élus pour un délai de quatre ans. Désormais, le mandat présidentiel est porté à six ans et le mandat législatif à cinq ans. Toutefois, dans la pratique la question d’une possible cohabitation reste très hypothétique. Une autre disposition technique, issue de la loi constitutionnelle fédérale du 29 janvier 2010 N°1-FKZ[13] portant modification de la loi constitutionnelle fédérale sur le Gouvernement de la Fédération de Russie, prévoit, en outre, la possibilité pour les vices présidents du Gouvernement d’occuper les fonctions de représentant du Président de la Fédération de Russie dans les arrondissements fédéraux.
            En ce qui concerne plus particulièrement la députation, et donc le statut des partis politiques auxquels l’institution des députés est étroitement liée, les années 2009 et 2010 furent assez riches. Les réformes ont essentiellement concernées la formation des partis politiques et la médiatisation de l’activité des partis représentés à la Douma. En marge, il faut noter différentes réformes ponctuelles avant de développer les deux points susmentionnés.
            Tout d’abord, la question de l’absentéisme des députés dans l’hémicycle est loin d’être une question spécifique à la France. En Russie aussi le problème a été posé et la loi fédérale du 27 juillet 2010 N°212-FZ[14] portant modification de l’article 12 de la loi fédérale sur le statut des membres du Conseil de la Fédération et sur le statut des députés de la Douma d’Etat de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie pose le caractère obligatoire de la présence des membres du Conseil de la Fédération et des député de la Douma fédérale dans leurs hémicycles respectifs. Toute absence non justifiée au regard du règlement intérieur de la Chambre visée engagera la responsabilité de son auteur. Afin de facilité la présence des membres de l’Assemblée fédérale – les auteurs du projet de loi devaient, dans leur mansuétude, penser pouvoir expliquer l’absentéisme par les dimensions de la Russie et ainsi par le prix des transports – les titres de transports (avion, train, bateau, bus) seront remboursés au titre du budget fédéral. L’avenir démontrera l’effectivité de la mesure ... et le bon fondement de l’explication de l’absentéisme.
            Sur un plan plus technique, la notion de fraction politique a été reprécisée par la loi fédérale du 4 juin 2010 N°118-FZ[15] portant modification de la loi fédérale sur les principes généraux de l’organisation des organes législatifs (représentatifs) et exécutifs du pouvoir d’Etat des Sujets de la Fédération de Russie. Ainsi, la fraction politique des députés élus dans les assemblées législatives locales se compose des députés élus au titre de la liste présentée par un parti politique et également par les députés élus à titre individuel au titre de ce parti politique. Ces mêmes députés peuvent constituer un groupe parlementaire qui ne soit pas une fraction. Par ailleurs, si un député reçoit son mandat d’un député élu appartenant à un parti, il ne peut appartenir lui-même qu’à ce parti, mais pour le reste bénéficie de droits égaux à ceux des autres parlementaires. Enfin, si le parti politique au titre duquel les députés ont constitué une fraction est dissout, la fraction ne peut plus exercer ses droits et les députés peuvent alors intégrer d’autres fractions existantes.
            Afin de développer un dialogue interpartis, encore faible en raison de la faiblesse des partis eux-mêmes, la loi fédérale du 4 juin 2010 N°116-FZ[16] portant modification de la loi sur les partis politiques prévoit l’obligation pour les assemblées législatives – fédérale et locales – de prévoir au minimum une séance plénière par an lors de laquelle les dirigeants des partis politiques non représentés dans les organes législatifs pourront participer aux débats. La  démagogie de ce texte est évidente, puisque l’utilité et l’efficacité d’une telle mesure est absolument nulle, mais permet de se donner bonne conscience. En effet, le texte prévoit même la possibilité d’organiser une séance extraordinaire pour recevoir ces hôtes. Il n’y manque que le thé et les petits fours ... Mais le débat politique, hélas, n’aura rien à y gagner, comme l’a démontré la première réunion de ce type tenu le 10 décembre 2010 à la Douma fédérale[17]. Comme il était attendu, les partis de gauches ont présenté leurs arguments en faveur d’un renforcement du pacte social, les partis ultra libéraux ont argumenté pour une augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans pour les hommes et les femmes ainsi que pour une augmentation très significative du temps hebdomadaire de travail (certains parlaient même de 60 heures !). Finalement, le caractère purement « diplomatique » de cet évènement est peut être une bonne chose ...
            Toujours en ce qui concerne le thème de la représentation dans l’hémicycle des partis minoritaires, la nouvelle loi fédérale du 22 avril 2010[18] prévoit un régime spécifique concernant la représentation des partis ayant obtenu moins de 7% des voix, mais plus de cinq aux élections législatives. Ceci devrait favoriser une représentation plus diversifiée de la vie politique sociale au sein de la Douma. Une disposition analogue a été adoptée concernant les élections législatives au niveau des Sujets de la Fédération[19].
            Tout récemment, le régime de formation du Conseil de la Fédération a été modifié dans le sens d’une réduction de ses pouvoirs. En effet, la loi fédérale du 15 novembre 2010 N°295-FZ portant modification de certaines dispositions législatives liées à la modification du régime de formation du Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie prévoit que, à compté du 1er janvier 2011, les membres du Conseil de la Fédération entreront automatiquement en fonction dix jours après leur nomination/élection dans le Sujet concerné. Ainsi, l’accord du Conseil de la Fédération ne sera plus nécessaire. Par ailleurs, le président du Conseil de la Fédération perd sa faculté d’initier la procédure de révocation des membres du Conseil. Si Mironov, président actuel du Conseil s’est ouvertement prononcé contre cette réforme initiée par des députés, il a enjoint, comme à l’habitude, ses collègues à la voter en bloc, ce qu’ils ont fait. En revanche, il s’est prononcé en faveur d’une élection directe des sénateurs afin de restituer un certain équilibre. Pour l’instant, sa proposition est restée sans suite, le pouvoir en place étant fondamentalement opposée à l’élection au suffrage universel direct des gouverneurs qui les rend trop indépendants et donc trop forts. Toutefois, la réforme ne devrait pas modifier en substance le fonctionnement du Conseil de la Fédération et les rapports de forces au niveau fédéral.
            Il reste à aborder deux mouvements législatifs dont le caractère libéral est incontestable et qui portent en eux les espoirs d’un réel élan vers la réalisation du pluralisme politique en Russie.
            La loi fédérale du 28 avril 2009 N° 75-FZ[20] portant modification de la loi fédérale sur les partis politiques en liaison avec l’abaissement progressif de la quantité minimale requise de membres des partis politiques tente d’apporter une réponse à la difficulté pour les mouvements politiques de s’instituer en parti et de pouvoir ainsi participer de manière institutionnelle à la vie du pays. Selon cette loi, les partis politiques doivent avoir des sections régionales dans plus de la moitié des Sujets de la Fédération de Russie, mais dans chaque Sujet il est possible de n’avoir qu’une seule section. Plus concrètement, la loi envisage la réduction progressive de la quantité des membres qu’un parti doit compter pour pouvoir être reconnu comme tel. Jusqu’au 1er janvier 2010, il fallait compter au moins 50 000 membres, avec plus de 500 membres dans les sections régionales dans la moitié des Sujets et 250 membres dans les autres Sujets au-delà de la moitié requise. Du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2012, les chiffres sont abaissés de 50 000 à 45 000, de 500 à 450 et de 250 à 200. Finalement, à partir du 1er janvier 2012, les partis seront constitués s’ils comptent au moins 40 000 membres, dont au moins 400 membres dans les sections régionales dans la moitié des Sujets et au moins 100 membres dans les Sujets surnuméraires. Il est par ailleurs prévu que les statuts des partis politiques doivent envisager la rotation de leurs cadres dirigeants, tant au niveau fédéral que local. Ces dispositions peuvent certainement faciliter la création de nouveaux partis. Il reste seulement à poser la question de la raison de l’existence de cette période intermédiaire ... jusqu’aux élections présidentielles de 2012.
            L’autre mouvement législatif concerne la garantie du droit à l’égalité en matière de diffusion des informations sur l’activité des différents partis politiques. La question de la publicité de l’activité des partis politiques est une question particulièrement sensible en Russie, où le déséquilibre entre les différents partis est largement visible. Pour tenter de trouver une réponse à ce problème, a été adoptée la loi fédérale du 12 mai 2009 N° 95-FZ[21] sur les garanties d’égalité des partis politiques concernant la mise en lumière de leurs activités par les médias publics[22].
            Cette loi ne protège que les partis politiques représentés à la Douma et non les partis qui n’ont pas encore de députés. Ces derniers ne bénéficient donc d’aucune garantie d’accès aux masses médiatiques publiques, bien qu’ils soient les plus gênés par les pratiques médiatiques actuelles. De plus, comme le texte l’indique, l’obligation de diffuser une information en quantité égale ne concerne que les médias publics. La loi pose plusieurs principes en la matière : le principe de diffusion de l’information concernant l’activité de chaque parti politique représenté à la Douma dans un volume égale ; le principe de la publicité du contrôle étatique sur la diffusion de cette information ; le principe de l’indépendance artistique et de l’autonomie professionnelle de la rédaction des médias publics dans la diffusion de l’information concernant l’activité des partis politiques représentés à la Douma, notamment la libre définition des fondements, types, moyens de cette diffusion ; le principe d’une information objective et plurielle des auditeurs/ lecteurs/ téléspectateurs concernant l’activité de ces partis politiques. Ces principes vont concerner l’activité des membres des partis, des organes de ces partis (centraux ou locaux), des fractions parlementaires dans les différents organes parlementaires fédéraux ou locaux.
            Le contrôle prévu par la loi est exercé par la Commission électorale centrale de la Fédération de Russie avec la participation des partis politiques, de la Chambre sociale de la Fédération de Russie, des organes fédéraux du pouvoir exécutif, du Représentant spécial pour la réalisation des fonctions de surveillance et de contrôle dans le domaine des masses d’information et l’Organisation russe des moyens audiovisuels. Chaque mois, la Commission électorale adopte un acte confirmant le respect de cette égalité de volume de temps d’antenne. Pour cela, elle constitue un groupe spécial de surveillance composé de représentants des différents organes ayant compétence en la matière. Si la Commission constate une violation, elle prend la décision d’accorder une compensation. Sa décision a un caractère obligatoire pour les médias publics, qui doivent l’exécuter dans le mois qui suit (sauf périodes particulières, comme les périodes électorales). Sinon, les médias peuvent contester la décision devant la Commission électorale elle-même. Ils ont 10 jours pour motiver leur position devant la Commission, qui a elle-même 10 jours pour revoir sa décision, qui alors n’est plus susceptible de recours.
            Si le système posé par la loi a le mérite de tenter d’apporter une réponse à la question sensible du manque de visibilité des partis d’opposition, il reste à déplorer certaines maladresses. Principalement, le fait que la réelle opposition politique ne soit pas représentée dans les parlements ne lui permet pas de bénéficier des garanties apportées par cette loi. Mais s’agit-il d’une maladresse ? En revanche, d’autres éléments techniques sont réellement maladroitement formulés comme, par exemple le fait que seul le volume d’audience soit garanti, alors que l’équivalence dans les crénos horaires n’est pas prise en considération pour le respect de cette égalité, qui devient dès lors très formelle. Par ailleurs, la contestation de la décision de non violation de l’égalité d’accès aux médias publics par les partis politiques eux-mêmes n’est pas envisagée.
           
            1.3 Le renforcement des moyens de contrôle du législatif sur l’exécutif
            Fin décembre 2008, la Constitution russe a été modifiée afin d’y introduire une nouvelle disposition mettant en place une forme de contrôle de l’activité de l’exécutif par le législatif. En effet, la loi constitutionnelle fédérale du 30 décembre 2008 N° 7-FZ[23] portant modification de la Constitution de la Fédération de Russie sur les moyens de contrôle de la Douma d’Etat à l’égard du Gouvernement de la Fédération de Russie prévoit que le Gouvernement doit annuellement présenter à la Douma d’Etat un rapport sur l’état de ses activités et répondre aux questions des parlementaires. De la même manière, il doit présenter son budget, le défendre et justifier des dépenses effectuées.[24] La pratique n’a apportée aucune surprise, le paysage politique ne permettant pas le débat. Toutefois, le mécanisme est donné et pourra peut-être servir à l’avenir quand le paysage politique se sera normalisé.

            1.4 La modernisation du pouvoir judiciaire
            La pratique judiciaire russe est à ce jour encore fondée sur une défense à tout prix du système lui-même et fonctionne selon l’axiome suivant : si une personne est présentée devant la justice, cela veut dire qu’elle est coupable, dans le cas contraire cela sous-entendrait que les services d’enquête auraient mal accomplis leurs fonctions, ce qui est impensable.
On compte ainsi au 1er août 2010, 843,2 milliers de personnes incarcérées, dont 68,3 milliers de femmes et 878 enfants vivant dans des maisons spéciales pour l’enfance[25] lors des premiers temps de leur vie lorsque leurs mères sont incarcérées.[26]
            Selon la statistique judiciaire[27],  en première instance, dans les neuf premiers mois de l’année 2010 on compte 816 300 nouvelles affaires pénales (contre 842 215 pour la même période en 2009) pour 0,7 % de personnes innocentées [28]; 10 202 235 nouvelles affaires en matière civile pour 2010 (contre 9 659 005 en 2009). En appel, le nombre d’affaires pénales en 2010 s’élève à 34 041 (contre 34 962 en 2009) et dans 126 affaires le jugement de première instance a été annulé car non fondé. En matière civile, on note également une légère baisse entre 2009 et 2010, puisque les chiffres sont passés de 107 600 à 102 877. En cassation, 246 286 affaires pénales étaient en instance devant la Cour Suprême fédérale en 2010 (contre 238 302 en 2009) et dans 176 affaires le jugement des cours inférieures a été cassé car infondé. En matière civile[29], on décompte 400 954 nouvelles affaires en 2010 (contre 355 886 en 2009). Il est inutile de détailler encore plus ces chiffres qui démontrent déjà largement le niveau élevé des contentieux en Russie et le très faible taux d’acquittement.
            Depuis longtemps, la question de la normalisation des procédures d’appel et de cassation est posée, mais jamais les tentatives n’ont pu aboutir jusqu’à présent à réellement « nettoyer » la procédure des déformations soviétiques. Encore aujourd’hui, devant la Douma d’Etat, différents projets de lois sont en examen. Par exemple, le 29 janvier 2010 la Douma a adopté en première lecture[30] un projet de loi déposé par le Président de la Fédération de Russie portant modification du code de procédure civile en matière de rénovation des procédures d’appel et de cassation[31]. Le Président justifie la nécessité de cette réforme, en autre, par l’urgence de rétablir la confiance de la population dans le système judiciaire russe. Le texte a été signé par le Président le 3 janvier 2011 et entrera en vigueur en matière civile le 1er janvier 2012 et en matière pénale le 1er janvier 2013.
            En revanche, la réforme du statut des juges a pris une impulsion particulière depuis l’entrée en fonction du Président Medvedev. La méthode est critiquable car, au lieu de prendre un temps de réflexion et de refonder le système du statut des juges, en renforçant ainsi la logique de l’institution, depuis le 25 décembre 2008, 11 lois fédérales[32], d’importance très inégale, sont venues apporter des retouches et des adaptations en fonction des nécessités et réflexions du moment. Il est impossible dans le cadre de cette chronique de présenter de manière détaillée chaque acte législatif, pour des raisons évidentes de volume. En revanche, les principales retouches apportées au statut des juges concernent les aspects suivant.
            En ce qui concerne l’obligation de dessaisissement et les incompatibilités à la fonction de juge, la loi du 25 novembre 2008 a apporté de nombreux ajouts. Ainsi, en cas de conflit d’intérêt, c’est-à-dire si le juge se trouve directement ou indirectement intéressé à l’affaire, autrement dit si lui ou l’un de ses proches entretient des relations de nature financière ou tout autre lien juridique avec une personne physique ou morale concernée par le procès, il doit en informer les parties et se déssaisir. Par ailleurs, en matière d’incompatibilité, la loi a précisé le domaine en visant, notamment, l’impossibilité d’occuper d’autres fonctions étatiques, de participer au financement de partis politiques ou de participer à leurs activités politiques, d’exprimer publiquement ses relations avec les partis politiques et autres organisations sociales (associations au sens large du terme), d’exercer une activité commerciale, d’exercer toute activité rémunérée sauf l’enseignement et l’activité scientifique, de s’exprimer publiquement sur les affaires en cours, d’utiliser à des fins non prévues les moyens que lui donnent sa fonction, de recevoir des avantages en nature ou des dons financiers de la part de personnes physiques ou morales, de recevoir sans autorisation du Haut conseil de qualification des juges[33] toute décoration ou titre honorifique accordé par un Etat étranger ou une organisation étrangère, aller en déplacement à l’étranger aux frais d’un Etat étranger sauf dans les cas prévus par le droit russe, de faire partie d’ONG étrangères ... En ce qui concerne les incompatibilités de fonction, une fois le juge à la retraite, la loi du 27 septembre 2009 prévoit qu’il peut exercer toute autre fonction du service d’Etat, mais ne peut être procureur, enquêteur, avocat ou notaire.
            En ce qui concerne l’accès à la profession, la loi du 25 décembre 2008 renforce le rôle du Haut conseil de qualification des juges. Une fois l’examen passé avec succès, le candidat à un poste de juge doit alors présenter sa candidature à un poste précis devant le Conseil et une liste extrêmement détaillée des documents à fournir à l’appuie de cette demande est prévue par la loi, dans la plus pure tradition législative russe. Après l’examen de son dossier, un collège de juges prend la décision de le recommander ou non à ce poste, sachant qu’il ne peut être un proche du Président de la Cour envisagée, ni du vice-président. La décision de refus peut être attaquée en justice dans le cadre d’une procédure spéciale prévue à cet effet. La loi de 2008 prévoit également un système de recours administratif contre une décision de refus. Une fois nommé en fonction, conformément à la loi du 1er juillet 2010, le juge nommé pour la première fois, doit suivre une formation initiale, comportant une partie théorique dans des institutions spécialisées et une partie pratique – un stage. Les modalités sont précisées par les juridictions elles-mêmes, mais la formation totale ne peut excéder 6 mois. Quant à la formation continue, elle ne peut être organisée plus d’une fois tous les trois ans.
            Par ailleurs, les lois du 25 décembre 2008 et du 28 novembre 2009 ont légèrement toilettés le système de nomination par le Président de la Fédération, sans réellement en modifier la logique. Les présidents des cours sont nommés pour six ans, sur avis conforme du Conseil de qualification des juges compétents. Ils doivent alors présenter un état de leur patrimoine et de leurs revenus, ainsi que celui de leur conjoint et de leurs enfants mineurs. Toutefois, en ce qui concerne le délai des fonctions, selon la loi du 17 juillet 2009, la durée des fonctions du juge n’est pas limitée, sauf par la retraite en général fixée à 70 ans.
            En ce qui concerne la responsabilité des juges, différentes lois sont venues en préciser le régime. La loi du 9 novembre 2009 prévoit ainsi que la décision de prendre une sanction disciplinaire à l’égard d’un juge est prise par le Conseil de qualification des juges correspondant à la fonction exercée par le juge visé (fédéral ou local pour simplifier). Cette décision peut être attaquée en justice dans le cadre d’une procédure spéciale prévue à cet effet. En matière de responsabilité pénale, les lois du 25 décembre 2008 et du 28 novembre 2009 prévoient que l’initiative de lancer une poursuite pénale à l’encontre d’un juge est prise par le président du Comité d’enquête de la Procurature générale pour les juges constitutionnels, en accord avec la Cour constitutionnelle. Une fois la demande adressée par le Comité d’enquête, selon la loi du 29 mars 2010, la Cour constitutionnelle a dix jours pour prendre une décision motivée. Pour les autres juges, la décision est toujours prise par le président du Comité d’enquête de la Procurature générale mais en accord avec le Conseil de qualification des juges compétent. Dans les cas de responsabilité administrative[34], la loi du 28 novembre 2009 prévoit que la décision est prise par un collège de juges composés de trois juges de la Cour Suprême de la Fédération de Russie (sur proposition du Procureur général), formation dont la compétence tend à se généraliser pour juger de la responsabilité des juges, renforçant d’autant le poids de cette juridiction.

2. Les grands chantiers de réforme
            L’arrivée au pouvoir du Président Medvedev est marquée par une volonté – au moins affichée – de réformer en profondeur le système politico-économique russe. Le droit devient alors l’instrument privilégié de la mise en place des grands chantiers de réforme. Il est possible d’en dénombrer quatre principaux : la modernisation « tous azimuts » qui pour sa part, et cela est largement préjudiciable en terme d’effectivité, concerne peu le droit mais a un accent technologique et économique très marqué (2.1) ;  l’éternel chantier de l’indépendance de la justice, pour laquelle se pose sérieusement la question de la volonté politique (2.2) ; la lutte contre la corruption, dont l’urgence est une évidence pour tous (2.3) ; la réforme de la milice, qui a besoin de redorer son image (2.4).

            2.1 La modernisation, mais quelle modernisation ?
            La conception de la modernisation, quand elle ne touche pas les domaines économique ou industriel, mais concerne l’Etat passe avant toute chose par la généralisation du recours à internet. D’une certaine manière, cela constitue une réelle révolution au regard de la tradition de secret et de soumission à la volonté du pouvoir qui entoure l’Etat russe. En termes juridiques, elle s’est essentiellement traduite par l’adoption de deux lois fédérales, l’une concernant l’accès à l’information sur l’activité des organes étatiques et des organes de l’auto-administration locale[35] et l’autre l’accès à l’information en matière judiciaire[36].
            La loi sur l’accès à l’information en matière administrative concerne les actes et les activités de toutes les structures étatiques fédérales et locales, à l’exception évidente des actes couverts par le secret d’Etat et des informations de caractère personnel. Les destinataires de ces informations sont les personnes physiques et morales, les organisations sociales (associations de différents types) et les structures publiques elle-même. Il est intéressant de noter que la loi vise expressément « les citoyens » et reste muette quant aux étrangers et aux apatrides.
L’information doit être diffusée par voie de publication officielle pour les actes normatifs, dans les médias, et par internet. Les structures étatiques de différents niveaux doivent mettre en place des sites internet pour diffuser toute une série d’informations dont, en plus de celles de caractère classique visant leurs départements et leurs horaires d’ouverture, on doit pouvoir trouver par exemple, les différents formulaires pour les démarches administratives, les documents à joindre, la liste des achats publics, le régime de contestation des actes administratifs, le résultat des vérifications effectuées dans ces structures étatiques. Ces sites doivent également posséder une adresse électronique, à laquelle tout demandeur peut adresser sa demande d’information. D’autres moyens doivent également être mis en place comme l’organisation de lieux pour recevoir les demandeurs, de bibliothèques ou d’archives. Chacun de ces lieux doit également être équipé d’un accès internet. Il est également prévu que les personnes physiques, les représentants des personnes morales et des associations doivent pouvoir assister aux débats des assemblées collégiales de ces organes.
Toute demande d’information peut être faite sous forme orale, écrite ou électronique. Il n’est pas nécessaire de devoir en justifier le besoin. Cette demande doit être satisfaite dans les 30 jours de son enregistrement et si elle n’est pas adressée à la bonne structure, celle-ci a l’obligation de la faire suivre dans les 7 jours et d’en informer le demandeur. Il faut préciser que la demande ne peut poser la question de la légalité d’un acte administratif.
En cas de violation de son droit, le demandeur a un droit de recours et peut demander la compensation du préjudice subi. Il a le choix entre un recours administratif hiérarchique ou un recours en justice. Les fonctionnaires encourent une responsabilité disciplinaire, administrative, civile et pénale selon le cas et conformément à la législation russe.
La loi fédérale du 22 décembre 2008 garantissant l’accès à l’information sur l’activité des cours de la Fédération de Russie est dans la même logique et a certainement servie de modèle pour l’élaboration de la loi sur l’accès à l’information en matière administrative. En plus des informations classiques concernant la structure des organes judiciaires, les voies de recours, les statistiques, l’intérêt est que toutes les décisions de justice, de tous les types de contentieux, de toutes les instances doivent être accessibles sur internet. Et cela concerne également les décisions des organes non juridictionnels exerçant des fonctions judiciaires, comme les conseils de qualification des juges. Sont évidemment exclues les décisions qui touchent aux intérêts de l’Etat, qui concernent les relations familiales et les intérêts des mineurs. Mais également, par exemple, les décisions concernant l’internement d’une personne dans un centre psychiatrique ou les décisions portant modification du sexe d’une personne sur son état civile. Il peut être refusé de donner une information si, par exemple, elle peut gêner le déroulement d’un procès, si elle peut mettre en danger la sécurité des parties à un procès ou si elle comporte la demande d’interprétation d’une norme juridique.

            2.2 L’indépendance de la justice : la vraie question, les fausses réponses
            Comment rendre une justice indépendante ? La question est ancienne, les réponses furent variées et leur efficacité contestée. Les salaires furent significativement augmentés, les revenus et l’état patrimonial des juges et de leurs proches fait l’objet d’un contrôle, une formation initiale a enfin était mise en place, pourtant le système ne change pas et la population n’a pas confiance en sa justice. Cela tient à plusieurs éléments.
            Tout d’abord, malgré les différents efforts législatifs, la population ne voit pas d’évolution dans la pratique judiciaire et n’a pas le sentiment de pouvoir y trouver la Justice. Le taux d’acquittement, comme cela a été dit, reste stable en dessous d’un pourcent, récemment le Président de la Cour Suprême de la Fédération de Russie a déclaré que 98% des recours adressés demandant réparation du dommage causé suite à la lenteur anormale de la justice sont infondés[37]. Ces pratiques démontrent le caractère purement formel des réformes apportées : il faut mettre le système judiciaire russe en conformité avec les standards européens, mais de toute manière cela n’influe pas sur la pratique judiciaire. Pour mettre les points sur les i, si la Cour européenne des droits de l’homme a été obligée de prendre un arrêt pilote en matière de violation du délai raisonnable, cela démontre une violation systématique et continue des droits des citoyens russes dans ce domaine. Or, la déclaration de V. Lebedev va totalement à l’encontre de la position de la CEDH. Il est évident que la population ne puisse qu’être circonspecte devant une telle démarche nihiliste.
            Au-delà des textes de lois qui se multiplient, la pratique, elle, ne change pas et la subordination des juges à leur supérieur direct, sans même parler de leur subordination au pouvoir, semble presque ancrée dans les gènes. L’affaire du juge Elena Gusseva est en ce sens très représentative. Fin 2008, le juge E. Gusseva a été suspendu de ses fonctions de juge à Volgograd pour ne pas avoir voulu discuter au préalable de ses affaires avec son supérieur. Il est en effet devenu une pratique quasi courante pour les juges de devoir se justifier devant leurs supérieurs pour les décisions qu’ils ont a prendre lorsque les affaires concernent des personnes appartenant à la fonction publique. Ainsi, en 2005, une instruction[38] a été prise obligeant les juges, le matin et le soir, à passer voir le président du tribunal dont ils dépendent afin de discuter au préalable avec lui des affaires qu’ils doivent traiter. Cette instruction contrevenait totalement au statut des juges, qui ne sont nullement obligés de rendre des comptes. Malgré cela, le Conseil de qualification des juges de Volgograd a suspendu le juge Gusseva pour ses refus répétés de se plier aux injonctions qui lui ont été formulées. Selon les paroles de Irina Povolotskaya, présidente de ce Conseil de qualification, « Chacun ne doit pas oublier qu’il est une partie du système judiciaire (...) et voilà que le juge Gusseva considère que elle, elle n’est pas un maillon, mais un juge indépendant ».[39] Tout commentaire est inutile.
            Un autre scandale a également porté une ombre dommageable sur la Cour constitutionnelle fédérale, touchant deux de ses juges les plus indépendants – et peut être les seuls – Vladimir Iaroslavtsev et Anatoly Kononov.[40] Le 31 août 2009, V. Iaroslavtsev a donné une interview au journal El País intitulé « En Russie gouvernent les organes de sécurité, comme à l’époque soviétique ». Dans son interview, le juge constitutionnel, membre du Conseil fédéral des juges dans lequel il représente la Cour constitutionnel, a très fortement critiqué le système judiciaire dans sa totalité, en affirmant notamment que sous la présidence Poutine et celle de son dauphin Medvedev, la justice est devenu un instrument au service du pouvoir exécutif, que les organes législatifs sont paralysés, que le centre de décision se trouve dans l’Administration présidentielle. Il affirme « je me sens au milieu de ruines de justice ». Cette réaction est en partie due à la décision de la Cour constitutionnelle refusant d’examiner le recours de la journaliste Nathalie Morar à qui le FSB avait refusé l’entrée en Russie. Selon V. Iaroslavtsev, « c’est une profanation de la justice, les organes de sécurités peuvent faire tout ce qu’ils veulent et il ne reste plus aux juges qu’à entériner leurs décisions ». Dès la fin des vacances judiciaires, la Cour constitutionnelle se réunit en session plénière fermée et accuse V. Iaroslavstev de violation du Code de l’éthique judiciaire qui interdit, notamment, toute action pouvant affaiblir l’autorité du système judiciaire. Suite au vote, les juges constitutionnels lui ont, dans leur grande majorité, retiré leur confiance et demandé de se retirer de lui-même du Conseil fédéral des juges. Le 1er décembre 2009, Vladimir Iaroslavtsev s’est donc retiré du Conseil des juges de la Fédération de Russie. Toutefois, le juge Anatoly Kononov, bien connu pour le large recours qu’il fait à la technique des opinions dissidentes, s’est prononcé publiquement contre cette affaire dans un interview donné au journal Sobessednik et intitulé « Il n’y a pas de juges indépendants en Russie ». Dans cet interview, le juge Kononov prend la défense personnelle de Iaroslavstev, mais critique également vertement le projet de loi présidentiel adopté en été 2009 selon lequel le président de la Cour constitutionnel ne sera plus élu par ses pairs, mais nommé par le Conseil de la Fédération sur recommandation du Président de la Fédération de Russie, le qualifiant de « particulièrement non démocratique et d’irrespectueux envers la Cour constitutionnelle ». Pour le reste, ses critiques sont similaires à celles que l’on peut trouver dans ses opinions dissidentes (notamment en ce qui concerne les affaires N. Morar et M. Khodorkovsky). Les juges ne lui ont pas pardonné cet excès de franchise – et d’honnêteté – et lui ont proposé de démissionner afin d’éviter une procédure disciplinaire, ce qu’il a fait. Le juge Anatoly Kononov a quitté la Cour constitutionnelle le 1er janvier 2010, et avec lui la Cour a perdu l’un des derniers juges réellement indépendant.
            Le dernier scandale qui entoure la Cour constitutionnelle concernant l’application en Russie des normes de la Convention européenne des droits de l’homme et notamment la question de l’application des décisions de la Cour de Strasbourg provoque un tollé dans la société civile. Encore une fois, le président Zorkine en est à la source. Dans un article publié à Rossiïskaya gazeta le 29 octobre 2010 se prononce fortement contre le fait que la situation juridique en Russie soit dirigée de l’extérieur. En cela, il vise le Conseil de l’Europe et plus particulièrement la Cour européenne des droits de l’homme. Il rappelle la suprématie de la Constitution et des valeurs constitutionnelles russes sur les normes européennes et insiste sur le fait que toute décision de la Cour de Strasbourg ne peut être appliquée en Russie que dans la mesure où elle ne porte pas atteinte aux valeurs constitutionnelles russes, qu’il ne précise pas pour autant. Cet hypothétique conflit est particulièrement intéressant. Tout d’abord, parce que la Constitution russe en tant que tel ne peut en aucun cas être en conflit avec le droit européen. C’est sa mise en œuvre – et la mise en œuvre des valeurs constitutionnelles – par les actes législatifs, par la pratique judiciaire et la pratique administrative qui est en cause. Et en toute bonne logique de hiérarchie classique des normes, ils sont inférieurs aux normes internationales, donc également au droit européen des droits de l’homme. Le plus dangereux est que le président de la Cour constitutionnelle, Valery Zorkine, appelle de ses vœux l’instauration de mécanismes juridiques intérieurs de protection contre le droit européen des droits de l’homme. Pourquoi une telle réaction maintenant ? D’une manière purement pragmatique, l’exécution des décisions de justice européenne a coûté à la Russie en 2009 sept millions deux cent cinquante milles euros. Mais trouver une raison dans ces chiffres, même faramineux, semble peu réaliste. En revanche, la Russie est souvent condamnée pour les exactions commises en Tchétchénie[41], bientôt doit intervenir l’arrêt concernant l’affaire Iukos – sujet particulièrement sensible en Russie surtout dans l’attente du sort du deuxième procès contre Lebedev et Khodorkovsky, sans oublier que la Cour a accepté la requête du parti communiste et d’autres partis politiques russes concernant les élections législatives passées de 2003[42]. La peur panique de ce qui touche aux affaires et aux élections (et les questions sont étroitement liées) a atteint un tel niveau d’absurde que les analystes y voient souvent les raisons de la sortie médiatique de V. Zorkine.[43] Toutefois, l’affaire ne serait pas si grave si elle s’arrêtait là. Mais le Président Medvedev, considéré comme le plus grand juriste de Russie, la veille du jour de la Constitution, en recevant le président de la Cour constitutionnelle à l’occasion de cet évènement n’a rien trouvé de mieux que de renforcer la position de V. Zorkine[44]. En substance, V. Zorkine déclarait que, contrairement à ce qui avait été souvent dit, le problème n’est pas de savoir s’il faut ou non exécuter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, mais de savoir où est la frontière entre la compétence des juridictions nationales et celle de la Cour de Strasbourg. C’est en effet une chose, selon lui, de résoudre un cas concret et de prendre des mesures individuelles, c’en est une autre de prendre des décisions contenant des mesures d’ordre général, notamment quand une loi est critiquée et qu’il est demandé de la modifier. Sur quoi, D. Medvedev, soutenant totalement la position de Zorkine, enfonce encore le clou en déclarant qu’en ce qui concerne les rapports entre la Russie et le CEDH, la Russie n’a jamais délégué une part de sa souveraineté à une quelconque juridiction internationale lui permettant de prendre des décisions modifiant la législation nationale.
            La position de la Cour constitutionnelle ces derniers temps a beaucoup évolué. Hélas, l’évolution se fait dans le sens d’une plus grande soumission au pouvoir puisque le Président de la Cour est maintenant nommé par le Conseil de la Fédération sur proposition du Président de la Fédération de Russie pour un délai de 6 ans renouvelable[45], et que celui-ci semble lui dicter sa politique juridictionnelle. D’une manière générale, il manque aux juges en Russie pour permettre une réelle indépendance de la justice une conscience professionnelle qui les conduisent à se comporter justement comme des Juges et non comme de simples fonctionnaires au service du pouvoir, il leur manque une volonté réelle de prendre leurs responsabilités et non plus de se cacher derrière leur supérieur.

            2.3 La lutte contre la corruption : comment un système peut-il lutter contre lui-même ?
            Le niveau de corruption en Russie prend une dimension systémique. C’est tout le système d’Etat qui est atteint, portant un coup fatal à l’efficacité potentielle de toute réforme profonde. Pour information, le Comité d’enquête de la Procurature a déclenché en 2010 à peu près 11,5 milliers de poursuites pénales pour corruption à l’égard des dirigeants d’organes devant assurer la sécurité au sens large du terme et à l’égard de hauts fonctionnaires. Il y a eu, parallèlement, plus de 31 000 plaintes déposées pour corruption en 2010. Ces affaires concernent, notamment, 71 enquêteurs des organes du ministère de l’Intérieur, 3 enquêteurs des services de lutte anti-drogue, 11 enquêteurs du Comité d’enquête de la Procurature fédérale, 13 procureurs, 35 avocats. On compte également 8 plaintes contre des membres de commissions électorales, 214 plaintes contre des députés d’organes de l’auto administration locale, 217 plaintes contre des élus dans les organes régionaux, 11 députés locaux, 1 député fédéral et 2 juges.[46] Ce phénomène est conforté par le rapport de l’Agence Transparency international, selon lequel 26% des russes dans l’année écoulée ont été obligé de payer un pot de vin. Le plus souvent, les secteurs visés sont le médical, la police, la justice et les écoles. A la question posée, qui peut combattre avec efficacité la corruption en Russie, pour 46% des personnes interrogées, personne.[47]
            Un domaine de l’activité étatique est particulièrement propice, celui des marchés publics, en plus de l’armée et de l’agriculture. Selon le rapport de la section de la surveillance du ministère des finances, en 2010, la somme totale soustraite au budget est de l’ordre de 1,2 milliards de roubles pour la seule ville de Moscou. Le rapport souligne que, à Moscou, il existe des problèmes systémiques liés au financement des contractuels, puisque dans la chaîne contractuelle sont également inclus un certain nombre d’intermédiaires et il en résulte que la somme prévue versée au début de la chaîne du paiement ne correspond pas à celle perçue par le destinataire du paiement, une partie du budget disparaissant ainsi. Selon, Oleg Zykov, membre de la Chambre sociale, le problème de l’inefficacité de l’utilisation des ressources publiques est en grande partie due à l’existence de monopoles dans les sphères liées au développement économique et social. Ainsi, toujours pour Moscou, le système de corruption est organisé de telle manière qu’il puisse couvrir l’ensemble des mécanismes juridico-économiques pour que l’argent puisse être ensuite réparti entre les « participants ». Cela s’appelle le système de « otkaty», selon lequel un contrat officiel est conclu entre une personne publique et une personne privée, souvent dans le domaine des constructions ou des prestations de services, contrat qui prévoit un prix. Il est officiellement convenu entre les participants qu’une partie de la somme versée par la personne publique sera reversée par le cocontractant sur des comptes privés appartenant à des fonctionnaires. Si le cocontractant refuse, il est écarté de la procédure de marché public et un autre partenaire plus conciliant prendra sa place.[48]
Les réactions officielles face à ce phénomène de corruption, qui touche toute la Russie et pas seulement Moscou, sont quelque peu déconcertantes. Ainsi, le Président Medvedev a proposé dans son message annuel de revenir sur la responsabilité pénale des fonctionnaires pour corruption, ôtant par la même toute possibilité d’emprisonnement, pour leur faire payer une amende proportionnelle au montant touché par eux.[49] Dans la mesure où les faits de corruption sont très difficiles à prouver, le Président propose donc en définitive de « légaliser » les pots de vin en faisant payer aux fonctionnaires peu sourcilleux une sorte de taxe les dédouanant de toute responsabilité pénale. C’est un joli cadeau de fin d’année... Une autre réaction, d’origine parlementaire cette fois, est la préparation d’un projet de loi par le ministre de l’Intérieur modifiant l’article 82 du Code pénal et permettant aux professionnels du commerce et des milieux d’affaire qui ont payer un pot de vin d’en demander le remboursement après décision de justice. Cela concerne les sommes d’argent ou les biens pris illégalement lors des opérations de contrôle menées par les forces de l’ordre et par toute structure étatique. Si l’idée est bonne, la question du temps écoulé entre la perte d’un bien et sa restitution reste dommageable à l’effectivité du mécanisme, sans parler de l’indépendance du judiciaire[50].
            Dans le domaine des achats publics, le chef de l’Etat a été obligé de renvoyer 18 hauts fonctionnaires du ministère de la défense, dont le premier vice-directeur de l’état major des forces armées, Alexandre Burutine, qui s’occupait des achats publics pour l’armée. Il faut souligner que pendant longtemps, le renvoie de A. Burutine n’a pas été possible en raison de son parcours professionnel – il fut conseiller de V. Poutine lorsque ce dernier était Président.[51]
            Une récente déclaration issue du cercle présidentiel provoque également un mouvement de consternation, puisqu’elle rend stérile le contrôle des déclarations de revenus des députés. En effet, selon le chef de l’Administration présidentielle, S. Narychkine, la vérification des biens et revenus déclarés par les députés sera effectuée par une commission parlementaire, donc par les parlementaires eux-mêmes.[52] Il faut dire que pour l’instant, aucune sanction officielle n’a été prise sur ce fondement. On notera que la déclaration des revenus par les membres du Conseil de la Fédération a apporté également de grandes surprises. Plusieurs membres sont en effet, personnellement, milliardaires ou millionnaires en roubles, et leur conjoint également. Quant à leur patrimoine, il correspond difficilement au salaire versé pour l’accomplissement de leurs fonctions étatiques ...[53]
            Les récentes évolutions de la situation sociale démontrent, s’il en est encore besoin, le danger pour l’Etat, que représente cette corruption organisée et généralisée, puisque l’activité des organes étatiques s’en trouve désorganisée et que, parfois, la population, tend à rendre justice elle-même, de manière aveugle et sommaire. Si les exemples sont nombreux, on en retiendra deux particulièrement significatifs.
            Les habitants de la ville de Gus-Kristal, dans l’oblast de Vladimir, ont envoyé une lettre au Premier ministre en lui demandant son aide. Ils se plaignaient d’une corruption généralisée des forces de l’ordre de leur ville, qui utilisaient leurs pouvoirs pour racketter les entreprises locales, ne pas donner suite aux plaintes, etc. Tout d’abord, le Premier ministre a enjoint le département de police de l’Oblast de Vladimir de mener une enquête suite aux faits dénoncés par la population, mais les forces locales se sont trouvées confrontées à la loi du silence et à la peur de la population. Sur demande du Président de la Fédération, le Procureur général s’est saisi de cette affaire et s’est rendu sur place pour rassurer la population. Le directeur de la police de la ville ainsi que le chef de la police criminelle ont été démis de leurs fonctions et les langues se sont déliées.[54] La situation s’est stabilisée, comme toujours ces derniers temps, non grâce au fonctionnement normal des institutions, à la mise en œuvre des mécanismes juridiques existants pour régler ces problèmes, mais suite à l’intervention personnelle soit du Président de la Fédération, soit du premier ministre. C’est ce que les russes appellent  le système de « rutchnogo upravlenia » ou système de gouvernance manuelle et les tentatives d’adopter des mesures législatives efficaces ne sortent pas des bureaux de la Douma[55].
            Le 7 décembre 2010, suite à une bagarre entre des supporters du club de foot Spartak Moscou et des ressortissants du Caucase, le supporter Egor Sviridov est trouvé mort par balles. La police arrête six personnes ayant participées à ce combat et soupçonnées d’avoir un lien avec la mort du supporter de foot. Ils sont amenés au poste de police. Tout aurait pu finir dans le calme, si la justice avait suivi son cours. Mais devant les yeux des supporters qui attendent devant le poste de police, des voitures arrivent en début de soirée et des membres de la diaspora caucasienne en sortent, puis rapidement repartent avec les six suspects, sans autre forme de procès. Les supporters voient rouge et au lendemain manifestent devant les locaux du comité d’enquête, dont l’un des représentants, à leur connaissance, a pris la décision de refus de saisir le juge en vue d’une détention provisoire. Dans la foulée, ils bloquent l’avenue Leninsky, forçant les autorités publiques à de nouveau arrêter un des six suspects, présumé être le principal auteur. Les autres disparaissent. Les pouvoirs voulant calmer la situation, lancent un avis de recherche à l’encontre des cinq autres. Le 11 décembre, lors de l’enterrement de Egor Sviridov, des milliers de personnes se retrouvent sur le lieu de sa mort, avec des fleurs. Mais en peu de temps, le ton change et sur la place du Manège, juste en face du Kremlin, un véritable pogrome débute. Ayant troqué les fleurs pour des attributs beaucoup mieux appropriés, plus d’un millier de personnes frappent sur tout ce qui peut ressembler à un caucasien, hurlant la Russie aux russes, et rapidement se propagent dans les rues attenantes et dans le métro. La police est totalement débordée, des centaines de personnes sont blessées et 65 arrêtées.[56] A Saint Petersburg des manifestations ultranationalistes ont également lieu, et se développent les jours suivant dans d’autres villes de Russie. Suite à cela, sur internet a commencé à se propager l’annonce d’une manifestation à l’initiative des ressortissants des républiques du caucase du nord en réponse, prévue pour le 15 décembre à Moscou sur la place de la gare de Kiev.[57] Dès le début de la matinée, la place était remplie par les forces de l’ordre, casquées et matraques à la main. Toutefois, rien de semblable n’a eu lieu. Cette fois, la police a pu arrêter près de 2000 personnes. La réaction des dirigeants est alors consternante. Le Président déclare que ces jeunes gens ne doivent pas être éduqués, mais emprisonnés[58] et le chef adjoint de l’administration présidentielle, Vladislav Surkov, que les évènements du 11 et du 15 décembre sont le résultat direct des manifestations qu’organise l’opposition[59], manifestations qui ne sont pas autorisées et, toujours selon V. Surkov, poussent les gens paisibles à la révolution.[60] Après plusieurs manifestations dans différentes villes russes et notamment à Moscou, après les appels au calme lancé par les politiques, les représentants de la diaspora caucasienne, les représentants des différentes confessions et à l’approche des fêtes de fin d’année, la situation se calme, mais des résurgences se font voir périodiquement. Les médias s’interrogent toujours sur la dimension prise par ce conflit. Le Président Medvedev a souligné la corruption de la milice et la nécessité de la réforme en cours. Tous se sont inquiétés sur les dangers des conflits interethniques dans un Etat multiethnique comme la Russie. Mais d’autres ont souligné l’étrangeté des manifestations du 15 décembre, où chacun attendait « gentiment » de se faire arrêter par la police qui a pu ainsi démontrer, avec quelque retard son efficacité, se faire féliciter par le Président et par le Premier ministre. Premier ministre qui, par ailleurs, s’est joint aux supporters fin décembre pour aller déposer des fleurs sur la tombe de E. Sviridov. Il ne faut pas oublier que les supporters de foot, très à droite, sont une force avec laquelle le pouvoir entend compter.

            2.4 La police – la milice : quelle différence ?
            La milice est l’organe étatique qui a la plus mauvaise réputation en Russie ... et qui l’entretient à merveille. Les exactions des forces de l’ordre sont légions et il est vain de vouloir les recenser[61]. Juste pour 2009, plus de 200 personnes sont mortes en détentions préventives suite à des exactions des forces de l’ordre. Dans son activité, la milice est souvent accusée de corruption, comme cela a été montré précédemment. Par ailleurs, elle bénéficie du soutien de l’appareil judiciaire et il est souvent difficile pour la victime d’une infraction commise par un agent des forces de l’ordre de pouvoir défendre ses droits devant un tribunal impartial et indépendant. Par exemple, le 8 janvier 2009, un officier des forces de l’ordre intervient lors d’une manifestation à Ekaterinbourg pour mettre fin à l’activité de Y. Basok qui prenait des photographies. Il le frappe au visage et sur le cou, casse son appareil photo. Le 21 décembre 2009, le tribunal local, suite à une plainte de M. Basok, clos l’affaire contre le policier au motif que le ministère public n’a retenu aucune charge contre lui. Le recours contre cette décision en a simplement apporté la confirmation, ni l’appel ni la cassation n’ont mis en cause les agissements du milicien. L’année suivant les premiers faits, le 31 janvier 2010, Basok fut arrêté par les forces de l’ordre lorsqu’il se rend à une manifestation organisée par le Parti communiste pour la défense des droits des retraités, au motif qu’il ressemble à un criminel recherché. Il ne peut alors joindre son avocat car son téléphone portable lui est retiré par les miliciens. Au poste, ses papiers d’identité lui sont également enlevés, le tout pour vérification. Trois heures plus tard, à la fin de la manifestation, il est relâché.[62] La presse regorge de ce genre d’exemples et les pouvoirs publics en sont parfaitement conscients. Afin de redorer l’image de la milice – et d’en renforcer l’efficacité – le Président Medvedev a déposé le 7 août 2010 un projet de loi sur la Police, publié le même jour dans Rossiïskaya gazeta[63]. Après une très large consultation populaire, essentiellement par l’intermédiaire d’internet[64], le projet a été sensiblement modifié, bien qu’il ne puisse toujours, pour l’instant, être adopté.
            Ainsi, le premier bloc de règles posé par le projet de loi concerne le rôle et la place de la police dans la société: il s’agit de la protection des citoyens et de la société, dans le respect des droits et des libertés de l’homme et des citoyens. Par ailleurs, si un citoyen s’adresse à la police pour une question qui ne relève pas de sa compétence, elle doit alors le réorienter vers l’organisme compétant. Autre point, afin de garantir l’égalité de tous devant la protection policière, les membres des forces de l’ordre n’ont pas le droit d’être membre d’un parti politique, de participer à leurs activités ou de les soutenir. Ils ne peuvent ainsi exercer leurs fonctions différemment en fonction de l’appartenance politique, religieuse ou des convictions sociales des personnes concernées. Le deuxième bloc concerne le travail concret de la police. Il s’agit avant toute chose de l’aide aux victimes. En ce sens, et vu la manière dont les requêtes des citoyens sont en général traitées, les policiers seront obligés d’informer les victimes au moins une fois par mois de l’avancement des recherches. De la même manière, il est interdit aux forces de l’ordre d’enjoindre les victimes à des actions illégales. Ils ne peuvent s’appuyer que sur les prérogatives reconnues par les textes de loi. Ce bloc concerne également la défense des droits des personnes arrêtées. Toute personne arrêtée doit avoir connaissance de ses droits et sa détention ne peut excéder 48 heures (le délai court à partir du moment où la personne se trouve non pas en détention préventive, mais à partir du moment où elle est réellement privée de liberté). Il a également été introduit une norme donnant le droit à un coup de téléphone aux proches parents ou amis de la personne arrêtée. De plus, afin de lutter contre les mauvais traitements lors de la détention, la personne arrêtée doit subir un examen médical avant et après sa détention préventive, qui seront joints au dossier.[65] En ce qui concerne les pouvoirs de la police lors du contrôle exercé sur l’activité des citoyens ou des associations, les agents des forces publiques ne pourront contrôler que les documents préalablement envisagés et non plus « tout autre document », comme cela est le cas actuellement. Ils perdent également le pouvoir d’initier un contrôle des documents financiers de ces associations. Toutefois, des dispositions semblables ont déjà été introduites en 2009 dans la loi sur les organisations sociales, comme cela sera vu plus loin. Afin de protéger également l’inviolabilité du domicile, l’entrée des forces de polices sur un espace privé sera fortement réglementée, mais par des actes réglementaires. Il est posé le principe de l’interdiction pour les forces de l’ordre d’accorder l’entrée de toute personne étrangère à la procédure sur la propriété privée concernée et l’utilisation de la force sera également scrupuleusement réglementée par voie réglementaire. Cet aspect sera non seulement susceptible d’un contrôle par la Procurature, comme cela est le cas actuellement, mais également d’un contrôle judiciaire. Le troisième bloc de mesures concerne le travail des conseillers sociaux auprès du Ministère de l’Intérieur et leur compétence. L’institution des conseillers sociaux, pour la première fois, peut trouver un cadre juridique. Il est précisé qu’ils doivent constituer un lien entre les forces de police et la société, faire circuler l’information et améliorer l’efficacité du travail de police dans l’idée de l’institutionnalisation d’un contrôle de la société sur les activités de police. Afin de contrebalancer le risque induit par une bureaucratisation du contrôle exercé par la société et un excès de loyalisme de sa part, un monitoring  doit être réalisé régulièrement afin d’évaluer le niveau de satisfaction de chaque population dans les régions, ce qui deviendra le critère fondamental d’évaluation de la qualité du travail effectué par les forces de police. Le quatrième bloc concerne les différentes formes que doit revêtir le travail de police. L’accent doit être mis sur la prévention et sur les aspects sociaux. Afin de renforcer l’efficacité du travail de police, un contrôle particulier doit être exercé sur le recrutement, la formation, la réorganisation des services et le suivi du travail afin d’évincer tout élément pouvant porter préjudice au prestige de la fonction. En ce sens, la dénomination de police à la place de milice doit être un signe fort de volonté de réintégrer l’institution dans un mode de fonctionnement normal des forces de police.
            Pour compléter la loi sur la police, le Président a également demandé que soient aborder par des lois séparées et la question de leur responsabilité, et la question des garanties sociales dont ils peuvent bénéficier.
            Ce projet de loi peut constituer une réelle avancée dans le processus de normalisation des institutions en Russie, mais il est très loin d’apporter une réponse globale et systémique au problème que constitue la position des forces de police – dans le sens normal du terme – dans leurs rapports au judiciaire. On notera en ce sens certains manques, surtout le fait que le projet ne revienne pas sur le cumul de fonctions de police et de fonctions judiciaires par les agents de police, quelle que soit leur dénomination. On notera également avec regret le fait que les forces de police puissent intervenir lors du processus électoral, dans le but affiché de lutter contre l’extrémisme. Dans la mesure où en Russie toute activité politique normale d’opposition est souvent associée à de l’extrémisme, certaines inquiétudes ne peuvent être écartées[66]. Par ailleurs, la question de la réforme de la police pose des questions substantielles au regard du choix idéologique qui a été fait, à savoir une réforme essentiellement organique qui maintient les déformations pénales processuelles issues du droit soviétique. Il s’agit notamment de l’absence de distinction claire entre police administrative et police judiciaire ou du fait d’ouvrir une enquête pénale par une décision motivée portant qualification juridique des faits avant le début officiel de l’enquête policière.[67] Pour terminer sur une note positive, même si la loi n’apportera essentiellement qu’un changement de nom, de milice à la police, ce changement est déjà en lui-même fondamental pour inscrire le développement de la Russie dans une perspective européenne, en reprenant l’appellation « police » qui existait sous l’Ancien régime russe et avait été modifié en « milice » par les Bolcheviks. 

3. La scène électorale
            Comme toujours en Russie, l’analyse d’un concept juridique, en l’occurrence celui des élections, conduit à une dichotomie très forte entre la volonté affichée de réformes législatives (3.1) et des pratiques démontrant un réalité tout à fait contraire (3.2). Toutefois, comme cela a été déjà précisé concernant d’autres aspects du droit russe contemporain, les évolutions législatives permettent au moins de mettre en place des instruments qui pourront servir ... en des temps plus cléments.

            3.1 Les réformes législatives en matière électorale
            Le droit électoral a subi de nombreuses réformes législatives depuis fin 2008. L’idée générale – et affichée – est d’assainir la pratique électorale en luttant contre la fraude, les pouvoirs publics comprenant qu’un système ne peut fonctionner qu’avec des élections « propres » qui le légitiment.
            La première loi en la matière qui a été adoptée sous la présidence Medvedev, concerne la modification de la loi du 10 janvier 2003 n° 20-FZ sur diffusion du système électronique de vote appelé « Vybory » [Elections][68]. L’apport essentiel de la loi est de prévoir la création d’un centre fédéral informatisé auprès de la Commission électorale centrale, qui en aura le contrôle et dont les membres seront nommés par elle. Sur son blog, le Président Medvedev parle avec beaucoup d’enthousiasme de la généralisation de l’informatisation de la gestion du décompte des votes. Il est surprenant, comme l’ont remarqué certains internautes – et qui n’ont pas eu de réponses – qu’une significative accélération du processus d’informatisation des commissions électorales aura lieu ... après 2012. En effet, en 2010, environ 5% des commissions électorales sont informatisées. Le chiffre doit passer à 15% en 2012 et 100% en 2015.[69]
            Toujours en ce qui concerne les procédures de vote, le régime des votes dans une autre circonscription territoriale a été réencadré par une loi spéciale. En effet, cette technique électorale est très souvent utilisée pour gonfler artificiellement les résultats électoraux de certains candidats. Ces votes permettent à toute personne, ayant en sa possession un bulletin l’y autorisant, de voter dans n’importe quel bureau de vote de la Fédération de Russie et non là où elle a sa résidence permanente, ce qui rend très difficile la vérification du fait qu’elle n’ait pas déjà voté sur son lieu de résidence ou qu’elle n’ait pu obtenir frauduleusement plusieurs bulletins. La loi du 4 octobre 2010[70] doit permettre d’en réguler le procédé. Elle renforce notamment la responsabilité pénale des fonctionnaires qui auraient favorisés la fraude électorale en prévoyant une interdiction d’exercer certaines fonctions déterminées et également certaines activités pour une période allant de 2 à 5 ans (modification de l’article 142 du Code pénal). La responsabilité administrative des membres de commissions électorales est également renforcée. Sur le plan de la mise en cause de leur responsabilité, le fait de donner un bulletin pour permettre à une personne de voter à la place d’une autre, de donner plusieurs bulletins ou de donner un bulletin pré rempli va engager leur responsabilité administrative. Ils seront soumis à une amende allant de 2000 roubles à 3500 roubles. Le fait d’accepter de tels bulletins entraîne également la responsabilité administrative des membres de la commission électorale visée, qui sont alors susceptibles d’être condamnés à payer une amende allant de 1000 roubles à 3000 roubles. On notera simplement que la somme dérisoire des amendes pourra difficilement avoir un effet dissuasif sur les membres des commissions visées, qui n’agissent pas à titre désintéressés. D’autres dispositions, dont la capacité objective de réalisation laisse dubitatif, concernent, par exemple, le fait que les bureaux électoraux dans les aéroports et les gares doivent avoir en avance la liste des personnes qui doivent y voter. La décision d’octroyer un bulletin à une personne est prise par une commission spéciale, sur demande motivée de l’intéressé. Le bulletin lui est alors remis personnellement avec indication de ses données personnelles, de son lieu originaire de vote et avec indication de l’élection ou du référendum auquel il va participer. La personne qui a délivré ce document doit également indiquer ses nom, prénom, patronyme et sa fonction. 20 jours avant les opérations de vote, les commissions électorales s’informent entre elles des modifications concernant le lieu de vote des personnes qui dépendent territorialement d’elles. Ces personnes sont alors temporairement exclues de leur liste électorale d’origine. En cas de perte, la commission électorale doit immédiatement lui en fournir un autre, sur ce point il faudra faire attention aux pratiques frauduleuses. Cette procédure est également compatible avec celle des votes anticipés.
            La loi fédérale du 31 mai 2010[71] modifie, quant à elle, le régime du vote anticipé dans les organes de l’auto-administration locale et dans le domaine des référendums au niveau local. A titre exceptionnel, la commission électorale peut autoriser certains électeurs à participer aux opérations de vote dans les 15 jours précédant le jour officiel du vote. Il s’agit notamment des personnes ou groupe de personnes se trouvant dans des lieux particulièrement isolés, ne bénéficiant pas de moyens de transport pour aller dans des bureaux de votes éloignés ou ne bénéficiant pas de moyens de communications permanents. Il s’agira également des personnes se trouvant en déplacement pour raison professionnelle, en vacances, dans l’incapacité de voter à la date prévue pour raisons de santé ou pour raison de service d’Etat. La procédure détaillée est particulièrement complexe. La personne autorisée à voter par anticipation, pour simplifier, met alors son bulletin dans une enveloppe scellée, signée par elle, contresignée par deux membres de la commission électorale dont les signatures doivent être authentifiées par un tampon de la commission électorale, enveloppe qui est alors gardée par le secrétaire de la commission visée jusqu’au jour des opérations de vote. A côté du nom de famille de la personne autorisée à voter par anticipation, il est indiqué sur les listes électorales qu’elle a déjà voté.
            En ce qui concerne la question de l’enregistrement des candidatures aux élections, question particulièrement sensible en Russie, plusieurs lois en 2009 et 2010 sont venus apporter des modifications. Il s’agit tout d’abord de la loi du 3 juin 2009[72] qui vise la réduction du nombre de signatures nécessaires à la candidature à la députation aux élections de la Douma fédérale, ainsi que la précision des fondements pour l’enregistrement des candidatures aux élections dans les organes du pouvoir d’Etat et de l’auto-administration locale. Les candidats dont les partis sont représentés dans les organes de plus d’un tiers des Sujets de la Fédération n’ont pas besoin de réunir de signatures. La liste des partis bénéficiant de cette mesure doit être diffusée sur le site officiel de la Commission électorale centrale. Cela concerne également le candidat aux élections présidentielles. Pour les autres partis, ils doivent réunir tout d’abord 150 milles signatures, puis 120 milles à l’élection suivante à la Douma d’Etat. On soulignera également l’adoption de la loi du 9 février 2009[73]qui supprime l’exigence d’une caution électorale. Quant à la loi du 1er juillet 2010[74] elle permet d’harmoniser sur tout le territoire de la Fédération de Russie les conditions formelles pour être candidat à une élection ou à un référendum. Certaines candidatures ayant pu être rejetées pour des raisons aussi ridicules qu’une absence de code postal ou une mauvaise inscription des données du passeport, la loi prévoit que les données indiquées sur le passeport comme l’autorité qui l’a délivré par exemple ne sont plus obligatoires. Ainsi, il est précisé que le refus de reconnaître la candidature d’une personne à des élections ne peut se fonder que sur la loi fédérale. Les lois locales ne peuvent donc venir modifier les exigences. Reste la question de l’authentification de la signature, qui a souvent servi à refuser l’enregistrement à des candidats de l’opposition et qui n’a pas été réglée par ces lois récentes.
            En ce qui concerne l’augmentation des représentants des électeurs dans les organes législatifs des Sujets. Cet aspect du droit électoral a été modelé, essentiellement, par la loi du 5 avril 2010[75] qui a modifié l’article 4 de la loi fédérale sur les principes généraux de l’organisation des organes législatifs et exécutifs du pouvoir d’Etat des Sujets de la Fédération de Russie du 6 octobre 1999 n°184-FZ. Ainsi, le nombre de députés dans les organes législatifs des Sujets doit dépendre du nombre d’électeurs enregistrés dans chaque Sujet : de 15 à 50 députés pour moins de 500 milles électeurs, 25 à 70 députés pour une frange d’électeurs allant de 500 milles à un million, de 35 à 90 députés pour une frange d’électeurs allant de un million à deux millions et de 45 à 110 députés pour plus de deux millions d’électeurs.

            3.2 Une pratique largement liberticide
            Même si les maires, à la différence des chefs des Sujets de la Fédération, sont élus directement par la population, ils ne sont pour autant pas à l’abri de revirements brusques quand leur comportement n’apporte pas toute satisfaction. Prenons quelques exemples :
1) Les élections municipales du 25 mai 2008 dans la ville de Arkhangelsk ont été remportées par la moscovite Larissa Bazanova (37,55 %), soutenue les forces locales. La deuxième place était occupée par le candidat Edinaya Rossiïa Viktor Pavlenko (37,41%). Le 28 mai, la Commission électorale locale annonce un recompte des bulletins à cause d’une fraude de grande envergure. Résultat : Viktor Pavlenko est déclaré vainqueur avec 145 voix d’avance.
2) Le 1er mars 2009 aux élections du maire de la ville de Smolensk est élu le chef d’une entreprise locale, Eduard Katchanovsky (28,5%), précédemment exclu du parti Edinaya Rossiïa en raison de sa trop grande indépendance. Le 26 février 2010, il est arrêté pour soupçon de corruption. Le 1er juin 2010 la Cour de l’Oblast annule le résultat des élections en se fondant sur le fait que le vainqueur a cumulé ses fonctions électives avec ses activités d’entrepreneurs. Dans le même temps, le Conseil municipal modifie le Statut local et annule l’élection directe des maires dans la ville.
3) Le 15 mai 2009, au deuxième tour des élections à Mourmansk, gagne le candidat indépendant Sergueï Subbotine avec plus de 60% des voix. Lors de sa visite à Mourmansk, le 19 avril 2010, le Premier ministre Vladimir Poutine critique vertement la gestion de la ville, surtout en ce qui concerne le système d’entretient des immeubles (chauffage, eau ...). Le 3 juillet, le Conseil municipal le démet de ses fonctions en raison du caractère non satisfaisant de son travail.
            Les élections législatives locales du 11 octobre 2009 ont été l’objet de falsifications de masses, à tels point que les députés de la Douma d’Etat (à l’exception évidente des députés Edinaya Rossiïa) ont démonstrativement quittés l’hémicycle pendant plusieurs jours. Suite aux résultats à Moscou, le parti Edinaya Rossiïa a évincé presque tous les autres partis. Il faut préciser que la Douma de Moscou se compose en partie de députés élus à titre individuel et d’autres en fonction d’un scrutin de liste. Edinaya Rossiïa a remporté les 17 sièges attribués à titre individuel. En ce concerne le score des partis, il est le suivant :
-        LDPR : 6,13%
-        Patrioty Rossii : 1,81%
-        Edinaya Rossiïa : 66,25%
-        PC RF : 13,30%
-        Spravedlivaya Rossiïa : 5,33%
-        Iabloko : 4,71%
Sur les 18 sièges à distribuer, 15 furent attribués aux candidats Edinaya Rossiïa et 3 aux candidats communistes.
            En dehors des problèmes posés par les pratiques parfois douteuses liées à l’apparition de nouvelles urnes juste avant le décompte des votes dans les commissions électorales, par les pressions exercées sur les lieux de travail dans certaines structures, par « l’incitation » au vote des personnes sans domicile fixe, par l’augmentation du nombre de votes anticipés et votes en dehors de sa circonscription électorale, se pose également le problème de l’enregistrement des candidats. A ce sujet, nous ne donnerons que deux exemples, les cas sont trop nombreux pour pouvoir tous les recenser.
1) La législation sur les élections, selon la loi du 12 juin 2002 n° 67-FZ, oblige les candidats travaillant dans les masses médias à suspendre leur activité professionnelle lors de leur participation au processus électoral et de présenter à la Commission électorale dont ils dépendent un copie de l’acte certifiant la cessation de leur activité professionnelle avant l’enregistrement de leur candidature. Irina Letemina, candidate à la députation de la Douma de Sysertskoy, a présenté un recours devant la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie en se fondant sur l’inconstitutionnalité de cette disposition l’ayant empêché de déposer sa candidature le 23 mai 2008. Mais le secrétariat de la Cour a refusé d’examiner sa requête, argumentant du fait que son recours n’est pas conforme aux exigences de la loi sur la Cour constitutionnelle dans le sens où les décisions des juridictions inférieures ne traitent pas directement de la question juridique posée par le requérant devant la juridiction constitutionnelle.[76]
2) Sergueï Plekhov a voulu posé sa candidature à la députation auprès de la Commission électorale de Koriajemskaya. Comme il ne pouvait pas réunir les signatures nécessaires, il a ouvert un compte de campagne et y a déposé la somme fixée par la législation électorale. Après quelques jours, il apprend qu’une réunion est fixée pour les candidats, mais n’est pas prévenu par la Commission électorale dont il dépend. Il apprend alors que, ayant oublié d’indiquer sa date de naissance, son dossier n’a pas été enregistré et personne ne lui a demandé de compléter sa demande. Sur pression du président de la Commission, les membres lui adressent un refus officiel le 19 janvier 2009.[77]
            La pratique électorale montre la peur panique de l’équipe en place de risquer de devoir partager le pouvoir, sans même parler de le perdre. Tous les moyens sont donc mis en place pour limiter l’accès de personnes indépendantes ou de personnes d’opposition. Cette incapacité à permettre un changement normal et démocratique des élites politiques affaiblit largement l’Etat en tant que tel, tout en donnant une impression fausse de force incroyable, monolithique. L’incapacité des gouvernants russes à intégrer un dialogue contradictoire dans leur mode de gouvernance se remarque de manière encore plus forte dans les rapports entretenus entre le pouvoir et la société civile.

4. Le pouvoir et la société civile

            Le pouvoir en place a compris qu’il ne pouvait plus nier l’existence – ni le rôle – de la société civile. Devant en tenir compte, mais ne pouvant prendre le risque de la laisser se développer librement, il tente de mettre en avant une dichotomie bien arrangeante. Il existerait une société civile « fréquentable » dont les membres peuvent être intégrés dans divers comités ou commissions, peuvent fonder des instituts d’analyse politico-économique (comme l’INSOR), qui peuvent constituer des associations à but social, voire même organiser « spontanément » des contre-manifestations. Cette société civile permet de montrer à l’étranger que la situation en Russie est normalisée et ainsi de couper court à toute critique. Les journalistes parlent tous de politique, des activités de Medvedev, des activités de Poutine, puis encore des activités de différents élus membres du parti Edinaya Rossiïa en toute liberté ... et sans aucune originalité pour la plupart (on notera une certaine indépendance des émissions d’informations sur la chaîne Ren TV). Il est ainsi possible d’enchaîner les trois journaux télévisés, qui se suivent sur les trois grandes chaînes de télévision (NTV, puis Rossiïa et enfin Pervyi kanal), et d’en rater un passage sur l’une pour de toute manière le retrouver sur l’autre avec les mêmes commentaires. La difficulté est qu’il existe une autre part de la société civile, beaucoup moins policée et donc bien moins fréquentable. Cette société civile là se voit la cible d’une campagne de discréditation constante, ses membres sont régulièrement arrêtés, emprisonnés pour de courtes périodes et leur champ d’expression est souvent réduit à internet et dans une moindre mesure la presse écrite. Comme cela a déjà été dit à plusieurs reprises, mais il est important d’insister, l’élite politique dirigeante est trop faible – notamment intellectuellement – pour pouvoir se permettre de laisser émerger non seulement une contestation qu’elle ne peut gérer puisqu’elle a affaiblie avec elle les structures étatiques – notamment la police et la justice qui ne fonctionnent presque plus que sur ordres directs – mais surtout elle ne peut se permettre de laisser émerger un projet politique alternatif qui ne lui reconnaîtrait plus un monopole du champ politique et économique, les deux étant beaucoup trop liés. L’ambiguïté des rapports entre le pouvoir et la société civile sera vue à travers certains de ses modes d’expression : les commissions et conseils auprès du Président (4.1), les associations (4.2), les manifestations (4.3) et la liberté de communication (4.4).

            4.1 Les commissions et conseils auprès du Président de la Fédération
            On dénombre 12 Conseils et 10 Commissions auprès du Président de la Fédération de Russie. Il s’agit des Conseils pour la lutte contre la corruption[78], pour le développement conjoint des institutions de la société civile et des droits de l’homme[79], pour les affaires concernant les invalides[80], pour le développement des moyens de communication[81], pour le développement du marché financier[82], pour le développement de l’auto-administration locale[83], pour la science, les technologies et l’enseignement[84], pour la culture et l’art[85], pour le développement de la culture physique, du sport et la préparation des Jeux olympiques et para-olympiques[86], pour la codification et l’amélioration de la législation civile[87], pour la coopération avec les organisations religieuses[88], pour les questions relatives à l’ethnie Cosaque[89].
On notera l’absence regrettable d’un Conseil de la réforme de la justice, matière qui nécessiterait une discussion plus globale et ouverte et moins cachée dans les couloirs du Kremlin. Un Conseil pour la réforme judiciaire avait été créé sous la présidence Eltsine par oukase du 22 octobre 1994 n° 2100. Il y fut ensuite apporté des modifications en 1997 où, par l’oukase du 14 octobre 1997 n° 1115, il devient le Conseil auprès du Président de la Fédération de Russie pour les questions concernant l’amélioration de la justice. Sa composition change souvent jusqu’en 2003. Son sort reste assez mystérieux, car il disparaît peu à peu du champ juridique et sous la présidence Poutine, un oukase du 25 juillet 2006 n°763 semble le lier financièrement avec le Conseil pour la codification. Toujours est-il qu’il n’est pas indiqué dans la liste officielle des Conseils auprès du Président.
            Auprès du Président de la Fédération de Russie, on dénombrera également les Commissions pour la modernisation et le développement technologique de l’économie de la Russie[90], pour la préparation et la formation du personnel dirigeant (dans la fonction publique)[91], pour la réalisation des projets nationaux prioritaires et pour la politique démographique[92], pour la réforme et le développement du service public[93], pour les questions de coopération technique militaire entre la Fédération de Russie et les Etats étrangers[94], pour la lutte contre les tentatives de falsification de l’histoire portant atteinte aux intérêts de la Russie[95], pour l’examen préalable des candidatures aux fonctions de juge dans les juridictions fédérales[96], commission interdépartementale pour du programme étatique de l’aide bénévole du décompte de la population russe vivant à l’étranger[97], commission pour les décorations étatiques[98] et la commission pour l’amélioration de la procédure de l’examen public unique (sorte de baccalauréat)[99].
            Comme cela se voit par les dates de création des Conseils et Commissions, la très grande majorité d’entre eux ont été créés sous la présidence Medvedev, soit modifié par lui. Vue la très longue liste de ces institutions, il n’est malheureusement pas possible de rentrer dans le détail, mais quelques explications concernant l’évolution des nominations au sein du Conseil pour les droits de l’homme peuvent être intéressantes. Ce Conseil, fondé en 2004 en remplacement de la Commission pour les droits de l’homme, comprend 33 membres qui sont soit des défenseurs des droits de l’homme [pravozachitnik], soit des représentants de la société civile. Anciennement dirigé par Elena Pamfilova, qui dirige également l’antenne russe de Transparency international (centre de lutte contre la corruption), ce Conseil est dirigé, suite à l’oukase présidentiel du 12 octobre 2010, par Mikhael Fedotov, qui est le secrétaire du syndicat des journalistes de Russie. Il fut, contrairement à E. Pamfilova, parallèlement nommé conseiller du Président, ce qui renforce particulièrement sa position. On rappellera que M. Fedotov fut également un des fondateurs du parti politique Soyuz Pravykh Sil (Union des forces de droite) et il participe au Comité national contre la corruption. Le nouveau président du Conseil s’est fixé comme buts prioritaires, selon ses termes, la déstalinisation de la conscience sociale, les réformes de la police et de la justice, la question de la défense des droits des enfants et de la famille.
            Ces structures n’ont qu’un rôle consultatif. Ils doivent permettre de développer le lien entre la société civile et le pouvoir et de faire passer des propositions au Président. Toutefois, malgré les dires de M. Fédotov, l’influence du Conseil des droits de l’homme sur le projet de loi sur la police, par exemple, est plus que minime.

            4.2 Les rapports ambigus du pouvoir avec les associations
            Le pouvoir en place craint tout mouvement organisé qui vienne de la société. En ce sens, les associations présentent un danger particulier. Ne pouvant évidemment les interdire, elles sont fortement contrôlées. Par ailleurs, quand elles n’entrent pas dans le champ politique – ou quand elles entrent dans le « bon » - et développent une activité sociale, elles sont les biens venues, car elles permettent à l’Etat de se décharger de la gestion directe de certains problèmes sociaux. En ce sens, deux lois sont venues modifier la loi fédérale du 12 janvier 1996 n° 7-FZ sur les organisations non commerciales. Il s’agit de la loi fédérale du 17 juillet 2009 n°170-FZ[100] et de la loi fédérale du 5 avril 2010 n°40-FZ[101].
            La loi de 2009 modifie le régime des organisations non commerciales en ce qui concerne l’enregistrement de ces organisations dans le registre étatique. Plusieurs fondements de refus ont été ajoutés et permettent le refus si :
-        Tous les documents prévus par la loi pour l’enregistrement n’ont pas été présentés ;
-        La personne devant représenter l’organisation ne peut prétendre à cette qualité au regard des conditions posées par la loi ;
-        Les documents contiennent des données incorrectes.
Lorsque sont communiqués les fondements du refus, il peut être accordé un délai pour mettre la demande en conformité, délai qui ne peut excéder trois mois. On notera qu’il ne s’agit que d’une faculté selon la lettre de la loi et qu’un délai minimum n’est pas prévu. La non mise en conformité dans le délai indiqué entraîne alors le refus définitif d’enregistrer l’organisation non commerciale.
En ce qui concerne l’enregistrement de sections d’ONG étrangères, il peut être refusé si le but de cette organisation présente un danger pour la souveraineté, la politique étrangère, l’intégrité territoriale ou porte atteinte aux intérêts nationaux de la Fédération de Russie.
La décision concernant l’enregistrement ne peut être prise plus de 14 jours après le dépôt de la demande. Un recours administratif est possible dans les trois jours du refus.
            La loi de 2010 modifie en profondeur le régime de financement des organisations non commerciales par les pouvoirs publics, fédéraux ou locaux.
Les pouvoirs publics ont le droit de financer des organisations non commerciales. Cela peut prendre la forme d’une autorisation de fournir des services, des biens ou des travaux aux organes publics, l’octroie d’une aide financière directe, d’une réduction d’impôt ou autre. Les avantages fiscaux ne peuvent être accordés à titre individuel. En priorité les pouvoirs publics doivent favoriser les organisations non commerciales à but social.
En ce sens, la loi de 2010 introduit quasiment un régime spécifique pour les organisations à but social. Le caractère social sera apprécié en fonction de l’activité annoncée par l’organisation. Cela concerne :
-        Le soutient social et la défense des citoyens ;
-        La préparation de la population au dépassement des conséquences des catastrophes naturelles, technologiques ou autres et la prévention des accidents ;
-        L’aide aux victimes de catastrophes naturelles, technologiques ou autres, aux victimes de conflits sociaux, ethniques, religieux, aux réfugiés et aux personnes dans le besoin ;
-        La protection de l’environnement et des animaux ;
-        La protection des monuments culturels et des sites classés ;
-        L’aide juridique aux personnes et aux organisations qui s’occupent de la défense des droits de l’homme ;
-        La prévention des comportements sociaux dangereux ;
-        Les activités caritatives ;
-        Le domaine de l’éducation : scientifique, scolaire, prévention sanitaire, amélioration du niveau moral et psychologique des citoyens, éducation sportive et développement de la spiritualité.
Ces activités ne sont pas exhaustives et peuvent être complétées par des actes locaux. Toutefois, la liste est tellement large, qu’elle couvre la quasi totalité des activités possibles. En ce qui concerne le financement, en plus des formes habituelles prévues par cette loi, il est ajouté l’information, la consultation et l’aide à la préparation et à la qualification des membres de l’organisation.
L’aide apportée aux organisations non commerciales, en générale, est réglementée par le Gouvernement de la Fédération de Russie. L’aide matérielle doit être utilisée exclusivement aux fins prévues. Les biens publics, notamment les immeubles, ne sortent pas de la propriété de l’Etat et les organisations ne peuvent en disposer librement. Les organes publics peuvent s’adresser aux juridictions d’arbitrage pour mettre fin à une utilisation non conforme d’un bien public.
            Il est prévu de constituer un registre spécial des organisations non commerciales à but social et les pouvoirs publics, notamment locaux, doivent développer une politique visant à développer leur activité et leur efficacité.
            La loi de 2009 revient encore sur les mécanismes de contrôle. D’une manière générale, les organes de contrôle ne peuvent demander que les documents prévus par la loi – mais ceux ci sont déjà suffisamment larges.
Dans le cadre du contrôle financier, les organisations non commerciales doivent présenter un rapport annuel sur leur activité, sur la composition personnelle de leurs organes dirigeants, ainsi qu’un rapport sur l’ampleur et la source de leurs ressources et de leurs biens. Les organisations qui ne comprennent pas de personnes de nationalité étrangère et n’ont pas reçus au cours de l’année de financement étranger, si l’état de leurs actifs ne dépasse pas 3 millions de roubles, doivent simplement présenter une déclaration prévenant les autorités de la continuation de leurs activités. Les autres doivent en plus publier annuellement soit sur internet, soit dans les masses médias, un rapport de leur activité.
Dans le cadre du contrôle de l’activité, les organes compétents ont le droit de demander également tout document interne, de vérifier les aspects financiers de l’activité des organisations, notamment en ce qui concerne l’utilisation des biens et des ressources.
            Le contrôle des organisations sociales est largement encadré, mais l’étendu des documents accessibles au contrôle pose souvent un problème dans la pratique, surtout lors des « contrôles surprises », où les forces de l’ordre ramassent pratiquement tout ce qui leur tombe sous la main en s’appuyant sur les formulations très vague de la loi, et emportent souvent même le matériel informatique, bloquant ainsi de fait l’activité des organisations, en se fondant sur le soupçon d’utiliser illégalement des programmes informatiques payants.
            Dans la catégorie juridique des organisations non commerciales, il existe, notamment, celle des groupements sociaux [obchestvennye obedinenie] – qui ressemble à la forme juridique de l’association à but non lucratif en droit français – et qui est régie par une loi spéciale, la loi fédérale du 19 mai 1995 n°82-FZ. Cette loi a été peu modifiée ces deux dernières années. On notera la loi fédérale du 19 mai 2010 n°88-FZ[102] qui renforce le contrôle sur l’utilisation des symboles étatiques. En ce sens, les emblèmes utilisés par les associations ne doivent pas correspondre aux emblèmes de la Fédération de Russie ni a ceux utilisés par les pouvoirs publics en général. L’interdiction couvre également l’utilisation de symbolique utilisée par les Etats étrangers ou les organisations internationales. La dénomination de ces associations doit préciser leur forme juridique, leur sphère territoriale et matérielle d’activité. De la même manière, elle ne peut correspondre à des dénominations utilisées par les pouvoirs publics. A la différence des partis politiques – qui font également partie de la catégorie des organisations sociales – les associations ont le droit d’utiliser le nom de famille d’une personne, avec son accord expresse ou celui de ses ayants droit.
            La pratique judiciaire en matière de contentieux lié à l’interdiction des organisations sociales de type « association » démontre l’extrême formalisme des organes de contrôle et la facilité avec laquelle ils peuvent décider d’intervenir dans le sens de l’interdiction d’une association. Heureusement, la jurisprudence permet de rééquilibrer l’enthousiasme des forces de l’ordre, maintenant la liquidation au niveau d’une mesure extrême de sanction, quand l’activité terroriste n’a pas été démontrée.  Certains exemples seront intéressants en la matière.

1) Le département de la justice de l’Oblast de Sverdlovsk a mené une opération « surprise » de contrôle des activités de l’association des invalides des services spéciaux de l’Oblast de Sverdlovsk. Au cours de cette vérification, le département de la justice a trouvé que l’association exerçait une activité qui ne correspondait pas à son statut, à savoir apporter une aide matérielle aux invalides de services comme le MVD (ministère de l’Intérieur). Le 2 décembre 2009, le chef du département de la justice de l’Oblast a envoyé une lettre d’avertissement à l’association en la prévenant de la violation par elle de la législation fédérale sur les groupements sociaux en raison de son activité commerciale non conforme à son statut. Elle avait un délai d’un mois pour y mettre un terme. Cette lettre a été reçue par l’association le 7 décembre. Or, le 3 décembre 2009, le chef du département de la justice de l’Oblast prend la décision de suspendre l’activité de cette association pour un délai de trois mois. La juridiction de première instance a déclaré que l’activité de l’association ayant été interrompue pour les mêmes raisons que celles indiquées dans la lettre d’avertissement, les droits de l’association ont été violés. Par ailleurs, la cour n’a pas décelée de violation des droits des invalides par l’association. Enfin, la cour ne voit pas en quoi les ressources utilisées par l’association suite à une activité commerciale contreviennent à son statut, puisque ces ressources ont été utilisées pour la réalisation des buts fixés par le statut de l’association. Par jugement du 19 avril 2010, la juridiction de première instance décide donc que la suspension de l’activité de l’association n’est pas fondée et qu’il n’y a pas de motifs à prononcer sa liquidation, demandée par le département de la Justice. Celui-ci se tourne alors vers la Cour Suprême de la Fédération de Russie, qui, par un jugement 24 août 2010[103], confirme la décision de première instance.

2) Le procureur de la République de Kabardino-Balkarie demande à la Cour Suprême de la République la liquidation de l’association enregistrée comme « Conseil de l’ancien peuple balkar de la République de Kabardino-Balkarie ». Il se fonde sur le caractère extrémiste de son activité : le statut de l’association comprendrait des dispositions discriminatoires et une incitation à la propagande de la ségrégation des citoyens en fonction de leur nationalité. En effet, le 12 juillet 2007 et ensuite le 12 octobre, le procureur a envoyé une lettre d’avertissement au Conseil en soulignant le caractère inacceptable de l’exercice d’activités extrémistes. Ignorant l’avertissement, l’association a continué ses activités et a envoyé une requête au procureur général de la Fédération de Russie contre les activités du Président de la République de Kabardino-Balkarie, l’accusant d’activités criminelles (organisation de groupes armés illégaux, excès de pouvoir, détournement de pouvoir ...).  Pour le procureur local, le fait d’accuser mensongèrement et publiquement une personne occupant un poste dans la fonction publique est en soi-même signe d’extrémisme, conformément à l’article 1er de la loi du 25 juillet 2002 n°114-FZ sur la lutte contre l’extrémisme. Le procureur envoie donc un avertissement à cette association le 2 novembre 2007, prévenant à nouveau du caractère inadmissible de l’activité terroriste. L’association soutient que selon un rapport indépendant, son statut ne contient aucune trace d’extrémisme et que, de plus, un recours au Président de la Fédération de Russie ou au procureur général de la fédération de Russie ne peut être assimilé à une accusation publique. Mais la Cour Suprême de la République soutient la position du procureur et par une décision du 26 mai 2010 prononce la liquidation de l’association. L’association se retourne alors vers la Cour Suprême de la Fédération de Russie qui annule le jugement antérieur par décision du 27 juillet 2010[104]. Selon la Cour, la liquidation des associations pour extrémisme ne peut concerner que les organisations dont le but est le changement par la force des fondements du régime et qui portent atteinte à l’intégrité territoriale de la Fédération de Russie. Or, le but de cette association est la défense des droits et libertés et également la résolution des problèmes sociaux du peuple Balkar. La liquidation ne peut alors qu’être une mesure extrême fondée sur une violation répétée de la législation. Il est intéressant de noter que la Cour s’appuie sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme pour rejeter la qualification juridique des faits d’extrémisme et insiste sur le fait que la Cour de la République a mal apprécié la qualification des faits car elle n’a pas prêté attention à la jurisprudence européenne en matière de liberté d’expression et de liberté d’association. On notera, pour comprendre cette affaire judiciaire, que cette république est composée à 55% de Kabardes, à 25% de Russes et à 11% de Balkars. Or, des accusations de répression contre l’ethnie balkar a été lancée suite à une tentative de réorganisation territoriale de la République qui devait tenir compte de la répartition ethnique de la population[105].

3) Lors d’une vérification effectuée du 2 novembre 2009 au 30 novembre 2009 par le ministère de la justice de la République du Tatarstan, l’association religieuse « La confrérie chrétienne monacale de l’Esprit Saint » refuse de présenter un compte rendu de ses activités et des sources de ses revenus et de leur utilisation. De plus, l’association a modifié son statut, sans suivre les règles en la matière. En effet, il n’est pas prévu de réunion régulière ou encore le déroulement des cultes et des cérémonies est prévu dans des espaces privés d’habitation. Par ailleurs, la localisation de l’association n’est pas indiquée. Le ministère de la justice du Tatarstan s’adresse donc à la Cour Suprême du Tatarstan en demandant la liquidation de cette association. Par décision du 18 juin 2010, la cour ne donne pas satisfaction au procureur. Le procureur se tourne alors vers la Cour Suprême fédérale qui accepte de réexaminer l’affaire. Alors que la Cour locale estimait que le caractère répété de la violation n’a pas été prouvé et la décision de liquidation de l’association ne peut être fondée en droit, la Cour fédérale, quant à elle, estime que les éléments de preuve n’ont pas été examinés par la Cour locale et lui renvoie l’affaire par décision du 10 août 2010[106].

            4. 3 Le droit de manifestation en danger
            Le droit de manifestation, dans le sens large du terme, est réglé par la loi fédérale du 19 juin 2004 n° 54-FZ sur les réunions, les manifestations, les meetings dans les lieux publics et les piquets. L’année 2010 ayant été très riche en mouvements de rues, à l’automne 2010 les députés ont tenté, sans grands succès, de restreindre le champ réel d’exercice de cette liberté fondamentale.
            Ils ont, en effet, dans le projet de loi adopté par la Douma fédérale le 22 octobre et par le Conseil de la Fédération le 27 octobre[107], voulu interdire à toute personne ayant fait l’objet, dans un délai d’un an, d’une interpellation pour violation de la législation sur les manifestations (ce qui est qualifié en Russie d’infraction administrative, mais peut consister en un emprisonnement de courte durée) le droit d’organiser une autre manifestation. Le 6 novembre 2010, le Président Medvedev prend un veto et renvoie la loi devant l’Assemblée fédérale car il considère cette limitation contraire à la Constitution[108]. Il considère en effet que le droit de manifestation doit permettre de garantir à toute personne de faire connaître son point de vue sur les questions politiques ou sociales et que sa réalisation est un des meilleurs moyens d’influence de la société sur les décisions du pouvoir. Ce droit des citoyens est donc lié à celui qui leur appartient de participer au processus de prise de décisions politiques. La limitation de ce droit ne peut s’appuyer que sur des fondements aussi graves que la défense de l’ordre constitutionnel ou la sécurité de l’Etat, par exemple. L’Assemblée fédérale a tenue compte des critiques – fondées – du Président et a surmonté le veto par un nouveau vote. La version finale de la loi[109] ne touche que la réglementation des manifestations mettant en œuvre des moyens de transports. Elle donne, dans ce domaine, la possibilité aux pouvoirs locaux de restreindre l’exercice de ce droit en se fondant sur des raisons de sécurité publique ou de sécurité sur les voies de circulation.
            Même si cette chronique ne touche la jurisprudence européenne, il est difficile de ne pas rapidement faire référence à la situation des Gay Parades, avant de voir la pratique générale en matière de manifestation. L’homophobie en Russie est légendaire et est une réalité. Cette homophobie sert souvent aux autorités russes de fondement pour interdire purement et simplement la tenue de manifestations en soutient aux droits des homosexuels, comme le souligne l’arrêt de chambre non définitif de la Cour européenne des droits de l’homme, Alekseyev contre Russie rendu le 21 octobre 2010. Pour illustrer le degré d’homophobie en Russie, il est possible de prendre l’exemple du piquet en faveur des droits des homosexuels, bisexuels et transsexuels organisé à Saint Petersburg mi novembre 2010. Pour la première fois, ce type d’action a été autorisé dans la ville. Il est toutefois autorisé pour une dizaine de personnes au maximum et pour une durée de deux heures, mais dans le centre. Les activistes se relaient donc pour tenir les pancartes, les autres se tenant à l’écart afin de se conformer aux accords conclus avec la mairie de la ville. Rapidement, une contre manifestation se met en place – sans évidemment avoir eu besoin d’autorisation – et apparaissent des pancartes explicitant leur position, comme « La sodomie est un pêché ». Se joignent à eux de jeunes gens très déterminés à en finir avec ce piquet qui va à l’encontre de la bonne morale et les violences commencent. Finalement, la milice, qui était à côté pour « protéger » les manifestants, finie par intervenir et arrête une dizaine de personnes. Celles-ci sont emmenées au poste, paient une amende et sont immédiatement relâchées. Plus tard, un milicien déclarera au journaliste de Gazeta.ru avec une certaine complaisance que ces jeunes gens ne faisaient pas du tout partie d’une organisation, ils étaient simplement et spontanément réunis par le fait d’être insupportés par les homosexuels.[110]
            D’une manière générale, l’année 2010 fut très riche en mouvements sociaux et manifestations politiques.[111] Comme nous l’avons déjà souligné, à Kaliningrad, le 1er février, près de 10 000 personnes sont sorties dans les rues demandant la démission de V. Poutine et du gouverneur de l’Oblast de Kaliningrad, G. Boos, qui lui a été remplacé par N. Tsukanov, membre de Edinaya Rossiïa.
En mars, suite à l’adoption de l’oukase présidentiel modifiant les fuseaux horaires pour rapprocher les régions éloignées de l’heure moscovite, de nombreuses manifestations on été organisées dans ces régions, et particulièrement dans l’Oblast de Samara, mais sans résultats. Jusqu’en décembre, des manifestations ont eu lieu, notamment dans la Kamtchatka où la population tend à se retourner contre le partie Edinaya Rossiïa en tant que tel, avec des slogans comme, par exemple, « On en a marre d’Edinaya Rossiïa ».
De très nombreuses manifestations ont également été organisées par la population de la région de Moscou en défense à la forêt de Khimky, au milieu de laquelle doit passer l’autoroute Moscou-St Petersburg. Des centaines de personnes se réunissaient régulièrement et petit à petit le mouvement a pris une importance non plus locale, mais fédérale. S’y sont joint des activistes, des journalistes, des chanteurs et autres personnalités de la société civile. Le 29 juillet 2010 le maire de la ville et le gouverneur de l’Oblast ont été appelé au Kremlin pour rendre compte de leur gestion de la situation. Les désordres ont continués. Ils restent en poste. Le Président Medvedev qui avait pour un temps suspendus les travaux, a finalement décidé, après une réunion avec ses partenaires français, de reprendre – définitivement – la construction de l’autoroute sur le tracé initialement prévu. L’affaire est close.
L’autre mouvement légendaire est celui organisé tous les 31 du mois par le groupe « Stratégie 31 », à Moscou dans le centre sur la place Triumfalnaya, en soutient à l’article 31 de la Constitution prévoyant le droit de manifestation, manifestation qui donne régulièrement lieu à des violences policières et à des arrestations arbitraires. La réaction des autorités publiques est d’autant plus violente que le mouvement est purement politique. La mairie de Moscou a même pensé, en août 2010 à fermer la place pour travaux et ils y ont construit un grand mur de verre. L’idée d’un mur a fait sourire, même en verre... Ceci n’a pas empêché les activistes de se réunir sur la place et cela n’a pas empêché la milice de les évacuer par la force. Après le départ du maire Y. Lujkov, les organisateurs du groupe Stratégie 31 ont pu trouver un terrain d’accord avec la mairie, mais cela a provoqué une scission interne. D’un côté, L. Alekseeva, représentant le groupe d’Helsinki, qui tente de trouver un compromis pour que leurs manifestations soient enfin autorisées, d’un autre côté E. Limonov qui a organisé parallèlement un meeting non autorisé juste à côté. La situation a atteint le paroxysme de la bêtise quand, pour le 31 décembre, alors que la manifestation était autorisée, certaines figures politiques comme Nemtsov, Kassianov, Limonov, Iachine ou Tor ont été arrêtés et condamnés à quelques jours de détention. Certains ont été arrêtés sur les lieux de la manifestation non autorisée car ils se seraient retournés contre les forces de l’ordre (ce qui est démenti par les documents vidéos), mais d’autres simplement à la sortie de leur domicile. Il semblerait donc que le simple fait de sortir de chez soi, pour certains hommes politiques libéraux, constitue en soi une atteinte à l’ordre public. On rappellera toutefois, que lors de sa conférence de presse de fin d’année, V. Poutine avait directement attaqué ces personnes en les accusant de vouloir prendre le pouvoir pour s’enrichir et de s’être enrichis sur le compte de l’Etat par le passé. Une action en diffamation contre le Premier ministre a été attentée. Mais le silence est total sur cette affaire.

            4.4 La liberté de la presse sous contrôle
            Les journalistes ont une réputation controversée, dans la mesure où leur travail consiste essentiellement en une information objective de la société et en une analyse de la situation qui n’est pas toujours dans l’intérêt des pouvoirs en place.
            Ainsi, par exemple, peu de temps avant l’agression du journaliste de Kommersant Oleg Kachine, le site du mouvement « Molodaya guardya Edinoï Rossii » (mouvement de jeunes activistes en soutient au parti au pouvoir) affichait une photographie de Oleg Kachine avec un tampon « sera puni » sous un titre « les journalistes-traitres doivent payer ». Pour beaucoup dans la profession, l’agression justement de Kachine est analysée comme un signal envoyé à tous : ne va pas où il ne faut pas, ne parle pas avec n’importe qui et n’écris pas ce qui ne se fait pas.[112]
            Autre exemple de réaction face à l’activité journalistique, cette fois dans le cadre de la couverture médiatique de la construction de l’autoroute Moscou-St Petersburg. Le site officiel de l’administration de Khimky mettait en ligne le 10 novembre 2010 (juste après l’agression de O. Kachine le 6 novembre) la déclaration de I. Zakharov, président de la délégation régionale des Héros, Cavaliers de l’Ordre national et des lauréats des prix d’Etat dont voici un extrait : « L’impunité et la liberté totale de certains représentants des masses médias, de mouvements tout puissants sont devenus les terribles signes de notre époque. Beaucoup comprennent la liberté comme la liberté de calomnier, vexer, rabaisser, conspuer, de construire n’importe quelle hypothèse et de les présenter comme la Vérité. Aujourd’hui, avec une hystérie constamment refoulée, ils saisissent n’importe quelles idées calomnieuses, les développent, effrontément imaginent toutes les hypothèses possibles et ensuite les casent dans leur système personnel de priorité (gains matériels, commandes ...). Ensuite, selon un schéma bien huilé, ils déversent toute leur saleté et leurs accusations. »[113] .
            D’une manière générale, si l’on ne prend pas en compte les pays en situation de conflit armée, la Russie est un des pays les plus dangereux pour les journalistes. Selon le Comité de défense des journalistes, on compterait 19 collaborateurs de la profession tués depuis 2000[114] et ce chiffre ne tient pas compte des agressions qui n’ont pas entraînées la mort. La situation est devenue à telle point préoccupante que lors d’une rencontre entre l’UE et la Russie, M. Barroso a soulevé la question, qualifiant de préoccupante la position des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme en Russie[115]. Cette inquiétude est partagée par de nombreuses organisation comme Amnesty international, Reporters sans frontières, l’Association russe des journalistes ou encore Freedom House. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que les auteurs de beaucoup de ces agressions ne sont pas découverts, donc les crimes restent impunis.[116]
            Sur le terrain de l’activité des journalistes, la justice tend à défendre la non responsabilité des organismes de presse pour les écrits publiés dans leurs colonnes. Par exemple, après un article l’accusant de corruption, le maire de l’arrondissement de Sysertsky, et candidat à sa réélection, Alexandre Rochypkine, a intenté un procès au site internet du groupe de presse Mayak. Mais le tribunal local a pris position pour le journal et précisant par la même que les organismes de presse – et leurs sites internet – ne peuvent porter la responsabilité pour les textes déposés sur leurs sites[117]. La question de la diffusion d’internet et de la démultiplication des sites d’information  a développé un certain contentieux auprès de la Cour Suprême de la Fédération de Russie. Les juridictions inférieures s’étant retrouvées en difficulté face à des problèmes juridiques nouveaux, la Cour fédérale a pris un arrêté du Plénum [postanovlenie plenuma][118]. Comme tous les actes de ce type, il entre dans tous les détails possibles et imaginables de la pratique en la matière. On notera simplement que dans la présentation des dispositions normatives en la matière, il rappelle que la liberté d’expression et la liberté des masses médias sont un fondement du développement actuel de la société et d’un Etat démocratique. Comme les juges sont souvent appelés dans la pratique à trouver un équilibre entre les droits des masses médias et les autres droits constitutionnels, la Cour souligne que seules les limitations prévues par l’article 55 al. 3 de la Constitution sont légitimes. Le plus grand intérêt de cet arrêté est d’introduire les sites d’informations sur internet dans le bloc des masses médias, sans qu’ils soient obligés de faire la demande d’un enregistrement en tant que tel auprès des organes compétents. Ils bénéficient ainsi de la protection accordée par la loi aux organismes de presses.
            En ce qui concerne la loi fédérale sur les masses médias du 27 décembre 1991 n°2124-1, elle a été modifiée par la loi fédérale du 9 février 2009 n°10-FZ[119] (qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2010) en prévoyant un renforcement de la collaboration entre les organes publics et les organes de presses. Ainsi, les organes publics doivent informer les organes de presse de leurs activités.

5. Les grandes affaires
            De nombreuses affaires marquent le paysage politico-judiciaire russe et il n’est malheureusement pas possible de toutes les présenter ici. On s’arrêtera aux affaires concernant le meurtre de la journaliste Anna Politovskaya (5.1), l’affaire Magnitsky (5.2), l’affaire Khodorkovsky (5.3) et l’affaire Khimkynsky Less (5.4).

            5.1 L’affaire Politovskaya
            Anna Politovskaya, depuis 1999 journaliste au journal indépendant Novaya gazeta, a été retrouvée morte devant l’entrée de son immeuble le 7 octobre 2006. Elle est célèbre pour ses nombreux reportages sur la Tchétchénie à partir des années 2000, ses enquêtes sur la corruption dans le ministère de la défense, sur les groupements commandos des forces fédérales en Tchétchénie, mais également pour ses activités dans le domaine de la défense des droits de l’homme, son soutient aux mères de soldats morts, son soutient aux victimes de l’attentat du Nord-Ost. Par ses activités, elle a très souvent et très fortement critiqué les activités du Gouvernement fédéral.
            Dans le cadre de l’enquête menée sur sa mort, neuf personnes ont tout d’abord été accusées du meurtre, ainsi que des membres du FSB accusés de complicité. Finalement, le 18 juin 2008, le comité d’enquête s’est arrêté sur la culpabilité de quatre personnes. En octobre 2008, le Procureur général a transmis le dossier à la Cour.
            Le 17 novembre 2008, la Cour décide que les audiences seront publiques. Mais, le 19 novembre, cette décision a été modifiée. Après une réaction des jurés insistant sur les pressions dont ils furent l’objet pour que le procès se déroule à huis-clos, le 25 décembre la décision est prise de revenir à l’audience publique. Cette péripétie judiciaire a dès le début entaché largement l’image du procès, en donnant l’impression que les pouvoir publics, par l’intermédiaire du juge, voulaient cacher quelque chose et faire pression sur le déroulement du procès.
            Le 19 février 2009, les jurés acquittent à l’unanimité les frères Makhmudov pour faute de preuves. La procédure a continué et, en juin 2009, le collège militaire de la Cour Suprême fédérale a remis en cause le jugement rendu par la Cour de Moscou en s’appuyant sur des violations de procédure, qui selon l’accusation aurait induit les jurés en erreur. De ce fait, la même affaire, dans le même état, va être appréciée par un autre jury. L’accusation s’appuie sur le fait que, par exemple, il ne faut jamais informer les jurés sur la manière dont l’enquête préalable s’est déroulée... De plus, l’accusation explique que dès le début, le jury s’est montré défavorable à l’accusation.
Il suffit, en effet, de rappeler le geste inattendu d’indépendance du juré Evguény Kolessov qui est sorti du jury et ensuite s’est exprimé sur Echos Moscou, où il a raconté que les jurés ne voulaient pas du tout que l’affaire soit jugée à huis-clos, contrairement aux déclarations du juge. C’est cette prise de position publique, et le scandale qui s’en est suivi, qui a contraint le juge à faire machine arrière.
De leur côté, les avocats des quatre prévenus et les enfants de A. Politovskaya ont demandé à ce que le verdict ne soit pas modifié. Avec humour, un avocat de la famille de la victime a déclaré que manifestement l’Etat sait mieux ce qui est plus important pour les victimes et ce qui pour eux est indispensable.
Pour les victimes, le problème fondamental réside en le fait que les recherches soient arrêtées, puisque l’affaire est rejugée sur les mêmes faits sans recherches de nouvelles preuves.
Mais le collège militaire de la Cour Suprême fédérale a annulé le verdict et maintenant l’affaire est renvoyée devant la Cour militaire de Moscou. Toutefois, l’enquête a due être reprise et de nouveaux éléments de preuve de la culpabilité des anciens inculpés auraient été trouvés. La fin de l’enquête est prévue pour février 2011.
Les explications de ce crime atroce sont très diverses. A. Politovskaya a pu déranger le pouvoir fédéral, ou Ramzan Kadyrov ou même il aurait été commis sur la demande de Bérézovsky. Toutes les hypothèses restent ouvertes. Selon la Prokurature, l’affaire ne serait pas liée avec les activités professionnelles de la journaliste, mais ce seraient ses liens avec Boris Bérézovsky qui seraient en cause. Il s’agirait de sa volonté de montrer qu’il peut tuer qui il veut, sans que la police ne puisse découvrir les auteurs du crime. Cette position est également partagée par Ramzan Kadyrov. Pour certains membres de la société civile, seules deux personnes étaient à même de tuer Anna Politovskaya : R. Kadyrov et I. Setchine (vice-directeur de l’Administration présidentielle).

5.2 L’affaire Magnitsky
Le 16 novembre 2009, Sergueï Magnitsky, juriste du fond international d’investissement Hermitage Capital, est mort en détention préventive après y avoir séjourné environ un an. Sa mort serait due à une insuffisance cardiaque.
L’avocat de S. Magnitsky a précisé à la presse que, à plusieurs reprises, son client avait formulé la demande aux autorités compétentes pour avoir accès à des soins médicaux appropriés en se plaignant de son état de santé. Ses courriers sont restés sans réponse, même sa requête faite à la Prokurature générale.
Il a été accusé de fraude fiscale importante, avec le directeur de Hermitage Capital, Wiliam Brauder. En effet, selon l’enquête, il aurait mis en place un schéma criminel d’optimisation de l’impôt suite auquel le budget russe aurait un manque à gagner de plus de 500 millions de rouble. En réponse à cette accusation, Hermitage Capital accuse d’escroquerie et de corruption de nombreux hauts fonctionnaires russes, notamment dans les forces de l’ordre.
Il faut souligner que S. Magnitsky avait fait de nombreuses recherches sur la corruption dans les entreprises publiques dans lesquelles Hermitage Capital devait participer. Il s’agit des piliers de l’économie publique russe : Gazprom, Sberbank, Rosneft ...
La mort de S. Magnitsky a cristallisé l’attention de l’opinion publique, et par la force des choses,  des plus hautes autorités de l’Etat sur les agissements indignes d’un Etat de droit moderne dans les lieux de détentions préventives, surtout en ce qui concerne l’apport de soins médicaux. Ainsi, Natalia Taubina, directrice du Fond « Verdict de la société » [Obchtchestvennyï verdikt], la mort d’une personne en détention préventive en raison de l’absence de soins médicaux est loin d’être une exception en Russie. Le Président Medvedev a, pour sa part, demandé qu’une enquête soit menée sur la mort de S. Magnitsky par le Procureur général et le Ministre de l’Intérieur. Il a également demandé à ce que les soins médicaux soient de qualité dans les centres de privation de liberté. En conséquence de quoi, le Gouvernement fédéral a été amené à établir la liste précise des maladies pour lesquelles une personne ne peut être mise en détention préventive.
Mais pour comprendre cette mort suspecte, il faut connaître les antécédents de l’affaire. En été 2008, S. Magnitsky avait déposé contre A. Kuznetsov et P. Karpov, qui s’occupent des opérations de police fiscale. En novembre 2008, S. Magnitsky est accusé de fraude à l’impôt et interrogé par les personnes contre lesquelles il avait alors déposé. Hermitage Capital a indiqué que la mort de leur juriste est certainement due à l’acharnement avec lequel il a été interrogé par le groupe de policiers aux ordres de A. Kuznetsov, qui voulaient le contraindre à revenir sur ses accusations.
Un collègue de S. Magnitsky, Duncan Firestone, a transmis en juin 2010 aux autorités russes des documents sur les revenus de A. Kuznetsov. Lui et ses proches auraient dépensés ces trois dernières années environ trois millions de dollars. Il demande une enquête sur l’origine de ces revenus. De plus, en juillet 2010, des documents auraient été transmis aux autorités russes, selon lesquels P. Karpov aurait détourné 5,4 milliards de roubles du budget russe par un mécanisme simple de remboursement de surplus de paiement d’impôt à des sociétés suspectes.
Les réactions en Russie et à l’étrangers sont particulièrement antagonistes. Aux Etats Unis, le Congrès a analysé un projet de loi interdisant l’accès au territoire américain aux personnes impliquées dans la mort de S. Magnitsky et interdisant toute transaction commerciale avec eux. L’Union européenne a suivi le mouvement. Cela concerne une liste d’environ 60 personnes des forces de l’ordre russes (FSB, MVD, FSIN, FNS, Procurature générale et les cours d’arbitrage). En tête de liste se trouvent bien sûr les membres du comité d’enquête du MVD et leurs proches. Côté russe, Konstantin Kossatchev, président du comité des affaires internationales de la Douma fédérale, a déclaré que cette affaire est une affaire purement interne et que les enquêteurs travaillent dans l’intérêt des citoyens russes. Il estime qu’une telle initiative internationale porte atteinte au système des forces de l’ordre russe. Après son décès, S. Magnitsky fut accusé d’escroquerie, les enquêteurs ainsi que le juge décorés.
On rappellera que lors de l’année 2009, plus de 200 personnes sont décédées en détention préventive.

5.3 L’affaire Khodorkovsky
Le 23 octobre 2003, Mikhael Khodorkovsky est arrêté et accusé d’un certain nombre d’infractions d’ordre économique, en raison de ses activités à la tête de l’entreprise Iukos. Il est alors considéré comme l’homme le plus riche de Russie et certains lui voyaient un avenir politique. Même si ses activités sont essentiellement économiques, il participe au financement de certains partis politiques, exclusivement d’opposition, comme Iabloko ou le Parti communiste, ce qui dérange sérieusement le pouvoir en place.
Suite aux accusations de vol et d’évasion fiscale, le 31 octobre 2003, les actions de la société Iukos sont bloquées par décision de la Procurature générale. En mai 2005, la Cour de Moscou le reconnaît coupable d’escroquerie, de prise de possession illégale de biens ne lui appartenant pas, de non paiement d’impôt, etc. Il est tout d’abord condamné à 9 ans de privation de liberté et, sur le plan économique, les actions de la société Iukos, qui était la société la plus prospère dans le domaine pétrolier en Russie, sont absorbées par Rosneft, compagnie pétrolière étatique. Iukos fait alors l’objet d’une procédure de banqueroute.
Lors de l’appel, le 22 septembre 2005 le tribunal décide de diminuer la peine à 8 ans de privation de liberté. La sortie de M. Khodorkovsky devait alors avoir lieu en automne 2011, juste avant les élections présidentielles.
Mais dès 2006, une seconde affaire est lancée, sur des faits identiques mais qualifiés différemment. Cette fois-ci, M. Khodorkovsky et P. Lebedev, son ancien collaborateur à la tête de Menatep, sont accusés de vols, d’association de malfaiteur en vue de détournement à leur profit de biens ne leur appartenant pas. Le 16 février 2009, l’acte d’accusation, d’un volume de 14 tomes, est prêt et signé par la Procurature. M. Khodorkovsky et P. Lebedev sont alors accusés d’avoir, par une association de malfaiteur composée essentiellement par les actionnaires principaux de Iukos, détournés de 1998 à 2003, à leur profit et frauduleusement environ 350 millions de tonnes de pétrole appartenant à différentes filiales de Iukos.
Selon les avocats, l’accusation est absurde car le volume concerne la quasi totalité de la production sur la période visée, période pendant laquelle les salaires des employés ont été payés et les impôts également à hauteur de 40 milliards de roubles.
Toutefois, le 30 décembre 2010, le juge V. Danilkine rend son verdict. Il reconnaît les deux inculpés coupables d’avoir détourné 220 millions de tonnes de pétrole et d’avoir bénéficié de ce trafic à hauteur de 17 milliards d’euros. Ils sont donc condamnés à 14 ans de privation de liberté, peine qui inclue la première condamnation. Les avocats font appel de la décision.
Cette longue affaire judiciaire a été marquée également par quatre grèves de la faim entamées par M. Khodorkovsky. On s’en tiendra à la dernière qui est particulièrement significative sur le plan du rapport de force entre Khodorkovsky et le Président, montrant la politisation du procès encore plus directement que les déclarations critiques de M. Khodorkovsky sur le régime. Sous l’influence des groupes de pression libéraux, une loi interdisant, sauf exception, de mettre toute personne accusée de crime économique en détention préventive a été adoptée le 7 avril 2010. Alors que se pose la question devant la Cour d’un jugement prévoyant de le mettre en détention préventive – alors qu’il est déjà privé de liberté, ce qui est une absurdité juridique – le 17 mai 2010, il entame sa quatrième grève de la faim. Celle-ci est justifiée par le fait que, malgré l’adoption de la loi, il risque d’être condamné à la détention préventive, bien qu’il soit accusé de crimes économiques. Il envoie donc une lettre au Président de la Fédération de Russie lui disant qu’il arrêtera sa grève de la faim si celui-ci déclare publiquement avoir pris connaissance des faits et du fait que la loi n’est pas appliquée par les juridictions. Le 19 mai, il met un terme à sa grève de la faim après que le porte parole du Kremlin ait annoncé publiquement que le Président a bien pris connaissance de la lettre. Finalement et après un important débat d’experts sur la question, la décision concernant la détention préventive n’a pas été prise. Espérons que le juge ait finalement pris conscience du manque de fondement juridique à priver de liberté une personne qui est déjà privée de liberté.
Ce procès a soulevé plusieurs interrogations. Par exemple, pourquoi la déposition de H. Greff, disant qu’à l’époque des faits il n’avait été au courant d’aucune activité criminelle de ce genre par l’entreprise concernée a été finalement par le juge utilisée à charge ? D’une manière plus générale, le procès et l’accusation comprend de nombreuses contradictions, revêtant un caractère fondamentales[120]. On en retiendra deux en particulier :
-        En ce qui concerne la qualification de vol : pour qu’il y ait vol, il ne doit pas y avoir de paiement en retour. Or, ici, Iukos a payé près de 400 milliards de roubles le pétrole qu’il a « volé/acheté » à ses filiales. Pour contrebalancer l’absurdité des faits, le procureur parle alors de « presque non paiement », car la somme convenu ne correspondrait pas à celle en cours à l’époque des faits sur le marché russe.
-        En ce qui concerne les rapports entre la qualification de vol et d’évasion fiscale : il faut choisir, car ces deux incriminations s’excluent mutuellement. Soit il s’agit d’un achat de pétrole pour lequel il faut payer des impôts, soit il s’agit d’un bénéfice obtenu suite à une prise de possession frauduleuse, mais qui n’entraîne pas la possibilité d’un paiement d’impôt, ce serait une forme absurde de légalisation du vol ! Or, pour sortir de cet inextricable paradoxe, l’accusation modifie au fur et à mesure la qualification juridique des faits ... qui avait été posée par la première condamnation, ne se sentant donc pas lié par une décision de justice ayant l’autorité de la force jugée.
Quelles que soient les contradictions que l’on puisse énumérées, il existe un principe fondamental en droit, et en droit russe également, qui interdit qu’une personne soit jugée deux fois pour les mêmes faits : non bis in idem.
            La société politique russe est partagée sur ce procès, qui prend une dimension politique nationale dépassant largement les enjeux strictement juridiques.
Dans sa grande conversation annuelle avec le peuple russe, Vladimir Poutine, à qui a été posé une question sur l’affaire Khodorkovsky, s’est prononcé de manière très claire en rappelant que la place des voleurs était en prison et le soupçonnait même d’avoir du sang sur les mains. Cette sortie médiatique a eu lieu le 15 décembre, alors que le jugement n’était pas encore prononcé. Les avocats de la défense y ont vu une manière très directe d’influencer le juge et une atteinte caractérisée à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les libéraux, pour leurs parts, prennent une position diamétralement opposée. M. Kassianov, premier ministre lors du premier mandat présidentiel de V. Poutine, déclare que M. Khodorkovsky n’a rien fait. Mais malheureusement, ce n’est pas D. Medvedev qui prend la décision, mais V. Poutine. On peut regretter que ce ne soit pas la justice qui prenne la décision.
Quant à B. Nemtsov, il rappelle que V. Poutine personnellement avait demandé à M. Khodorkovsky de mettre fin au financement des partis politiques d’opposition. Selon lui, la pratique voulait que les financements de partis politiques ou de personnes politiques se fassent avec l’accord du Kremlin.
            Il est intéressant de remarquer que, maintenant, tout le monde se moque de savoir si les inculpés sont coupables ou non. D’hommes d’affaires plus ou moins mafieux, dans l’opinion publique, ils ont pris le statut de prisonniers politiques. Or, si les oligarques sont a priori coupables, les prisonniers politiques sont a priori innocents. Les maladresses du pouvoir, l’incompétence chronique de la Procurature, la soumission pathétique du juge ont permis de totalement discréditer ce qui reste du système judiciaire. Au-delà des réactions internationales en Europe et aux Etats Unis, plus que le sort de deux hommes, se pose sous un nouvel éclairage toute la politique de modernisation sur laquelle s’appuie – et pour laquelle a été mis en place – le personnage Medvedev. Les déclarations selon lesquelles le pouvoir judiciaire est indépendant et le Président ne peut intervenir sans porter atteinte aux principes constitutionnels ne sont plus suffisantes pour lui permettre de sauver la face. Car aujourd’hui l’alternative est simple : soit il est libéral, mais n’a pas de poids pour gouverner, soit il joue au libéral et est encore plus destructeur pour le système politico-juridique russe que V. Poutine. Bref, a-t-il été mis en place pour ses convictions ou pour faire plaisir à l’Occident et favoriser le climat des investissements étrangers en Russie et la légitimation des oligarques russes en Occident ? Peut être la procédure d’appel dans cette affaire permettra de résoudre en partie cette question, mais de toute façon ce ne sera pas une décision de justice, mais une décision de politique générale. Et la grande perdante sera la Justice russe, quel que soit le verdict.

            5.4 L’affaire Khimkynsky Less (forêt de Khimky)
            Le rôle de cette forêt sur le plan écologique est fondamental dans la région moscovite. Elle permet l’assainissement de l’atmosphère pour toute la ville de Khimky, qui est voisine de Moscou et de sa pollution urbaine importante. La forêt permet, par ailleurs, de créer naturellement un écran au bruit de l’aéroport de Cheremetièvo, très proche. Il y a encore quelques années, cette forêt était protégée par l’Etat contre toute activité économique sur son territoire. Mais petit à petit, la protection de la forêt est passée au second plan et, par exemple, une route asphaltée de l’Oblast de Moscou a été construite sur ses terres et ses abords ont vu apparaître de coquettes datchas et cottages. Toutefois, aucun système de ramassage des ordures ménagères n’a été mis en place.
            En 2004, le Gouvernement russe décide de la construction d’une autoroute payante entre Moscou et Saint Petersburg, qui doit relier ces deux villes par le tracé le plus court, c’est-à-dire passer au beau milieu de la forêt de Khimky. Ceci implique alors l’abattage des arbres sur une surface approximative de 95 hectares. La situation a certainement été largement facilitée pour l’entreprise chargée des travaux par le fait que Arkady Rotenberg, proche et ancien entraîneur de judo de V. Poutine, fasse partie du Conseil d’administration.
            Un comité de défense de la forêt de Khimky a été mis en place par M. Beketov, comité ensuite dirigé par E. Tchirikov. D’un mouvement apolitique citoyen, ce comité est avec le temps et l’acharnement du pouvoir passé dans l’opposition politique et médiatisé par certaines figures centrales du show biz, avec, par exemple, l’organisation d’un concert-meeting le 22 août 2010 en soutient à la forêt de Khimky sur la place Pouchkine à Moscou. Malgré l’ampleur nationale prise par un mouvement au départ local, malgré les hésitations du pouvoir, finalement fin 2010 la décision a été prise de reprendre les travaux et maintenir le tracé initiale, sans avoir envisagé d’autres hypothèses. Le 9 décembre 2010, les activistes de la défense de la forêt de Khimky se sont à nouveau adressés au Président Medvedev avec une pétition demandant l’interruption des travaux. Pour l’instant, la situation reste inchangée.
            Pour comprendre l’évolution du mouvement, il faut reprendre quelques éléments de sa chronologie.
En décembre 2007, N. Tchourkine, vice-président du Comité du Conseil de la Fédération pour la protection de l’environnement annonce que le sort de la forêt de Khimky sera décidé par la population concernée sous forme d’une consultation populaire. Au-delà de l’effet d’annonce, la consultation n’a pas eu lieu.
En février 2008, la Cour de Moscou autorise la déforestation demandée par V. Streltchenko, maire de Khimky. Le conflit s’amplifie alors entre les activistes et l’administration locale de Khimky.
En mars 2008, et en réaction à la décision de justice précédemment citée, un groupe écologiste de l’Oblast de Moscou, avec l’aide de membres de l’association Greenpeace, arrivent de facto à interrompre la déforestation en de nombreux endroits.
Mais, en mai 2008, l’administration reprend le dessus du combat et remet en route la déforestation. Dans le même temps, M. Beketov, qui dirige le groupe d’activistes, est l’objet d’un attentat : sa voiture explose. Il intente une action en justice contre certains fonctionnaires de l’administration de la ville. On soulignera que son avocat n’était autre que Stanislav Markelov, qui a été assassiné le 19 janvier 2010 dans le centre de Moscou en compagnie de la journaliste A. Baburova en sortant d’une conférence de presse.
En juin 2008, l’agitation mercantile autour de la forêt s’intensifie. Par exemple, une partie du territoire de la forêt est loué à une entreprise commerciale par l’administration de la ville, sous prétexte que les documents la protégeant auraient été perdus, ce qui légaliserait l’opération et annulerait de facto la protection juridique dont la forêt bénéficie encore. Les activistes font un recours devant la Procurature et l’affaire se calme.
En novembre 2008, M. Beketov fait à nouveau l’objet d’une agression, physique cette fois contre sa personne. Il est hospitalisé avec une fracture ouverte au crâne. En mai 2009, il sera déclaré invalide du premier groupe.
En décembre 2008, suite à la réaction politique de nombreux députés de Moscou et de l’activisme de la presse locale, le maire de Khimky retire son arrêté autorisant la déforestation de la forêt de Khimky.
En février 2009, le journal Novaya gazeta publie une lettre de M. Beketov adressée au Président D. Medvedev avant son agression, dans laquelle il énumère les faits d’excès de pouvoir commis par l’administration de Khimky. La lettre est contresignée par des milliers d’habitants de la ville.
En été 2009, la décision est finalement prise de réduire l’espace de déforestation de la forêt.
Mais, par décision du 1er mars 2010, la juridiction de première instance décide de transférer la propriété de 150 hectares de la forêt au Fond de transports pour la construction de l’autoroute, sortant ce territoire de toute protection juridique spéciale. Les activistes portent un recours contre cette décision devant la Cour européenne des droits de l’homme, après que leur recours en cassation ait été rejeté par la Cour Suprême fédérale le 27 avril 2010. Suite à cela, le mouvement se renforce et il est dès lors soutenu par plus de 30 organisations russes.
Le 30 juillet 2010 deux activistes sont arrêtés pour leurs actions « illégales » et le procès est en cours.
Le 2 août 2010, les forces spéciales russes, OMON, interviennent pour mettre fin à une manifestation et ils arrêtent le leader politique du parti Iabloko, S. Mitrokhine.
Après nombre scandales et l’impossibilité pour l’administration régionale de calmer la situation, finalement les députés du parti Edinaya Rossiïa demandent au Président de la Fédération d’arrêter la construction de l’autoroute Moscou-St Petersburg. Le Président donne son accord et demande au Gouvernement de mettre en application sa décision.
Finalement, à la mi-décembre 2010, après une réunion de crise avec ses partenaires français, le groupe interministériel constitué pour la cause et dirigé par le vice-premier ministre S. Ivanov, annonce que, après examen des autres possibilités de tracé, la décision a été prise de s’arrêter au tracé choisi initialement, mais toutes les garanties seront prises pour tenir compte du caractère écologiquement sensible de la situation et aucune construction à caractère commerciale ne pourra être autorisée sur les abords de l’autoroute dans la zone forestière. Autrement dit, les activistes ont perdu et l’autoroute sera construite comme prévu.
            Les combats sociaux entre écologistes et représentants de l’Etat sont choses courantes dans tous les pays, mais ils se situent en général sur le plan juridique et non physique. Ce qui ce frappe ici, est la violence avec laquelle les mouvements sont réprimés, les méthodes de voyous qui sont employées et le cynisme des décisions de « justice ». Que les intérêts économiques l’emportent sur les intérêts environnementaux n’est pas une révélation à proprement parler, toutefois les règles de droit doivent être appliquées quels que soient les intérêts en cause pour que l’on puisse parler d’Etat de droit et non d’Etat mafieux.

* * * * *
            La première question qui se pose est de savoir si l’année 2010 a sensiblement changé la vie des citoyens. De (très) nombreuses lois ont été adoptées, à la suite desquelles les pensions de retraites sont revues à la hausse, les impôts locaux aussi, les tarifs des transports publics également, sans oublier une hausse faramineuse des prix, mais c’est le lot habituel de chaque nouvelle année. Une certaine transparence est mise en place au niveau administratif puisque maintenant chaque personne peut obtenir des renseignements auprès des différentes administrations et saura au moins pourquoi elle fait la queue. Concrètement, peu de changements significatifs sont intervenus dans la vie des citoyens cette année.
En revanche, information importante, le 1er janvier 2010, les moscovites ont pu aller au zoo gratuitement. Et le 31 décembre 2010, nombre de leaders de l’opposition ont gagné une visite gratuite des prisons moscovites. N’y voyez aucun parallèle, ce serait déplacé.
En fait l’année 2010 a été principalement marquée par ces deux évènements : formulé autrement, il est possible de dire que l’année 2010 a vu s’accroître dangereusement le fossé entre le discours politique rassurant formulé par le pouvoir et la réalité politico-sociale vécue. Au-delà des visites de Medvedev ou de Poutine dans certaines grandes surfaces ou dans des pharmacies pour contrôler et la qualité des produits et le niveau des prix, au-delà de quelques critiques secondaires et souvent sans effets réels à long terme, cette année a été marquée par de nombreuses manifestations sociales qui concernaient tant le niveau des retraites, que la construction des maternelles ou encore la protection des citoyens contre les escroqueries en matière de nouvelles constructions. Des mouvements civiques forts visant à la protection du patrimoine culturel de Moscou contre les « rénovations » destructrices des bâtiments anciens de la ville ont eu un moment d’espoir avec le départ de Loujkov, mais finalement tout a repris sa place – un peu plus discrètement.
Non, rien n’a vraiment changé. Et le pouvoir en place non plus, malgré les changements de présidence depuis la chute de l’Union soviétique. La tendance est la même (elle s’est juste renforcée), celle de confondre Etat fort / Etat dirigiste / monopole politique. Ce triptyque marque la vie « réelle » russe. Il permet de maintenir, tant pour la population que pour l’étranger, le mythe d’un Etat fort mais en pleine phase de « modernisation », quand celui-ci est en déliquescence. L’Etat est en effet rongé par ce besoin presque maladif de tout contrôler. Contrôler les gouverneurs locaux par la nomination et leur appartenance partisane. Contrôler les juges par une hiérarchie « administrativo-politique » écrasante. Contrôler la société civile en l’encombrant de fausses organisations et organismes indépendants ... d’elle. Contrôler le champ d’expression politique par un quasi monopole. Cet excès de contrôle a conduit à trois phénomènes. Tout d’abord, cela amène à un excès de responsabilité, qui pour l’instant n’est pas assumée. Quand un groupe au centre prétend au contrôle de la périphérie, il doit assumer également les erreurs de cette périphérie, ce qui, à terme, lui porte préjudice et en terme d’image et en terme d’effectivité. Les premiers effets commencent à se faire sentir avec le réveil de la société civile, mais la valse des gouverneurs est pour l’instant la seule réponse. Ensuite, le deuxième phénomène généré par l’excès de contrôle est le recours intensif à la gestion personnelle. Ainsi et le Président Medvedev et le Premier ministre Poutine sont amenés à intervenir personnellement dès que le système bloque dans un coin du pays. Et comme le système n’est plus apte à fonctionner normalement par lui-même, ils sont amenés à intervenir de plus en plus souvent, développant ainsi des rapports de soumission directe avec les dirigeants locaux. Le risque de ce mode de gouvernement est l’ancrage dans la pratique politique de réflexes de types féodaux. L’obéissance est due à une personne et non plus à des règles abstraites indépendantes de cette personne. L’ampleur de la corruption, l’impossibilité d’en venir à bout, la désorganisation du système de justice et les dysfonctionnements des forces de l’ordre sont l’image de la reproduction à chaque niveau de pouvoir de la pratique courante au sommet. L’ensemble de ces phénomènes affaiblissent l’Etat, même si parallèlement ils renforcent pour un temps la position d’un groupe déterminé. Ce qui conduit naturellement à un troisième phénomène, celui de l’émergence d’une structure parallèle reflétant beaucoup mieux la société. Elle a trouvé sa place dans internet, dans les associations non enregistrées et échappant ainsi au contrôle étatique, dans le développement de mouvements citoyens. Elle englobe aussi toute l’opposition politique non systémique – c’est-à-dire en fait l’opposition presque entière – rendant extrêmement difficile la possibilité pour les structures de pouvoir d’évoluer naturellement, de se rénover et de s’adapter. Ce que, par ailleurs, d’une certaine manière le Président Medvedev a appelé la sclérose de la vie politique russe et du parti Edinaya Rossiïa, qui est incapable de se réformer. Toutes les réformes sont alors lancées en bloc (la santé, l’enseignement, la police, la justice...) avec un sentiment d’urgence, d’autant plus exacte qu’il y a eu une prise de conscience de cette urgence, le système étatique ayant atteint un point de rupture. Mais, pour autant, elles sont pour l’instant inefficaces car on ne peut demander aux organes eux-mêmes de se réformer, les consultations externes sont marginales, les consultations d’indépendants sont inexistantes. Le système faute de se réformer, tente alors de panser ses plaies pour durer encore un peu, toujours dans l’attente de l’homme providentiel qui pourra tout sauver, avec la peur au ventre provoquée par le spectre d’une nouvelle révolution.
C’est pourquoi l’année 2010 en Russie sera marquée par l’affaiblissement de l’Etat.
           



           

           


[1] V. Kassiutine, Chestoe tchustvo [Le sixième sens], Jurnalistika i mediarynok, 2010, N° 10, p. 1.
[3] Voir la Loi fédérale du 5 août 2000 n°113-FZ sur le régime de la formation du Conseil de la Fédération de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie, Sobranie zakonodatelstva RF, 2000, N° 32, art. 3336
[4] Loi fédérale du 5 avril 2009 n°41-FZ, Sobranie zakonodatelstva RF, 06. 04. 2009, N° 14, art. 1576
[6] Voir l’oukase du Président de la Fédération de Russie du 9 septembre 2010 N°1116 sur la démission  anticipée de ses fonctions du gouverneur de l’Oblast de Novossibirsk
[12] Parlamentskaya gazeta, N°90, 31.12.2008
[13] Rossiïskaya gazeta, N°19, 01/02/2010
[14] Rossiïskaya gazeta, N°168, 30/07/2010
[15] Sobranie zakonodatelstva RF, 02/06/2010, N° 23, art. 2800
[16] Sobranie zakonodatelstva RF, 07/06/2010, N°23, art. 2798
[18] Loi fédérale du 22 avril 2010 n° 63-FZ, Rossiïskaya gazeta, N° 88, 26/04/2010
[19] Loi fédérale du 4 juin 2010 n° 118-FZ, Sobranie zakonodatelstva RF, 07/06/2010, N°23, art. 2800
[20] Sobranie zakonodatelstva RF, 04/05/2010, N° 18 (1ère partie), art. 2155
[21] Parlamentskaya gazeta, N° 25, 15-21. 05. 2009
[22] Afin de garantir les mêmes droits au niveau local, en 2010 ont été prises deux lois supplémentaires : loi fédérale du 6 mai 2010 N° 80-FZ portant modification de l’article 32 de la loi fédérale sur les partis politiques, Sobranie zakonodatelsva RF, 10/05/2010, N° 19, art. 2288 ; loi fédérale du 4 mai 2010 N° 261-FZ portant modification de l’article 26.3 de la loi fédérale sur les principes généraux de l’organisation des organes législatifs (représentatifs) et exécutifs du pouvoir d’Etat des Sujets de la Fédération de Russie, Rossiïskaya gazeta, N° 225, 06/10/2010
[23] Parlamentskaya gazeta, N° 90, 31. 12. 2008
[24] Des dispositions identiques ont été adoptées à l’égard des Sujets de la Fédération de Russie par la loi fédérale du 29 mars 2010 N°29-FZ portant modification des articles 5 et 18 de la loi fédérale sur les principes généraux de l’organisation des organes législatifs (représentatifs) et des organes exécutifs du pouvoir d’Etat des Sujets de la Fédération de Russie, Rossiïskaya gazeta, N° 66, 31/03/2010
[25] Pour les chiffres, voir la revue Nevoliya, 2010, n°22, p. 4
[26] Pour plus d’informations sur le système pénitentiaire russe voir, L. Golovko, Le système pénitentiaire russe, in Les systèmes pénitentiaires dans le monde, sous la dir. de J.-P. Céré et C. E. A. Japiassu, 2e édition Dalloz (à paraître)
[27] Voir le site officiel de la Cour Suprême de la Fédération de Russie, http://www.cdep.ru/index.php?id=5&item=394
[28] Les jurys populaires ont connus de 847 affaires, pour 169 acquittements.
[29] Ces données ne tiennent pas compte en matière civile des affaires pendantes devant le système des cours d’arbitrage qui jugent des affaires civiles-économiques.
[30] Pour qu’un projet de loi soit définitivement adopté, il doit d’abord, avant tout vote du Conseil de la Fédération, passer trois lectures consécutives devant  la Chambre basse.
[31] Projet de loi N° 30695-5
[32] Loi fédérale du 25 décembre 2008 N° 274-FZ, loi fédérale du 7 mai 2009 N° 83-FZ, loi fédérale du 2 juin 2009 N° 100-FZ, loi fédérale du 28 juin 2009 N° 126-FZ, loi fédérale du 17 juillet 2009 N° 157-FZ, loi fédérale du 27 septembre 2009 N° 219-FZ, loi fédérale du 9 novembre 2009 N° 246-FZ, loi fédérale du 9 novembre 2009 N° 248-FZ, loi fédérale du 28 novembre 2009 N° 296-FZ, loi fédérale du 29 mars 2010 N°37-FZ, loi fédérale du 1er juillet 2010 N°135-FZ.
[33] Le Haut conseil de qualification des juges ressort globalement de la même logique que le Conseil supérieur de la magistrature en France.
[34] La responsabilité administrative en droit russe couvre globalement le domaine des contraventions pénales en droit français.
[35] Loi fédérale du 9 février 2009 N°8-FZ, Rossiïskaya gazeta, N° 25, 13.02.2009
[36] Loi fédérale du 22 décembre 2008 N° 262-FZ, Rossiïskaya gazeta, N° 265, 26.12.2008, dans la rédaction de la loi fédérale du 28 juin 2010 N° 123-FZ, Rossiïskaya gazeta, N° 142, 01.07.2010
[37] Suite à l’arrêt pilote de la Cour européenne des droits de l’homme Burdov (2) contre Russie publié le 15 janvier 2009, la Russie a été obligée de prendre des mesures générales afin de mettre un terme à la violation persistante des droits de citoyens en matière de lenteur excessive de la justice et notamment de non exécution par l’Etat russe des décisions de justice. Suite à cela, le Président de la Fédération de Russie a introduit un projet de loi, le 22 mars 2010 seulement, qui fut finalement adopté à la fin du délai accordé par la Cour de Strasbourg et a donné lieu à la loi fédérale du 30 avril 2010 N° 69-FZ sur la compensation pour la violation du droit à une procédure judiciaire dans un délai raisonnable et à l’exécution des décisions de justice dans un délai raisonnable (Sobranie zakonodatelstva RF, 03/05/2010, N° 18, art. 2145). Sur les péripéties de cette procédure législative, voir Biulletin Evropeïskogo suda po pravam tcheloveka, N° 6, 2010, p. 1-2.
[38] Rasporiagenie, 24 juin 2005 du président de la cour centrale de Volgograd, I. V. Putchkine (acte interne non publié)
[39] Sur cette affaire, voir Novaya gazeta, 22/12/2008, Ia federalnyï sudya, a ne prodavchitsa, I. Gordienko
[40] Pour plus de détails sur cette affaire, voir l’article dans Kommersant, http://www.kommersant.ru/doc.aspx?DocsID=1284828
[41] Voir, par exemple, les arrêts récents (non définitifs) Sadykov contre Russie, Merjouïeva et autres contre Russie du 7 octobre 2010, Sasita Israilova et autres contre Russie du 28 octobre 2010.
[45] Loi constitutionnelle fédérale du 2 juin 2009 n° 2-FKZ, Rossiïskaya gazeta, N° 100, 04. 06. 2009
[48] Pour plus d’information sur la corruption en Russie voir, http://corrupcia.net et plus particulièrement sur les malversations ayant cours à Moscou l’article de M. Torotchechnikova, Obchestvennaya palata vzialas za korruptsiu v Moskve, http://www.svabodanews.ru
[52] http://www.gazeta.ru/politics/2010/12/08_a_3460209.shtml
[60] Pour lire les analyses sur ces évènements sur le site gazeta.ru, voir http://www.gazeta.ru/subjects/besporadki_v_moskve.shtml
[61] Le contentieux pour torture suite à des exactions des forces de l’ordre dans le Caucase est très important devant la Cour européenne des droits de l’homme. On peut noter l’arrêt de chambre Sadykov contre Russie du 7 octobre 2010 dans lequel un instituteur qui vivait seul dans sa maison de Grozny et aidait la population en apportant de la nourriture a été arrêté et torturé par les forces de police lors de sa détention, car soupçonné d’activités de combattant rebelle.
[62] Voir l’affaire complète ainsi que le recours devant la Cour européenne des droits de l’homme sur le site juridique http://sutyajnik.ru/cases/450.html
[64] Voir la discussion et les commentaires http://zakonoproekt2011.ru/#item/21
[65] Pour lutter contre les mauvais traitements, des vidéos surveillances ont déjà été installées dans les lieux d’interrogatoire et de détention. Le problème est que souvent les juges refusent purement et simplement d’en prendre connaissance.
[66] Voir l’article de L. Golovko, Zakon « O politsii » : pro i contra, Zakon, 2010, n° 9, p. 18-29
[67] Voir l’article de L. Golovko, Reforma politsii v kontexte modernisatsii predvaritelnogo proizvodstva v rossiïskom ugalovnom protsesse, http://www.iuaj.net/node/484
[68] Loi fédérale du 25 décembre 2008 n° 292-FZ, Sobranie zakonodatelstva, 29. 12. 2008, N° 52 (partie 1), art. 6247
[70] Loi fédérale du 4 octobre 2010 n° 263-FZ, Rossiïskaya gazeta, N° 228, 08. 10. 2010
[71] Loi fédérale du 31 mai 2010 n° 112-FZ, Parlamentskaya gazeta, N 29, 04-10. 06. 2010
[72] Loi fédérale du 3 juin 2009 n° 108-FZ, Sobranie zakonodatelstva RF, 08. 06. 2009, N 23, art. 2763
[73] Loi fédérale du 9 février 2009 n° 3-FZ, Rossiïskaya gazeta, N 22, 11. 02. 2009
[74] Loi fédérale du 1er juillet 2010 n° 133-FZ, Sobranie zakonodatelstva RF, 05. 07. 2010, N 27, art. 3417
[75] Loi fédérale du 5 avril 2010 n° 42-FZ, Rossiïskaya gazeta, N° 72, 07. 04. 2010
[76] Pour plus de détails, voir http://sutyajnik.ru/cases/377.html
[77] Voir l’article de S. Smerdov sur le site Sutyajnik, http://sutyajnik.ru/articles/283.html
[78] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 19 mai 2008 n°815
[79] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 6 novembre 2004 n° 1417
[80] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 17 décembre 2008 n° 1792
[81] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du  1er novembre 2008 n° 1576
[82] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 17 octobre 2008 n° 1489, modifié le 4 janvier 2010
[83] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 2 novembre 2007 n° 1451
[84] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 30 août 2004 n° 1131, modifié le 6 août 2008
[85] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 30 août 2004 n° 1132, modifié le 6 août 2008
[86] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 28 avril 2009 n° 468, modifié le 30 juin 2009
[87] Créé par oukase du Président de la Fédération de Russie du 5 octobre 1999 n° 1338, modifié le 18 juillet 2008
[88] Créé par ordre [rasporiajenie] du Président de la Fédération de Russie du 17 mars 2001 n° 133-rp et par l’oukase du Président de la Fédération de Russie du 28 juin 2005 n°736, modifié le 28 juin 2010
[89] Créé par ordre [rasporiajenie] du Président de la Fédération de Russie du 12 janvier 2009 n° 15-rp
[90] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 20 mai 2009 n° 579, modifié le 30 avril 2010
[91] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 25 août 2008 n° 1252
[92] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 20 septembre 2010 n°1142, modifié le 30 septembre 2010
[93] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 15 décembre 2008 n° 1775
[94] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 10 septembre 2005 n° 1062
[95] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 15 mai 2009 n° 549
[96] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 4 octobre 2001 n° 1185, modifié le 12 janvier 2010
[97] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 1er août 2006 n° 814, modifié le 1er novembre 2008
[98] Créée par oukase du Président de la Fédération de Russie du 2 décembre 2008 n° 1712
[99] Créée par ordre [rasporiajenie] du Président de la Fédération de Russie du 14 octobre 2009 (numéro non indiqué)
[100] Publiée dans Sobranie zakonodatelstva RF, 20. 07. 2009, N° 29, art. 3607
[101] Publiée à Rossiïskaya gazeta, N° 72, 07. 04. 2010
[102] Publiée à Rossiïskaya gazeta, N° 109, 21. 05. 2010
[103] N° 45-G10-25
[104] N° 21-G10-2
[105][105] A ce sujet, voir l’interview du 17 août 2010 de A. B. Konokov, Président de cette République, http://avaz.livejournal.com/21643.html
[106] N° 11-G10-21
[109] Loi fédérale du 8 décembre 2010 n° 344-FZ, Rossiïskaya Gazeta, N° 281, 13. 12. 2010
[110] Voir l’article de V. Gromov, Gay-piket ne vstretil podderjki, Gazeta.ru, 22/11/2010
[112] Voir Kommersant Vlast, n° 45, 15/11/2010
[113] Voir Kommersant Vlast, n° 45, 15/11/2010
[118] Arrêté du plenum de la Cour Suprême de la Fédération de Russie du 15 juin 2010 n°16 sur la pratique d’application par les juridictions de la loi fédérale sur les masses médias, Rossiïskaya Gazeta, N °132, 18/ 06/ 2010
[119] Rossiïskaya Gazeta, N °22, 11/02/2009