La dyarchie de l’exécutif en Russie
Karine Bechet-Golovko
Maître de conférences à EHU (European Humanities University, Vilnius)
Article publié à la Revue de droit
public, 2/2013
1.
L’organisation de la dyarchie au service des déformations institutionnelles
1.1 Le cadre institutionnel de la dyarchie de l’exécutif
1.2 Les déformations institutionnelles générées par le système
constitutionnel
2.
L’organisation clanique du pouvoir au-delà du texte constitutionnel
2.1 Les modalités claniques du droit de nomination
2.2
L’illusion du pluralisme politique et les modalités claniques de la vie
politique
« Le suffrage universel est un sacre bien
autrement divin que l’huile de Reims ou le sang de Saint Louis. Il ne faut pas
tenter Dieu, encore moins l’homme. Le président pourra dire à
l’Assemblée : " vous n’êtes que les neuf centièmes du peuple. Je
suis à moi seul le peuple entier" » . [1]Cette
affirmation, pleine de bon sens, ne fonctionne pourtant que dans un cadre
institutionnel « normalisé », à savoir quand l’accession au pouvoir
dépend de l’expression de la volonté populaire, volonté qui peut amener le
titulaire du pouvoir à partir. Le Chef de l’Etat est alors effectivement tout
puissant, pour le temps de sa fonction. Ce schéma d’une fonction présidentielle
forte, a été repris en Russie et dans les discours des constitutionnalistes
russes, à l’image d’un De Gaulle s’installant au Kremlin. Il lui manque
toutefois un élément clef, la responsabilité. Le chef de l’Etat en Russie,
comme la plupart des hommes « politiques » de ce pays, ne sont de facto pas soumis à une responsabilité
politique, dans laquelle ils rendent des comptent à leurs électeurs et sont
sanctionnés par eux. Ils rendent des comptent à l’appareil d’Etat, au clan, et
ne sont sanctionnés que pour la trahison au clan. Et le clan porte la
personnalité du dauphin, qui prendra la place vacante, institution mise en
place par Boris Eltsine, se fondant quant à lui sur sa légitimité électorale,
au profit de Vladimir Poutine. C’est cette logique clanique qui déforme profondément
la logique institutionnelle russe, et touche particulièrement les rapports de
l’exécutif, source principale du pouvoir. Dans cette perspective, les éléments
juridiques organisant une dyarchie au sein de l’exécutif ne servent qu’à mettre
en place le cadre institutionnel de la déformation du pouvoir (1). Par la
suite, ces déformations se sont structurées au cours de la pratique
politico-constitutionnelle russe et, en quelque sorte, institutionnalisées
autour de deux clans qui se répartissent le pouvoir et constituent le réel
élément de dyarchie (2).
1. L’organisation de la dyarchie au service des déformations
institutionnelles
Le
système constitutionnel russe ne prévoit pas précisément la place du Président
dans la division tripartite des pouvoirs. Formellement, donc, il n’appartient
pas au pouvoir exécutif, avec lequel il entretient toutefois des rapports très étroits.
Selon la loi constitutionnelle fédérale[2] sur le Gouvernement de la
Fédération de Russie[3], le Gouvernement est
l’organe supérieur du pouvoir exécutif en charge de son exercice. Mais le
Président, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’Administration
présidentielle, intervient largement dans l’exercice du pouvoir exécutif, qu’il
oriente, dirige et contrôle. Le cadre institutionnel mis en place facilite donc
l’existence d’une dyarchie dans le pouvoir exécutif (1.1), mais en renonçant à
préciser clairement les rôles respectifs de ses titulaires, il ouvre la voie
aux déformations institutionnelles, ensuite renforcées par la pratique (1.2).
1.1 Le cadre institutionnel de la dyarchie de l’exécutif
La position du Chef de l’Etat
est une question doctrinale douloureuse, sur laquelle aucun consensus n’a été
atteint et la doctrine se divise encore. V. O. Loutchine indique en ce sens que
si le rôle du Président en tant que garant de la Constitution est un aspect
traditionnel de la fonction présidentielle, son positionnement dans la
répartition tripartite des fonctions du pouvoir d’Etat ne peut découler des
formulations du texte constitutionnel. L’Assemblée fédérale est en charge du
législatif, le Gouvernement de l’exécutif et les juridictions du judiciaire.
Que reste-t-il alors au Président, pourtant indiqué dans l’article 11 comme un
des titulaires du pouvoir d’Etat ?[4]
Très souvent la doctrine le
situe en dehors de la répartition tripartite du pouvoir, ce qui permet
d’écarter la question sans la régler. En effet, certains auteurs comme N. V. Vitrouk,
dans leur manuel de droit constitutionnel, analysent en détail la fonction
présidentielle, les compétences du Président, mais n’évoquent pas la question
de son positionnement théorique[5]. D’autres auteurs, en
revanche, comme S. A. Avakian, remontent à la mise en place de la fonction
présidentielle à la fin de l’époque soviétique pour tenter d’en comprendre les
mécanismes actuels. Et dès cette époque, l’idée de la place institutionnelle du
Président n’était pas très claire. Il fallait un Président à la Russie
soviétique, car il fallait une personnalité suffisamment forte pour renforcer
l’autonomie de la république, défendre ses intérêts et la représenter[6]. Mais c’est de 1991 à 1993
qu’est réellement née la fonction présdientielle russe et également le dualisme
de l’exécutif.
Dès sa prise de fonction, B.
Eltsine travaille à la formation de son
Gouvernement et à la création de son
Administration présidentielle. Cette dualité va rester et se renforcer avec le
temps et les nécessités politiques. Aujourd’hui encore, l’appareil de
l’exécutif reste emprunt de cette dualité, car une partie des organes sont
formés sous l’autorité du Gouvernement et une partie sous celle du Président.[7] Selon le professeur
Avakian, avant l’adoption de la Constitution de 1993, le Président était
considéré comme à la tête de l’exécutif, avec l’adoption de la nouvelle
Constitution il est réellement à la tête de l’Etat. Ce qui l’amène à la
conclusion selon laquelle « le Président
n’entre pas dans la division des pouvoir, il la domine »[8].
Il ressort donc du texte
constitutionnel, une seule certitude : trois organes sont intimement liés
à l’exécutif, à savoir le Président, le Gouvernement et l’Administration
présidentielle.
Le Président nomme le chef du
Gouvernement[9],
sur proposition du chef du Gouvernement il nomme les ministres et les membres
du Gouvernement, il peut renverser le Gouvernement[10]. Les actes du
Gouvernement doivent être conformes aux actes du Président, sous peine de quoi
leur légalité peut être contestée. La loi constitutionnelle (organique)
fédérale sur le Gouvernement fédérale reprend et précise ces dispositions. Plus
concrètement, il est prévu que le Président dirige l’activité des organes
fédéraux du pouvoir exécutif en ce qui concerne les questions relatives à l’armement,
à la sécurité, aux affaires intérieures, à la justice, aux affaires étrangères,
aux circonstances exceptionnelles et aux catastrophes naturelles. Il dirige
directement ces organes par l’intermédiaire des ministres fédéraux. Il réparti
la compétence entre ces organes et le Gouvernement coordonne leur activité.[11] La loi constitutionnelle
(organique) prévoir donc la soumission du gouvernement au Président, tant au
niveau de sa formation, que de la politique menée dans les domaines clefs de
l’Etat. Toutefois, le Président ne peut renverser le Gouvernement de sa propre
initiative, il n’en a la compétence que lors d’un conflit ouvert avec le
Parlement dans lequel le Gouvernement perd la confiance ou lors d’une demande
en ce sens présentée par le chef du Gouvernement.[12] En ce qui concerne
l’activité politique du Gouvernement, il est en général admis qu’il lui revient
essentiellement la conduite de la politique économique du pays.
Cette loi constitutionnelle prévoit
également la collaboration de l’appareil gouvernemental avec l’Administration
présidentielle pour l’exécution des fonctions attribuées au Gouvernement.[13] Or, la figure de
l’Administration présidentielle est plus énigmatique. Si elle a été mise en
place par Boris Eltsine dès son entrée en fonction, sa régulation est très
souple. Elle est simplement citée une fois dans la Constitution qui ne fait que
prévoit son existence[14] et par différents
oukases. Aucune loi fédérale ne pose ni sa structure, ni son mode de
fonctionnement, c’est un organe d’une grande souplesse qui doit couvrir tous
les besoins politiques du Chef de l’Etat, et ces besoins sont à la mesure de
ses domaines de compétence. Elle est composée d’un secrétaire de presse, de
différents conseillers, de différents départements, d’organes comme le Conseil
de sécurité qui prépare la politique présidentielle en matière de politique
intérieure ou du Conseil d’Etat qui est un organe consultatif sur la question
de la coordination de l’activité des différents organes d’Etat. Il serait
possible de penser qu’une structure quelle que peu stable ait été mise en place
depuis 2004, date à laquelle un oukase, toujours en vigueur, a été adopté sur
l’Administration présidentielle[15]. Pourtant, il a été
modifié en 2005, deux fois en 2010 et trois fois en 2012. En ce qui concerne le
réglement de l’Administration présdientielle adopté en avril 2004[16], il fut modifié la
première fois dès juin 2004, puis en 2005, 2007, 2008, 2010 et 2011, à ce jour.
Parallèlement, une réflexion sur l’amélioration de la structure de
l’Administration présidentielle a été menée dès 1998, formalisée par un oukase
du Président Eltsine[17] et a conduit à de
nombreuses modifications concernant la structure jusqu’en juin 2005, date de la
dernière modification de cet oukase[18]. Pourtant, il serait
erroné de croire la structure fixée. Car de nombreux oukases autonomnes sont
depuis intervenus dans le domaine, modifiant certains départements de
l’Administration présidentielle.[19]
L’évidence, sinon de
l’impossibilité, du moins de la grande difficulté de tracer une carte complète
et claire du fonctionnement de l’Administration présidentielle saute aux yeux.
Et cette flexibilité est une arme redoutable. A la différence du Gouvernement,
l’Administration présidentielle ne dépend pas de l’Assemblée fédérale, qui ne
peut ni lui octroyer ni lui retirer ni sa confiance ni sa défiance, qui ne peut
donc pas provoquer un renversement comme pour le Gouvernement. L’Administration
présidentielle procure ainsi au Président la possibilité de contourner un
conflit avec le Parlement, de gérer le pays en situation de conflit
institutionnel intérieur, comme l’a fait en son temps B. Eltsine. En ce sens,
le dualisme Administration présidentielle / Gouvernement permet de modifier de facto la conception de la séparation
des pouvoirs en Russie. Traditionnellement classée dans la catégorie de
séparation souple des pouvoirs en raison des pouvoirs croisés de dissolution et
de mise en jeu de la responsabilité, le rôle de l’Administration présidentielle
insère un élément de rigidité dans la séparation des pouvoirs.
Le système constitutionnel
russe prévoit donc la possibilité de trois modes de gouvernance. Le premier,
celui de la normalisation du fonctionnement institutionnel, est plutôt proche
du modèle français en situation de fait majoritaire. Un Président fort qui
décide des grandes orientations, un Gouvernement qui les met en place en
collaboration avec le Parlement, même si le poids du Président est, en Russie,
renforcé par son Administration présidentielle. Ce premier mode correspond au
premier cycle de présidences de V. Poutine. Le deuxième mode de gouvernance est
celui du dépassement d’un conflit institutionnel, quand le Président doit recourir
à l’Administration présidentielle pour gouverner le pays en dépassant
l’opposition du Parlement et ne pas dépendre d’un Gouvernement de compromis
qu’il a été plus ou moins obligé de former. Ce schéma correspond à la période
de présidence de B. Eltsine, dès 1993, marquée par les nombreux conflits avec
l’institution parlementaire. Le troisième schéma est celui du dépassement du
Gouvernement par l’Administration présidentielle, dans un conflit interne à
l’exécutif, si on lie la fonction présidentielle à l’exécutif ou dans le cadre
d’un conflit entre la fonction présidentielle et l’exécutif si on les dissocie.
Il s’agit ici de la dernière présidence de V. Poutine, celle qui est en cours.
En ce qui concerne la présidence de D. Medvedev, c’est une question à part, une
déformation en soi du système, qui sera traitée séparément.
La complexité et l’imprécision
de la répartition des rôles entre le Président et le chef du Gouvernement
ouvrent donc la place à des déformations institutionnelles, qui seront encore
aggravées par la pratique politique.
1.2 Les déformations institutionnelles générées
par le système constitutionnel
Comme cela vient d’être montré,
le système constitutionnel ouvre la porte à un certain nombre de déformations
institutionnelles, qui, pour les plus importantes du point de vue de la
dyarchie de l’exécutif, sont : l’instauration de l’institution du
« dauphin » et l’absence de
facto de responsabilité politique des membres du Gouvernement.
L’institution du dauphin a été
mise en place par B. Eltsine, pour ne pas prendre le risque d’une perte de
pouvoir de « son » clan, ou comme comme certains l’appellent
« la famille ». Cette véritable « opération politique » va
pouvoir s’appuyer sur les résultats des élections législatives de 1999, où pour
la première fois la coalition des partis soutenant le pouvoir obtient un score
confortable[20],
permettant ainsi au Gouvernement de réellement diriger. C’est dans cette
configuration que V. Poutine, nommé Premier ministre en août 1999, semble
légitimé pour assurer l’intérim après la démission de B. Eltsine, le 31
décembre 1999. Il devient le premier « dauphin », mais doit recevoir
le sacre électoral par les élections présidentielles du 26 mars 2000. Avec 11
candidats, l’élection devait se trouver placée sous le signe du pluralisme,
mais la campagne a totalement été dominée par la question de la guerre en
Tchétchénie et certains candidats ont même appelé les électeurs, vu le contexte
politique, à soutenir V. Poutine[21]. La manière concrète dont
se sont déroulées les élections montrent bien qu’il s’agissait d’une opération
de légitimation et non d’une élection : il fallait sacrer le dauphin. Il
le fut dès le premier tour. L’institution du dauphin semble alors être
installée.
D’un point de vue
institutionnel, il ne peut y avoir de « dauphin » que lorsque
certaines conditions sont réunies. Il faut tout d’abord que la légitimité du
« père politique » ne soit pas remise en cause, pour que son choix ne
le soit pas. Il faut ensuite une soumission des acteurs politiques qui
acceptent de jouer le jeu, c’est-à-dire de participer pour perdre. Enfin, il
faut l’acceptation de la population, pour que le « dauphin » devienne
dirigeant légitime et puisse à son tour désigner un dauphin le moment venu.
Autrement dit, le Président sortant doit avoir eu le sacre électoral, qui
légitime « son droit » de choisir son successeur. Donc les processus
électoraux doivent être acceptés et les opposants faibles ou « de
poche ». Ce qui ôte toute possibilité à l’existence d’une réelle
opposition politique, d’une réelle alternance au pouvoir. Le nouveau Président
doit, lui-même, avoir un score plus qu’honorable lors de son élection, pour ne
pas laisser penser à un partage de l’opinion publique, sa position serait trop affaiblie.
Il doit ensuite absolument mener une politique démagogique pour renforcer sa popularité
et emmener l’adhésion populaire dans un rapport très personnel, presque
affectif de gouvernance. Il s’agit d’une forme moderne de paternalisme
politique, comme il le fut en son temps en matière industrielle. Le Président
sortant est alors en mesure de choisir son dauphin, mais la règle veut son
départ.
Dans un premier temps, V.
Poutine a rempli toutes les conditions. De « dauphin » il est devenu
« gouvernant ». Pourtant des difficultés apparaissent à la fin de son
deuxième mandat, au moment où se pose la question du départ. Il se refuse à
modifier la Constitution pour pouvoir enchaîner un troisième mandat consécutif,
alors que sa côte de popularité est toujours au beau fixe et que de nombreuses
personnalités politiques intérieures et étrangères l’y encouragent.[22] Mais il se refuse aussi à
réellement quitter le pouvoir. Et la question du dauphin se pose à nouveau.
L’hésitation porte entre S. Ivanov, proche de V. Poutine, dans la tendance
conservatrice, et D. Medvedev, également proche, mais dans la tendance
libérale. Or, si V. Poutine ne veut quitter le pouvoir, il faut une contre
partie pour l’image de la Russie à l’international. Le rôle du
« méchant » est déjà pris, la candidature de S. Ivanov risque de
renforcer cette image négative, et auprès du milieu des affaires (intérieur ou
étranger), et sur la scène internationale. Le clan libéral ressentirait un
déficit de représentation. Le choix finalement se porte sur D. Medvedev, qui
gagne lui aussi les élections au premier tour, le 2 mars 2008 avec plus de 70%
des voix.[23]
Mais une des conditions
essentielles du succès de l’opération dauphin n’est pas remplie et ne peut
l’être. Avant même les résultats électoraux, et lors de la campagne électorale,
D. Medvedev annonce proposer le poste de Premier ministre, en cas de victoire
évidemment, à V. Poutine, qui l’accepte.[24] Opération menée lors de
l’assemblée générale du parti Edinaya Rossiya. Les rôles sont ainsi bien
définis. Le « méchant » garde son rôle de méchant, il sécurise une
partie de l’électorat conservateur et apparaît le « gentil », qui
provoque une vague d’espoir dans l’opposition, vague qui va finalement le
submerger, rassure le clan libéral. Formellement, bien sûr, la technologie
politique ayant évoluée depuis l’époque de B. Eltsine, la candidature de D.
Medvedev a été lancée par le parti Edinaya Rossiya[25], dirigé par V. Poutine
(qui n’en a jamais officiellement fait partie) lors de l’assemblée générale du
17 décembre 2007. Et cette candidature a été soutenue, outre par Edinaya
Rossiya, également par d’autres partis, à savoir Spravedlivaya Rossiya[26], Agrarnaya partia[27] et Grajdanskaya sila[28].[29] L’opération continue par
la mise en scène de la passation non formelle des pouvoirs, le soir de
l’annonce des résultats électoraux. V. Poutine et D. Medvedev arrivent côte à
côte sur la place rouge sur une chanson d’un groupe « patriotique »
(dont le chanteur est depuis devenu député à la Douma), mise en scène
remarquable lors de laquelle l’ancien Président passe le pouvoir au nouveau,
mais tout en restant à côté[30], dans tous les sens du
terme. Il n’y a pas eu de réactions particulières, car l’espoir d’une
libéralisation du système tant juridique que politique était vraiment présent
dans les esprits. Seuls les observateurs internationaux qualifiaient ce
processus électoral de plébicite et non d’élections[31]. Toujours en ce qui
concerne la mise en scène, mais aspect très significatif de ces passations de
pouvoir, lorsque V. Poutine revient au pouvoir et gagne les dernières élections
présidentielles de mars 2012, il arrive à nouveau avec D. Medvedev, à nouveau
sur la place rouge, seule la musique a changé. Cette fois-ci, D. Medvedev
semble lui rendre un bien qu’il n’a eu en dépôt que temporairement et dont il a
assuré la maintenance.
La présidence de D. Medvedev a
donné une grande leçon en matière de pratique constitutionnelle. Elle a permis
d’enlever tout doute possible quant à la source du pouvoir, qui ne dépend pas
du texte de la Constitution, mais de la personnalité de l’individu très concret
qui occupe la fonction. Si le schéma constitutionnel prévoyait de larges
pouvoirs au Président, V. Poutine a réussi à diriger le pays au quotidien
depuis le Gouvernement. Pour autant, il serait illusoire d’en déduire que D.
Medvedev n’a pas gouverné. Il a échoué dans ses réformes (justice et police
essentiellement) et a ainsi provoqué une grande désillusion. Mais, malgré un
discours libéral, il a pu renforcer le contrôle présidentiel sur certaines
questions clefs, notamment pour la justice. Pour illustrer ce propos, il est
intéressant de souligner deux phénomènes. Le premier est celui de la
« légalisation » par la Douma de la reconnaissance de pouvoirs
« extra constitutionnels » au Président, par une analyse comparée des
présidences Poutine et Medvedev. Le second concerne l’évolution de l’activité
en matière d’initiative législative lors de ces deux périodes.
Si une comparaison est faite
entre les présidences Poutine et Medvedev sur l’élargissement des compétences « extra
constitutionnelles » du Président, il apparaît clairement que Poutine a fortement
renforcé la fonction présidentielle, alors que Medvedev est resté plus en
retrait. Pour cela, il est possible de s’appuyer sur l’analyse faite par le
professeur M. Krasnov[32].
En
partant d'une analyse de la production législative depuis l'entrée en vigueur
de la Constitution de 1993, l’auteur a noté l'adoption de 294 documents
législatifs prévoyant des compétences présidentielles. En corrigeant les
données pour exclure les textes qui ne font que répéter les compétences déjà
prévues par la Constitution, le total est de 116 lois qui prévoient en tout 473
nouvelles compétences. Ces
compétences, non prévues intialement, touchent essentiellement:
- l'organisation
et l'activité des organisations sociales et autres organisations non
gouvernementales;
- l'organisation
et l'activité des organes du pouvoir d'Etat et leurs structures comme les
organes intervenant dans le domaine de la sécurité, de la défense, de la
légalité ou du maintien de l'ordre;
- les services publics;
- la politique
budgétaire et le contrôle financier;
- les relations économiques;
- la culture;
- la science et
la technique;
- l'enseignement.
La
plupart de ces attributions de fonction se justifient au regard des compétences
présidentielles de détermination de la politique intérieure et extérieure du
pays, reconnues par la Constitution, mais l'interprétation qui en est faite
porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Puisqu'il s'agit dans la
Constitution de la détermination de ces politiques et non de l'intervention
directe du Président sur toutes les questions. Selon les résultats de
l'analyse, quatre groupes principaux de compétences spéciales ont été dégagés. Il
s'agit:
- des
compétences sortant des compétences présidentielles prévues par la
Constitution et des fonctions présidentielles normales;
- des
compétences de régulation des services de sécurité et militaires et de
leur direction;
- des
compétences de régulation des services publics civils et de leur
direction;
- des
compétences qui formellement concrétisent les compétences
constitutionnelles du Président, mais qui en réalité contreviennent à la
Constitution.
Dans
ces 4 catégories, sous la présidence Eltsine, les compétences du dernier groupe
n'ont pas été utilisées, et dominent les compétences du premier groupe (environ
20), suivies du deuxième et troisième groupe, respectivement un peu plus de 10
et 3. La présidence Poutine est marquée par la domination de la reconnaissance
de compétences du premier groupe (plus de 60) et du troisième groupe (plus de
30). La présidence Medvedev, pour sa part, est marquée par une légère domination
de la première catégorie des compétences (presque 20) et du dernier groupe
(environ 10). On notera que la période la plus productive en matière de
reconnaissance législative de compétences extraconstitutionnelles est de loin
la présidence Poutine. 40 sous B. Eltsine, 38 sous D. Medvedev pour 109 sous V.
Poutine. Toutefois, en rapport des compétences "normales" et des
compétences "extraconstitutionnelles", les présidences Medvedev et
Poutine se valent: environ la moitié des compétences reconnues au Président
dans les deux cas sortent du cadre constitutionnel (24% sous Eltsine, 43% sous
Poutine et 46% sous Medvedev).
Non
seulement la proportion des compétences non prévues par la Constitution
reconnues au Président par le pouvoir législatif augmente, mais elles sont de
plus en plus importantes sur le fond. Il s'agit notamment, sous la présidence
Medvedev, du droit de nommer et révoquer le président de la Cour
constitutionnelle[33] ou les présidents des
universités d'Etat de Moscou et Saint Petersbourg[34]. Il s'agit aussi par
exemple du droit de déterminer le régime d'appréciation de l'effectivité des
organes locaux et sur ce fondement la possibilité de révoquer le Gouverneur
concerné[35].
En ce qui concerne le droit d’initiative législative,
l’ambigüité du rôle de la présidence Medvedev apparaît tout autant. Il semble
avoir rempli son rôle « libéral », d’une certaine manière. Surtout en
ce qui concerne la libéralisation de la vie politique, même si ses initiatives
viennent plus de l’impulsion des mouvements de masses que d’une volonté
politique longuement réfléchie. Tous les projets de loi touchant les questions
centrales des réformes du système juridique, comme la réforme de la police[36] ou de l’enregistrement
des partis politiques[37] par exemple, ont été
d’origine présidentielle. Par ailleurs, l’évolution de l’activité de l’initiative
en matière législative s’est profondément modifiée sous la présidence Medvedev.
Reflet d’un Président particulièrement faible, elle s’est fortement reportée
vers les députés, autrement dit le parti au pouvoir, Edinaya Rossiya, a repris
les rènes du pouvoir avec le Gouvernement, alors sous la direction de V.
Poutine. Ainsi, lors de la VIIIe législature (2004-2007), quand V. Poutine
était Président, les initiatives législatives se répartissaient relativement
équitablement entre leurs titulaires. L’on notera à cette époque le retrait du
Président et la faible activité législative dans son ensemble. De 73
initiatives législatives à cette époque pour les députés fédéraux, les chiffres
sont montés à 429 sous la législature suivante, lorsque D. Medvedev était
Président de la Fédération. De la même manière, alors que le Gouvernement
n’avait présenté que 7 projets de loi sous la VIIIe législature, lors de la IXe
on en a compté 55. Il semble s’être opéré un déplacement de l’activité du
Président vers le Parti et ses représentants. Le Président mettait en place ses
grandes réformes, mais le Gouvernement s’occupait de la vie du pays.
La destructuration des
mécanismes institutionnels au profit d’une répartition personnelle, à l’amiable
des compétences entre le Président et le Gouvernement, trouve ses racines dans
une évolution plus profonde et beaucoup plus dangereuse pour le fonctionnement
de l’Etat russe. Il n’est pas possible de comprendre l’évolution des rapports
entre le Président et le Gouvernement, en la figure du Premier ministre, si
l’on s’arrête à une grille d’analyse, selon laquelle le président décide de
tout et le Gouvernement est soumis. La réalité du fonctionnement des
institutions russes est beaucoup plus complexe, beaucoup moins systémique,
beaucoup moins institutionnelle. Il s’agit d’une logique clanique du pouvoir,
qui permet d’expliquer le maintien de D. Medvedev au pouvoir, parallèlement au
retour de V. Poutine à la présidence.
2. L’organisation clanique du pouvoir au-delà du texte constitutionnel
Le
pouvoir s’organise en Russie selon un schéma désormais posé explicitement,
depuis la fin de la présidence Medvedev. Les modalités constitutionnelles d’une
dyarchie au sein de l’exécutif, sous l’influence de la pratique politique, ont
débouché sur une interprétation et une pratique clanique du pouvoir. En ce
sens, les réformes et l’utilisation du droit de nomination ont clairement
montré l’apparition de l’enjeu clanique (2.1). Cette pratique est rendue
possible par le caractère illusoire du pluralisme politique, puisque la réelle
division politique du pays est concentrée à l’intérieur de ces deux clans – le
clan libéral et le clan conservateur – au sein même de l’exécutif, ce qui positionne
différemment la question de la dyarchie de l’exécutif (2.2).
2.1 Les modalités claniques du droit de nomination
Que les prérogatives
présidentielles en matière de nomination soient utilisées de manière politique,
c’est-à-dire pour servir les intérêts de son clan politique, cela est loin
d’être une spécificité du système russe. Il est normal de nommer des personnes
qui vous sont proches, avec lesquelles il est possible de travailler dans le
même sens. Le problème ne vient pas de là, mais du contexte politique. En
l’absence d’un véritable pluralisme politique, qui n’implique pas uniquement un
simple changement, voire rotation, de personnes, mais un changement de courant
politique au pouvoir, l’utilisation du droit de nomination ressort d’une
logique clanique, presque féodale, puisqu’il n’arrive pas de nouvelle
« famille » politique modifiant l’ordonnancement des nominations. Et
le fonctionnement tant de la haute fonction publique russe, que de la
circulation des élites politiques – ou plutôt de leur absence de circulation –
ressort de cette logique clanique, dans laquelle on défend les siens, parce
qu’ils sont inféodés et ne présentent pas de danger pour le clan, quelle que
soit leur popularité, au détriment de toute logique démocratique.
Le meilleur exemple en la
matière est le retour de D. Medvedev au poste de Premier ministre. Malgrè son
incapacité à mener les réformes annoncées (échec cuisant de la réforme de la
police, échec de la réforme de la justice, notamment), malgrè sa faible
popularité, malgrè son absence totale de poids politique dans les structures
internes, V. Poutine ne pouvait pas
l’écarter. Il lui a donc proposé le poste de Premier ministre, en a fait le
chef du parti Edinaya Rossiya – dont il reste le véritable dirigeant. L’obligation
avait un double fondement. Le premier, évident, réside dans le fait que le
« contrat » avait été passé entre les deux hommes, D. Medvedev devait
être l’hôte du Kremlin pendant un mandat pour permettre à V. Poutine de revenir
sans modifier le texte constitutionnel. Le second ressort plus des mécanismes
cachés de la vie politique russe. D. Medvedev est porté par le milieux des
affaires, celui des libéraux intégrés et « progressistes », alors que
V. Poutine est plutôt soutenu par les siloviki,
autrement dit les hommes d’appareil. Le poids de ces deux grands groupes est à
peu près identique. Or, leurs intérêts se croisent souvent, les hommes d’Etats
étant liés aux intérêts économiques, l’intérêt d’Etat se confond alors avec les
intérêts très particuliers[38], notamment en matière de
gestion des ressources énergétiques. Il s’agit donc de pouvoir préserver les
intérêts de ces deux clans dans un équilibre précaire.
Toujours
en matière l’allégeance, il est possible de rappeler la réforme qui a entraîné
la supression de l’une des garanties d’indépendance de la Cour
constitutionnelle. Revenant sur le principe de l’élection interne par ses pairs
du président de la Cour, la réforme de 2009[39] donne le droit au Président russe de
proposer au Conseil de la Fédération la candidature du président de la Cour
constitutionnelle. Ce mécanisme a été renforcé en 2010[40] par le droit reconnu au Président russe
de demander l’examen par le Conseil de la Fédération de la suspension des
fonctions de président et vice-président de la Cour constitutionnelle s’ils
n’exécutent pas leurs obligations ou s’ils ne les exécutent pas correctement.
Cela oblige à l’obéissance plus qu’à la compétence.
Un
autre exemple significatif et révélateur de l’importance du positionnement des
personnalités dans la détermination de la politique intérieure, cette fois-ci
sur un plan strictement politique, est celui de la rotation des cadres, qui a eu
lieu à l’Administration présidentielle et au Gouvernement lors des deux
dernières élections législatives et présidentielles. Cette rotation a
officialisé l’existence des deux clans – réels – mais non institutionnels,
puisque’ils ne se formalisent pas en partis politiques. Ils reflètent plutôt
les intérêts contradictoires réels du champ politique caché, mais agissant. A
l’occasion des élections législatives, un jeu de chaises tournantes se met en
place. Et le triangle Administration présidentielle / Gouvernement / Douma devient
un haut lieu de sanction électorale et de préparation des nouvelles échéances
politiques. Cela va se passer autour de l’Administration présidentielle et autour
des figures de V. Surkov[41] et V. Volodine[42].
De
nombreux changements sont intervenus dans l'Administration présidentielle, où
se regroupent les hommes de V. Poutine. Ainsi, Sergueï Ivanov – alors
vice-premier ministre de V. Poutine/Premier
ministre – a pris la direction de
l'institution, quittant le Gouvernement juste un peu avant son maître et lui
préparant la place. S. Narychkine[43], lui, est parti
de la direction de l’Administration présidentielle pour prendre la place de B.
Gryzlov[44] à la Douma, dont
la réputation était trop entâchée et pour maintenir ainsi le lien entre les
parlementaires et le pouvoir, dans un contexte qui s’annonce mouvementé et trop
difficile à gérer pour la figure controversée de B. Gryzlov. Pour renforcer le
passage de pouvoir, enlevant le dernier levier politique de D. Medvedev, V.
Surkov, cerveau de la politique intérieure russe depuis 11 ans, quitte son
poste de vice-président de l'Administration présidentielle pour s'occuper de
questions diverses et sans grande importance au Gouvernement. A sa place
apparaît V. Volodine, fidèle des méthodes poutiniennes de gouvernance, très
loin de la subtilité machiavélique de son prédécesseur.
Le
"couple" Medvedev/Surkov rendait la politique de Medvedev plus
libérale que celle de Poutine, si ce n’est sur le fond, au moins dans la forme.
L'intervention de V. Surkov permettait de mettre en place un langage de pouvoir
qui prenait les formes libérales et démocratiques, en réponse aux demandes de
« l'Occident ». Le couple "Volodine/Poutine" indique tout
de suite que le « Poutine » qui arrive n'est plus celui qui est
parti. Celui-ci a besoin de renforcer sa position, si nécessaire
artificiellement. Il n'est plus le leader national incontesté[45], sans alternative, qui
sauve le pays de la menace terroriste, du séparatisme rampant et de l'ombre
menaçante des révolutions en couleurs. Il s’agit d’une rupture politique,
l’affirmation d’un pouvoir. Mais ce pouvoir est aujourd’hui en partie contesté,
en partie soutenu, et le nouveau Président est appelé à faire ses preuves.[46] De toute manière, la
présence de Volodine n’indique pas une volonté de composer avec les différents groupes
politiques.
En ce qui concerne les négociations à la Douma, la
répartition des comités à donné lieu à quelques échanges médiatiques, mais dans
l’ensemble les objectifs n’ont pas été atteints par l’opposition. Edinaya
Rossiya ayant toujours la majorité, le parti peut largement déterminer la
répartition des postes. Les présidents des partis se sont exclamés contre les
falsifications, contre l’illégitimité des élections – et donc de la Douma
actuelle – D. Medvedev a promis que tous les recours seraient examinés, et
évidemment les choses en sont restées là, personne ne voulant prendre le risque
de perdre son mandat. En réalité, la question était beaucoup plus
prosaïque : comment rentabiliser le mouvement populaire et la baisse
d’Edinaya Rossiya pour prendre le pouvoir de quelques comités à la Douma ?
Si Edinaya Rossiya a cédé certains comités, beaucoup estiment qu'elle garde le contrôle
des aspects les plus importants de la vie politique russe, comme la sécurité ou
le budget, et laisse uniquement ce qui aura peu d'influence sur le processus
législatif. Un accord avait été trouvé sur le nombre de comités (29 et non 32
comme auparavant), dont 15 seront dirigés par Edinaya Rossiya (Russie Unie)[47], 6 par les
communistes[48], 4 par LDPR[49] et 4 par
Spravedlivaya Rossiya (Russie juste)[50]. Dans ce combat, S.
Narychkine a joué le rôle d’une monnaie d'échange. En d'autres termes, les
fractions affirmaient voter pour lui, si elles obtenaient ce qu'elles voulaient
en matière de direction de comités. Les négociations ne se sont pas
particulièrement bien passées pour l’opposition.[51] Edinaya Rossiya
ne reconnait qu’une répartition formelle en fonction du nombre de comités et
sans tenir compte de leur importance, en conséquence de quoi aucun des députés
des autres fractions n’a soutenu la candidature de S. Narychkine. Il faut
souligner que ceci est le premier geste d’opposant de ces partis. Le geste est
beau, esthétique, mais de toute manière Edinaya Rossiya a les moyens d’imposer
la volonté du Président puisqu’elle garde encore la majorité. D’où l’intérêt
pour le pouvoir de préserver envers et contre tout ce parti en position
dominante, malgrè son impopularité naissante. D’où également l’apparition de S.
Narychkine, homme de confiance qui a fait ses preuves, pour tenir l’institution
dans une période politique incertaine pour le clan conservateurs.
Le dernier acteur de ce
triumvira est le Gouvernement. Un nouveau jeu de chaise tournante a eut lieu
entre le Gouvernement et l’Administration présidentielle après les élections
présidentielles, qui ont marqué le retour de V. Poutine. En effet, l’après présidentielles
montre la technicisation du Gouvernement et le transfert des personnalités
politiques à l’Administration présidentielles. Dans l'ensemble, de nombreuses
nouvelles têtes, absolument inconnues du grand public (souvent occupant des
fonctions de second ordre dans les gouvernements précédents), des figures de
remerciements et quelques survivants constituent le nouveau Gouvernement. Le
seul premier vice-premier ministre a avoir gardé son poste est I. Chuvalov, qui
occupe la même fonction. Mais comme il l'a déjà démontré par le passé, il n'a
jamais pu réaliser sur le plan politique les idées qu'il avançait. Donc son
poids réel pour rénover le système laisse perplexe. D'autres personnalités,
classées comme réformateurs libéraux, vont également se confronter à des
difficultés, il s'agit du vice-premier ministre A. Dvorkovitch (gaz et pétrole,
agriculture et industrie) et du ministre spécialement mis en place pour les
relations avec le "Gouvernement ouvert"[52],
M. Abyzov. Dvorkovitch va se trouver confronté à Gazprom et il difficile
d’envisager qu’il fasse le poids, quant à Abyzov, il n'a pas de portefeuille
déterminé. Il est en revanche appréciable de noter le maintien de A. Siluanov
au ministère des finances (après le départ de Koudrine) et l'arrivée de A.
Beluossov au ministère du développement économique, ayant une bonne réputation
professionnelle. Toutefois, ces deux personnages, bons "techniciens"
dans leur domaine, n'ont pas de poids politique. Il faut également noter le
départ de certains ministres ayant eu le temps et l’occasion d’acquérir une
mauvaise réputation. C'est le cas de A. Furcenko (ministère de l'enseignement
et de la recherche), T. Golikova (ministère de la santé) et R. Nurgalev
(ministère de l'Intérieur). En effet, après l'échec de la réforme de la police
et le nombre croissant de scandales, Nurgalev ne pouvait rester en place. Il a
été remplacé par le chef de la police de Moscou, qui a une très bonne
réputation - même dans la société civile, ce qui est rare - V. Kolokoltsev. Un
autre point appréciable est la nomination d'un ministre pour le développement
de la Sibérie et de l'Extrême Orient russe, ce qui semble être le signe du
refus du Gouvernement de mettre en place cette énorme machine à corruption et à
détournement de fonds publics que pouvait être l'Agence pour le développement
des territoires de Sibérie et d'Extrême Orient. Mais il y a aussi des
nominations qui ressemblent à des cadeaux personnels. C'est le cas notamment de
l'attribution du poste de ministre de l'agriculture à N. Fedorov, qui s'était
occupé de cette question en Tchouvachie, mais surtout qui a joué un rôle non
négligeable dans le Front populaire de Poutine.[53]
Pour autant, les figures politiques fortes
– et contestées - du gouvernement Poutine ont été déplacées à l’Administration
présidentielle ou mises à des postes clés, moins en vue du grand public. Par
exemple, le tant contesté ancien ministre de l'intérieur R. Nurgaliev se
retrouve propulsé au Conseil de sécurité, I. Setchine récupère la compagnie
étatique de pétrole Rosneft (qui sort en même temps du plan prévisionnel de
privatisation), ainsi que par exemple les anciens ministres de la santé ou de
l'économie gardent les mêmes compétences, mais auprès du Président.[54]
Il s’agit donc de la mise en place d’un Gouvernement bis, mais du Gouvernement qui prend les décisions politiques, qui
seront ensuite mise en œuvre par le Gouvernement technique de D. Medvedev.
Les deux groupes idéologiques, les deux
clans, se sont donc regroupés à nouveau, changeant de configuration suite aux
modifications intervenues avec les élections. Et si pluralisme politique il y
a, malgrè la réforme à grand bruit sur l’enregistrement des partis politiques
et le retour de l’élection des gouverneurs, elle se trouve justement incarnée
par ces deux clans, qui défendent une idéologie très différente.
2.2 L’illusion du pluralisme
politique et les modalités claniques de la vie politique
La difficulté principale
de l’analyse de la carte politique russe réside en le fait que tous les
mouvements politiques ne correspondent pas à des partis politiques et que tous
les partis politiques ne correspondent pas à des mouvements politiques
différents, voire réels. A la Douma d’Etat, chambre basse du Parlement en Russie,
sont représentés quatre partis politiques : Edinaya Rossiya [Russie Unie] dirigé maintenant par le
Premier ministre D. Medvedev, Spravedlivaya Rossiya [Russie juste] dirigé par Sergueï Mironov, le LDPR
(Liberal’no-democratitcheskaya partiya Rossii) [Parti libéral démocratique de Russie] dirigé par Vladimir
Jirinovsky, un des neufs vice-présidents de la Douma d’Etat et le Parti
communiste de Guénadi Ziouganov qui en dirige la fraction à la Douma d’Etat. Ce
pluralisme apparent est toutefois trompeur[55].
Il serait possible de diviser les partis en partis de gauche pour les
communistes et Spravedlivaya Rossiya, de centre droit pour Edinaya Rossiya et
de droit pour le LDPR. Pourtant, si l’oposition des communistes est reconnue,
celle de Spravedlivaya Rossiya est très récente et celle du LDPR fait sourire.
La plus grande difficulté
concernant l’appréciation du pluralisme politique en Russie vient de la
déformation, non seulement du rôle du parti politique, mais également du
fonctionnement du système de parti lui-même[56],
comme a pu l’illustrer le fait pour V. Poutine de diriger jusqu’à l’année
dernière le parti Edinaya Rossiya, sans en être membre. En effet, selon B.
Makarenko, les partis politiques en Russie sont plus l’objet de la politique
d’Etat que les sujets. Et le renforcement d’un parti dominant qui entraîne celui
de l’exécutif ne permet pas aux partis de trouver leur place dans le système
institutionnel. Le seul élément d’ouverture peut venir de la société civile et
du renforcement de son rôle.
Au regard de cette
appréciation, le système des partis n’est pas apte à représenter la pluralité
politique de la société. Et la grande réforme de la fin du mandat présidentiel
de D. Medvedev, à savoir la réforme de la procédure d’enregistrement des partis
politiques, dans le contexte actuel risque de n’avoir aucun effet profond. Cette
constatation prend ses racines dans l’observation du fonctionnement de
« l’ascenseur politique ». Un exemple récent est, en ce sens,
frappant.
Un député de Spravedlivaya
Rossiya, G. Gudkov, s’est retrouvé au centre d’un scandale[57].
En tant que député, il lui est interdit de diriger une entreprise commerciale,
d’autant plus quand ses activités commerciales sont en rapport avec l’activité
du Comité de la Douma auquel il appartient, en l’occurence en matière de
sécurité. Il lui est alors trop facile d’utiliser sa position pour favoriser le
développement de ses affaires, ce qui fut le cas. Suite à une plainte
déposée ; la Procuratura de la Fédération de Russie a contacté le
président de la chambre basse, conformément à la législation en vigueur[58].
En cas de conflit d’intérêt, le député doit alors quiter ses fonctions. G.
Gudkov criant à la falsification, puisque les affaires familiales avaient été
transmises à sa femme ... qui lui avait fait une procuration pour la gestion de
ce mêmes affaires dans date limite. Après enquête interne et suite à un vote
des députés, son mandat lui a été retiré. Que s’est-il passé ?
Il était de notoriété
publique que le député G. Gudkov avait des affaires. Et il est loin d’être le
seul, il s’agirait même de la majorité des députés, toute fraction confondue[59].
Cette pratique contestable n’avait toutefois pas provoqué de crise de consience
au sein de l’appareil parlementaire, ni au sein de la commission parlementaire
chargée de la surveillance et de la vérification des informations fournies en
la matière par les parlementaires. Or, avec la montée des mouvements populaires
au lendemain des élections législatives et présidentielles de 2011 et 2012, G.
Gudkov s’est ouvertement prononcé contre le pouvoir en place et s’est retrouvé
dans l’opposition. Il a fait à peu près la même démarche que S. Mironov. Les
conséquences furent presques identiques.
S. Mironov, président de
la chambre haute du Parlement, à la tête du parti Spravedlivaya Rossiya, avait
oublié qu’il était élu de Saint Petersbourg au nom de Edinaya Rossiya, le parti
au pouvoir et le parti qui tient la ville dont il était élu. Or, il a commencé
à vertement critiquer la gestion de la ville par Matvenko, alors Gouverneur
Edinaya Rossiya de Saint Petersbourg.[60]
Après plusieurs rappels à l’ordre, son mandat fut remis en cause par le parti
local. Il a quitté la présidence de la Chambre haute, qui, ironie du sort, est
tombée dans les mains de Matvenko.
Première constatation.
L’appartenance d’un homme politique à un parti revêt un caractère formel, mais
qui devient réel, quand il ne joue plus selon les règles. Car ces individus se
mettent en position de faiblesse. G. Gudkov contrevenait réellement à la
législation sur le statut des députés en entretenant ouvertement des activités
commerciales. S. Mironov avait choisi la facilité en se faisant élire non pas
au nom de Spravedlivaya Rossiya mais de Edinaya Rossiya, afin de bénéficier du
poids du parti pour gagner. Ils ont donc jouer selon les règles du système dans
leur propre intérêt, avant de critiquer le système dont ils sont des rouages,
mais sans vouloir en sortir, voulant continuer à en profiter personnellement.
Le système a refermé la porte.
Le second élément
intéressant concerne les « à côté » de l’affaire Gudkov. Lors du vote
en assemblée plénière à la Douma, les députés Edinaya Rossiya et ceux du LDPR
(Jirinovsky) ont réunis 291 voix (sur les 226 nécessaires), contre 150
(Spravedlivaya Rossiya et parti communiste)[61].
A quelques exceptions près, comme le députés Mitrofanov[62],
qui a ainsi pu se vanger de ses anciens collègues Spravedlivaya Rossiya, et qui
s’est prononcé en faveur du retrait du mandat de G. Gudkov. La récompense ne
s’est pas faite attendre. Le pouvoir l’a désigné à la tête de la commission sur
les médias.
La constatation suivante
découle en réalité de la première. Puisque le critère d’appartenance réel n’est
pas institutionnel, à savoir le parti politique, il est matériel, celui du lien
d’allégeance au clan. Quand l’individu, quel que soit son parti fait allégeance
au clan, surtout dans les situations conflictuelles, il est récompensé comme un
des siens.
Les exemples présentés ici
permettent d’illustrer le caractère clanique du fonctionnement non seulement du
pouvoir politique[63],
mais également des institutions[64].
Et cet aspect clanique va être particulièrement intéressant à suivre avec le
retour de V. Poutine. Sous la deuxième présidence Poutine, puis sous la
présidence Medvedev, leur coexistence était plus ou moins pacifique, car leur
poids était relativement équivalent. Or, aujourd’hui, le clan libéral se
renforce et le combat intérieur s’intensifie. Ce qui pose de sérieux problèmes
en terme de survie politico-constitutionnel actuel.
Après l’ère B. Eltsine, le
libéralisme à tout va a mis la Russie au bord de l’effondrement institutionnel,
et presque géographique. La première présidence V. Poutine, dans un consensus
généralisé, a concentré son énergie sur la restauration de l’autorité de l’Etat
en tant qu’institution. D’un certaine manière, les libéraux ont accepté de
renoncer à une partie pour ne pas perdre le tout. Mais le renforcement de
Medvedev sous le second mandat Poutine marque le retour des libéraux sur la
scène. La présidence Medvedev fut compensée par la gouvernance Poutine.
Aujourd’hui, le conflit devient presque ouvert. Medvedev consolide autour de
lui et du Gouvernement une sorte de « Gouvernement ouvert »[65]
qui concentre tout ce qui les milieux politiques et la société civile compte de
plus libéral, presque à l’extrême. C’est la politique du repli de l’Etat, du
tout marché, de l’expansion d’internet et de l’autogestion
« sociétale ». Ligne directrice qui a provoqué une confrontation
frontale sur l’établissement du budget 2013[66],
la sanctions de quelques ministres. Medvedev a baissé la tête, le projet de
budget a été modifié en urgence en tenant compte de la dimension sociale
défendue par l’Administration présidentielle aujourd’hui. Ce combat se
stigmatise également autour des relations avec l’étranger, surtout les Etats
Unis. La plus grande partie des organes influents de la société civile en
Russie sont financés sur des fonds américains, ce qui a commencé à posé un
problème de politique intérieur. Le durcissement du ton a conduit à l’adoption
d’une loi soumettant à un régime spécial les ONG ayant une activité politique
en Russie financée par l’étranger et à la discussion d’un projet de loi
renforçant leur responsabilité[67],
au départ de l’USAID (le plus gros financeur des ONG civile)[68],
à un projet de loi élargissant la notion de trahison d’Etat à tel point que les
scientifiques russes risquent de trahir leur pays sans le savoir[69].
Dans ce contexte, quand un rapport d’un Institut d’analyse proche du Kremlin
pointe du doigt le rôle des réseaux sociaux dans le déroulement des mouvements
contestataires, au moins sur le plan de l’organisation, D. Medvedev rencontre officiellement
Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook[70].
Facebook est moins développé en Russie que d’autres réseaux sociaux russes, et
l’opération de comm menée de main de maître va effectivement permettre de
renforcer son rôle. Ce qui va à l’encontre total de la politique menée. De la
même manière, alors que la Russie s’évertue à faire revenir els cerveaux dont
elle a besoin pour déveopper son économie, M. Zuckerberg est venu débauché avec
l’appui de la Maison blanche russe. Passage au journal du soir, invitation dans
un grand show télévisé, leçon à l’Université d’Etat de Moscou, etc. Deux
politiques totalement contradictoires se mettent en place. Et chacune provoque
l’autre, insite l’autre à se retrancher dans les extrêmes.
Mais le plus grand
problème vient du fait que ces deux clans qui commencent à réellement
s’affronter, ne sont pas formalisés en partis politiques. Ils ne peuvent donc
pas réguler leurs conflits par le biais des élections. Les électeurs ne peuvent
pas être arbitre de ce conflit et choisir la voie à suivre. C’est justement
cette absence d’institutionnalisation qui met en danger l’institution étatique
russe aujourd’hui. Danger renforcé par le retour de V. Poutine à la présidence,
par le maintien de D. Medvedev au pouvoir par l’intermédiaire du Gouvernement.
Le danger ne vient pas de leur personnalité. Le danger vient du fait même de
leur présence, de l’impossibilité du départ. De l’impasse politique, renforcée
par la faiblesse de l’opposition politique, à savoir de personnes aptes à proposer
une voie alternative et pas seulement à organiser des manifestations.
[1] Félix Piat, Débats à l’Assemblée constituante de 1848
[2] Fonctionnellement, la loi constitutionnelle fédérale dans le système
normatif russe correspond à la loi organique dans le système français.
[3] Loi constitutionnelle fédérale sur le Gouvernement de la Fédération de
Russie du 17 décembre 1997 N° 2-FKZ (dans la rédaction du 28 décembre 2010 N°
8-FKZ)
[4] Voir V. Loutchine, Konstitutsiya Rossiïskoï Federatsii problemy
realisatsii, éd. Unity, Moscou, 2002, p. 447-448
[5] Voir N. V. Vitrouk (sous la dir. de), Konstitutsionnoe pravo Rossiïskoï Federatsii, éd. Norma, Moscou,
2010, p. 444-472
[6] S. A. Avakian, Konstitutsionnoe
pravo Rossii Tom 2, éd. Iurist, Moscou, 2006, p. 284
[7] Idem, p. 291
[8] Idem, p. 298
[9] Article 83 point « a » de la Constitution de 1993
[10] Article 83 point « v » de la Constitution de 1993
[11] Article 32 de la loi constitutionnelle fédérale sur le Gouvernement,
dans la rédaction de la loi du 28 décembre 2010 n° 8-FKZ
[12] Article 35 de la loi constitutionnelle fédérale sur le Gouvernement,
dans la rédaction de la loi du 28 décembre 2010 n° 8-FKZ
[13] Art 47 de la loi constitutionnelle fédérale sur le Gouvernement, dans
la rédaction de la loi du 28 décembre 2010 n° 8-FKZ
[14] Article 83 « i » de la Constitution de 1993
[15] Oukase du Président de la Fédération de Russie sur l’Administration
présidentielle du 25 mars 2004 n°400
[16] Oukase du Président de la Fédération de Russie sur le règlement de
l’Administration présidentielle du 6 avril 2004 n°490
[17] Oukase du Président de la Fédération de Russie sur l’amélioration de
la structure de l’Administration présidentielle du 12 février 1998 n°1962
[18] Oukase du Président de la Fédération de Russie sur l’amélioration de
la structure de l’Administration présidentielle du 28 juin 2005 n° 736
[19] Ceci fut par exemple le cas du département des affaires étrangères,
dont le règlement intérieur a été modifié par les oukases du 21 octobre 2088 n°
1510 et du 14 janvier 2011 n° 38 après son adoption par l’oukase du 29 juin
2004 n° 815
[20] Pour plus de détails sur les résultats des législatives de 1999, voir
J.-P. Massias (sous la dir. de), Droit
constitutionnel des Etats d’Europe de l’Est, PUF, 2008, p. 517
[21] Idem, p. 519
[23] Voir la publication de la proclamation officielle des résultats par la
Commission centrale électorale dans le journal Rossiïskaya gazeta (journal,
notamment pour les publications officielles) http://www.rg.ru/2008/03/08/cik-president-dok.html
, arrêté du 7mars 2008 n° 104/777-5
[25] Russie Unie
[26] Russie Juste
[27] Le parti agraire
[28] La force civile
[30] Voir les vidéos du discours de V. Poutine http://youtu.be/v6g2qXS6CoU et de
l’arrivée sur la place rouge www.youtube.com/watch?v=ZCZb0TWulM8
[31] Voir http://www.newsru.com/russia/03mar2008/nabludat.html
[32] M. A. Krasnov, Zakonodatelno
zakreplennye polnomotchiya Presidenta Rossii: neobkhodimost ili servilism?,
Sravnitelnoe Konstitusionnoe Obozrenie, 2011, n°4, p. 91-103
[33] Loi constitutionnelle fédérale du 21 juillet 1994 n°1-FZ (dans la
rédaction du 28 décembre 2010) sur la Cour constitutionnelle de la Fédération
de Russie, art. 23.
[34] Loi fédérale du 10 novembre 2009 n° 259-FZ sur l’Université d’Etat de
Moscou Lomonossov et sur l’Université d’Etat de Saint Petersbourg, art. 2.5.
[35] Loi fédérale du 6 octobre 1999 n° 184-FZ (dans la rédaction du 2 mai
2012) sur les principes généraux de l’organisation des organes législatifs et
exécutifs du pouvoir d’Etat dans les Sujets de la Fédération de Russie, art.
19.1.g et art. 26.3.2
[36] Loi fédérale du 7 février 2011 n°3-FZ sur la police
[37] La loi fédérale du 11 juillet 2001 n° 95-FZ sur les partis politiques
a été modifiée par la loi fédérale du 28 mars 2012 n° 28-FZ
[38] Voir l’article de N. Petrov, Obilie slabogo gossudarstva, Pro et
Contra, Tome 15, n°5, septembre-octobre 2011, http://carnegie.ru/proEtContra/?fa=46587
[39] Loi constitutionnelle fédérale du 2 juin 2009 n° 2-FKZ
[40] Loi constitutionnelle fédérale du 3 novembre 2010 n° 7-FKZ
[41] V. Surkov a longtemps été l’idéologue du Kremlin, auteur de la
conception de la « démocratie souveraine », il dirigea largement la
politique intérieure sous Medvedev et fut associé à la conceptualisation
politique du mouvement de libéralisme sous cette présidence.
[42] V. Volodine est un poutinien de la première heure.
[43] S. Narychkine dirigeait l’Administration présidentielle depuis 2008.
[44] B. Gryzlov s’était rendu tristement célèbre pour avoir déclaré, en
substance, que le Parlement n’était pas un lieu de discussion.
[46] Sur la nouvelle figure présidentielle, voir en russe http://www.kommersant.ru/doc/2009258
et en français http://russiepolitics.blogspot.com/2012/08/la-desacralisation-de-limage-du-chef-de.html
[47] Le Parti Russie Unie est difficile à placer sur l’échiquier politique
au regard des critères français. Ce parti a été créé comme un parti de
bureaucrates, de fonctionnaires, qui n’a pas d’idéologie précise. On y voit une
ligne libérale et une ligne sociale, dont le poids relatif évolue en fonction
des nécessités du pouvoir.
[48] Le Parti communiste est considéré comme le successeur du Parti
communiste de l’Union soviétique. Mais en dehors des références formelles à
Lénine ou Staline, d’une certaine glorification de la période soviétique dans
les discours, son idéologie telle que ressortant de la pratique, semble plus
proche de celle des sociaux-démocrates. C’est le parti le plus à gauche sur
l’échiquier politique représenté à la Douma (chambre basse du Parlement).
[49] C’est le premier nouveau parti créé à la fin de la période soviétique,
certains ont dit qu’il fut créé sous les auspices du KGB et sert aujourd’hui de
plateforme de propagande des idées d’extrême droite « polissées »,
que Russie Unie ne peut se permettre d’avancer aussi clairement. C’est un des
partis de l’opposition de poche.
[50] Le Parti Russie Juste fut un projet du Kremlin lancé il y a quelques
années pour réduire le poids électorale du Parti communiste. Il reflète une idéologie
de gauche classique. Ces deux dernières années, il tente de s’autonomiser de
Russie Unie, ce qui a conduit son dirigeant S. Mironov au départ de la
présidence de la chambre haute du Parlement, le Conseil de la Fédération.
[52] Il s’agit d’un groupe informel consultatif d’experts qui peut
conseiller le Gouvernement. Il est constitué essentiellement de membres
libéraux, voire ultra-libéraux.
[54] Voir: http://www.gazeta.ru/financial/2012/05/22/4597269.shtml
et http://www.gazeta.ru/comments/2012/05/22_e_4597105.shtml
et http://www.gazeta.ru/comments/2012/05/22_e_4597105.shtml
[55] Sur le multipartisme en Russie, voire l’article de A. N. Koulik, Mnogopartiïnost’
v elektoral’noï democratii postsovietskoï Rossii : v tchem smysl eio
souchestvovaniya ?, in M. V. Iline et S. V. Rogatchev
(sous la dir. de), Rossiya. Polititcheskie vyzovy XXI veka, ROSSPEN,
2002, p. 189-194
[56] Voir B. Makarenko, Stsenarii evolutsiipartiïnoï sistemy, Pro et
Contre, tome 14, n°4-5, juillet-octobre 2010, http://www.carnegie.ru/proEtContra/?fa=42248
[58] Loi fédérale du 8 mai 1994 n° 3-FZ (dans la rédaction du 21 novembre
2011) sur le statut des membres du Conseil de la Fédération et le statut des
députés de la Douma d’Etat de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie,
art. 4
[61] Voir http://lenta.ru/lib/14171939/ et http://www.rg.ru/2012/09/13/duma-site.html
[63] Voir A. Makarkine,
Politico-economitcheskie klany sovremenoï Rossii, Tsentr polititcheskykh
tekhnologuiï, 2003.
[64] Voir ici l’analyse de M. Vinogradov concernant l’influence des clans
sur les relations Fédération/Sujets http://stratagema.org/publications/politics/item_1851.html
[65] Vous trouverez ici son site officiel http://большоеправительство.рф/
[66] Voir http://russiepolitics.blogspot.com/2012/09/la-crise-autour-de-ladoption-du-budget.html
[67] Voir http://russiepolitics.blogspot.com/2012/09/les-ong-agents-etrangers-encore-sous-le.html
[68] Voir http://www.bbc.co.uk/russian/russia/2012/09/120918_usaid_russia_criticism.shtml
[69] Voir http://russiepolitics.blogspot.com/2012/09/une-radicalisation-de-la-conception-de.html
Naturalmente,questo dotto articolo appartiene ad una dottrina che è nata in Occidente quasi tre secoli fa ma ha stentato ad affermarsi nel mondo.
RépondreSupprimerDirei che L'autrice avrebbe difficoltà,in chiave politica, a trovare sostanziali differenze con il modello Occidentale incardinato negli USA.
Posso suggerire all'autrice che i sistemi costituzionali non possono avere vita longeva se si tratta di Stati che aspirano a diventare egemoni nel mondo?
Questo articolo è sviluppato con una tesi sottobraccio neanche molto velata e che riguarda non tanto il sistema Costituzionale ed i suoi contrappesi ma la figura di Putin che in modo evidente è di ostacolo agli apologeti dell'Occidente.
Con tutto il rispetto per la dott.ssa in diritto costituzionale,oso immaginare che non potrebbe mai far parte di un'élite che abbia responsabilità di sorta nella conduzione dello Stato.
E'molto più comodo atteggiarsi a scienziato del diritto costituzionale e criticare coloro che in quell'ambito devono gestire le ambizioni umani e "correggere" le norme che indeboliscono lo Stato minacciato dall'esterno.
I cultori del diritto devono consigliare il "Principe" non lavorare sbalzarlo di sella .