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vendredi 16 septembre 2011

La fin de l'opération "Prokhorov"

Voir sur le sujet: http://www.grani.ru/Politics/Russia/Parties/m.191428.html
http://www.specletter.com/news/2011-09-15/35380.html
http://www.specletter.com/politika/2011-09-15/surkov-udelal-pravyh-i-prohorova.html
http://www.kommersant.ru/doc/1773966
http://www.kommersant.ru/doc/1774047
Pour l'instant, certains faits sont certains:


  • Prokhorov ne dirige plus le parti Pravoe delo.

  • Il est en conflit avec l'Administration présidentielle et en particulier avec Surkov qu'il estime responsable de la situation.

  • Prokhorov ne veut pas quitter la politique.

  • Il prend quelques jours de réflexion pour préciser les formes de son engagement futur.

Ce qui est également certain:



  • Pravoe delo ne dépassera pas les 2% aux prochaines élections.

  • Auncun nouveau parti n'entrera à la Douma.

  • La campagne électorale sera d'un ennui mortel.

Les questions:



  • Pourquoi Prokhorov a-t-il été laché par le pouvoir qui l'a spécialement mis en place il y a si peu de temps?

  • Pourquoi n'a-t-il pas eu plus de soutien à l'intérieur de "son" parti?

  • A-t-il encore un avenir possible en politique?

Les réactions sont quasiment unanimes sur la première question. Le Kremlin a voulu redonner vie au parti Pravoe delo, qui prenait gentillement la poussière dans son coin, afin de stimuler l'électorat libéral et ultralibéral, qui ne se déplace presque pas aux élections. Mais le Kremlin ne voulait pas prendre de risque, ni trop s'engager. C'est justement pour cette raison que le parti a été confié non pas à un "proche", comme Chuvalov par exemple, mais à un oligarque que l'on pensait domestiqué, comme la plupart des oligarques qui restent et en liberté et en Russie. Sans tenir compte de l'opinion d'une partie significative des membres de Pravoe delo, M. Prokhorov a été adoubé par les deux grands de ce petit monde. Avantage évident pour certains: ne bénéficiant pas d'une légitimité forte à l'intérieur du parti, tout son poids politique dépendait alors de la qualité de ses relations avec le pouvoir. D'où la répétition sans cesse qu'il n'est pas dans l'opposition. Mais cela demande également un obéissance totale au pacte passé. Pravoe delo est ressuscité pour mettre en avant un projet libéral, voire ultra libéral. Mais rapidement, Prokhorov, qui est un homme d'affaires, un pragmatique et un gagnant, comprend qu'avec un tel discours, il ne sera jamais à la Douma. Et il ne joue pas pour perdre ou pour faire de la figuration. Il élargie le programme... et commence à jouer sur les plate-bandes socialisantes d'Edinaya Rossiya. Première erreur fatale. Puisque dès lors, il présente un danger potentiel. Ensuite, il refuse d'intégrer des personnalités très fortements recommandées par Medvedev, sans même leur donner une position fictive. Deuxième erreur. Autrement dit, il rompt le contrat de confiance passé avec le Kremlin. Et demontre sa volonté de diriger lui-même son parti.


Pour certains analystes, c'est une preuve de courage et d'intégrité. D'autres rappellent, que l'intégrité est arrivée une fois qu'il était en place et qu'il pensait avoir réellement carte blanche pour remonter le parti. Il a pourtant profiter des règles du système pour arriver en place. Mais en comprenant qu'on le faisait jouer justement pour perdre, il a tenté le tout pour le tout. D'autres encore soulignent son manque de sens des réalités politiques russes. D'une manière générale, on ne se conduit pas en politique comme on dirige une entreprise. Et en Russie, toutes les décisions doivent être au préalable concertées et approuvées par le pouvoir. Dont Surkov n'est qu'un exécutant.


Sur le deuxième point, le manque de soutien intérieur, la situation est également plus ou moins claire. Manque de légitimité au départ, communication non concertée, conception autoritaire du pouvoir, prise de décisions sans concertation, manque de souplesse, absence de sens du compromis. Ceci est fatal en politique. Quand celle-ci est réelle. Et ne peut être toujours compensé dans le cadre d'une vie politique virtuelle par un système de prises de décisions contrôlé. Cela montre simplement que Prokhorov n'a pas pris possession de Pravoe delo.


D'où la question centrale: quel avenir politique pour Prokhorov? S'il entre dans l'opposition et le combat avec le pouvoir, certains rappellent que la voie de Khodorkovsky lui est toute ouverte. L'alternative est simple: s'il veut garder son bisness - et accessoirement sa liberté au sein de son pays - soit il se retire discrètement de la politique, soit il accepte de perdre avec le sourire. Autre difficulté, plus personnelle, est son absence de sens politique. Et cela n'a rien à voir avec le Kremlin. Et cela ne s'achète pas.

jeudi 15 septembre 2011

Prokhorov et Pravoe delo: le combat s'intensifie

Vidéo sur Youtube de la tentative de prise de pouvoir de l'intérieur du Parti Pravoe delo par les opposants à Prokhorov (en russe):
http://youtu.be/UPPDZpCPK4k


Les informations concernant la guerre politique intérieure sont contradictoires.

Selon gazeta. ru, Prokhorov continue le combat et ne compte pas laisser Pravoe delo aux mains de Bogdanov. Il accuse l'Administration présidentielle de vouloir prendre le contrôle du parti et certains membres d'inscrire de faux délégués régionaux afin d'obtenir un nombre de voix suffisant pour le faire partir. Ce que semble confirmer la vidéo. Par ailleurs, il a hier, selon les pouvoirs que lui donne le statut du parti, exclu Bogdanov de Pravoe delo et récusé le comité exécutif du parti. Décision qui n'a pas été encore appliquée dans les faits.

Dans kommersant, la tenue de deux assemblées parallèles est annoncée. Ce que confirme la page facebook de Prokhorov qui donne une autre adresse pour la réunion du parti qui commencera le 15. Toutefois, dans cet article, il est question de la possibilité que Prokhorov quitte Pravoe delo et constitue son propre mouvement politique. Là encore, sur sa page Facebook, en plus de déclarer tout faire pour que V. Surkov soit contraint de démissionner, il appelle tous ceux qui le veulent à quitter le parti et à commencer à faire "de la politique sans mensonges".

Si Prokhorov quite Pravoe delo, le parti n'a aucune chance de dépasser les 2%. Mais lui-même, si le combat avec l'Administration présidentielle est réel et n'est pas une opération de communication, va comprendre les difficultés de l'opposition politique russe pour enregistrer des partis politiques et pourra difficilement continuer à prétendre vouloir incarner le deuxième parti du pouvoir.

mercredi 14 septembre 2011

Pravoe delo: le combat intérieur et le nouveau manifeste pour le bisness

A l'occasion de la réunion du parti Pravoe delo, M. Prokhorov a mis en ligne sur son blog la nouvelle version du manifeste du parti (voir ici en russe). Cette variante, qui n'est pas la dernière, a été réalisée par une autre équipe et le renforcement de la tendance libérale plus "classique" se ressent.

En dehors des propositions connues sur le principe électif, la lutte contre la corruption, le monopole économique de l'Etat et l'indépendance des juges dont il a déjà été question (voir notre article ici), quelques nouveautés sont apparues. On peut dire tout de suite qu'elles n'apportent pas grand chose à la qualité du programme, mais permettent de le démystifier. Ce qui n'était pas particulièrement prévu.

Quelques points concernant le système juridique seront relevés.

1) La proposition d'instaurer un recours pour excès de pouvoir contre les agissements des représentants de l'Etat. C'est très bien. c'est très juste ... mais cela existe déjà. Le problème ne tient pas en son existence, mais en son inefficacité.

2) Reconnaître l'exclusivité de la compétence des tribunaux d'arbitrage (qui sont les juridictions spécialisées dans les conflits d'orde économique) pour tous les recours concernant le bisness et l'Etat. Il faut préciser que les tribunaux d'arbitrage ont une compétence déterminée ratione materiae - les conflits d'ordre économique - et non ratione personae, autrement dit leur compétence ne dépend pas de la qualité personnelle des parties. La question se pose alors de savoir qui serait compétent dans le cas où une entreprise commet une infraction qui n'est pas de nature économique, ce qui peut arriver, et également en ce qui concerne les nombreuses activités de l'Etat qui ne sont pas liées avec l'économie. Cette proposition, au lieu de participer à la clarification du système judiciaire, contribue à le déformer encore plus en mélangeant les critères d'attribution de compétence.

3) Dans le même ordre d'idée, les décisions rendues dans ce domaine - économique - doivent être définitives. Intéressant. Mais il faudrait préciser un peu plus, car pour l'instant cela ne veut rien dire. Cela signifie-t-il qu'il faille remettre en cause le droit à un double degrè de juridiction? L'appel doit-il disparaître? Pour quelles raisons? juridiques bien sûr...

4) Les entrepreneurs ne pourront être poursuivis au pénal devant les juridictions de droit commun qu'après la reconnaissance de leur responsabilité devant les juridictions d'arbitrage. Cette proposition flirte entre la mauvaise foi et l'incompétence. C'est confondre logique pénale et logique commerciale ou civile. Dans un cas, le pénal, il y a danger pour l'ordre public. La réaction doit pouvoir se faire rapidement, notamment l'enquête, sans attendre qu'une sorte de parapluie judiciaire se ferme pour laisser la place. Par ailleurs, cette vision des choses tend à confondre les infractions de nature économique - entrant dans la compétence des juridictions arbitrales - et les infractions de nature pénale qui ressortent d'une autre compétence, non hiérarchique puisque matériellement différente. Or, il s'agirait ici d'instaurer une hiérarchie entre les juridictions arbitrales et les juridictions de droit commun, au profit des premières, bien que leur domaine matériel de compétence soit différent. Absurde. Effet annexe: renforcement de l'impunité pour les hommes d'affaire, ce qui est souvent confondu avec du libéralisme en Russie. Mais très à la mode.

Ce virage, plus conforme aux idées avancées par Prokhorov avant qu'il ne travaille avec une équipe de communication aux tendances plus sociales (ce qui s'était vu dans le permier manifeste) et plus conforme aux idées avancées par les libéraux classiques, montre peut être le vrai visage du Parti.

Pourtant, un combat intérieur fait rage avant les élections (voir l'article en russe dans Kommersant ici). Un groupe, dit pro-Kremlin, sous la houlette de Bogdanov, tente d'évincer M. Prokhorov de la présidence, en argumentant du fait que ce n'est pas avec un tel programme que l'on peut gagner des élections. L'inscription sur les listes de l'activiste E. Royzman du groupe "Une ville sans drogue" est également sujet de discorde, puisque ce dernier lutte contre l'inaction des forces étatiques dans le domaine de la lutte anti-drogue.

Trois jours de débats pourront peut être éclaircir la situation. A suivre...

mardi 13 septembre 2011

La voie féodale ou quand les décisions de la Cour suprême n'engagent qu'elle

Бийскому избиркому решение Верховного суда не указ
Коммуниста не хотят признавать мэром


Le leader du parti communiste G. Ziouganov a porté recours auprès du Procureur général Y. Tchaïka en demandant d'ouvrir une affaire pénale pour falsification des résultats de l'élection du maire de Biïska en 2010. La Cour suprême a déjà reconnu la falsification des résultats ayant proclamé la victoire de l'ex-maire soutenu par le parti du pouvoir, A. Mosievsky. Conformément à la décision de la Cour suprême ayant reconnu la falsification des résultats dans un arrondissement électoral, le vainqueur doit être le candidat communiste. Pourtant la commission électorale locale estime que l'affaire a été montée de toute pièce.

Le Parti communiste demande donc simplement l'exécution de la décision de la Cour suprême. D'autant plus que la différence entre les deux candidats était très faible: 70 voix. Le tribunal d'arrondissement avait déjà reconnu une falsification en faveur du candidat soutenu par le pouvoir, à hauteur de 164 voix. Mais la juridiction supérieure a annulé la décision. Suite à cela, la Cour suprême a rétabli la décision du tribunal d'arrondissement, le 10 août 2010 et publié sa décision sur le site officiel le même jour. A ce jour, la décision n'est toujours pas appliquée et les représentants de la commission électorale locale affirment de toute façon ne pas l'appliquer même à l'avenir, puisque, selon eux, l'affaire est entièrement fabriquée. En ce qui concerne l'administration de la ville, pour leur part, ils estiment que dans la mesure où aucun document officiel ne leur est parvenu, ils n'ont rien à faire. La Douma locale affirme également n'avoir rien reçu et a déjà confirmé le maire dans ses fonctions.

Cette situation est symptomatique, au-delà des discours sur la verticale du pouvoir, de l'inefficacité du système étatique dans son ensemble. Les autorités fédérales peuvent prendre les décisions qu'elles veulent, même des décisions de justice, en cas de conflits avec les autorités locales et les intérêts locaux, ceux-ci gagneront ... tant qu'une intervention personnelle ne sera pas faite par un des personnages symboliques de l'Etat. Quand les pouvoirs locaux ne sont pas soumis aux règles générales de l'Etat, mais obéissent en fonction du jeu des intrigues politiques, c'est une forme de néo-féodalisme. Et c'est le nouveau mode de gouvernance qui tend à se développer en Russie, sur les cendres d'un Etat de droit déformé.

lundi 12 septembre 2011

L'exécution des décisions de la Cour européenne par la Russie: de la subjectivité à la mauvaise foi

По страсбургскому счету
Решения Европейского суда в России исполняются только в части выплаты компенсаций
ЮЛИЯ САВИНА


La rentrée parlementaire a apporté une nouvelle surprenante: le projet Torchine, visant à conditionner l'exécution des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme en Russie, n'a pas été formellement retiré. Son examen est simplement repoussé à une date inconnue. Il n'est pas inscrit à l'ordre du jour du mois de septembre, mais le comité spécialisé de la Douma l'examine. Selon les organisations de défense des droits de l'homme, la Russie n'a pas besoin d'un projet de loi spécial pour ne pas appliquer les décisions européennes. L'Etat se contente de payer les sommes auxquelles la Russie est condamnée, sans pour autant modifier ni la pratique, ni la législation.

Selon les experts, la plupart des cas de recours portés par les citoyens russes concernent la non exécution des décisions de justice rendues par les juridictions nationales, concernant des conflits liés à la vie courante. Ainsi, par exemple, une grand-mère obtient par la justice une reconnaissance du droit à une augmentation de sa pension de rentraite. Pourtant, les services compétents ne lui reversent pas la somme légalement prévue. Seulement après un recours devant la CEDH, elle peut percevoir son dû.

Dans d'autres cas, par exemple suite à l'affaire Kalachnikov contre Russie, liée aux conditions inhumaines de détention, une réforme du système pénitentiaire a été lancée. En revanche, malgré les nombreuses condamnations de la Russie liée aux agissements en Tchétchénie (disparition, torture...), aucune mesure significative n'a été prise.

Bien que la Russie ait pris l'engagement de veiller à l'exécution des décisions européennes sur son territoire, trop souvent elle se réfère à la souveraineté pour ne pas les appliquer ou les appliquer sélectivement.

Le ministère de la justice ne partage absolument pas cette appréciation des faits. Selon le ministère, la Russie exécute en totalité les décisions de la Cour européenne de Strasbourg, aucun reproche ne peut lui être fait à ce sujet. Selon le directeur de l'appareil du représentant russe auprès de la CEDH, A. Fedorov, les décisions s'appliquent à 99,9%. Selon lui, elles ne sont obligatoires qu'en ce qui concerne la partie résolutoire de la décision, ce qui en général se résume en le versement d'une prestation compensatoire. De plus, A. Fedorov est persuadé que les décisions de la CEDH ne contiennent aucunes dispositions impératives stipulant quelles mesures concrètes sont à la charge des Etats. En ce qui concerne, par exemple, la condamnation de la Russie pour le refus d'enregistrement du Parti Républicain, il n'était pas précisé que la Russie devait "rétablir" le parti ou "l'enregistrer". La procédure d'enregistrement a été reconnue violant la Convention, elle a donc été interrompue. Mais cela ne signifie pas qu'il faille la reprendre automatiquement, le parti doit recommencer toute la procédure par lui-même.

Les organisations de défense des droits de l'homme soutiennent évidemment pour leur part que la Russie doit non seulement payer, mais également prendre les mesures nécessaires pour que la situation ne se reproduise pas.

Par exemple, malgré la décision Alexeev contre Russie, quelques mois plus tard, Moscou a refusé la tenue d'une manifestation homosexuelle, refus deux fois confirmé par la justice.

Les violations systématiques de la Convention par la Russie peuvent lui causer des soucis au sein du Conseil de l'Europe, et ce allant jusqu'à son exclusion et en passant par le retrait du droit de vote à l'Asemblée parlementaire européenne.

Le formalisme juridique en Russie atteint des degrès impressionnants de mauvaise foi. Il n'est pas possible qu'une personne qui travaille au sein de l'appareil de représentant russe auprès de Strasbourg puisse tenir un tel discours en toute sincérité. La Cour européenne devrait peut être essayer d'indiquer avec encore plus de précision quelles mesures les Etats doivent prendre, comme une maîtresse d'école devant des enfants de 5 ans. Le pouvoir russe comprendrait peut être alors. Mais les représentants du pouvoir russe n'ont plus 5 ans depuis longtemps et dans ce cas la question de la souveraineté se poserait vraiment. Faire partie d'une organisation comme le Conseil de l'Europe n'est pas seulement un moyen de montrer à moindre frais son orientation politique européenne, cela comporte des obligations réelles que la Russie n'est pas toujours prête à assumer