Les organes de la société civile et du pouvoir se regardent en chien de faïence depuis un certain temps. L'adoption de la loi sur les ONG financées par l'étranger et exerçant une activité politique en Russie (loi copiant littéralement la loi américaine appelée FARA) et la campagne de vérification lancée récemment pour vérifier l'application du texte, ont renforcé la méfiance de part et d'autre.
En réaction à cela, le Conseil pour les droits de l'homme auprès du Président de la Fédération de Russie a adopté un projet de loi renfoçant les prérogatives des ONG enregistrées en Russie en matière de contrôle de l'activité des organes publics. Ils veulent ainsi rendre plus transparente l'activité des organes publics, les contraindre à agir dans le cadre strict de la légalité.
En effet, selon le projet de loi, entre dans les compétences des ONG la vérification de l'activité des organes publics, qui sont obligés de publier un compte-rendu d'activité suite au contrôle exercé.
Le problème majeur de cette disposition est que les contrôleurs seront contrôlés par les contrôlés. Va rapidement se poser un problème d'objectivité. Problème qui risque de jeter le discrédit sur la société civile elle-même. C'est peut être pour cette raison que le projet de loi a été pour l'instant si bien accepté.
D'autres questions se posent, plus conceptuelles. Si les ONG ont le droit de demander des informations sur l'activité des organes publics les contrôlant, si elles peuvent mener des enquêtes, quelle sera la force juridique des résultats de l'enquête? Quelles informations auxquelles elles n'ont pas accès aujourd'hui pourront leur être ouvertes? Cela n'entre-t-il pas plutôt dans les compétences de la Prokuratura? Le risque systémique de ce projet de loi est de renforcer la déformation du système si les mesures prévues sont effectives, en diminuant d'autant la légitimité des organes étatiques. Effet diamétralement opposé à celui officiellement affiché par le texte. Dans le cas contraire, c'est la réputation des ONG qui risque d'être mise en cause. D'une manière générale, cela risque de ne rien changer sur le fond, sauf à entraîner une surmédiatisation de questions choisies pour des raisons d'intérêts stratégiques de part et d'autre.