Voir: http://www.youtube.com/watch?v=XZSG7dpDz5o
Lors de son discours devant les membres du Club Valdai et ensuite lors des réponses aux questions, le Président Poutine a non seulement réaffirmé la souveraineté russe, mais a voulu montrer la relativité de l'idéal démocratique.
Beaucoup de questions ont été traitées dans ce discours, nous en retiendrons une. Que signifie la souveraineté aujourd'hui?
En rappelant que la Russie est un Etat souverain dans un monde globalisé, V. Poutine a directement lancé une pique aux Etats européens, qu'il a qualifié, sans les nommer, d'Etats ayant abandonné leur souveraineté au profit de l'alignement atlantiste. Ce que, par exemple, la position de la France sur le dossier syrien démontre s'il en était encore besoin.
Car l'enjeu de nos Etats modernes est bien ici: trouver un juste milieu entre la mondialisation et la défense des intérêts nationaux, entre l'intégration et la confrontration. Qu'il s'agisse de la vie politique ou du développement économique, tout Etat est pris dans un maillage de plus en plus intense d'accords et d'obligations, qui peuvent mettre à mal la défense de ses intérêts nationaux. Car il sera le seul à vouloir et pouvoir défendre les intérêts de ses citoyens, aucun autre Etat ne le fera à sa place. Il ne sert à rien de critiquer les Etats Unis, la Russie ou même l'Allemagne, ils jouent leur jeu dans un monde globalisé. Ils remplissent leur mission, la mission pour laquelle un Etat est nécessaire.
La mise en place de ce nouveau mode de gouvernance en Russie a quelque peu destabilisé ses partenaires, européens ou américains, car la Russie est sortie du clivage classique de la soumission des années 90 ou de la confrontation soviétique. Si elle s'oppose, comme que le dossier syrien, elle propose une solution de sortie de crise. Si elle prévient quant à l'intégration de l'Ukraine dans l'UE, elle explique rationnellement sa position: la protection de son marché intérieur. Quand Snowden demande l'asile politiquz, elle ne saute pas sur l'occasion pour mettre à mal les Etats Unis, mais elle prévient, au contraire, qu'elle ne soutiendra pas une activité politique contre les Etats Unis, elle ne le recrute pas. Autrement dit, la Russie a changé les règles du jeu. Et le discours de ses opposants s'en trouve décalé.
Si la transition juridique a pris fin au début des années 2000 avec le fonctionnement régulier des institutions étatiques, la transition politique vient de s'effacer au profit d'une gouvernance rationnelle et forte, respectueuse du droit internationale et des intérêts intérieurs du pays.
Et ce nouveau modèle de gouvernance internationale n'a été possible qu'avec la fin du complexe de manque de démocratie. Il ne s'agit pas d'affirmer que tous les problèmes intérieurs de fonctionnement de l'Etat ont été réglés, mais de s'attacher rationnellement à leur résolution. Il s'agit également d'affirmer une hiérarchie de valeurs qui soit propre à la Russie, comme Etat souverain. Il s'agit également de regarder ces problèmes comme en partie inhérents au système démocratique, comme en partie hérités du passé propre de la Russie, sans remettre en cause les valeurs propres au pays. Dans tout système démocratique, la minorité doit reconnaître le pouvoir de la majorité, l'opposition russe doit s'y plier si elle veut réellement défendre l'idée démocratique. Il sera alors possible de sortir du clivage entre opposition systémique et non systémique: l'opposition fait partie du système, elle lui donne son équilibre, quand elle accepte les règles du jeu. Autrement dit, une distinction très forte a été formulée: on ne touche pas aux valeurs, mais l'on modernise les mécanismes.
Par ailleurs, il n'existe pas dans les faits de système idéal. La démocratie est un but qu'il n'est pas possible d'atteindre. Mais il doit y avoir un consens social, tout à la fois sur l'état des choses et sur les moyens d'améliorer le système. Sans toutefois tomber dans l'excès ou fanatisme, qui ne pourraient que détruire le système.
Autrement dit, si à l'époque le discours de Munich de V. Poutine avait positionné la Russie dans un nouveau tournant, ce discours-ci vient d'affirmer le retour de la Russie comme un des acteurs-clés, et sûr de lui, tant au niveau international qu'en matière de politique intérieure.