Voir:
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=REPORT&reference=A7-2014-0009&language=FR&mode=XML
http://www.gazeta.ru/social/news/2014/02/06/n_5928529.shtml
L'hystérie, qui se décuple autour de la Russie à l'occasion de l'ouverture des JO de Sotchi, hystérie qui n'a strictement aucun rapport avec le sport, dont tout ce monde semble se moquer comme de sa première couche culotte, concerne notamment la question de l'interdiction de la propagande homosexuelle chez les mineurs.
Pour ceux, nombreux, qui parleraient de cette loi sans l'avoir lue, faute de le pouvoir, faute de le vouloir, je précise encore une fois qu'il s'agit bien de l'interdiction de la propagande chez les mineurs et non d'une pénalisation de l'homosexualité.
Des prix nobels de la paix, qui n'ont certainement pas lu le texte de loi incriminés, envoient une lettre au Président russe pour qu'il revienne sur cette infamie, des artistes de différents pays feraient de même ... la lettre n'est simplement pas encore arrivée. Bref, quelle horreur, il faut se battre pour la propagande, surtout chez les mineurs. Cela semble donc être le message de paix de notre époque. A chaque époque ses combats.
Et l'enjeu est bien là. C'est bien ici la source de cette hystérie collective qui n'a rien à voir avec la défense des droits des homosexuels, puisque parallèlement, les réactions se radicalisent à leur égard et personne ne veut faire le lien entre les dérives du combat pour avoir le droit de vivre librement sa sexualité et le fait que la majorité, face aux dérives, ressente elle aussi une agression contre son mode de vie. Bref, ce n'est pas la recherche d'un consensus social, ce qui serait raisonnable, mais la recherche des moyens de modifier le vivre ensemble. Et ici, le choix politique fait par la Russie choque d'autant plus qu'il s'oppose frontalement à la méthode politique choisie par l'UE, et donc transmise à ses membres.
Pourquoi vouloir libéraliser la propagande chez les jeunes? Car l'école de la république forme les esprits des futurs adultes. Donc pour modeler une société, il faut s'attacher à la formation des esprits des plus jeunes. Le combat républicain français sous la Troisième République le savait parfaitement, l'Union soviétique faisait de même avec ses Oktiabriates.
Alors que la Russie veut sciemment protéger la jeunesse de la propagande, pour que l'image de la famille ne soit pas modifiée, l'UE adopte une feuille de route intéressante contre l'homophobie et les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, appelé par les médias Rapport Lunacek. Cette feuille de route ne contient évidemment aucun injonction qui puisse faire bondir, mais quelques remarques s'imposent.
Tout d'abord, l'utilisation de l'expression "les droits fondamentaux des LGBTI" fait sourire. Les juristes connaissent le terme de droits fondamentaux de l'homme, car ces droits sont attachés à la nature humaine. Les LGBTI, en tant qu'êtres humain, possèdent les mêmes droits que chacun. Stigmatiser de cette manière revient de facto à en faire une sous-catégorie, mais juridique ou humaine? D'un point de vue humaniste, la démarche est dérengeante. D'autant plus que la démarche ne s'arrête pas aux frontières de l'UE, mais l'attention doit être portée également en dehors de l'UE. Il y a donc bien une politique propagandiste, voire d'ingérence.
Ensuite, "la Commission devrait (...) contrôler les échanges de bonnes pratiques entre les Etats membres". Et la notion de contrôle et la notion imprécise de "bonnes pratiques" fait quelque peu réfléchir. N'y a-t-il pas atteinte à la souveraineté des Etats dans ce contrôle dont l'objet est on ne peut plus flou?
Passons sur beaucoup d'autres aspects intéressants, comme l'incitation des Etats à ne pas revenir sur leur législation garantissant les droits des LGBTI, incitation à la développer. Passons, pour s'arrêter sur un point, celui concernant l'éducation:
" i) la Commission devrait promouvoir l'égalité et la lutte contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans l'ensemble de ses programmes destinés à la jeunesse et à l'éducation;
ii) la Commission devrait faciliter les échanges de bonnes pratiques entre les États membres en matière d'apprentissage formel, y compris pour ce qui concerne les supports d'enseignement et les politiques de lutte contre le harcèlement et la discrimination, par le biais de la méthode ouverte de coordination;
iii) la Commission devrait faciliter les échanges de bonnes pratiques entre les États membres à travers l'ensemble des politiques menées par ces derniers dans les domaines de l'éducation et de la jeunesse, y compris par les services d'aide sociale et d'aide sociale à l'enfance, par le biais de la méthode ouverte de coordination;"
Il s'agit bien de faire entrer la discussion sur l'homosexualité à l'école, dans les programmes, de pouvoir avoir recours aux services d'aide à l'enfance etc. C'est un choix politique, c'est un choix pour une autre société. Mais ce n'est qu'un choix, donc il est possible d'en faire un autre. ce n'est pas une Vérité incontestable. La Russie a fait un autre choix. Pas celui de la condamnation de l'homosexualité, mais celui du refus de la propagande. La loi qu'elle a adopté n'est pas une loi homophobe, mais une loi anti-propagande. Et en ce sens, sa démarche va à l'inverse de la démarche choisie par l'UE.
Il faut dire que la Russie a déjà connu l'Union soviétique et son idéologisation forcée, qu'elle en est revenue. Il parait que chacun doit faire ses propres erreurs pour apprendre, espèrons que cela ne coûtera pas trop cher aux nations européennes.