Voir:
http://www.ej.ru/?a=note&id=11738 et
http://www.grani.ru/Society/Media/Television/m.195310.htmlDimanche soir, la télévision russe a rompu avec une tradition bien ancrée: des représentants de l'opposition "non systémique" ont été invités en prime time pour s'exprimer sur la politique du pays sur NTV et sur Pervyi kanal.
L'information n'a été reprise que par certains médias libéraux, comme le site d'opposition grani.ru ou Ejednevnyi journal. Posant plus de questions que n'apportant de réponses.
Et le plus intéressant est que cette opposition elle-même n'ose y croire. A du mal à comprendre ce qui se passe. Comme si elle était surprise de cette réussite. Comme si elle avait peur de ne savoir comment rentabiliser à long terme cette victoire, pour que ça ne finisse en feu de paille.
En effet, B. Nemtsov (PARNAS) et la journaliste de l'année O. Romanova dans l'émission "NTVchniki", cette même émission dont les journalistes avaient "attaqué" l'association Golos avant les législatives. V. Ryjkov sur Pervyi kanal, avec Jirinovsky et Gudkov, dans l'émission de Gordon.
Jusque là, depuis les manifestations, ils avaient pu faire quelques apparitions sur les grandes chaînes, un mot par-ci, une phrase par-là, mais pas d'accès suffisant pour faire passer des idées. Sauf pour O. Romanova que l'on voyait très souvent sur les chaînes.
Toutefois, le mouvement était lancé. La muraille s'est effritée, une brèche a été ouverte dimanche.
Comment comprendre ce fait constaté?
Tout d'abord, en ce qui concerne les personnes invitées. Les positions de Nemtsov sont connues, depuis longtemps et il a atteint le seuil de son potentiel politique. O. Romanova est plus dans l'activisme que dans le projet politique, dont la Russie a un urgent besoin aujourd'hui. Ryjkov, lui, partageant les mêmes idées que Nemtsov, les exprime avec plus de talent, mais les risques, pour les mêmes raisons, sont minimes pour le pouvoir. D'autant plus qu'il est mis aux côtés de Jirinovsky, personnage caricatural.
Ensuite, on remarquera des absents. Iachine qui développe un discours constructif d'opposition. Et Navalny représentant le nationalisme politique et le libéralisme économique. Ces deux personnages peuvent représenter un plus grand danger. Car ils ne sont pas caricaturaux. Et leur potentiel politique est difficile à estimer encore. Ils n'ont pas atteint leur seuil.
Mais quoi qu'il en soit, la porte a été ouverte. Et c'est une démarche très intelligente de la part du pouvoir. Tout d'abord, puisque depuis les manifestations, les positions de l'opposition sont connues, donc il n'y a pas de risque majeur à leur donner de l'audience. Ensuite, cela permet évidemment de faire sortir la vapeur avant les élections présidentielles. Mais surtout, l'opposition ayant eu accès aux grands médias nationaux, met son discours dans le débat public. Ce qui ouvre la porte également à la discussion ... et à la critique. Normaliser le discours d'opposition, c'est aussi normaliser la critique de ce discous. C'est éviter le risque d'une "dictature de la minorité".
Autre effet que l'on peut relever: s'il y a un espace d'expression, il faut le remplir. Et l'on sent ici la panique de certains opposants. On ne peut le remplir avec une critique constante, il faut aussi proposer, développer un discours positif, une Idée pour le pays. Si le pouvoir joue bien cette partie, il peut en sortir renforcé. Parce qu'il normalise les règles du jeu et que c'est à l'opposition maintenant de prendre ses responsabilités devant le peuple et plus seulement devant ses partisans. Les gens pourront alors vraiment juger sur pièce.