Un conflit sans précédent s'est produit à la Cour constitutionnelle à l'initiative du représentant du Président de la Fédération de Russie lors de la séance d'examen de la constitutionnalité de la procédure écrite de l'appel, dans laquelle les parties ne sont pas informées personnellement de la date d'examen de l'appel de leur affaire par les juridictions concernées.
En effet, le représentant du Président de la Fédération de Russie a demandé le désistement du juge constitutionnel rapporteur en raison de ses positions connues en la matière (qui ne concordent pas avec celles du représentant), ce qui poserait un problème d'objectivité d'examen de la question par la Cour constitutionnelle. Une telle démarche est une première.
Le président de la Cour constitutionnelle, V. Zorkine, a rappelé qu'un juge peut être désaisi en cas de conflit d'intérêt, ce qui n'est pas le cas ici. Tous les juges constitutionnels ont fait bloc pour rejeter la demande du représentant du Président russe. Ce pas est important, car il démontre un esprit de corps qui peut sauvegarder l'indépendance de l'institution.
Sur le fond, il s'agit de la question de la constitutionnalité de la procédure d'appel. Pour des raisons techniques, l'appel est soumis à une procédure écrite. Mais sourtout la date de l'examen par la cour de l'appel n'est pas signifié personnellement aux parties. Cette procédure, selon les requérants, ne leur permet pas de réaliser totalement leur droit à un procès équitable.
Le représentant de la Douma explique que de cette manière la justice fait de grosses économies, puisqu'il n'est pas nécessaire d'envoyer des milliers de lettres par la poste. De plus, selon le représentant du Président et le représentant de la Cour suprême, une procédure orale n'est pas exigée, notamment par la CEDH, lorsqu'il n'y a pas de conflit sur l'établissement des faits. Et cela permet de ne pas allonger inutilement la procédure. D'autant plus que les dates d'examen des affaires sont à l'avance publiées sur le site internet de la juridiction concernée. La Cour constitutionnelle se prononcera d'ici un mois.
Même si la procédure est écrite, cela ne signifie pas que les requérants n'aient pas à être informés de la date de l'audience lors de laquelle leur affaire sera examinée. Ce sont deux questions différentes. Et ce n'est pas à eux de chercher partout sur internet, de chercher une connexion internet, pour suivre chaque jour le moment où cette information sera publiée. C'est au service public de la justice de le faire, jutement parce qu'il s'agit d'un service public et non d'un privilège. L'argument des économies a souvent été avancés, notamment en matière d'euthanasie, dans différents pays. Dans cette logique, il coûte moins cher aux services d'Etat de pratiquer l'euthanasie que de soigner une personne malade jusqu'à la fin. C'est certainement vrai. Mais là n'est pas la question.
La question est de savoir quelle conception de l'Etat et des services publics la société entend défendre. Soit l'Etat et les services publics fonctionnent dans une logique fermée et se justifient par eux-mêmes, soit ils n'ont de sens que lorsqu'ils sont au service des individus. Et cela concerne aussi la justice, qui est avant tout un service public.