Lundi ont pris fin les dernières négociations entre l'UE et la Russie à propos de l'application de l'accord d'association UE-Ukraine qui doit entrer en vigueur au 1er janvier 2016. Ces négociations se sont terminées sur des paroles peu avenantes de la délégation européenne, se levant et déclarant que le jeu est terminé. Pour autant, la presse continue à faire reposer la faute sur la Russie.
Dans la presse frnaçaise, la situation est simple. Comme l'écrit Le Monde:
"« Nous n’étions pas loin de trouver des solutions, mais il n’y a pas eu aujourd’hui assez de flexibilité du côté russe pour y parvenir », a déploré la commissaire européenne en charge du commerce, Cecilia Malmström, après un ultime round de discussions qui a tourné court à Bruxelles. « Il n’y aura plus de négociations tripartites de la sorte », a-t-elle encore insisté. (...) « Nous étions prêts à faire tous les efforts nécessaires pour trouver un terrain d’entente. Mais j’ai été profondément surprise par le décret signé le 16 décembre par le président Poutine », a souligné Mme Malmström, y voyant « une mesure allant à l’encontre de l’esprit des discussions » tripartites."
La presse reconnait quand même que cet accord doit porter atteinte aux intérêts économiques russes, mais semble ne pas comprendre pourquoi la Russie défend ses intérêts. Si l'on regarde la situation du côté de la presse russe, l'on comprend mieux en quoi les conditions posées par l'UE ressemblent plus à un ultimatum qu'à des négociations équitables.
L'UE exige de la Russie qu'elle passe aux standards européens de production, ce qui entraîne des investissements colossaux. Pour cela, il faut du temps, afin que l'économie du pays n'en pâtisse pas, pour que les gens ne se retrouvent pas à la rue, sans travail. En attendant, la production russe ne pourra évidemment pas entrer sur le marché européen, alors que la production européenne pourra envahir le marché russe par l'intermédiaire de l'Ukraine. Dans la mesure où la délégation européenne n'a pas voulu expliquer comment il était possible de protéger le marché intérieur, la Russie réintroduit des droits de douane avec l'Ukraine, c'est-à-dire une frontière commerciale. L'Ukraine est en droit de plomber son économie, mais la Russie n'a pas à en payer les frais.
Le ministère russe des affaires étrangères considère que les "négociations" menées par la délégation européenne n'en avaient que le nom. Déclarer que le jeu est terminé, refuser de discuter des questions épineuses, se lever et partir est très loin des traditions diplomatiques européennes. Les hommes politiques russes estiment que faire reposer la faute sur la Russie après cela est pour le moins cynique.
L'on peut comprendre sans trop de difficultés l'intérêt de l'UE à ces négociations:
- maintenir le couteau ukrainien sous la gorge russe et l'utiliser comme un élément du chantage aux sanctions;
- faire pression sur la Russie pour pouvoir pénétrer son marché, comme cela a été fait avec les pays de l'Est, c'est-à-dire en obligeant dans un temps record à passer à un autre niveau de standard en faisant miroiter l'accès à un marché qu'ils n'ont pas eu et la désindustrialisation réelle du pays, avec les conséquences socio-économiques que nous connaissons. Car ne pouvant s'adapter, de nombreuses entreprises doivent simplement fermer la porte.
- L'Ukraine fait un choix qui est exclusif: soit le libre échange avec la Russie, soit avec l'UE. Mais l'appartenance concomitante aux deux marchés libres n'est pas possible dans les conditions actuelles de production.
- La "souplesse" demandée à la Russie n'entraînera pas la suspension des sanctions, puisque la décision finale n'appartient pas à l'UE, ni aux pays membres.
- La Russie ne pourra pas pénétrer le marché européen, qui est en train de négocier l'accord de libre échange avec les Etats Unis.
- Les mises aux normes exigées peuvent être intéressantes pour la Russie, si elles sont faites intelligemment, c'est-à-dire en prenant le temps de renforcer et non de détruire la force de production intérieure. Le but réel étant la pénétration du marché russe, tout en bloquant l'accès au marché européen.
Il semble y avoir en Russie, et dans les milieux dirigeants également voire à la tête de l'Etat, une forme exagérée de respect ou d'admiration pour le marché européen, la force de l'euro. Tout simplement parce qu'il y a un culte général du marché et de la consommation, du business comme rampart contre le soviétisme. Comme si le problème était là. C'est une explication non négligeable, même si ses conséquences peuvent être néfastes pour la Russie.
Par ailleurs, et cela ne concerne pas que la Russie, il y a un blocage dans les systèmes de gouvernance. Est revenue sur le devant de la scène cette difficulté, voire impossibilité dans certains cas, à prendre une décision, à faire un choix et à l'assumer. La Crimée mise à part, le Donbass reste en suspend, les relations avec l'Ukraine sont hors contrôle, les relations avec l'UE flottent dans une acide hypocrisie. Le conflit ne peut et ne doit être ouvert, car il rappellerait l'Union soviétique et sa fermeture. Mais ces recherches perpétuelles du compromis dans la gouvernance rappelle également la méthode soviétique, en ce qu'elle ne permettait pas de résoudre un conflit ouvert. Tout problème devait être résolu dans les couloirs et antérieurement à l'officialisation du processus, qui une fois lancé ne pouvait conduire qu'à un accord général. Ici l'UE et la Russie sont victimes du même problème, pour des raisons différentes, et lorsque le conflit ne peut être caché, le système craque.
La Russie serait largement gagnante à dire directement non aux négociations sur l'Ukraine, à laisser l'Ukraine économiquement plonger - elle ne peut objectivment faire autrement - et quand il n'y aura plus de solutions, à laisser l'UE revenir vers elle. Car elle reviendra, elle non plus n'a pas le choix. Mais ce sera alors à d'autres conditions.
Car il est tout de même surprenant de négocier des arrangements entre zones de libre échange avec des gens qui viennent juste de prolonger des sanctions à l'égard de votre économie...
Les sanctions signifient la guerre économique face à une puissance émergente. C'est piper les dès pour continuer à profiter d'une situation qui se dégrade pour l'occident...
RépondreSupprimerLa Russie ne doit pas faire les erreurs agricoles et commerciales des pays occidentaux et pays de l'est récemment entrés dans l'UE. Nous sommes en train de crever de la dégradation de notre environnement. Il faut réfléchir en amont à une véritable économie durable. Éviter de produire les déchets et emballages que nous ne savons pas éliminer sans polluer (incinérateurs, décharges, etc...). Nous croulons littéralement sous tous ces déchets... Il faut également réfléchir à une production agricole raisonnée et sans emploi massif de pesticides qui lessivent les sols , les rendant durablement pollués et exterminant les abeilles et insectes... Et enfin si des normes doivent être trouvées , faire en sorte que celles de la Russie soit un label supérieur Bio et écologique afin que ces produits soient demandés par les consommateurs de l' UE. Il faut que le Label qualité de la Russie soit supérieur aux normes européennes...Le Pseudo retard agricole à l'Est est au contraire une force qui permettra de ne pas reproduire les erreurs occidentales en travaillant sur le durable. Penser comment par exemple l'avance industrielle de la GB s'est transformée en handicape quand les usines sont devenues obsolètes face à l'industrialisation des pays émergents (Allemagne, ...) à la fin du 19ème siècle. A méditer... Tout retard peut devenir avance si l'on ne reproduit pas les erreurs.
Bravo.
SupprimerL'Ukraine et l'Europe veulent le beurre et l'argent du beurre. On ne négocie pas de cette façon avec Poutine.
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