Olga Vassilieva, nouvelle ministre de l'enseignement et de la recherche fait partie de ces rares personnalités que l'on sent capable de rester droite au milieu d'une tempête et d'en ressortir sans avoir été décoiffée. Et elle aura besion de toute cette force de caractère et de conviction pour remettre en place un ministère crucial, malmené par ses prédécesseurs séduits par les charmes des réformes expérimentales. Un virage politique est pris, l'éducation et la recherche sortent de la sphère d'influence des néolibéraux. Ce qui ne va pas se passer simplement.
La presse dite "libérale" crtique, sans toujours se cacher derrière des formules de politesse, cette nouvelle ministre qui ose ne pas rejeter en bloc l'enseignement soviétique et soumettre à un esprit critique les expérimentations récentes. Il faut dire que d'un pays, l'Union soviétique, qui garantissait un niveau de formation général non égalé, la Russie est tombée, de réforme post-moderne en réforme néo-libérale à un système destructuré ne permettant ni l'apprentissage, ni la réflexion et difficilement la recherche.
Exemples pour illustrer l'étendue des dégâts:
- Fin des compositions écrites et des examens oraux, le tout remplacé par des tests à choix multiples, auxquels les élèves sont préparés dès le primaire;
- introduction de matière inconsistante comme "le monde qui nous entoure" où l'on peut trouver comme question au test de fin d'année pour l'équivalent du CM1 "quel shampoing est meilleur pour les enfants?" et dont le programme passe du Bénélux (sans avoir appris la géographie de l'Europe) aux règles de circulation automobile;
- la mise sous tutelle des instituts de recherche de l'Académie des sciences qui doivent justifier l'intérêt scientifique de programmes de recherche devant des fonctionnaires qui "gère le patrimoine" de l'Académie, puiqu'ils n'ont plus de budget;
- la composition du salaire des enseignants fortement dépendant de facteurs extérieurs: primes, fonds etc Ce qui les pousse à inscrire les enfants à toute une série de concours inutiles organisés on ne sait par qui, par exemple.
- Désengagement de l'Etat dans le financement de la recherche, laissé aux entreprises et diverses fondations;
- Destructuration de l'enseignement professionnel et technique.
Ces mêmes milieux qui ont immédiatement voué une haine à la nouvelle ministre de l'éducation et de la recherche. Et son parcours et ses positions dérangent.
Olga Vassilieva a une formation en culturologie, en histoire et en relations internationales. Sa thèse avait porté sur la question des relations entre l'Eglise orthodoxe et le pouvoir soviétique dans les années 43-48. La question religieuse a toujours occupé son esprit et explique aussi son parcours d'enseignant-chercheur, thème récurrent dans ses publications scientifiques. Elle entre ensuite à l'Administration présidentielle en 2012 et va s'occuper de la mise en place d'un nouveau manuel d'histoire et de la restructuration du programme. Elle fait également partie de l'association internationale de l'histoire des religions et du comité scientifique de plusieurs revues comme Religion et sciences.
Cet intérêt non caché qu'elle porte à la religion orthodoxe, au fondement de la culture russe et de la construction de l'Etat en Russie, dérange ces nouveaux "progressistes", dont l'attitude est plus empreinte de bolchévisme à l'égard du religieux que de tolérance. Elle reçoit alors l'estampillage "conservateur", ce qui vaut bannissement pour ces milieux.
Et son discours confirme en effet leurs pires craintes, nous redonnant par la même espoir. En ce qui concerne l'enseignement, le ton change. Le système de test automatique auquel les élèves sont formés au long des années pour arriver, comme elle le souligne, dans un état qui ne leur permet pas d'écrire, d'argumenter et de réfléchir à l'Université doit être remis en cause. Si les tests peuvent, dans une certaine mesure être gardés, des compositions et des oraux doivent être réintégrés, ainsi que des exercices dans les sciences dures. D'une manière plus générale, l'idée de développer l'enseignement on-line est abandonnée, les salaires des enseignants et des chercheurs vont être revalorisés et les problèmes budgétaires ne peuvent être invoqués, l'Etat a la charge de l'enseignement et de la recherche, il faut relancer l'enseignement professionnel en étroite colaboration avec les entreprises, etc. Le temps est arrivé où l'on affirme enfin que le succès de ce domaine dépend surtout de la qualité des hommes et pas uniquement de la quantité d'ordinateurs dans la salle de classe, du tableau électronnique ou de la construction d'une piscine dans l'école.
Il s'agit bien d'un tounant profond dans la politique intérieure russe et dans le discours du Gouvernement. Un tournant qui était grandement attendu et redonne espoir. Comme O. Vassilieva l'affirme, il ne s'agit pas de tout rejeter, il faut bien analyser ce qui a été fait et prendre de chaque système, du système soviétique et des inovations récentes, ce qu'il y a de meilleur pour former cette nouvelle génération, qui est l'avenir du pays.
Enfin un discours constructif et sain. Espèrons qu'il fera tâche d'huile au sein d'un Gouvernement qui en a bien besoin.
Il nous faudrait la même en France. Elle paraît avoir les deux qualités essentielles pour réussir: la compétence et la volonté.
RépondreSupprimerEnfin! Cela me donne l'espoir que la Russie jugulera l'infection culturelle qui a perdu l'Europe.
RépondreSupprimerLes choses vont dans le bon sens comme ceci également :
RépondreSupprimerhttp://lesakerfrancophone.fr/poutine-feu-vert-pour-les-nationalistes-economiques-en-russie
Merci pour cet article. Nulle part ailleurs nous ne trouvons une telle information pourtant primordiale. J'étais restée sur la vision de Wolfgang Leonhardt lorsqu'il décrit son passage dans les écoles soviétiques des années 50 dans son oeuvre majeure "Die Revolution entlässt ihre Kinder" (a peu près:"La révolution congedie ses enfants "). On peut lire une description, non enjolivee par une idéologie lenifiante car sur le reste pas de concessions, d'un système éducatif extrêmement sérieux et efficace qui forme des élèves armés pour une pensée qui leur permettra d'affronter le monde et ses contradictions. C'est sans doute ce qui dérange, mais pas seulement en Russie... espérons qu'il gagne Vassilieva réussira.
RépondreSupprimerUn tel ministre en France, remarquable de clarté et de pragmatisme ne peut s'y concevoir car les patchworks politiques gouvernementaux n'auront jamais aucune consistance tant que la Constitution ne permettra pas l'arrivée de vrais chefs d'Etat compétents et non surgis de la nébuleuse des copains énarques ou autres qui n'ont aucune qualification ni légitimité.Dans le système actuel la France n'aura jamais de Chef d'Etat mais uniquement des marionnettes dépendantes de l'Audimat et du vent de la politique qui n'est pas celui de la raison
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